En supprimant 92 postes, le groupe Rossignol veut limiter la casse

« Le groupe Rossignol, né en 1907, est le premier fabricant mondial de skis, et emploie à ce jour 1 310 personnes, dont 680 en France. »

Les banderoles ont été brandies tout autour de Sallanches, en Haute-Savoie. La tension monte au site historique de Rossignol. La direction du leader du ski rencontre, jeudi 1er octobre, les membres du Comité social et économique réunis au siège de Saint-Jean de Moirans (Isère) pour débattre du « plan social ». « Beaucoup de gens se disent que c’est l’avant-dernier plan. La prochaine fois c’est pour nous annoncer la fermeture… C’est une mort à petit feu. » Cyrille Cherpin, élu non syndiqué de la marque de skis Dynastar (groupe Rossignol), semble résigné. Le leader du ski compte licencier la moitié des cent vingt-quatre salariés de son site de Sallanches, et ce n’est même pas la faute du contexte économique lié à la pandémie de Covid-19 : face à une baisse de ses ventes de skis ces dernières années, Rossignol souhaite réduire ses effectifs. « La production ne pourra plus jamais être comme avant, c’est un massacre », souffle une source syndicale.

Le groupe Rossignol, né en 1907, est le premier fabricant mondial de skis, et emploie à ce jour 1 310 personnes, dont 680 en France. La majorité des salariés travaillent en Isère et en Haute-Savoie, et il existe trois autres sites industriels en Europe : à Artès (Espagne), qui produit également des skis, à Montebelluna (Italie), où sont fabriquées les chaussures et à Nevers (Nièvre), où sont assemblées les fixations. Au total, le groupe englobe onze marques.

Malgré une diversification de ses activités ces dernières années, notamment dans le textile et la vente de VTT, la production de skis des marques Rossignol et Dynastar représente toujours 70 % du chiffre d’affaires du groupe. En 2009, suite à la vente du groupe par Quiksilver, une restructuration avait déjà conduit à la suppression de 230 postes.

Le « projet de redimensionnement » présenté le 21 septembre prévoit la suppression de 92 emplois en 2021 : 61 postes sur 124 dans l’usine de fabrication de skis de Sallanches, 24 postes au siège du groupe basé à Saint-Jean-de-Moirans (Isère) et 7 postes dans sa plate-forme logistique de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs (Isère).

Vente de skis en berne

En cause, les difficultés rencontrées par la vente de skis, affaiblie ces dernières décennies par l’accroissement de la location. Si la pratique du ski demeure stable, avec près de 350 millions de pratiquants sur le globe, « la location de skis continue de prendre le pas sur la vente pure et simple. Si on ne s’ajuste pas à la réalité du marché, on va au-devant de graves problèmes », constate Bruno Cercley, président du groupe Rossignol.

Il vous reste 58.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les « aidants » qui travaillent peuvent désormais prendre un congé indemnisé

Brigitte Bourguignon a sorti le dossier de l’ornière en arrivant au ministère de la santé en juillet. Dix mois après le vote de la loi du 24 décembre 2019 qui prévoyait sa création, le congé rémunéré pour les proches aidants doit enfin devenir, jeudi 1er octobre, « un droit réel », selon la ministre déléguée à l’autonomie.

Ce dispositif était une « mesure phare » du plan présenté par l’ancien premier ministre Edouard Philippe en octobre 2019 en faveur des salariés devant prendre soin d’une personne handicapée, malade ou d’un parent âgé – sur 8 millions à 11 millions d’aidants, en France, on estime que 4 millions à 5 millions sont des salariés. L’entrée en vigueur de cette mesure était programmée pour octobre 2020. Mais le décret qui l’organise était resté jusqu’ici dans un tiroir. La crise sanitaire a mobilisé l’administration sur d’autres urgences. « Et il y a eu un manque de portage politique », admet-on au ministère.

Lire aussi L’Assemblée vote un congé pour les proches aidants à l’unanimité

Le décret devrait paraître au Journal officiel. Mais il y est bien précisé que les dispositions prévues s’appliquent « à compter du 30 septembre 2020 ». Tous les salariés du secteur privé et public, les indépendants ainsi que les demandeurs d’emplois pourront bénéficier de ce congé indemnisé.

