Jeune diplômé, tu proposes ton savoir-faire tes compétences, et personne n’en veut !

Plus que jamais en France, le diplôme est considéré comme un atout essentiel pour l’insertion professionnelle. Seuls 11 % de ceux qui en possèdent un pointent au chômage cinq ans après leur entrée sur le marché du travail, alors que 40 % des jeunes non diplômés sont sans emploi. Ces 11 % représentent néanmoins un chiffre très élevé : «Ce sont des centaines de milliers de jeunes qui, au sortir de longues études qui ont nécessité des sacrifices importants, peinent à trouver un poste en adéquation avec leur diplôme», relève Camille Peugny, sociologue à Paris-VIII. «Un diplômé de l’enseignement supérieur sur quatre ou cinq peut être considéré comme déclassé sur son premier emploi.» Précarité, temps partiels, faibles revenus, boulots alimentaires, chômage à répétition ou emploi sans rapport avec les compétences sont le lot de nombre de diplômés du supérieur.

«La durée du « bizutage social » s’est allongée : après un master, il est courant de cumuler quatre à cinq ans de stage et de CDD. L’âge moyen du premier CDI est passé à 29 ans», souligne Camille Peugny. En témoignent ces Grenoblois âgés de 25 à 40 ans et diplômés de bac + 5 à bac + 8 en situation délicate. Tous dénoncent un gâchis humain et portent un regard désabusé, parfois révolté, sur une société qui ne leur donne pas la place qu’ils espéraient et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.

Claire, 40 ans tout juste, est docteure en biologie cellulaire et moléculaire depuis 2005, et au chômage depuis un an. Jamais elle n’a pu accéder à un CDI. Elle a multiplié pendant dix ans les contrats précaires à l’institut des neurosciences de Grenoble, dans le privé près de Genève, dans un labo du Commissariat à l’énergie atomique, entrecoupés de périodes de chômage… Jusqu’à arriver à la limite légale de son employabilité en CDD dans le public. «Les labos publics où je suis passée me sollicitent, mais je n’ai plus le droit d’y accéder, explique-t-elle. C’est très frustrant : j’adorais ce que je faisais, j’étais appréciée et je dois faire une croix sur mon métier où il y a des manques et où mes compétences seraient utiles ? C’est du gâchis.» Elle continue à chercher dans le privé, a décroché quelques entretiens. On lui a proposé un poste, mais il était basé à l’étranger : inacceptable pour cette mère de trois jeunes enfants dont le mari, peintre en bâtiment, est salarié à Grenoble. «Je n’ai pas voulu sacrifier ma vie de famille», tranche-t-elle. Elle vit en partie sur son allocation chômage, en assurant des cours particuliers et des vacations à la fac, «pour rester active et à l’affût». Il lui a fallu prendre un statut d’auto-entrepreneur pour pouvoir être payée par l’université… «Dans un an, je n’aurai plus de chômage. Dois-je repartir à zéro ? Faire instit ? Souci, je n’ai plus droit à une formation pour me reconvertir… Et puis ça me fait mal de recommencer au bas de l’échelle salariale et de renoncer à mon métier passion !» Du futur président, elle n’ose attendre la création de postes dans la recherche publique, mais au moins qu’il élargisse le recours aux CDD, qu’il impulse une mobilité des fonctionnaires. Seul espoir pour elle de retrouver le chemin des labos.

