Nationalisation de l’assurance-chômage 

Nationalisation de l’assurance-chômage 

En reprenant la main après l’échec des négociations sur la convention Unédic, M. Macron est le premier président à aller au bout de la logique du toujours plus d’Etat, souligne notre journaliste Jean-Michel Bezat dans sa chronique.

Chronique. Dans le panthéon de l’histoire sociale, deux figures tutélaires se font face et s’opposent : Otto von Bismarck et William Beveridge. A la fin du XIXe siècle, le chancelier allemand (1815-1898) a créé des assurances sociales financées par des contributions assises sur les revenus du travail. L’économiste britannique (1879-1963), lui, a pensé en 1942 un Etat-providence consommé par l’impôt, moins généreux mais universel. Après la seconde guerre mondiale, la France s’est principalement emportée du modèle allemand pour fonder la Sécurité sociale, sans renoncer à un idéal d’universalité qui en a fait un système hybride.

Le gouvernement se tourne aussitôt vers Beveridge avec le « système de solidarité » présenté par le Président de la République lors de sa campagne présidentielle. Puisque les droits ne sont plus attachés à un statut social fixe mais à une personne au parcours professionnel plus erratique, expose le chef de l’Etat, « la protection sociale doit désormais se fonder sur l’individu pour ne laisser personne au bord de la route ». Une philosophie qui s’est exigée pour l’assurance-maladie ou les appuis familiaux, et qui vient de s’étaler à l’assurance-chômage.

Une bonne mesure de mauvaise foi

Car l’Etat a bien « nationalisé » l’assurance-chômage, même si celle-ci reste pour une part rétribuée par les revenus du travail. Le mot a été délaissé par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, après l’échec des contestations patronat-syndicats, inaptes de s’accorder sur une nouvelle convention pour l’Unédic, qui croule sous une dette de 35 milliards d’euros (financée grâce à la garantie de l’Etat). M. Macron les a reprochés, jeudi 21 février : « On est dans un drôle de système où chaque jour, dans le pays, on dit “corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire” et, quand on donne la main, on dit : “Pardon Monsieur, c’est dur, reprenez-la.” »

Il lui faut une bonne dose de mauvaise foi pour attribuer cet échec aux partenaires sociaux. Il ne les a pas « laissé faire », puisqu’il leur a exigé, avant le début des négociations, une lettre de cadrage prévoyant 1 milliard d’euros d’économies par an et un malus pour les entreprises abusant des contrats courts. Il faut aussi un zeste de cynisme pour produire les corps intermédiaires, lui qui en a fait si peu de cas depuis son élection. En reprenant la main, M. Macron est le premier président de la République à aller au bout de la logique du toujours plus d’Etat et à attirer les leçons d’une tendance à l’œuvre depuis belle lurette.

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LJD

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