Sa durée maximale est de trois mois mais il peut être renouvelé jusqu’à un an sur l’ensemble de la carrière d’un salarié. Le montant de l’indemnisation est fixé à 43,83 euros par jour pour une personne en couple et à 52,08 euros par jour pour un aidant qui vit seul. Elle sera versée par les caisses d’allocations familiales (CAF) et les caisses de la mutualité sociale agricole.

Le montant de l’indemnisation fustigé

Ce dispositif « a le mérite de poser une première pierre. Il aura besoin d’évoluer dans le temps », a réagi Paul Christophe, député (Agir ensemble) du Nord, fortement mobilisé à l’Assemblée nationale sur ce dossier. Son souhait serait que la durée du congé puisse être allongée pour aller jusqu’à trois ans « fractionnable ». Les associations d’aidants saluent, elles, « l’avancée » mais jugent que les modalités financières sont perfectibles.

Écouter aussi Paroles d’aidants : « Je ne veux pas que la vie de mon fils dépende de la mienne »

Pour Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des aidants, présidente du collectif « Je t’aide », le faible montant de l’indemnisation risque de dissuader beaucoup d’aidants d’interrompre leur contrat de travail. Mme Kulak suggère que les salariés qui prennent ce congé puissent continuer de percevoir une part de leur rémunération en complément de l’indemnisation versée par la CAF. « Il faut que les branches professionnelles s’emparent du sujet et que les entreprises et notamment les PME s’impliquent davantage dans l’aide aux aidants », dit-elle.

Il vous reste 11.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Contre les discriminations à l’embauche, Terra Nova propose la création d’un organisme

Des CV affichés dans un espace de coworking à Malakoff (Hauts-de-Seine), en 2015.

Année après année, les études s’enchaînent et se ressemblent. En France, à diplôme égal, Mohamed, habitant de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), a entre deux et trois fois moins de chances que Matthieu, originaire de l’Ouest parisien, de recevoir une réponse à sa candidature pour un emploi. Le constat est implacable.

Les opérations de « testing », le « name and shame » (nommer publiquement les entreprises épinglées pour discrimination), la signature en veux-tu en voilà de chartes prônant la diversité, les formations tous azimuts des ressources humaines et la création de labels estampillés « égalité des chances » n’y changent rien. Les progrès sont dérisoires, les efforts dispersés, les bonnes pratiques mal identifiées, et certains comportements négatifs, trop souvent ignorés par ceux qui les pratiquent.

Dans son dernier rapport que Le Monde a pu consulter en exclusivité, publié jeudi 1er octobre et intitulé « La lutte contre les discriminations liées aux origines dans le monde du travail », le think tank de gauche Terra Nova décrypte les mécanismes « insidieux et systémiques » qui sont toujours à l’œuvre, et propose une solution plus radicale pour y remédier. Pas de statistiques ethniques ni de quotas ou de politiques de discrimination positive, Terra Nova suggère la création d’un organisme indépendant (financé par des fonds publics) exclusivement consacré à la lutte contre les discriminations.

La première de ses missions sera de collecter des informations et des données permettant de quantifier les problèmes afin de pouvoir accompagner les entreprises et les services publics. « On ne s’est pas dotés d’outils pour progresser. Ce que nous voulons, c’est franchir une étape supplémentaire, concrète et opérationnelle », explique Marc-Olivier Padis, directeur des études chez Terra Nova.

Sanctions légales rarement prononcées

Dans un rapport publié en juin, intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir », le Défenseur des droits de l’époque, Jacques Toubon, proposait lui aussi la création d’un « observatoire des discriminations », afin de mesurer et d’évaluer en continu l’efficacité des politiques publiques et les comportements dans les structures privées.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Discriminations : le signal d’alarme du Défenseur des droits

Car aujourd’hui, les diverses politiques en place dépendent d’une organisation qui fait intervenir plusieurs acteurs : chercheurs, entreprises, services publics, juges. « L’ampleur de la tâche, les nombreux leviers sur lesquels il faut agir, la quasi-nécessité de créer un élan national, ne pourront être obtenus que par la pression d’une institution dédiée », plaident les auteurs.