Emma a 25 ans, elle a décroché en 2014 un master de stratégie territoriale et urbaine à Sciences-Po Paris. Elle vit chez ses parents et touchera ce mois d’avril sa dernière allocation chômage avant de basculer au RSA. Emma se prépare à chercher un petit boulot alimentaire. Tout avait pourtant bien commencé après son master, avec un CDD dans un cabinet de conseil en région parisienne, où elle réalise les études stratégiques des politiques de l’habitat pour des collectivités. Elle se sent vite mal à l’aise : beaucoup de responsabilités, un salaire moyen, une position de prestataire pour des élus dont elle doit suivre les orientations politiques, une ambiance délétère au sein du cabinet. A la mi-2015, après dix mois, elle quitte cet emploi, désireuse de mettre ses compétences au service d’une «autre manière de penser la gestion du territoire, axée sur la transition écologique». Depuis, elle n’a pas retrouvé de poste. Elle a fait les vendanges, du woofing (travail dans une ferme bio), un service civique au Maroc et a répondu à une multitude d’offres d’emploi… sans succès. Elle ne se plaint pas : «J’assume mon refus d’un parcours classique et d’une carrière menée au détriment de mes convictions et des urgences écologiques et sociales.» Mais elle avoue une certaine anxiété. Avec deux anciens de son master, elle a monté une association qui propose aux collectivités un accompagnement sur une transition écologique mêlant énergie, transports, habitat, participation, cohésion sociale : «Certaines sont très intéressées mais sont-elles prêtes à nous payer ?» Elle attend des candidats à la présidentielle «une prise en compte des enjeux écologiques, un changement de régime politique, une place renforcée pour les citoyens et l’écologie en lieu et place du système capitaliste». Elle se sent plus proche de Mélenchon que de Hamon, se décrivant «en rupture, contestataire».

Les difficultés auxquels sont confrontés les jeunes diplômés en recherche d’emploi

Lorsque les jeunes diplômés ont terminé leurs études, les principales difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils recherchent un emploi sont tout d’abord l’absence d’expérience professionnelle, suivie de la difficulté à trouver des offres d’emploi. Pour les managers, le niveau de salaire proposé est bien souvent jugé insuffisant.

Monster donne plusieurs pistes dans son étude. La première c’est de valoriser ses engagements associatifs et séjours à l’étranger mais aussi ses projets perso et des activités sportives ou culturelles de bon niveau. Elles peuvent toutes servir à démontrer que vous êtes engagé, adaptable, et avec une certaine maturité. Autre piste : tenir un blog et publier des articles sur son secteur d’activité. Plus généralement, n’hésitez pas à mettre en ligne vos réalisations créatives et/ou intellectuelles… Qui sait, elles pourraient attirer l’oeil d’un recruteur ?

Les 10 difficultés qui empêchent les jeunes diplômés de mener à bien leur recherche d’emploi :

  • Le manque d’expérience professionnelle
  • Des difficultés à trouver des offres d’emploi
  • Des difficultés à mettre en valeurs leurs compétences
  • Une mobilité géographique difficile
  • Un salaire proposé insuffisant
  • Autre difficulté non mentionnée dans la liste
  • Une formation mal, ou pas, reconnue par les employeurs
  • Une formation inadaptée au marché de l’emploi
  • Une méconnaissance des débouchés possibles de leur formation
  • Une mauvaise maîtrise des techniques de recherche d’emploi (lettre de motivation, CV, entretien d’embauche…)

La Génération Millennials Jeune diplômé et sans emploi

Qui est cette génération Y et pourquoi, malgré leurs diplômes, les jeunes peinent-ils à décrocher leur premier emploi ?

alors que la courbe du chômage en France continue de faire le yo-yo, le taux d’emploi des jeunes diplômés ne semble pas affecté ni par les périodes de creux, ni par les améliorations du marché de l’emploi. En effet, il stagne : 40% des jeunes diplômés n’ont toujours pas d’emploi un an après avoir obtenu leur diplôme de fin d’étude.

Après la génération X naît la génération Y, surnommée « Millennials » ou « enfants du millénaire ». Regroupant l’ensemble des individus nés entre le début des années 80 et le milieu des années 90 (certains sociologues datent précisément la fin de cette génération avec les jeunes nés en 1995), cette génération est marquée par le digital, la flexibilité et les réseaux sociaux. Le cœur de ce groupe est Internet et plus largement les nouvelles technologies qui induisent la simultanéité et l’instantanéité des relations et des tâches.

