Pertes & profits du géant américain General Electric

GE a donné au groupe Danaher son activité de matériel de biotechnologies pour plus de 20 milliards de dollars. Un ballon d’oxygène pour l’ex-empire américain, qui n’a pas fini sa cure d’amaigrissement.
Ce devait être un beau campus sur le front de mer, près de Boston. La crème de la crème des dirigeants de la plus grande réunion mondiale allait abandonner du Connecticut dans un ensemble moderne de 28 000 mètres carrés abritant 800 personnes. La ville s’était ouverte d’une aide généreuse pour recevoir l’icône de l’industrie américaine. En 2016, Jeff Immelt, le PDG de GE, pose la première pierre, puis quitte la scène brusquement.
Son successeur, John Flannery, aperçoit un emplacement financière catastrophique, tente le redressement, puis cède la place à son tour. Le nouveau venu, Larry Culp, n’aime pas les grosses dépenses. Alors adieu le campus et son front de mer. General Electric décide de revendre le terrain et de rembourser les subventions. Un petit immeuble en briques, qui abritait une ancienne confiserie sur le même campus, suffira amplement à empocher les 250 personnes finalement prévues.
L’industrie la plus connu du monde, l’héritière du génial Edison, le roi des locomotives, des moteurs d’avion, des centrales électriques, des machines en tout type, dans une confiserie ! Plutôt amer comme bonbon. Ce lundi, le groupe a achevé la vente de ses légendaires locomotives à son imitateur Wabtec, et éclairci la cession de son activité de matériel de biotechnologies. Une pépite vendue à un prix extraordinairement avantageux : 21,4 milliards de dollars (18,9 milliards d’euros) pour une division qui ne réalise que 3 milliards de chiffre d’affaires. Mais un joyau dans un secteur en pleine extension.
Un ballon d’oxygène pour une entreprise épuisée par une dette de plus de 120 milliards de dollars, suite de ses mauvaises affaires dans la finance et de ses placements exposés dans l’énergie (dont le français Alstom). La firme recouvre une marge de manœuvre exceptionnelle et la Bourse applaudit. La valeur de l’entreprise, qui avait fondu de 200 milliards en deux ans, a escaladé de plus de 40 % depuis le début de cette année.
Plasticité du capitalisme américain
Et l’heureux acheteur n’est autre que Danaher, l’entreprise que conduisait le nouveau patron de GE jusqu’en 2015. Avec cette prise, le groupe consolide ses positions dans les sciences de la vie. Etonnante flexibilité du capitalisme américain. Dans son incursion aux enfers, GE croise une comète qui fait le chemin inverse.
En 2001, quand Jack Welch, le patron le plus connu du monde, celui dont les règles ont emporté tous les jeunes entrepreneurs chinois, prend son recul, Danaher n’est qu’une modeste société d’investissement immobilier modifiée, par acquisitions successives, en un petit conglomérat hétéroclite. En quatorze ans, Larry Culp va bâtir un groupe de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires, le cadrant graduellement sur les sciences de la santé et de l’environnement.








Pour changer l’assurance-chômage, la puissance veut aller vite tout en ouvrant amplement le débat. C’est, en substance, ce qu’ont averti le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors d’une conférence de presse, mardi 26 février. Les mesures, dont la teneur certaine reste à définir, feront l’objet d’un décret susceptible d’être diffusé au Journal officiel durant la deuxième quinzaine d’avril. Elles devraient être mises en œuvre pendant l’été – le calendrier n’étant pas encore précisément arrêté.
Ces indications ont été attribuées six jours après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux pour préparer une nouvelle convention Unédic – le texte qui définit les règles appropriées au régime d’indemnisation des chômeurs. Le patronat et les syndicats n’ayant pas réussi à trouver un accord, le gouvernement est aujourd’hui amené à prendre le relais. Un dossier que M. Philippe et Mme Pénicaud inscrivent dans la suite d’autres réformes pour améliorer le fonctionnement du marché de l’emploi : les ordonnances de septembre 2017, qui ont réécrit le code du travail, et la loi « avenir professionnel » de septembre 2018, qui a chamboulé l’apprentissage et la formation continue tout en apportant de premiers changements à l’assurance-chômage (avec, entre autres, son accroissement aux indépendants et aux salariés démissionnaires qui ont un nouveau projet de carrière).
