Tribune. L’histoire de la gouvernance des entreprises a bifurqué en 2008, quand la déflagration financière a marqué la fin de l’euphorie néolibérale qui conférait aux marchés une perspicacité infaillible sur les stratégies des sociétés. Non seulement cette infaillibilité était contredite par les faits, mais il apparut que les entreprises avaient été ravagées par des exigences de profits déconnectées de leurs capacités réelles.
Un nouveau chapitre s’est alors ouvert, même si sa rédaction est restée hésitante. La performance globale des entreprises a intégré leur « responsabilité sociale », c’est-à-dire l’impact géopolitique, sociétal et environnemental de leur activité. Les exigences de leur « mission » ont même été récemment opposées à leurs objectifs de profits. Même tâtonnants, les critères extra-financiers ont brisé le monopole exclusif du profit comme indicateur de la réussite économique.
Portées par la société civile et relayées par la puissance publique, ces revendications ont voulu atténuer la logique qui, depuis trois décennies, alignait les intérêts des dirigeants sur ceux des investisseurs. Car la gouvernance obéit aux rapports de force entre les pouvoirs qui la constituent.
Intervention de l’Etat
Dans les années 1990, les caisses de retraite et les fonds d’investissement avaient orienté massivement l’épargne des ménages vers la Bourse, notamment pour valoriser les futures pensions, bouleversant la relation entre les très grandes entreprises et les détenteurs de leur capital. Les actionnaires de long terme se sont mués en millions d’investisseurs, moins intéressés par le projet de l’entreprise que par un rendement assurant une bonne rémunération de l’épargne.
Conséquence : dès lors que les dirigeants garantissaient des niveaux de dividendes suffisamment élevés aux investisseurs, ils n’avaient plus de contre-pouvoir. Ils ont donc eu intérêt à réorganiser la production pour que soient réalisés les profits promis aux marchés. D’où la financiarisation des entreprises, l’obsession pour la « création de valeur pour l’actionnaire » (en fait, pour l’investisseur) et, comme signes de la puissance des « grands patrons », l’explosion de leurs rémunérations et leur starification à des niveaux inconnus jusque-là.
Ce régime de gouvernance n’était pas sans danger. En accordant un énorme pouvoir aux dirigeants dès lors qu’ils satisfont « les marchés », on peut mettre en péril l’épargne des ménages en cas d’erreur stratégique, d’escroquerie, de spéculation ou de faillite. Ce qui n’est pas rare : le groupe Maxwell s’effondre en 1991, Enron en 2001, Madoff en 2008, Theranos en 2018… et tant d’autres, engloutissant à chaque fois l’épargne placée en capital, malgré ou à cause de flamboyants dirigeants.
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Nouvelle péripétie dans le feuilleton judiciaire des travailleurs « ubérisés ». Jeudi 8 octobre, la cour d’appel de Paris a débouté deux livreurs à vélo qui demandaient à se voir reconnaître le statut de salarié pour la période où ils collaboraient avec une plate-forme numérique.
Cet arrêt retient l’attention car il va à contresens de décisions d’autres juridictions dans des affaires similaires. Il est rendu au moment même où le gouvernement réfléchit à de nouvelles mesures pour réguler ce champ de l’économie, dont l’expansion bouscule notre modèle social, très largement appuyé sur le salariat. Le sujet doit d’ailleurs faire l’objet de discussions, cet automne, entre l’exécutif et les partenaires sociaux.
La décision de la cour d’appel concerne deux coursiers (ou « runners »), qui ont effectué des livraisons à domicile pour le compte de la société Tok Tok Tok. Payés à la tâche, ils ont exercé leur activité en qualité d’autoentrepreneur : ce statut est moins protecteur que celui de salarié et permet à la plate-forme, recourant ainsi à des livreurs, de s’affranchir du code du travail comme du paiement de cotisations sociales. Un modèle dont s’est également inspiré Uber, le groupe de transport par véhicules de tourisme avec chauffeur – d’où le néologisme « travailleurs ubérisés ».