En 2020, la « génération net » représentera plus de 40% des travailleurs européens. « Les Millennials vont dominer tous les chiffres de l’emploi et du chômage à partir de maintenant, » déclare Anthony Carnevale, le directeur de recherche de l’Université de Georgetown. En 2015, 75,3 millions de personnage appartiennent à la génération Y contre 74,9 millions d’individus pour la génération X (jusque-là, la génération X représentait la tranche d’âge (entre 30 et 50 ans) la plus nombreuse).

Les Millennials font face à des frais de scolarités beaucoup plus élevés que leurs parents (que ce soit en frais universitaires ou le coût d’une école de commerce ou d’ingénieur) ce qui induit la contraction d’un prêt étudiant plus conséquent. Problème, la compétition pour obtenir un CDI (véritable Graal du jeune diplômé) est aussi plus rude qu’avant. Une étudiante de 25 ans avec dans sa poche un Master 2 en commerce international déclarait qu’elle était serveuse dans un restaurant de quartier en attendant de trouver un emploi plus en adéquation avec ses qualifications.

Diplômé en poche mais sans emploi, comment y remédier ?

Le Manque de stratégie. Nous remarquons souvent que le manque de succès est dû à un manque de stratégie dans la recherche d’emploi: il ne suffit pas d’envoyer une lettre de motivation et un CV pour espérer décrocher un poste correspondant à ses attentes.”
Manque de motivation. “Une recherche d’emploi est aujourd’hui un job à mi-temps et il faut garder la motivation tout au long des différents processus de recrutement qui sont aujourd’hui assez longs. Mais il n’y a rien à faire…. il faut accepter que ça prend du temps…”
Manque de flexibilité. “La flexibilité de la génération Y est importante et il faut absolument tenir compte de ce paramètre pour se démarquer également (…) On ne reste plus 30 à 40 ans dans le même boulot (ou très rarement), on change 7 à 8 fois dans une carrière.
Les outils sont nombreux aujourd’hui pour se positionner sur le marché: LinkedIn , les jobboards, les organismes, les foires à l’emploi… Pour moi, le profil LinkedIn est incontournable. Plus de 85% des recruteurs sont dessus et il y’a tous les jours de nouvelles offres d’emploi. Utilisez les réseaux sociaux dans votre recherche d’emploi mais de façon professionnelle et en faisant très attention à votre identité numérique”.
“Motivation, patience, structure, organisation, stratégie et détermination sont les maîtres mots d’une recherche d’emploi réussie. La base est évidemment votre CV et votre lettre de motivation.”
Les erreurs à éviter lors de votre recherche :
Etre pessimiste. “Si on part du principe que tout est bouché et qu’on a aucune chance à cause de statistiques, il est évident que cela sera difficile de garder la motivation. Posez-vous les bonnes questions et analysez les raisons d’un échec. Vous verrez que ce n’est pas uniquement le marché qui est responsable – même si le parcours n’est pas un long fleuve tranquille. C’est vous qui ferez la différence lors de vos entretiens d’embauche, et pour cela il faut pouvoir se vendre tout en restant humble mais en vous démarquant du candidat qui est passé juste avant vous…”
Etre impatient: “Il est parfois nécessaire de changer sa cible et de passer par deux phases afin d’obtenir l’objectif premier. L’intérim par exemple est devenu un excellent tremplin pour arriver à son objectif (CDI). Par exemple, devenir consultant parait peut être facile mais il faut plusieurs années d’expériences afin d’être expert et avoir une certaine renommée sinon vous êtes dans la masse et le problème est le même.”

Les Lacunes des Jeunes Diplômés Viennent De L’enseignement

Si l’on en croit une étude récente venue du Royaume-Uni, un diplôme de l’enseignement supérieur ne fait pas pour autant un bon professionnel. De nombreux employeurs se déclarent de moins en moins satisfaits de leurs nouvelles recrues, notamment en ce qui concerne l’attitude à l’égard du travail, les capacités de communication et de résolution de problèmes, ainsi que l’aptitude à développer de bonnes relations avec les clients.

