L’exécutif suspecté de vouloir réduire l’indemnisation des accidents du travail

Le gouvernement est-il en train de réduire les droits des personnes dont la santé ou l’intégrité physique s’est altérée à cause de leur emploi ? La polémique monte depuis que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 a été présenté, le 27 septembre, en conseil des ministres. A son article 39, le texte contient des mesures pour « moderniser l’indemnisation d’accident du travail ou de maladie professionnelle ». Un intitulé trompeur aux yeux de deux organisations ayant pignon sur rue : l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). Elles dénoncent un « bras d’honneur » et une « trahison » à l’égard des salariés.

A l’origine de la controverse, il y a un renversement de jurisprudence à l’occasion de deux arrêts rendus le 20 janvier par la Cour de cassation. Les litiges renvoyaient à un système de réparations, construit à partir de 1898 sur la base d’un compromis entre les syndicats et le patronat. Lorsqu’un individu est reconnu, par la « Sécu », comme étant victime d’une maladie ou d’un accident lié à son métier, il touche une rente de la part de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) du régime général. Ce même individu a, de surcroît, la possibilité de toucher de nouveaux dédommagements – en plus de la « rente AT-MP » – si son employeur est condamné pour « faute inexcusable ».

C’est cette mécanique que la Cour de cassation a chamboulée. Grâce à ses deux décisions du 20 janvier, les victimes ont droit à une réparation complémentaire, pour leurs souffrances physique et morale, sans avoir à prouver que ce préjudice spécifique n’est pas pris en charge – alors qu’auparavant, elles devaient le démontrer.

« Forte augmentation des dépenses » pour les employeurs

Mais l’affaire a connu un rebondissement. Dans l’accord national du 15 mai sur la branche AT-MP qu’ils ont signé unanimement, les syndicats et le patronat ont demandé au gouvernement de prendre des dispositions face à cette jurisprudence susceptible – selon eux – de remettre en cause le compromis « historique » de 1898 et la « nature » de la rente AT-MP.

L’article 39 du PLFSS est présenté par le gouvernement comme une réponse à cette requête des partenaires sociaux – même si FO et la CGT disent, aujourd’hui, ne pas se reconnaître dans cette disposition. Pour l’exécutif, il s’agit également, comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, « d’améliorer l’indemnisation » des victimes d’AT-MP, « tout en limitant le risque économique pour les entreprises », celles-ci étant mises à contribution dans le cadre d’une procédure pour faute inexcusable. Si aucune mesure n’était prise, cela entraînerait « une forte augmentation des dépenses » pour les employeurs, mais aussi pour la branche AT-MP et le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

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Un salarié contrôlé par un client mystère a été licencié

Droit social. Il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne moyennant rémunération. Il a été déduit de cette définition jurisprudentielle du contrat de travail un pouvoir d’organisation du travail. Il s’y ajoute, selon la formule du célèbre arrêt Poliet-Chausson de la Cour de cassation du… 16 juin 1945, encore reprise en substance en 1987, que l’on ne peut « priver le patron d’un pouvoir disciplinaire, inhérent à sa qualité (…) sous la seule réserve du contrôle de l’autorité judiciaire ».

Le législateur a encadré, notamment par la loi Auroux du 4 août 1982, ce pouvoir disciplinaire. Toutefois, sauf pour des motifs discriminatoires, des agissements de harcèlement moral ou des faits de harcèlement sexuel qui sont qualifiés par la loi de « faute », il s’est bien gardé – et c’est logique – de dresser une liste exhaustive de comportements fautifs. Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité du fait, puis de qualifier celui-ci d’agissement fautif ou d’abstention fautive, pour ensuite appliquer une sanction devant figurer au règlement intérieur de l’entreprise, tout en suivant une procédure décrite dans le code du travail.

Il se pose dès lors la question de la preuve de ce qui déclenche ce pouvoir disciplinaire. Il ne fait guère de doute que l’essor et la démocratisation des technologies de contrôle à distance des appareils numériques, de vidéosurveillance ou de géolocalisation ont conduit à renouveler le cadre d’appréciation de l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Circonstances déloyales

Le contentieux lié à l’utilisation de ces technologies comme mode de preuve est abondant. Les tribunaux écartent classiquement les preuves obtenues dans des circonstances déloyales ou par un procédé portant une atteinte injustifiée ou disproportionnée aux droits et libertés du salarié.