Il vous reste 63.52% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le chômage partiel indemnisé à 100 % sera prolongé jusqu’à la fin de l’année pour tous les « secteurs protégés »

Une terrasse fermée sur le Vieux-Port à Marseille, le 28 septembre.

La ministre du travail, Elisabeth Borne, a annoncé, mercredi 30 septembre, le maintien jusqu’à la fin de l’année du dispositif de chômage partiel indemnisé à 100 % pour tous les secteurs protégés, et non le seul secteur de l’hôtellerie-restauration.

« On a pris la décision de maintenir l’activité partielle avec zéro reste à charge pour tous les secteurs protégés » comme la culture, l’événementiel ou le sport, a déclaré Mme Borne à l’Agence France-Presse, invoquant un souci de « lisibilité » après la décision en ce sens prise mardi pour l’hôtellerie-restauration.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’hôtellerie française face « au plus grand plan social de son histoire »

Les secteurs protégés, les plus touchés par la crise, sont listés en annexe d’un décret de juin 2020 consacré à l’activité partielle. Ils auraient dû avoir un reste à charge de 15 % à compter du 1er novembre.

1,3 million de salariés du secteur privé

« Nous sommes bien conscients que les mesures sanitaires qui sont indispensables peuvent mettre en difficulté certains secteurs » et « on se donne jusqu’à la fin de l’année », a expliqué Mme Borne, ajoutant que cela permettra de « rediscuter avec eux des protocoles sanitaires et donc aussi des messages qu’on peut passer à leurs clients potentiels pour les rassurer ».

La ministre a précisé que les entreprises qui signeraient un accord d’activité partielle de longue durée – dispositif qui s’ajoute, depuis fin juillet, au chômage partiel classique – « auront droit au taux le plus favorable », tant que le secteur bénéficie de la mesure exceptionnelle. Ils ne seront donc pas pénalisés s’ils signent un accord d’ici la fin de l’année.

Utilisé largement depuis près de six mois, soit dès le début du confinement mi-mars pour « éviter des licenciements », le dispositif d’activité partielle (ou chômage partiel) concernait encore 1,3 million de salariés du secteur privé en août, selon les dernières données du ministère du travail.

Lire aussi Chômage partiel : deux dispositifs pour aider les salariés et éviter les licenciements

Le Monde avec AFP

Suez-Veolia : les cinq fronts d’une journée décisive

Le projet de rachat de Suez par de Veolia va-t-il franchir sa première étape ? Le conseil d’administration d’Engie, qui détient 32 % des parts de Suez, doit décider, ce mercredi 30 septembre dans l’après-midi, s’il accepte ou non l’offre d’Antoine Frérot.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Veolia, Suez : dans les coulisses de la bataille de l’eau

Le patron de Veolia a réaffirmé, mercredi dans la matinée, que sa proposition de racheter à Engie une participation de 29,9 % au capital de Suez n’était valable que jusqu’à minuit. « Après, je reprends ma liberté », a-t-il prévenu. Rarement le suspens a été aussi intense sur la scène parisienne des affaires.

  • 1 – Le dilemme d’Engie : « ne pas lâcher la proie pour l’ombre »

A priori, conseil d’administration d’Engie n’a que deux options. Soit il accepte la nouvelle offre de Veolia. Le groupe récupère alors immédiatement 3,4 milliards d’euros – une manne importante pour Jean-Pierre Clamadieu, président d’Engie, qui a promis, en juillet, de vendre autour de 8 milliards d’euros d’actifs. Soit il refuse, la proposition de Veolia disparaît et le cours de Bourse d’Engie risque d’être sanctionné. Mardi, à l’Assemblée nationale, M. Clamadieu a affiché sa préférence : « Si demain l’offre de Veolia vient à expiration, le cours de Suez va redescendre là où il était avant : 12 euros. Notre participation aura perdu un milliard d’euros de valeur », a-t-il plaidé. « Si cette offre expire, nous n’en avons plus. Alors me suggérez-vous de faire le pari qu’il y en aura peut-être une autre [plus tard] ? C’est une décision extrêmement difficile pour le conseil d’administration. Nous lâchons la proie pour l’ombre », a-t-il lancé aux députés.