Serait-il possible que les lacunes pointées par les employeurs – manque des connaissances entrepreneuriales de base, faibles compétences en communication et attitude négative face au travail – provinssent directement de l’enseignement reçu dès les premières années scolaires ? Regardez par exemple ce qui est enseigné sur l’individu. Selon les mots de C. S. Lewis, le système scolaire encourage une attitude du style «  tout le monde vaut tout le monde » sans se préoccuper des aptitudes ou des capacités des uns et des autres.

Éduques dans cette idée, les étudiants ont facilement tendance à se croire sortis de la cuisse de Jupiter. Si ce travers n’est pas corrigé, ils ne seront que trop enclins à exiger de plus de plus de louanges et d’avantages à mesure qu’ils grandissent et accèdent au marché du travail.

Ou regardez la façon dont l’école développe la socialisation des élèves. C’est depuis longtemps l’un des objectifs les plus importants du système scolaire, mais force est de constater que cette socialisation ne se fait qu’à l’intérieur d’une seule classe d’âge.

Les élèves ont alors du mal à interagir avec des individus n’appartenant pas à leur cercle immédiat. Cela devient problématique lorsqu’ils entrent dans la vie active et doivent coexister pacifiquement avec des personnes, clients ou collègues, ayant 10, 20 ou même parfois 50 ans de plus qu’eux.

De plus, le système éducatif a éliminé bon nombre d’expériences qui permettaient de se familiariser avec le monde de l’entreprise – les classes-ateliers par exemple – tout en dénigrant le concept d’apprentissage. Sans ces expériences précoces, il n’est guère étonnant de constater que les jeunes salariés n’ont aucune idée du monde de l’entreprise dans lequel ils entrent.

Radio France : la « déloyauté répétée » de Guillaume Meurice lui vaut son licenciement

Guillaume Meurice à Paris le 13 mars 2024.

Si la présidence de Radio France comptait sur les suites agitées du scrutin européen de dimanche pour détourner l’attention et mettre une sourdine sur le chambard du licenciement de Guillaume Meurice, elle n’aura pas tout à fait réussi. Révélée par l’humoriste lui-même, mardi 11 juin en fin de matinée, cette annonce est au contraire venue ajouter au climat fébrile provoqué par la dissolution de l’Assemblée nationale décrétée par Emmanuel Macron dimanche 9 juin.

La « fin du faux suspense », tel que Guillaume Meurice qualifiait lui-même le clair-obscur qui entourait l’attente de cette décision, a pris la forme d’un e-mail, reçu mardi, doublé d’une lettre recommandée avec accusé de réception lui indiquant la « rupture anticipée de [son] contrat pour faute grave ».

Après avoir reçu un avertissement, début novembre, pour avoir comparé le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à une « sorte de nazi, mais sans prépuce », M. Meurice avait été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, puis à une commission de discipline après avoir répété cette formule sur l’antenne de France Inter le 28 avril. Il se félicitait alors que la justice ait prononcé, quelques jours plus tôt, un classement sans suite des plaintes déposées contre lui pour « provocation à la violence et à la haine antisémite » et « injures publiques à caractère antisémite ».

Des démissions par solidarité

Ce faisant, explique Sibyle Veil, directrice de Radio France, dans un courrier envoyé aux salariés de Radio France : « Il ne nous a pas laissé d’autre choix que de tirer les conséquences de son obstination et de sa déloyauté répétée. » « Ni la liberté d’expression ni l’humour n’ont jamais été menacés à Radio France », insiste-t-elle, reprochant au chroniqueur du « Grand Dimanche soir » d’avoir mis en doute « l’indépendance et l’impartialité de notre travail. Au mépris de l’intérêt du collectif, il a nourri les arguments les plus infondés de nos détracteurs. »

Par solidarité envers leur collègue et ami, l’humoriste Aymeric Lompret, la chansonnière Giedré et la linguiste Laëlia Véron ont rapidement annoncé sur X mettre un terme à leurs interventions sur France Inter, rejoignant ainsi le comique Djamil Le Schlag, démissionnaire dès le 5 mai.