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C’est un moyen pour le moins original qui a conduit à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 6 septembre 2023 : le recours à un rapport fait par un client mystère à l’appui d’une sanction. Ce dernier est chargé par une entreprise ou un prestataire de se faire passer pour un client ordinaire pour tester la qualité des services de toute structure recevant du public. Le client mystère se rend sur les lieux pour observer et évaluer la prestation, en fonction d’un cahier des charges et d’une série de critères, éventuellement avec un scénario défini par le commanditaire.

Un salarié, employé dans le domaine de la restauration, avait fait l’objet d’une visite d’un client mystère, lequel a relevé à cette occasion de graves manquements à la procédure d’encaissement des repas. Sur la base des faits constatés lors de ce contrôle, l’employeur a déclenché une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié en cause qui a conduit à un licenciement.

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Hollywood : les scénaristes entérinent l’accord avec les studios

Des acteurs grévistes manifestent devant les locaux de Netflix situés à Hollywood, à Los Angeles, le 27 septembre 2023.

Les scénaristes d’Hollywood ont approuvé à une quasi-unanimité l’accord avec les studios, mettant ainsi fin officiellement à l’une des plus longues grèves de l’histoire de l’industrie aux Etats-Unis.

« 99 % des membres de la WGA [Guilde des scénaristes] ont voté en faveur de la ratification » de l’accord avec les studios, a écrit ce syndicat sur les médias sociaux.

En septembre, après 148 jours de grève, le syndicat des scénaristes avait annoncé un accord avec les grands studios Disney et Netflix en faveur d’une revalorisation de leur rémunération, en berne à l’ère du streaming, et des mesures de protection face à l’intelligence artificielle (IA).

La ratification de cet accord par une majorité des 11 500 membres du syndicat ne faisait aucun doute et les scénaristes avaient repris le travail, permettant le retour sur les ondes des principaux talk-shows américains la semaine dernière.

« Un progrès important pour notre industrie »

Si les scénaristes sont de retour au travail, quelque 160 000 acteurs, cascadeurs, danseurs et autres professionnels du petit et du grand écran, qui avaient rejoint la grève en juillet, n’ont toujours pas d’accord avec les studios.

Les pourparlers entre les acteurs grévistes du grand syndicat SAG-Aftra (pour Screen Actors Guild‐American Federation of Television and Radio Artists – « Guilde des acteurs-Fédération américaine des artistes de la télévision et de la radio ») et les patrons de studios d’Hollywood ont commencé la semaine dernière et devaient reprendre lundi.

Mais les revendications salariales portées par la SAG-Aftra, de même que la demande de garanties face à l’intelligence artificielle (IA), vont plus loin que celles de leurs collègues scénaristes.

Les acteurs craignent que l’IA ne soit utilisée pour cloner leur voix et leur image, sans leur consentement et sans rémunération.

L’Alliance des producteurs de films et de télévision, qui représentait les plus grands studios de l’industrie lors des négociations avec la WGA, a salué lundi la ratification du nouveau pacte avec les scénaristes qui « représente des gains et des protections significatifs » pour ces derniers et « constitue un progrès important pour notre industrie ».

Le Monde avec AFP

Grève des contrôleurs aériens : 40 % des vols annulés à Paris-Orly vendredi

Des voyageurs attendent leur vol à l’aéroport de Paris-Orly.

La direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé, lundi 9 octobre, aux compagnies aériennes de renoncer à 40 % de leur programme de vols vendredi à Paris-Orly, le deuxième aéroport français, en raison d’une grève interprofessionnelle relayée par un syndicat de contrôleurs aériens.

Les transporteurs ont également été appelés à réduire de 20 % leur programme de vols à Marseille-Provence et de 15 % à Beauvais, a précisé dans un communiqué la DGAC, en prévenant que l’activité des centres en route de la navigation aérienne, qui gèrent les appareils circulant dans le ciel français, serait également affectée.

« Du jeudi 12 octobre 2023 dans la soirée jusqu’au samedi 14 octobre 2023 à 6 heures du matin, le trafic aérien sera perturbé au départ et à l’arrivée des aéroports de Paris-Orly, Marseille-Provence et Beauvais », a ajouté la DGAC dans son communiqué. « En dépit de (…) mesures préventives, des perturbations et des retards sont néanmoins à prévoir », a souligné la DGAC, qui invite « les passagers qui le peuvent à reporter leur voyage et à s’informer auprès de leur compagnie aérienne pour connaître l’état de leur vol ».