Fin 2014, les deux runnersde Tok Tok Tok ont saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin que soit requalifiée en contrat de travail leur relation avec la start-up. Sans succès. Ils ont donc interjeté appel. Leur argumentaire consiste à démontrer qu’ils n’étaient nullement indépendants, contrairement à ce que laisserait supposer leur statut d’autoentrepreneur : de nombreuses contraintes pesaient sur eux, disent-ils, ce qui prouve l’existence d’un lien de subordination caractérisant la condition de salarié.
Des litiges appréciés au « cas par cas »
Ainsi, ils invoquent notamment le fait d’avoir été soumis à une « clause d’exclusivité » qui leur interdisait d’effectuer des livraisons pour d’autres sociétés. Ils affirment également que la plate-forme leur avait fourni le matériel nécessaire pour réaliser la prestation (téléphone portable, uniforme complet aux couleurs de la société, carte bancaire…). En outre, Tok Tok Tok contrôlait, d’après eux, le port de la tenue et avait prévu des sanctions en cas d’oubli. Ils assurent, qui plus est, ne pas avoir eu le choix des jours et horaires de travail.
Dans deux arrêts distincts mais avec des motivations très proches, la cour d’appel a rejeté la demande des runners, estimant qu’ils « ne rapport[aient] pas la preuve » d’un « lien de subordination juridique » entre eux et la start-up. Tous les éléments factuels qu’ils mettaient en avant ont, en effet, été jugés inopérants.
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« Ce mouvement de balancier de l’emploi intérimaire est principalement influencé par la situation dans le bâtiment » (Agence de Châteaubriant). Alain Le Bot / Photononstop
Après en avoir été chassés par la crise sanitaire, les intérimaires continuent à faire leur retour dans les entreprises. Selon les données publiées le vendredi 9 octobre par la Dares, le département de statistiques du ministère du travail, on comptait à la fin du mois d’août 685 893 intérimaires en France, contre 363 452 en avril, au plus fort de la crise.
Certes, le total du mois de février (796 025) est encore loin, mais la dynamique de l’intérim est si bonne qu’elle devrait largement impacter les prochains chiffres de l’emploi salarié. Ainsi, l’Insee indiquait dans sa note de conjoncture du 6 octobre que le rebond attendu de l’emploi salarié au troisième trimestre (+163 000) « serait notamment le fait de l’emploi intérimaire. Les données mensuelles montrent que la hausse de l’emploi intérimaire, entamée dès le mois de mai, s’est poursuivie à un rythme soutenu en juillet et en août ».
Cet impact sur les chiffres de l’emploi salarié n’est pas une nouveauté. Depuis le début de la crise, l’emploi intérimaire joue un rôle crucial. Le bilan catastrophique du 1er trimestre (-2 %, soit -499 700 emplois) avait été plombé par la forte contraction de l’emploi intérimaire, qui représentait à lui seul 63 % des destructions d’emplois (-318 600 emplois). Idem, au 2e trimestre où l’emploi salarié avait un peu mieux résisté (-0,9 %, soit -215 200 emplois), avant tout grâce à la reprise des embauches d’intérimaires (+108 100 emplois).
Rebond dans la construction
Ce mouvement de balancier de l’emploi intérimaire est principalement influencé par la situation dans le bâtiment. Après avoir vu son nombre d’intérimaires tomber au plus bas (26 000 en avril, contre 164 000 en février, soit une baisse de 83 %), le secteur de la construction a en effet regagné 105 000 intérimaires entre avril et fin juillet, contre un gain de 97 000 intérimaires dans le tertiaire et 67 000 dans l’industrie, deux secteurs en proportion moins touchés par la chute de l’intérim entre février et avril (avec respectivement des baisses de -42 % et -51 %).
L’intérim est certes traditionnellement la première variable d’ajustement des entreprises en matière d’emploi. Mais l’économie reste fortement soutenue par les pouvoirs publics, notamment via le chômage partiel, ce qui a pour le moment empêché que les destructions d’emplois soient encore plus massives.