« Quel choix faites-vous là ? », a demandé à Sibyle Veil le syndicat SUD, estimant qu’« alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir (…),  [votre] décision fragilise considérablement l’ensemble de notre entreprise ». La Société des producteurices de France Inter, présidée par Charline Vanhoenacker, a employé des mots quasi identiques pour dire « [sa] consternation et son désaccord » envers cette sanction : « Notre inquiétude et notre incompréhension sont immenses au moment où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, et l’avenir de Radio France plus incertain que jamais », a-t-elle écrit dans un communiqué.

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Législatives 2024 : l’hôtellerie-restauration, au cœur de l’enjeu de l’immigration

C’est la grande gueule du restaurant Les Philosophes qui accueille les clients de sa voix énergique d’ancien comédien de théâtre. En chemise blanche, veston et tablier, plateau rond sous le bras, Khaled, Algérien de 47 ans, virevolte entre les tables de cette brasserie parisienne du quartier du Marais, dans le 4e arrondissement. « Profitez bien de moi, car, avec ce qui se passe, bientôt je ne serai plus là ! Vous m’escorterez jusqu’à l’aéroport Charles-de-Gaulle ! », lance-t-il, gouailleur, à une cliente attablée en terrasse. En fond sonore, un musicien de rue joue Les Champs-Elysées à la clarinette.

Arrivé sans papiers en France en 2000, Khaled a d’abord travaillé « au black » sur les marchés parisiens, puis comme préparateur de palettes chez un producteur de fruits et légumes des Yvelines. Il a tenté d’obtenir, en vain, un titre de séjour, jusqu’à recevoir une obligation de quitter le territoire en 2005. Il est resté et doit sa régularisation à son mariage avec une Française, avec qui il a eu deux filles. Il travaille dans la restauration depuis sept ans. « Ici, on peut sortir 700 couverts par jour, c’est physique. On doit gérer des gens stressés, des gens qui font la queue. Faut être solide. Peu de Français veulent faire ces métiers ! », commente-t-il.

De fait, au restaurant Les Philosophes, des Français, comme le dit le patron Xavier Denamur, il n’y en a presque pas. Pour préparer les cuisses de canard confites ou servir le filet de bœuf d’Aubrac, toute la planète est de la partie : on croise des Sri-Lankais, un Erythréen, un Russo-Ukrainien, un Angolais, un Belge, un Cap-Verdien, un Sénégalais… « Quand je passe une annonce pour recruter, il n’y a que des immigrés qui postulent. Ce sont des boulots où il faut accepter de travailler les week-ends, les soirs jusqu’à tard. A Paris, sans les étrangers, les restaurants, ils ne tournent pas ! », lance Xavier Denamur.

Dans la cuisine du restaurant Les Philosophes, Sri-Lankais, Cap-Verdien, Belge... travaillent ensemble. A Paris, dans le quartier du Marais, le 27 juin 2024.
Xavier Denamur, dans l'un de ses restaurants, dans le quartier du Marais, à Paris, le 1er juillet 2024.

« On a besoin de l’immigration ! »

En Ile-de-France, en particulier, ce secteur est très dépendant de la main-d’œuvre immigrée : 40 % des employés de l’hôtellerie et de la restauration sont étrangers et 50 % des cuisiniers, selon l’Insee. Sur l’ensemble de la France, ils représentent respectivement 19,3 % et 22 % de ces métiers, selon la Dares.

Que deviendrait ce secteur en cas de durcissement de la politique migratoire, élément-clé du programme du Rassemblement national (RN) ? La suppression du droit du sol, la restriction du regroupement familial, la suspension des régularisations des étrangers en situation irrégulière, comme évoqué par Jordan Bardella dans la présentation de son programme, auraient des conséquences majeures – comme sur tous les secteurs qui emploient de nombreux étrangers, tels le bâtiment ou le nettoyage. Selon la Dares et l’Insee, ils représentent ainsi 27 % des ouvriers non qualifiés du BTP en France – et même 60 % en Ile-de-France – et 38,8 % des employés de maison (61,4 % en Ile-de-France).