Des « inégalités de salaires » à la DGAC

Le syndicat ayant appelé à faire grève est l’Union syndicale de l’aviation civile-CGT (USAC-CGT), minoritaire au sein des contrôleurs aériens mais déjà en pointe au printemps dans la mobilisation contre la réforme des retraites. Parmi les points défendus par l’USAC-CGT figure le fait que « les agents DGAC commencent à être impactés par la réforme ». L’organisation a aussi relevé « de plus en plus d’inégalités à la DGAC, en particulier en matière de salaires » et critiqué « le dynamitage du service public de l’aviation ».

Ce préavis intervient un mois après que le premier syndicat de contrôleurs aériens, le SNCTA, s’est engagé à respecter une « trêve olympique », c’est-à-dire à ne pas faire grève d’ici à la fin des Jeux olympiques et paralympiques prévus en France pendant l’été 2024.

De nombreuses journées de grève des contrôleurs aériens français en début d’année, lors du conflit sur les retraites, avaient conduit la DGAC à demander aux compagnies aériennes d’annuler de façon préventive une partie de leurs vols.

Le Monde avec AFP

Prix Nobel d’économie : Claudia Goldin, « Femina economicus »

Claudia Goldin, à Cambridge (Massachusetts), aux Etats-Unis.

Le jury de la Banque de Suède a doublement innové, à son échelle, en décernant, lundi 9 octobre, son prix 2023 pour la science économique, parfois appelé « Nobel de l’économie » à Claudia Goldin. Pour la première fois, il a choisi une femme comme lauréate unique – les deux précédentes, Elinor Ostrom en 2009 et Esther Duflo en 2019, étaient « colauréates » aux côtés d’économistes masculins – Oliver Williamson pour la première, Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour la seconde. Et il a choisi une économiste spécialiste des inégalités de genre.

Ce champ de la recherche économique s’est énormément développé depuis une quinzaine d’années, surtout aux Etats-Unis, mais le jury suédois l’avait jusqu’ici ignoré, alors que « l’entrée massive des femmes sur le marché du travail est un des phénomènes économiques majeurs dans les pays développés au XXe siècle », note Hélène Périvier, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE-Sciences Po), spécialiste des politiques sociale et familiale.

« Claudia Goldin, aujourd’hui âgée de 77 ans, est enfin récompensée comme pionnière : elle a été la première économiste à se saisir de la femme comme objet économique », observe Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, professeur associé à l’Ecole normale supérieure et chercheur à l’Ecole d’économie de Paris. « Et elle a beaucoup œuvré pour promouvoir les femmes dans la discipline », ajoute-t-il, par exemple en poussant les étudiantes à entrer dans la carrière, en concevant des programmes destinés à les y attirer, et en prenant elle-même d’importantes responsabilités.

Professeure à Harvard

Car tout en s’efforçant ainsi de mieux « coller » à l’air du temps, la vénérable institution suédoise se conforme à ses traditionnels canons de la reconnaissance institutionnelle. Claudia Goldin est professeure d’économie à Harvard, cœur du système universitaire américain – elle fut d’ailleurs la première femme à y obtenir un poste de professeur titulaire au département d’économie, en 1990. Elle a été présidente de l’American Economic Association (2013-2014), a reçu de nombreux prix et elle est membre des plus prestigieuses institutions de recherche américaines (National Bureau of Economic Research, National Academy of Sciences).

Surtout, dans la plus pure tradition de la théorie économique, ses recherches portent sur la façon dont les comportements individuels des femmes américaines sur le marché du travail « répondent » à des chocs ou à des incitations externes, de quelque ampleur qu’ils soient : la mobilisation économique et industrielle née de la seconde guerre mondiale, l’apparition de la pilule contraceptive, l’arrivée d’un enfant, les pratiques de recrutement ou de gestion des carrières des entreprises et des organisations.

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« Que sait-on du travail ? » : avec l’Index de l’égalité professionnelle, des bonnes notes sans impact majeur

25,6 % : A peine plus d’un quart des postes de l’emploi privé sont effectivement concernés par le calcul des écarts de rémunération, au sens de l’Index de l’égalité professionnelle. Cet outil de mesure, né en 2018, soumet les entreprises de plus de cinquante salariés à une obligation de résultat en matière d’égalité femmes-hommes. De fait, 43,9 % des emplois en sont exclus car appartenant à des structures de moins de cinquante salariés. Pour le reste, soit ils ont été écartés par la méthodologie du gouvernement, soit les entreprises concernées ont déclaré leur index « incalculable ».