Bien sûr, l’intérêt de Veolia pour Suez ne va pas disparaître le 1er octobre, mais pour Engie, ce n’est pas du tout la même chose si le groupe dirigé par Antoine Frérot lance directement une OPA sur Suez. Dans ce dernier scénario, l’énergéticien ne toucherait les 3,4 milliards qu’au bout de douze à dix-huit mois, au bout du processus d’examen par les autorités de la concurrence. C’est d’ailleurs la menace que Veolia agite depuis le début des discussions avec Engie, suggérant même que le prix pourrait être inférieur compte tenu de la « pilule empoisonnée » mise en place par Suez. Ce dernier, de son côté, travaille à constituer une contre-offre avec des investisseurs, mais cette alternative reste hypothétique à court terme.

  • 2 – Les doutes de l’Etat

Le problème, c’est que l’Etat, premier actionnaire d’Engie avec 23,6 % du capital et un tiers des droits de vote, a envoyé des signaux contradictoires. « Les membres indépendants du conseil ont intérêt à accepter l’offre de Veolia, mais le feront-ils si l’Etat vote contre ? », s’interroge une source proche du dossier. L’Etat dispose d’un représentant au conseil d’Engie et propose deux administrateurs.

Il vous reste 73.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Les jeunes sont démunis, la mission locale, c’est leur phare dans la nuit »

Maria Ferreira, Directrice de la Mission locale during the meeting with the team.

Simone Perolari pour « Le Monde »

Par

Publié aujourd’hui à 11h05

Maria Ferreira, dans son bureau de la mission locale, à Lagny-sur-Marne. Les jeunes de 46 communes dépendent de sa structure.

Maria Ferreira jette un regard songeur au rapport à spirales estampillé 2019 qu’elle vient de poser sur la table. Il détaille les succès passés de la mission locale qu’elle dirige à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) et notamment les 203 CDI signés l’an dernier par des jeunes suivis par cette structure d’aide à l’insertion socioprofessionnelle des 16-25 ans. « Mais 2019, c’était un autre monde…, lâche-t-elle. Fin décembre, j’avais un optimisme du feu de dieu, tous les employeurs me disaient “tout reprend, on va t’en embaucher plein”. Et puis, hop, tout s’est arrêté. » Le Covid-19 a mis ce territoire florissant en difficulté.

Un cyberespace est à la disposition des jeunes qui viennent à la mission locale.

Le taux de chômage y était jusqu’ici parmi les plus faibles de France (6,5 %). A 8 kilomètres de la mission locale de Lagny – dont dépendent les jeunes de 46 communes – se trouve, en effet, le premier employeur monosite du pays : Disneyland Paris, 15 000 emplois directs et presque trois fois plus d’indirects. « En termes d’emplois, on est fort », insiste Mme Ferreira, avant de se reprendre : « Je veux dire, on était fort. »

« Un tsunami »

Fermé pendant le confinement, le parc d’attractions n’a rouvert que mi-juillet. Sans sa clientèle étrangère, sa fréquentation est loin de ses niveaux d’avant-crise. Ce furent 5 000 emplois saisonniers en moins dès l’été. Et un coup de froid sur tous les sous-traitants et les pôles d’activité qui vivent d’habitude sur la clientèle de Disney : hôtels, restaurants, centres commerciaux… « L’entreprise à qui Disney sous-traite du nettoyage de linge nous prend d’habitude une trentaine de jeunes en août, détaille par exemple Mme Ferreira. Cette année, ils en ont pris zéro. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Disneyland Paris, le royaume désenchanté