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L’union anticasse des Duralex

Le modèle Picardie à la sortie du four, dans l’usine Duralex, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

Le directeur général de Duralex, François Marciano, 59 ans, physique massif et débonnaire, a une drôle de manie. En pleine discussion, il balance son verre par terre. Avant de lâcher, dans un grand éclat de rire : « C’est pour vous prouver qu’il est incassable. » Le verre, un Duralex évidemment, reste intact. Mais c’est l’entreprise entière qui a failli finir en miettes. Il a fallu une union sacrée entre ouvriers et direction, collectivités locales de bords politiques opposés, Etat et banques pour sauver in extremis ce fleuron industriel français employant deux cent vingt-huit salariés et placé en redressement judiciaire fin avril.

Ensemble, ils ont imaginé sa transformation en société coopérative ouvrière de production (SCOP) ; les salariés sont, depuis le 1er août, les actionnaires majoritaires de leur entreprise. Le 2 septembre, c’est en leur nom que François Marciano, ancien et nouveau directeur, a présenté son projet pour la marque, en s’affichant notamment au côté de Guillaume Gibault, patron du Slip français, lors d’une opération de promotion du « made in France ».

Inventeur du verre trempé, obtenu par un chaud-froid brutal appliqué à la pâte, Saint-Gobain dépose le nom Duralex en 1945, inspiré par la devise latine Dura lex, sed lex (« la loi est dure, mais c’est la loi »), pour vanter, déjà, la solidité de sa vaisselle. Verres, gobelets et assiettes sont produits dans une verrerie installée à La Chapelle-Saint-Mesmin, dans la banlieue d’Orléans (Loiret). Le succès est fulgurant : le gobelet Gigogne (1946) puis le Picardie (1954)
s’invitent sur les tables et envahissent les cantines. Entre le poisson pané et la purée, des générations d’écoliers se lancent « T’as quel âge ? » en scrutant le fond de leur verre, rajeunissant ou vieillissant selon le chiffre inscrit. En réalité, le numéro du moule dont chaque verre est issu.

Francois Marciano, le directeur general de Duralex, à l’entrée de son bureau de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

La marque devient emblématique. Les verres s’exportent dans le monde entier. Aujourd’hui encore, les ventes à l’étranger représentent plus de 80 % du chiffre d’affaires. Mais, dès les années 1990, la concurrence chinoise et la succession de repreneurs aux gestions hasardeuses, voire frauduleuses – Sinan Solmaz, éphémère propriétaire (2005-2008), a été condamné pour abus de biens sociaux et banqueroute par détournement ou dissimulation pour être parti avec la caisse –, menacent régulièrement l’usine. Le dernier en date (depuis 2021), La Maison française du verre, qui détient aussi Pyrex, a justifié devoir jeter l’éponge en arguant de l’envolée des prix de l’énergie.

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A l’hôpital, plus d’un tiers des postes de praticien sans titulaire

C’est l’un des marqueurs de la crise de l’hôpital : les praticiens hospitaliers continuent de manquer dans les services, année après année, avec de nombreux postes sans titulaire. Mais combien, exactement ? Alors que le Centre national de gestion (CNG), organisme ministériel chargé des concours et des carrières des praticiens, ne fait plus mention de ce recensement dans ses documents officiels depuis deux ans, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E) a, lui, obtenu et agrégé ces données, au 1er janvier 2024.

Selon ses calculs, 35 % des postes restent inoccupés par un médecin titulaire (temps plein et temps partiel réunis). Un chiffre qui s’est stabilisé par rapport à l’année précédente, après une dégradation continue sur les quinze dernières années. En 2008, ces postes vacants représentaient 20 % des postes ouverts dans les hôpitaux. Certaines spécialités sont plus fortement touchées par la désaffection, comme la psychiatrie, qui voit sa situation s’aggraver encore, avec 52 % de postes occupés en 2024, contre près de 75 % il y a dix ans.