Ce chiffre, parmi d’autres, témoigne des nombreux défauts de l’index, pointés par une équipe de chercheurs de l’Institut des politiques publiques (IPP). Leurs résultats sont synthétisés dans une contribution pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Les auteurs rappellent d’abord le fonctionnement de cette grille de notation d’un genre nouveau. Chaque entreprise est notée sur cent points, un total qui additionne un certain nombre de paramètres : l’écart de salaire horaire entre femmes et hommes (40 points), un indicateur de mobilité salariale (35), les augmentations de salaire des femmes à l’issue d’un congé maternité (15), et le nombre de femmes et hommes parmi les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise (10). En cas de score en dessous de 75/100, les entreprises ont trois ans pour mettre en place des mesures correctives.

Si la note moyenne des sociétés n’a cessé d’augmenter, passant de 82,4/100 en 2018 à 85,9/100 en 2021, les chercheurs mettent en évidence que la mise en place de l’Index n’a pas de réel effet sur les inégalités femmes-hommes dans les entreprises concernées. En effet, les entreprises qui publient l’Index ne réduisent pas particulièrement plus vite les discriminations que les autres.

L’analyse de l’IPP remet aussi en cause la méthodologie de l’Index, complexe et demandant du temps – ce qui n’est pas chose aisée pour des PME sans service de ressources humaines – en plus d’exclure des calculs une grande partie de la population salariée (notamment ceux ayant une ancienneté dans l’entreprise inférieure à six mois). Par ailleurs, certains raccourcis comme l’application d’un seuil de tolérance (tous les écarts inférieurs à 5 % sont ramenés à 0) donnent « une représentation plus resserrée des écarts de salaire femmes-hommes ».

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« Quel est l’impact de l’Index de l’égalité professionnelle ? »

[Contraindre les entreprises à une obligation de résultats sur l’égalité femmes-hommes ne suffit pas, si ces résultats sont incomplets, démontrent les chercheurs pour le projet du Liepp. Thomas Breda est professeur associé à l’École d’économie de Paris et chargé de recherche au CNRS. Il est également responsable du programme Travail et Emploi à l’Institut des politiques publiques. Marion Leturcq est chargée de recherche à l’Ined (Institut National des Études Démographiques). Ses travaux portent sur les inégalités femmes-hommes de patrimoine ainsi que sur le marché du travail, en lien avec l’évolution des modes de vie en couple. Paul Dutronc-Postel est économiste sénior à l’IPP et responsable du programme Environnement à l’Institut des politiques publiques. Joyce Sultan Parraud est économiste sénior à l’IPP. Diplômée de l’École d’économie de Paris, elle participe aux travaux de l’IPP liés au marché du travail et à l’emploi. Maxime Tô est responsable du programme retraites à l’IPP. Il travaille en particulier sur les questions d’offre de travail, sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes et sur la réforme du système des retraites. ]

Afin de lutter contre les inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail, la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a fait évoluer le cadre normatif en soumettant les entreprises à une obligation de transparence et de résultat en matière d’égalité professionnelle.

la loi témoigne d’un changement de paradigme : alors que les diverses politiques antérieures soumettaient essentiellement les entreprises à une obligation de moyens, cette loi introduit pour la première fois une obligation de résultat. Celle-ci est basée sur la création d’un instrument de mesure commun des inégalités professionnelles : l’Index de l’égalité professionnelle.

Le décret du 8 janvier 2019 définit les modalités pratiques de calcul de cet Index. Celui-ci est composé de quatre indicateurs et a pour objectif une meilleure application du principe inscrit dans la loi : « à travail de valeur égale, salaire égal ». L’obligation de publier l’Index a été échelonnée. Elle concerne les entreprises de plus de 1 000 salariés depuis le 1er mars 2019, celles de plus de 250 salariés le 1er septembre 2019, puis toutes les entreprises d’au moins 50 salariés depuis le 1er mars 2020.

Les entreprises dont l’Index est en dessous du score de 75 points ont trois ans pour mettre en place des mesures correctives (avec des possibilités d’assouplissement). L’étude sur l’Évaluation de l’Index d’égalité professionnelle, publiée par l’Institut des politiques publiques et présentée dans cette contribution, propose une évaluation de l’effet de la mise en place de l’Index sur les écarts salariaux et plus généralement les inégalités entre les femmes et les hommes dans les entreprises concernées (Breda, T. et al, 2023).