Certains n’ont pas trouvé le job d’été qui leur permet d’habitude de financer leurs études. D’autres, nombreux à la mission locale ce lundi 28 septembre, n’ont tout simplement plus de travail, victimes des coupes dans l’intérim. Comme Jerry (aucun des jeunes n’a souhaité donner son nom), 23 ans, dont la mission de vendeur dans un magasin de vêtements du centre commercial Val d’Europe a pris fin au printemps. « Il est bilingue. Avec son niveau d’anglais, d’ordinaire, il ne devrait déjà plus chercher », s’inquiète sa conseillère Audrey Delarbre. « On n’a vraiment pas de chance, on cherche du travail pile au mauvais moment », souffle Jerry. Ibrahim, lui, gagnait sa vie avec des missions dans la manutention. Jusqu’au confinement. « Ils me disent “dès qu’on a quelque chose, on vous appelle”, mais ils n’appellent pas. »

Il vous reste 69.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Chez Renault, la restructuration avance dans un climat de défiance

Manifestation pour la hausse des salaires et l’abandon des réformes des retraites et de l’assurance chômage, à Paris, le 17 septembre 2020.

Coup de chaud sur le dialogue social chez Renault. Réunis mardi 29 septembre lors d’un comité central social et économique (CCSE), les quatre syndicats représentatifs du groupe automobile en France ont voté contre le plan d’économies de 2,15 milliards d’euros et de 4 600 suppressions d’emplois en France ont fait savoir les organisations de salariés du constructeur au losange.

La rencontre était inscrite au calendrier par l’accord de méthode signé le 24 juillet par l’ensemble des syndicats et il était prévu que ces derniers donnent un avis – consultatif – sur la restructuration. Pour les éclairer dans leur choix, ils avaient mandaté, afin d’analyser la mise en œuvre du plan d’économies en France, le cabinet d’expertise sociale Secafi, qui a rendu ses conclusions lors du CCSE.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le nouveau patron de Renault réorganise le groupe autour de ses marques

« Il est apparu que la contribution forte des salariés français au plan de réduction d’effectifs par rapport au reste du monde n’avait pas de justification », déclare Guillaume Ribeyre, le délégué central CFE-CGC, le premier syndicat chez Renault. Côté CFDT, deuxième syndicat du groupe, le constat est cinglant : « provocation, atermoiements » sur la forme, et sur le fond une « absence de stratégie globale » et un plan qui « risque de laisser beaucoup de salariés en mal-être, voire pire, en burn-out ou bore-out ».

Climat de défiance

Troisième organisation, la CGT a « voté contre un plan de destruction d’emplois, de casse industrielle et d’abandon de la filière automobile en France », a déclaré son délégué central adjoint, Laurent Giblot, lors d’une conférence de presse. Enfin FO, qui « ne conteste pas la nécessité d’un plan d’économies », attend « une feuille de route claire qui garantisse la qualité du dialogue social, le maintien de l’emploi avec des engagements fermes ».

Selon un responsable de Renault, « la séance de mardi est une étape importante franchie car elle permet à la négociation d’avancer site par site »

Voilà qui ressemble à un climat de défiance. Pourtant, à la direction de Renault, on récuse cette analyse. « C’est davantage un vote contre le passé, contre la communication du plan en février et en mai, que le signe d’un blocage du dialogue social, avance un responsable. La séance de mardi est d’ailleurs une étape importante franchie car elle permet à la négociation d’avancer site par site. » Même si la direction martèle que les 4 600 postes supprimés sont intangibles, des marges de manœuvre semblent s’être ouvertes, non pas dans l’ingénierie (où 5 500 emplois de sous-traitants sont menacés, en plus des 1 500 de Renault selon le rapport Secafi), mais dans la production.

Les annonces du directeur général, Luca de Meo, sur Alpine (elle devient la marque de sport de Renault) ont donné quelques espoirs aux salariés de l’usine de Dieppe. Le transfert de Maubeuge (production des Kangoo) à Douai ne semble plus à l’ordre du jour. En revanche, l’avenir de la Fonderie de Bretagne au sein de Renault paraît davantage compromis, et la fermeture et le transfert à Flins du site de Choisy-le-Roi sont confirmés.