Dans sa démarche, l’exécutif reste fidèle aux orientations de la feuille de route que Matignon avait donnée en septembre 2018 aux organisations de salariés et d’employeurs pour cadrer leurs discussions. Ce document fixe plusieurs objectifs : lutter la précarité, répondre « aux besoins en compétences des entreprises » (certaines d’entre elles ayant de plus en plus de mal à recruter la main-d’œuvre qu’elles recherchent), diminuer la dette du régime – qui a atteint 35 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre 2018, etc.
Mardi, le gouvernement a pareillement confirmé quelques-unes des pistes qu’il entend explorer. Premier axe : juguler l’inflation des contrats courts – ceux « d’un mois et moins » ayant été multipliés par 2,5 entre 2000 et 2016. Les CDD d’une telle durée concernent, à 80 %, des salariés qui sont réemployés durablement par le même employeur – soit, au total 400 000 personnes. Pour stopper cette dérive, M. Philippe et Mme Pénicaud veulent « responsabiliser » les entreprises : après avoir obtenu une modération du code du travail, celles-ci doivent maintenant renvoyer l’ascenseur et accorder des « contreparties », dans l’esprit de l’exécutif.
Modalités de calcul
L’hypothèse du bonus-malus est nettement « sur la table », a montré le premier ministre mardi. Cet instrument constitue « une solution » et « personne ne nous [en] a proposé à ce stade [de] meilleur », a abouti M. Philippe. Inscrit dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron, ce dispositif majore les cotisations des sociétés où le personnel tourne fréquemment, et diminue celles des employeurs dont les effectifs sont stables. A ce stade, rien n’est concilié mais le président de la République a, plusieurs fois, exprimé son intention de concrétiser cet engagement, le ministère du travail ayant, pour sa part, indiqué que le dispositif était prêt.
La réforme pourrait aussi se traduire par une remise en cause du niveau maximal de l’allocation-chômage (un peu plus de 6 600 euros net par mois). Mardi, M. Philippe a affirmé qu’il fallait « revoir » ces règles d’indemnisation pour les « salaires élevés ». Un scénario de nature à punir les demandeurs d’emplois qui avaient une rétribution importante puisque l’allocation dépend des dernières fiches de paye : les cadres oseraient donc d’être touchés. Le pouvoir en place étudie cette option en invoquant le fait que le plafond d’indemnité en France est nettement plus haut que celui en vigueur chez nos voisins européens.
Finalement, les modalités de calcul et d’octroi de l’apport devraient être reconsidérées, car l’exécutif observe qu’elles n’incitent pas, dans certaines situations, à admettre un poste, dans la durée. Sont particulièrement dans le collimateur les règles acceptant d’entasser un salaire et une allocation. « Une personne qui travaille à mi-temps au smic perçoit un salaire de 740 euros par mois. Mais si elle alterne quinze jours de chômage et quinze jours de travail dans un mois, elle comprendra un revenu de 960 euros. Ce n’est pas normal », avait dénoncé Mme Pénicaud, dans un entretien au magazine Challenges, mi-janvier.
Dans les jours suivants, la ministre du travail souhaite apercevoir les leaders patronaux et syndicaux, remarquables à l’échelon interprofessionnel. Ultérieurement, et jusqu’à la fin mars, voire au-delà, plusieurs dizaines de réunions faudrait se tenir, rue de Grenelle, avec de nombreux acteurs : associations de chômeurs, mouvements d’employeurs avec une assistance moins importante que celle du Medef, aménagements de salariés non représentatives… Un exercice très exceptionnel puisque jusqu’à présent, seuls les associés sociaux ayant voix au chapitre au niveau national déposaient au point les conventions Unédic.