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La coopérative ferroviaire Railcoop au bord du gouffre

Le rêve d’une compagnie de trains partagée et participative est en train de tourner au cauchemar. Réunis en assemblée générale le 7 octobre à Figeac (Lot), les sociétaires de la coopérative ferroviaire Railcoop – un cas unique au monde – ont voté à 88,5 % en faveur du maintien de l’activité et à 85,5 % en faveur de la poursuite des négociations avec le fonds d’investissement espagnol Serena Partners, qui pourrait sauver la situation financière de l’entreprise. Car, depuis sa création en 2019, cette société coopérative d’intérêt collectif, qui veut relancer des lignes de trains voyageurs et de fret, cumule les difficultés et les échecs.

Au début de l’été, une campagne de levée de fonds n’avait pas atteint ses objectifs et la direction avait contacté Serena Partners pour tenter d’éponger des dettes qui s’élèveraient à un million d’euros, et augmenter le capital en créant une société annexe. Après l’arrêt, début 2023, d’une ligne de transport de marchandises entre Figeac (Lot) et Saint-Jory (Haute-Garonne), la mise en service de la ligne Lyon-Bordeaux, pour les voyageurs, est pour sa part à nouveau reportée.

« Ce très large soutien exprimé par nos sociétaires, 6 000 votants, avec une participation de 42 %, est un encouragement précieux pour la gouvernance de Railcoop », a réagi la direction. « Si nous arrivons à définir des solutions crédibles, nous proposerons au tribunal de commerce un “plan de continuation”, pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire », précise-t-elle cependant. Avec un budget d’environ 8,5 millions d’euros, Railcoop était très loin des objectifs financiers affichés en 2020, de l’ordre de 50 millions d’euros.

Budget insuffisant et choix contestés

Dans un contexte européen d’ouverture à la concurrence du rail, la société voulait rouvrir de vieilles lignes non exploitées et impliquer utilisateurs et voyageurs dans un modèle coopératif original, en y intégrant des collectivités locales et départementales. Avec près de 16 000 sociétaires, Railcoop s’est toutefois heurté rapidement à un budget insuffisant et à la difficulté de travailler avec SNCF Réseau, ainsi qu’à des choix jugés contestables de sa direction.

« Malgré l’obtention de créneaux de circulation, SNCF Réseau nous imposait de lourdes contraintes techniques et réclamait surtout une redevance sur les lignes qui nous condamnait », affirme un sociétaire, qui souhaite garder l’anonymat. Des tensions sont également apparues au sein de l’entreprise, après les démarches menées auprès de Serena Partners, « bien loin de l’esprit coopératif », selon le sociétaire.

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« Les jeunes saisonniers cherchent aujourd’hui des emplois qui correspondent à leurs valeurs »

L’industrie du tourisme repose essentiellement sur une main-d’œuvre saisonnière. Près d’un million de travailleurs saisonniers embauchés chaque année en France. Sans les saisonniers, les hébergements, les restaurants, les centres de loisirs et les sites touristiques ne pourraient pas fonctionner pleinement. Pourtant, chaque année, la problématique reste la même : le recrutement des travailleurs saisonniers se fait dans la douleur, bien qu’il soit largement anticipé.

Certes, les horaires atypiques de ces métiers jouent un rôle important dans ces difficultés de recrutement, mais au-delà de la question du travail saisonnier en lui-même, la problématique du logement est rapidement devenue le frein principal dans des endroits particulièrement touristiques. Les saisonniers, payés au smic, n’ont pas les moyens de louer un studio. Une réalité d’autant plus frappante durant l’hiver, les postes saisonniers étant à pourvoir dès septembre et les prix étant plus onéreux près des stations de ski.

La crise sanitaire n’a pas aidé le secteur, entraînant une perte considérable de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour le tourisme hivernal en 2020, une ruée vers les résidences secondaires et l’explosion d’Airbnb au pied des 350 pistes françaises et, par conséquent, une hausse des prix en raison d’une pénurie de logements. La récente réforme de l’assurance-chômage a aussi pesé : dorénavant, les personnes qui n’ont jamais travaillé doivent travailler au minimum six mois pour ouvrir leurs droits et ont tout intérêt à trouver un contrat longue durée.

