« Les cadres se retrouvent faces aux mêmes pénuries que le reste du salariat »

« Les cadres se retrouvent faces aux mêmes pénuries que le reste du salariat »

Pour l’enseignant-chercheur en sociologie au Centre Pierre-Naville, Gaëtan Flocco, les cadres collaborent, « parfois avec un enthousiasme étonnant, à leur propre exploitation ».

De quand date l’arrivage de la notion de cadre ?

Les provenances éloignées des cadres remontent aux officiers et sous-officiers des armées du XVIIIe siècle, ainsi qu’aux ingénieurs des grands corps d’Etat (Polytechnique, les Mines, les Ponts et Chaussées). Mais le concept de cadre est effectivement apparue au début du XXe siècle. La révolution industrielle, ainsi que la transformation de la nature des emplois – leur transfert du secteur de l’agriculture à ceux de l’industrie et des services –, et l’augmentation de la taille des entreprises ont de plus en plus nécessité le recours à de plus en plus d’ingénieurs et d’encadrants.

A partir de cet instant, ces catégories moyennes de salariés ont ressenti le besoin de s’organiser pour défendre leurs intérêts, surtout dans le contexte de crise économique et d’instabilité politique des années 1930. Des syndicats et associations d’ingénieurs se sont formés, tandis que l’appelation de cadre a débuté à se répartir en France. Cette construction sociopolitique de la catégorie a continué à se poursuivre au lendemain de la seconde guerre mondiale. Dans les années 1940, un statut a été défini, une caisse de retraite spécifique a été créée ainsi que les premiers syndicats s’adressant en premier lieu aux cadres.

Comment la notion de cadre a-t-elle évolué, depuis son apparition ?

Dans les années 1950, on comptait 500 000 cadres, qui représentaient environ 2,5 % de la population salariée. Ils formaient en quelque sorte une élite, avec une démarcation relativement nette vis-à-vis des autres franges de salariés, avec des cadres qui incarnaient avant tout l’exercice du commandement dans les institutions. De nos jours, les effectifs ont pratiquement décuplé pour atteindre plus de 4,8 millions d’individus, qui représentent quasiment 20 % de la population active. La massification de l’enseignement et l’explosion du secteur des services ont joué un rôle indéniable dans cette progression. La catégorie s’est féminisée pour arriver à  40 % de femmes. Elle s’est rajeunie et elle s’est diversifiée beaucoup en incluant dans ses rangs de plus en plus de profils de cadres qui n’exercent pas d’activité d’encadrants, ce que l’on appelle souvent les profils d’experts (ingénieurs, commerciaux, consultants…). Une telle augmentation de la catégorie a pu donner l’impression aux cadres d’une simplification voire d’une dévalorisation d’un statut auquel on accéderait plus aisément aujourd’hui, bien que les parcours autodidactes aient diminué.

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LJD

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