Les aides mises en place n’étant pas éternelles, l’Insee prévoit toutefois une nouvelle chute de l’emploi salarié au quatrième trimestre (-176 000). Signe que l’économie française est loin d’être sortie du marasme.
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Une résidente reçoit des soins à l’Ehpad Vilanova de Corbas (Rhône), le 1er septembre. JEFF PACHOUD / AFP
« Nous avons besoin de renfort », a lancé Olivier Véran, le 27 septembre, appelant les soignants à venir combler les « postes ouverts, les postes financés, qui ne sont pas pourvus » dans les maisons de retraite. La pénurie chronique de personnels devient de plus en plus critique avec le rebond de l’épidémie de Covid-19. Le ministère des solidarités et de la santé cherche de nouveaux « leviers » pour pallier les manques d’effectifs. « Le recrutement de 20 000 personnes dès 2021 permettrait de soulager les effectifs sous-tensions et très éprouvés par la première vague du printemps mais aussi d’améliorer l’accompagnement des résidents », estimeFrédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France.
« La première vague de l’épidémie a laissé des séquelles psychologiques et somatiques. Les équipes vivent un stress post-traumatique », explique Pascal Meyvaert, vice-président de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendarntes (Ehpad).
Le mauvais moral des personnels se traduit par des arrêts de travail, des congés maladie, voire des démissions : « C’est inquiétant, reconnaît Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (ADPA). On a des salariés qui commencent à nous dire qu’il va falloir faire sans eux si une seconde vague épidémique arrive. » « Le sujet qui nous mobilise le plus est celui du renfort en ressources humaines », confirme Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie.
Volontaires peu nombreux
La situation est aussi tendue en raison des possibilités de renfort moindres qu’au printemps. Les nombreuses déprogrammations d’actes médicaux dans les hôpitaux avaient alors permis que des soignants disponibles viennent prêter main-forte aux Ehpad. Cette fois, les volontaires sont peu nombreux. Les bénévoles ne se manifestent guère.
Le besoin de recrutements est d’autant plus grand que les campagnes de tests de dépistage du Covid-19, les précautions d’hygiène liées au virus et les visites sur rendez-vous des familles sont chronophages dans les Ehpad. « Une dizaine de visites par jour impliquent que les équipes consacrent une heure cumulée pour prendre la température des familles, leur faire remplir la charte de bonne conduite, désinfecter les locaux après leur départ », calcule Gaëlle Guillerme, directrice d’un Ehpad appartenant au groupe Korian au Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne). Une charge supplémentaire pour le personnel, sans qu’il soit « possible de recruter », dit-elle.
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« Derrière les écrans. Les nettoyeurs du Web à l’ombre des réseaux sociaux » (Behind the Screen. Content Moderation in the Shadows of Social Media), de Sarah T. Roberts, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Renaut, préface d’Antonio Casilli, La Découverte, 264 p., 22 €, numérique 16 €.
Bien que celles et ceux qui ont participé à sa création depuis les années 1960 aient proposé de le décrire à l’aide de métaphores épurées, comme celles d’« espace » ou de « réseau », Internet n’en demeure pas moins un vaste dépotoir où se déversent chaque jour des contenus violant la loi ou les limites de la décence dans de multiples domaines.
A l’époque des défricheurs et des forums de discussion, les débats charriaient aussi leur lot de disputes, d’insultes ou de provocations. Mais il semblait alors qu’il suffisait d’édicter des règles de comportement et de nommer quelques « modérateurs » pour les éradiquer. Cette forme artisanale de modération des contenus suscita l’intérêt des observateurs jusqu’aux années 2000 mais, dans les faits, elle ne conduisit pas à supprimer beaucoup de contenus.