65 000 postes saisonniers non pourvus en 2022

Enfin, la crise sanitaire a permis aux saisonniers de se reconvertir dans une autre profession, souvent mieux rémunérée et avec des horaires moins contraignants. Ce qui fait que 65 000 postes saisonniers sont restés non pourvus en 2022. Mais, au-delà de ces problématiques déjà connues, la crise liée au Covid-19 a fait émerger un nouvel enjeu, celui du management des saisonniers.

Les profils des travailleurs ont évolué et leurs aspirations ont considérablement changé la dynamique du travail saisonnier. Les jeunes saisonniers cherchent aujourd’hui des emplois qui correspondent à leurs valeurs. Cela implique de meilleures conditions de travail, évidemment, mais aussi des perspectives d’évolution de carrière et, surtout, un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ce qui n’est pas le fort de cette industrie à l’heure actuelle.

Avec le rebond du tourisme hivernal, qui retrouve son niveau d’avant la crise, la concurrence entre les acteurs du tourisme s’est accrue pour attirer les saisonniers qualifiés et a rendu leur fidélisation plus difficile. Si l’emploi ne leur convient pas, les candidats sont sûrs de pouvoir retrouver de manière quasi instantanée un nouveau contrat de saisonnier offrant des conditions plus avantageuses. Cette rotation constante de personnel peut entraîner une perte de savoir-faire et une déstabilisation de l’organisation.

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L’emploi américain au plus haut, obstacle à la baisse des taux

Quand les bonnes nouvelles sont aussi des mauvaises : les Etats-Unis ont créé 336 000 emplois au mois de septembre, plus que les 170 000 attendus et que la moyenne des douze derniers mois (267 000), tandis que le taux de chômage est resté stable à 3,8 %. Cette excellente tenue du marché de l’emploi a été saluée par Joe Biden, qui a vanté son bilan depuis son entrée à la Maison Blanche en janvier 2021 : « Cela représente près de 14 millions d’emplois – dont 815 000 dans le secteur manufacturier – créés grâce au Bidenomics », s’est vanté le président sur X (l’ancien Twitter), qui a ensuite prononcé une allocution à la Maison Blanche. « Le taux de chômage est resté inférieur à 4 % pendant vingt mois consécutifs ; la plus longue période depuis cinquante ans. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’économie américaine continue à créer des emplois

Toutefois, ce chiffre complique la tâche de la Réserve fédérale (Fed), qui doit ramener à 2 % l’inflation, qui se trouve aujourd’hui à 3,7 % sur un an. Résultat, les marchés tablent sur un maintien durable du loyer de l’argent à niveau élevé, et les taux d’intérêt à dix ans se sont envolés à 4,85 % – soit l’un des plus hauts niveaux depuis la période précédant la grande crise financière de 2008 –, avant de redescendre à 4,79 % à la clôture, ce qui reste considérable.

Les observateurs toutefois essayent de se rassurer en examinant plus en détail les statistiques, tel Jason Furman, économiste à Harvard et l’un des meilleurs spécialistes du dossier : « Première réaction aux chiffres de l’emploi : choc. Deuxième réaction : nervosité. Réflexion plus approfondie : cela pourrait être très bien. 336 000 emplois [et] une croissance des salaires qui est encore modérée. » En effet, les rémunérations des salariés américains n’ont augmenté que de 0,2 % entre les mois d’août et septembre, contre 0,3 attendu, ce qui marquerait une décélération de la hausse salariale, signe précurseur d’un marché de l’emploi sous contrôle.

Le risque de stagflation

Le climat a profondément changé cet été, lorsque les Etats-Unis se sont aperçus que l’intelligence artificielle ne doperait pas l’économie immédiatement même si elle est sa nouvelle frontière et que la Fed tiendrait bon pour faire refluer l’inflation jusqu’à 2 %. Elle ne veut pas réitérer les erreurs des années 1970 et 1980 qui conduisirent à lâcher la bride trop tôt et à provoquer un mix d’inflation et de stagnation connue sous le nom de stagflation.

La méfiance est de mise, avec la grève dans l’automobile qui va entraîner des hausses de salaires supérieures à 20 % sur quatre ans, le découplage avec la Chine qui entraîne une hausse des coûts et le déficit budgétaire en hausse, qui devrait atteindre 6,5 % du PIB pour l’exercice clos le 30 septembre 2023. La banque centrale prévoit de maintenir longtemps élevé le loyer de l’argent. Ses taux directeurs sont déjà passés de zéro en mars 2021 à 5,25 % actuellement.

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