« Il y a encore beaucoup trop de flou, déplore M. Ribeyre. Ce qui manque, c’est un plan stratégique et un plan produit. Et ils ne seront pas dévoilés avant le début de l’année prochaine. Pour le moment, on ne sait pas où on va. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Technocentre Renault dans les Yvelines, 10 000 ingénieurs dans la tourmente

Assurance-chômage : la piste d’un bonus-malus généralisé

Les économistes savent aussi faire preuve d’opportunisme pour diffuser leurs recherches. Alors que le gouvernement et les partenaires sociaux ont repris, mercredi 30 septembre, leurs discussions sur la réforme de l’assurance-chômage, l’Institut des politiques publiques (IPP) a publié, au même moment, deux notes sur le sujet. Rédigées par François Fontaine, professeur à Paris School of Economics, et Basile Vidalenc, doctorant, elles formulent plusieurs recommandations qui vont capter l’attention – certaines étant de nature à déplaire au patronat tandis que d’autres indisposeront les syndicats.

Lire aussi Les discussions reprennent sur la réforme de l’assurance-chômage

Les auteurs de ces études montrent que le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi a, au fil des années, été amené à consacrer une part croissante de ses ressources pour couvrir les personnes alternant contrats courts et périodes d’inactivité. Ces abonnés à la précarité se voient attribuer « des droits disproportionnés par rapport aux cotisations », compte tenu des règles encadrant l’octroi des allocations-chômage. Le système tend, du même coup, à s’éloigner d’une logique d’assurance, « fondée sur l’idée de proportionnalité entre les contributions et les droits ».

« Modifier les pratiques des employeurs »

Dès lors, il conviendrait de revoir le mécanisme dit d’« activité partielle », qui permet de cumuler salaire et allocation : pour les deux économistes, « il est possible de limiter le nombre de jours » qu’un chômeur passe dans le cadre de ce dispositif et de réduire les « prolongations de droits » que celui-ci accorde.

Ces changements seront toutefois insuffisants si de nouvelles mesures ne sont pas prises pour « modifier les pratiques des employeurs ». Il s’agit, notamment, de cibler les entreprises qui se séparent très fréquemment de leurs salariés, en multipliant les contrats courts et en réembauchant souvent les mêmes personnes. Leurs « politiques de ressources humaines » ont un coût pour la collectivité qui s’avère bien supérieur à leurs cotisations.

Lire aussi Le regard porté sur les chômeurs s’est durci depuis le début de la crise due au coronavirus

Pour faire évoluer les comportements, un système de bonus-malus, « généralisé à tous les secteurs et à toutes les entreprises », est préconisé : il consisterait à moduler les cotisations, en majorant celles payées par des patrons qui mettent souvent à la porte leurs collaborateurs et en diminuant celles des sociétés dont les effectifs sont stables. Cette piste va beaucoup plus loin que la réforme présentée en 2019 par le gouvernement : celle-ci avait instauré un bonus-malus, applicable à partir de mars 2021, uniquement dans les entreprises d’au moins onze salariés implantées dans sept secteurs (parmi lesquels l’hébergement-restauration).

« L’assurance-chômage doit s’adapter à la segmentation du marché du travail »

Tribune. Les discussions sur la réforme de l’assurance-chômage s’ouvrent mercredi 30 septembre avec une double exigence : son adaptation à la crise sanitaire, qui rend peut-être moins urgentes certaines mesures incitatives, et sa préparation au « monde d’après ».

Pourtant, en matière d’emploi, celui-ci risque fort d’être à l’image de celui que nous connaissons : un monde où une petite partie des actifs souffre d’un risque disproportionné de perte d’emploi, où les allées et venues entre travail et chômage sont fréquentes, et où de nombreuses reprises d’emploi sont en réalité des retours chez le même employeur.

Dans ce monde, l’assurance-chômage endosse de fait de nouvelles missions : elle n’est plus une simple assurance contre des pertes ponctuelles de revenus. Elle finance également des épisodes de chômage répétés ; elle pallie l’insuffisance des revenus en emploi lorsque les contrats sont trop courts en permettant, dans certaines limites, le cumul salaire et indemnisation chômage.