Explosion du partage de vidéos
Lorsque, en 2010, Sarah T. Roberts, dont paraît en français Derrière les écrans, travail pionnier issu d’une thèse soutenue en 2014, commença à se pencher sur la façon dont les contenus sont modérés dans cet « espace de contrôle, de surveillance, d’intervention et de circulation où l’information est devenue une marchandise », elle était parmi les premières. Elle constata, paradoxalement, que les modérateurs de contenus étaient devenus invisibles au moment même où explosait le partage de vidéos sur des plates-formes comme YouTube ou Facebook. Des vidéos dont une part considérable s’apparente à du spam ou viole, au choix, le droit d’auteur, les lois en matière de pornographie, le sens moral des internautes ou leur sensibilité.
« Pourquoi, s’est alors demandé cette chercheuse de l’université de Californie (Los Angeles), ne parlions-nous pas collectivement d’eux, du travail qu’ils faisaient et de l’impact qu’il avait sur eux, ainsi que sur l’Internet ? »
Pour répondre à cette question, Sarah Roberts s’est lancée à la recherche des « nettoyeurs » du Web dans les grandes entreprises de la Silicon Valley et chez des sous-traitants en Espagne, aux Philippines ou dans l’Iowa. Elle a analysé, au fil de discussions avec eux, leur état de fatigue émotionnelle après des heures passées à supprimer des vidéos d’atrocités guerrières ou pornographiques, ou à signaler aux autorités les abus suspectés sur les mineurs et les annonces de suicide.
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En 2019, le nombre d’accidents du travail a continué d’augmenter, mais à un rythme plus faible que l’année précédente. C’est l’un des enseignements de la synthèse diffusée mardi 6 octobre par l’assurance-maladie/risques professionnels, l’une des quatre branches de la Sécurité sociale. La légère hausse enregistrée recèle des disparités assez importantes selon les secteurs, la tendance étant plus marquée dans les entreprises de services.
Près de 656 000 accidents du travail ont été reconnus en 2019, soit un accroissement de 0,6 % après une progression de 2,9 % en 2018. Pour l’assurance-maladie, l’évolution de l’an passé est « attribuable » à la croissance des effectifs de salariés (+ 2 %). Si l’on ramène le nombre d’accidents pour 1 000 travailleurs, on constate d’ailleurs que les résultats sont plus favorables puisque la fréquence des « sinistres » diminue un tout petit peu, passant de 34 à 33,5. Il s’agit d’un « plancher stable depuis plusieurs années », qui se situe même « à un niveau historiquement bas » – quasiment quatre fois moins élevé que le record relevé au moment de la création du dispositif.
Hausse du nombre de maladies
La situation n’est pas la même, d’une branche à une autre. Ainsi, entre 2018 et 2019, le bâtiment et les travaux publics enregistrent une baisse des accidents de 0,3 %, qui est d’autant plus notable que la main-d’œuvre employée dans le secteur s’est étoffée. De même, la chimie, le commerce non alimentaire tout comme les industries du bois, du papier et du textile ont vu les sinistres refluer d’environ 1 % (voire un peu moins).
En revanche, la courbe va dans l’autre sens, s’agissant des activités tertiaires (administrations, banques, assurances…), avec une augmentation de 4 % du nombre des accidents du travail, en 2019. Idem dans les entreprises d’intérim et l’action sociale (+ 1,3 %).
Quant aux sinistres ayant lieu pendant un trajet, ils restent sur une pente ascendante, pour s’élever à 99 000, soit « le niveau le plus haut (…) depuis 2000 ». L’assurance-maladie précise que les accidents survenus à l’occasion d’un déplacement à vélo ou à « patinettes » se sont accrus de 600 en douze mois. Une évolution évidemment en ligne avec les changements qui interviennent dans les modes de transport utilisés pour gagner les lieux de travail.
Les données publiées mardi restent muettes sur le nombre de décès causés par des accidents du travail – celui-ci devant être divulgué dans un rapport plus complet qui sera communiqué durant l’automne. Pour mémoire, en 2018, 551 personnes avaient perdu la vie en travaillant – un chiffre qui « varie depuis plusieurs années dans une fourchette comprise entre 500 et 550 ».