« Le “choc d’attractivité” promis n’a pas eu lieu »

« La tendance reste extrêmement alarmante », soutient l’anesthésiste Anne Geffroy-Wernet, présidente du SNPHAR-E, tout en reconnaissant des limites à ce chiffrage. Les postes vacants sont en partie occupés par des praticiens contractuels. C’est l’argument avancé par le CNG pour refuser de publier les statistiques sur le sujet, alors qu’il ne dispose pas des données sur les contractuels. En juillet, dans son rapport annuel, il faisait état de 48 552 médecins hospitaliers en exercice au 1er janvier 2024, soit un nombre en augmentation de 13,5 % sur la dernière décennie. « Les contractuels sont nécessaires, mais en avoir trop, cela déstabilise les hôpitaux qui ont besoin d’équipes stables », souligne la docteure Geffroy-Wernet.

Autre limite : les postes vacants dépendent aussi des postes que les hôpitaux décident d’ouvrir, selon les stratégies d’établissements ou les difficultés budgétaires, explique-t-on au SNPHAR-E. « Mais on voit bien, quoi qu’il en soit, que le “choc d’attractivité” promis n’a pas eu lieu », soutient Anne Geffroy-Wernet. Son syndicat regrette, depuis des mois, que les négociations avec le gouvernement sur l’attractivité du métier n’avancent pas, alors que ni le plan du Ségur de la santé (2020) ni la réforme, plus technique, du statut de praticien hospitalier, appliquée depuis 2022, n’ont permis de renverser la tendance.

« Les hommes dans les métiers dits féminins montent plus vite en hiérarchie et prennent la lumière »

Alors que les femmes qui tentent de s’insérer dans les professions dites masculines se heurtent encore à de nombreux freins, les hommes exerçant dans des métiers féminisés tirent, eux, leur épingle du jeu. Dans Se distinguer des femmes (La Documentation française, 2023), la chercheuse en sociologie Alice Olivier s’est intéressée aux trajectoires de jeunes hommes passés par des études de sage-femme et d’assistant de service social – quasi exclusivement féminines –, et au traitement de faveur qui leur est accordé.

Les attentes portées sur les hommes et sur les femmes sont-elles les mêmes, dans les secteurs très féminisés que vous avez étudiés ?

Pour ce qui est du cœur du métier, notamment le travail de soin et d’attention à l’égard des personnes accompagnées, on attend la même chose des femmes et des hommes. Mais dans notre société où les normes et les inégalités de genre sont encore marquées, on pense aussi souvent qu’elles et ils n’ont pas les mêmes qualités intrinsèques, et que les hommes peuvent apporter quelque chose « en plus » dans ces secteurs très féminisés.

Ainsi, les équipes professionnelles voient souvent d’un bon œil l’entrée d’hommes dans les formations. Elles considèrent qu’ils apportent, comme de façon innée, du sang-froid, de la force physique, de l’humour, qu’ils ont des sujets de conversation intéressants, qu’ils sont plus techniques, plus rationnels et scientifiques. Et les hommes se mettent eux aussi souvent en avant sur ces dimensions.

Ces projections contribuent à les valoriser en stage. D’ailleurs, comme ils sont très peu nombreux, on les y repère vite. Dans des services surchargés comme le sont ceux de sages-femmes, le fait d’être très visible donne plus de place pour montrer ses compétences et pour apprendre. Souvent, on leur pardonne aussi plus facilement leurs erreurs. On considère que les hommes sont « moins scolaires » mais qu’ils ont des qualités de finesse, par exemple, et il y a une forme de bienveillance à leur égard. Cela aide à leur donner confiance en eux.

Comment la mise en avant dont bénéficient les hommes favorise-t-elle leurs parcours ?

Les hommes dans les métiers dits « féminins » montent plus vite en hiérarchie, prennent plus la lumière, connaissent moins de temps partiel ou de chômage. Dans mon étude, j’ai pu voir les racines de ces mécanismes dès la période de la formation. Par exemple, les hommes prennent souvent les rôles de représentation, comme ceux de délégué, de président d’association étudiante ou de porte-parole de la classe, quand bien même celle-ci est composée quasiment exclusivement de femmes. Ces positions leur permettent de renforcer des compétences de leadership, de négociation, d’aisance pour parler en public. Ils trouvent aussi facilement des stages, et sont souvent populaires au sein de leur promotion.

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