Dans deux notes de l’Institut des politiques publiques, nous montrons qu’un quart des ressources du régime d’assurance-chômage sont mobilisées par ces « nouvelles » missions (Notes IPP n° 57 « Faut-il moduler les cotisations des employeurs à l’assurance-chômage ? », et n° 58 « L’assurance-chômage, miroir de la segmentation du marché du travail »). C’est un chiffre important, au-delà des déficits déjà très lourds constatés ces dernières années. Ce n’est pas le niveau de l’indemnisation qui est en cause, mais le fait que l’assurance-chômage n’a pas su s’adapter à la segmentation du marché du travail. A ce titre, deux évolutions nous semblent nécessaires.

Modérer les prolongations de droits

La première concerne l’activité réduite, qui permet de cumuler revenus d’activité et allocations-chômage. C’est un dispositif certes essentiel mais qui, sous sa forme actuelle, accentue la concentration des transferts financiers sur un petit nombre d’actifs, de secteurs et d’entreprises. Mal maîtrisé, il crée une disproportion entre les droits acquis et les contributions censées les justifier.

Il nous semble donc souhaitable de limiter le nombre de jours pouvant être passés en activité réduite et de modérer les prolongations de droits qu’elle autorise, tout en gardant le principe qui permet aux chômeurs de compléter leurs revenus d’allocation et de garder un contact avec l’emploi. Ce point, prévu dans la réforme, doit être conservé.

Il vous reste 49.57% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Les “territoires zéro chômeur” ont fait des miracles, mais c’est insuffisant pour assurer leur viabilité à terme »

Tribune. En 2016 a été lancé le projet Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Ce projet partait d’une idée forte et simple : ce n’est pas le travail qui manque, et donc à coût égal, mieux vaut payer des chômeurs à effectuer des travaux utiles à la collectivité plutôt qu’à ne rien faire.

Dans ce but, ont été créées sur dix territoires expérimentaux des « entreprises à but d’emploi » (EBE), qui ont chacune recruté des dizaines de chômeurs en CDI à temps choisi. Avec l’idée d’arriver au plus vite à l’exhaustivité (recruter tous les chômeurs de longue durée volontaires du territoire), tout en respectant la non-concurrence avec les acteurs locaux.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dominique Méda : « Territoire zéro chômeur : pour la généralisation d’un dispositif d’utilité sociale »

Si l’idée est simple, sa mise en œuvre s’avère un défi considérable : deux évaluations récentes montrent des résultats mitigés. Néanmoins, l’Assemblée nationale a voté, le 16 septembre, une loi prévoyant l’extension de l’expérimentation à 60 territoires, soit une échelle nettement plus réduite qu’initialement envisagée. Le Sénat doit se prononcer à son tour, le 7 octobre.

Absence d’étude méthodique du projet

Les partisans de ce dispositif plaident pour la poursuite de cette expérimentation au nom de son utilité écologique et sociale. Si celle-ci ne fait guère de doute, cela laisse intacte la question des résultats, tant économiques qu’humains, de cette expérimentation telle qu’elle a été menée jusqu’ici. Ses adversaires mettent au contraire l’accent sur des défauts majeurs de conception, qui expliquent le désarroi de nombreux salariés, et mettent en avant le coût plus élevé que prévu pour les finances publiques.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Territoire zéro chômeur : « De profondes erreurs de conception, qui vont bien au-delà des calculs erronés »

Ayant participé au début de cette expérimentation sur l’un des dix terrains, il me semble que ce qui est en cause serait plutôt la manière dont la conduite de cette expérimentation a été pensée et mise en œuvre. Au-delà des défauts de conception relevés dans les évaluations, la réussite de ce projet suppose de relever deux défis majeurs : d’une part, le développement massif d’activités intensives en main-d’œuvre et génératrices de revenus ; d’autre part, le développement des personnes privées d’emploi afin que celles-ci puissent s’intégrer dans un collectif de travail et, si possible, évoluer vers des entreprises « normales ».

Or aucun de ces deux défis n’a fait l’objet d’une exploration méthodique et organisée un tant soit peu ambitieuse et innovante à l’échelle du projet. De sorte que les EBE sont aujourd’hui économiquement et humainement fragiles. Concernant les personnes, les questions que soulèvent les évaluations sont très réelles : les personnes recrutées sont des demandeurs d’emploi de longue durée, souvent cassés par des années de chômage, des carrières brisées, des accidents de vie…

Il vous reste 56.11% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.