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« Les entreprises sélectionnées recevront 2 256 euros de subvention en numéraire et 1 354 euros sous forme de crédits publicitaires » Philippe Turpin / Photononstop
Derniers jours pour postuler au programme de subventions de deux millions d’euros lancé par Facebook à destination des TPE-PME d’Ile-de-France. Au début de la crise due au Covid-19, l’entreprise de Mark Zuckerberg avait lancé un programme de soutien doté de 100 millions de dollars pour aider 30 000 PME en difficulté dans le monde. Depuis le 29 septembre, ce programme est ouvert aux petites entreprises françaises, mais uniquement franciliennes.
Une enveloppe de deux millions d’euros leur est consacrée. Les TPE-PME éligibles bénéficieront de subventions, une partie sous forme de financement direct et une autre partie en crédits publicitaire sur Facebook et Instagram.
« La crise actuelle continue à fragiliser le tissu économique des TPE-PME, constate Matthieu Laporte, directeur des activités pour les TPE et les PME pour l’Europe du Sud (incluant la France). C’est pour les soutenir que Facebook a lancé ce programme. »
Clôture le 8 octobre
Pour la compagnie californienne, cette opération de séduction est aussi une manière de draguer les petites entreprises pour qu’elles intègrent son écosystème. Facebook scrute de près le marché des TPE-PME : mi-septembre, la firme de Mark Zuckerberg a lancé Facebook Business Suite, un outil qui leur permet de gérer leurs réseaux sociaux Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp sur une interface unique.
Au début de l’été, la compagnie a aussi lancé un programme de formations gratuites à destination des TPE-PME françaises pour « accélérer leur transformation numérique » et améliorer leur présence en ligne, notamment… sur Facebook.
Selon la compagnie, près de 665 TPE-PME ont déjà utilisé ces formations pour réaliser un diagnostic numérique. Une manière, pour l’entreprise américaine, de s’imposer comme un acteur incontournable en matière d’e-commerce, alors que la pandémie a fait exploser les sites de vente en ligne. Les candidatures permettant de bénéficier de la subvention pour les entreprises franciliennes se clôtureront le 8 octobre au soir.
Subvention de 2 256 euros
Dans le détail, les entreprises sélectionnées recevront une aide de 2 256 euros en numéraire et de 1 354 euros sous forme de crédits publicitaires. Les conditions d’éligibilité sont relativement peu exigeantes : l’entreprise doit compter entre 2 et 50 employés, être opérationnelle depuis plus d’un an et avoir rencontré des difficultés à la suite de la crise due au du Covid-19.
Le candidat doit transmettre les états financiers (bilan et compte de résultat) ou bien les comptes complets les plus récents de son entreprise, ainsi qu’un document juridique justifiant son existence depuis au moins un an (extrait K-bis…). L’évaluation des candidatures est effectuée en collaboration avec des organismes partenaires de l’opération, dont le cabinet de conseil Deloitte. Au-delà de cette subvention, d’autres aides sont envisagées. « On va continuer à lancer des initiativespour soutenir les entreprises et aider à leur digitalisation », assure Matthieu Laporte.
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« Dans le numérique aussi, chacun peut être maître de son destin ! » Smetek / Photononstop
Changer de filière en milieu de carrière pour retrouver un emploi, pour améliorer ses revenus ou ajouter une compétence à son profil, à l’heure de la digitalisation des entreprises, le numérique séduit les candidats à la reconversion. L’offre est importante : Pôle emploi a diffusé 278 160 offres d’emploi sur les métiers du numérique au premier semestre 2020, soit 25,6 % de plus qu’au premier semestre 2019.
Malgré la crise sanitaire, l’offre devrait continuer à augmenter car les sociétés de services informatiques et les éditeurs de logiciels ne sont plus seuls à recruter. La transformation numérique concerne toutes les entreprises et tous les métiers. Toutes recherchent des informaticiens, des développeurs et des administrateurs de systèmes ou de réseaux mais aussi des logisticiens ou des contrôleurs de gestion maîtrisant le numérique.
Les candidats sont d’horizons très variés. Inquiet de l’évolution de son métier de technicien son et soucieux de sa rémunération, Cyrille Richard a décidé de changer de filière à l’approche de la quarantaine. « J’ai choisi l’informatique pour la rémunération, mais aussi parce que j’étais curieux de ça, j’avais eu un ordinateur dès mes 13 ans et j’avais un DEUG de math-physique. Entre le travail et la vie de famille, trouver le temps et l’argent pour se former n’a pas été facile mais je suis content d’avoir été capable de faire ce changement ». Après trois ans de cours du soir au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et des stages, il a été embauché en CDI comme développeur logiciel dans une société spécialisée dans l’analyse de données. Recruté il y a trois ans à un salaire supérieur à ce qu’il espérait, il a été augmenté depuis.
Claire Kodia, 28 ans, ne s’est pas « convertie » par nécessité mais par goût. Diplômée d’EM Lyon en finances, elle est d’abord employée par des banques, puis part au Japon en volontariat international en entreprise (VIE). Sa participation au développement d’un nouveau logiciel la convainc de s’orienter vers le numérique. « Développer du code m’attire, ça évolue vite. Moi qui m’ennuie rapidement, j’ai trouvé ma voie ! », dit-elle.
Après une formation de développeur en cinq mois à la Wild Code School, qui s’est achevée en juillet, elle entamera en novembre une année d’alternance pour devenir développeur Web avancé, ce qui lui donnera un équivalent licence. « Je gagne moins qu’avant, mais je pourrai bientôt valoriser mon expérience de la finance. Il me paraissait important de me reconvertir tôt, de ne pas attendre d’avoir 40 ans, des enfants, un emprunt… », insiste la jeune femme.
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Carnet de bureau. Des entreprises appellent des médiateurs pour les impayés, d’autres pour garder leurs compétences. A l’annonce du confinement, plusieurs établissements du groupement Hôtels au naturel étaient prêts à rouvrir. « Les entretiens d’embauche avaient été faits mais les contrats n’étaient pas encore signés. Comment informer les salariés que tout est suspendu sans les perdre ? C’est la question que le groupe hôtelierm’a alors posée », explique François Therin, médiateur professionnel.
Implanté du côté de Carpentras dans le Vaucluse, M. Therin a fait toute sa carrière dans l’hôtellerie-restauration avant de se lancer dans la médiation en entreprise. « J’y ai connu le management vertical et j’ai appris que, dans un contexte de crise, il ne faut pas gérer les conflits mais les résoudre », explique-t-il.
Les médiations entre salariés et employeurs consistent plus souvent à éteindre des incendies qu’à anticiper un conflit, qu’il s’agisse de gérer le télétravail auquel des salariés prennent goût, tandis que les employeurs voudraient les voir revenir, ou d’organiser le chômage partiel. Ainsi dans une entreprise de l’industrie pharmaceutique où un chef de service avait décidé, sans aucune concertation, qui serait en chômage partiel. « A la suite de l’audit, les décisions ont été modifiées en tenant compte des salariés empêchés de travailler par les fermetures d’écoles », témoigne le médiateur. La médiation exprime haut et fort la complexité de la situation.
Légitimée par Henri IV
Depuis le Covid-19, François Therin a vu le nombre de ses missions augmenter de 30 %, aussi bien dans l’hôtellerie-restauration, l’assurance que la santé. Envolée encore plus forte de la médiation du côté de Bercy, où le nombre de saisines du médiateur d’entreprise a été multiplié par dix au plus fort de la crise, dont 15,5 % dans l’hôtellerie-restauration.
L’objectif des missions de M. Therin, spécialiste de la relation de travail, n’a rien à voir avec celui du médiateur national des entreprises, Pierre Pelouzet, très officiellement nommé par le président de la République et placé auprès du ministre des finances pour régler gratuitement les litiges entre les acteurs économiques (impayés, contrats non exécutés, etc.).
Quand un hôtel-restaurant appelle François Therin, par exemple, c’est qu’il ne sait pas comment garder les saisonniers à qui il n’a rien à proposer pour le moment. L’enjeu est de garder les compétences par un travail de communication. « Côté salarié, l’organisation de la communication rassure. Quand il entend clairement que l’employeur ne sait pas où il va, qu’il doit se sentir libre d’accepter toute proposition. Une femme qui travaillait avec Hôtels au naturel depuis quatre saisons est ainsi partie provisoirement vers le secteur agricole, sans rancune. C’est un saisonnier de sauvé pour la saison suivante », assure M. Therin. Le prix de la mission – de 2 000 à 3 000 euros – est à mettre en regard du coût direct d’un recrutement (10 % à 15 % du salaire annuel brut).
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« La profession est forcée de reconnaître que l’ingénierie financière et l’ingénierie juridique permettent de masquer, y compris aux auditeurs, les pires dérives. » Agnès Audras / Photononstop
Entreprises Au début de l’été, en pleine pandémie, la société allemande Wirecard, spécialiste du paiement en ligne, emblème de la fintech, se déclarait en faillite et reconnaissait des erreurs massives dans ses comptes. Ce scandale rappelle celui de la plate-forme de négoce en énergie Enron, il y a vingt ans. On y retrouve l’engouement collectif pour l’innovation financière, la réussite rapide en Bourse, des profits spectaculaires, et puis… la chute brutale, quand il s’avère que les comptes étaient truqués !
D’où, aujourd’hui comme hier, la même question : comment de tels scandales sont-ils possibles, alors que les comptes sont régulièrement approuvés par les plus grandes entreprises d’audit comptable ? L’affaire Enron avait provoqué la disparition du cabinet Arthur Andersen. Aujourd’hui, c’est Ernst & Young qui est interrogé parce qu’il contrôlait Wirecard, depuis dix ans.
Sur le papier, les choses semblent simples, toute entreprise qui fait appel à des investisseurs et à des marchés financiers doit faire contrôler sa comptabilité par des auditeurs dont la profession est réglementée dans chaque pays. Leurs conclusions ont un impact majeur sur la vie de l’entreprise. Or, ces scandales montrent que le travail d’audit est, paradoxalement, d’autant plus difficile que les entreprises jouent, à l’échelle mondiale, de toutes les ressources de l’innovation financière et du droit des sociétés.
Inextricable contrôle
Dans l’affaire Enron, le masquage des dettes était obtenu par la création de milliers de filiales s’échangeant des services et rendant inextricable le contrôle des facturations entre ces entités. De plus, entre la maison mère et les filiales, il était possible d’en appeler à des auditeurs différents, ce qui compliquait la consolidation des comptes. Accusé d’avoir participé à la fraude, le cabinet Arthur Andersen se saborde, mais, en 2005, il est innocenté par la Cour suprême des Etats-Unis, qui met en avant la difficulté à prouver la collusion avec Enron.
Depuis sa création, Wirecard a multiplié les acquisitions en Asie dont l’évaluation est particulièrement complexe. La firme crée simultanément des filiales qui déclarent une activité importante de services, tout en la sous-traitant à des tiers. Pourtant, les audits d’Ernst & Young restent bons et, en 2018, Wirecard entre en Bourse (DAX).
En 2019, des alertes sont lancées par le Financial Times. Wirecard conteste et mandate KPMG, un autre grand auditeur, pour clore le débat. En avril 2020, en pleine épidémie, KPMG approuve les bilans de Wirecard, mais signale des difficultés pour contrôler l’écheveau asiatique. L’ambiguïté du constat affole la Bourse et, en juin, Wirecard reconnaît la banqueroute et des comptes défaillants. Les enquêtes pour fraude sont lancées et les dirigeants poursuivis.
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