Archive dans 2024

« Il est inconcevable que le déploiement de l’intelligence artificielle se fasse sans débat public et sans évaluation de son impact sur notre travail »

L’effervescence autour de la nouvelle génération d’intelligence artificielle (IA), l’IA générative, entretenue par les multinationales de la tech, doit offrir l’occasion de questionner les enjeux liés à cette accélération du progrès technique. Ils sont sociaux, économiques, éthiques, démocratiques, et questionnent le modèle même de son développement au regard de son impact environnemental. A-t-on besoin de l’IA partout, et pour faire quoi ? Voulons-nous dépendre de l’IA dans l’exercice de nos missions ? Quelles sont les limites de son développement ?

Loin de se poser ces questions, le gouvernement, avec sa Commission de l’intelligence artificielle, a publié, le 13 mars, un rapport contenant 25 recommandations pour que « la France puisse tirer parti de cette révolution technologique ». Ses recommandations sont assorties de budgets de plusieurs milliards d’euros qui, sans surprise, iront dans les poches d’entreprises privées, sans conditionner les aides publiques versées et sans apporter de garanties aux travailleurs et aux citoyens.

En engageant la nation « encore plus vite et encore plus loin » dans le numérique et « sans régulation », comme l’a annoncé, le 19 septembre 2023, Bruno Le Maire, le gouvernement s’affranchit de tout débat, pourtant nécessaire pour introduire une telle technologie capable de refaçonner nos sociétés. Pour les ingénieurs, cadres, chercheurs et techniciens de la CGT, la conception, les conditions de mise en place et l’utilisation des dispositifs d’IA nécessitent un véritable débat sociétal. Ce serait d’ailleurs l’occasion de revitaliser notre démocratie, en remettant au centre des enjeux les relations sociales et la négociation collective laissées en berne. La démocratie ne se décrète pas à coups de 49.3. Elle a besoin de ses corps intermédiaires et de ses syndicats pour exister.

Le travail, dans toutes ses dimensions, éclaire les sujets à traiter pour répondre aux défis sociaux et environnementaux, et constitue un puissant levier pour orienter et accompagner au mieux les évolutions humaines. C’est en mobilisant ces nouvelles technologies que nous pourrons garantir la transition écologique et assurer le progrès social. Le numérique, avec toutes ses déclinaisons (IA, objets connectés, blockchain, puces RFID [de l’anglais Radio Frequency Identification], etc.) permet d’obtenir la traçabilité de l’activité des entreprises sur les conditions sociales et environnementales de fabrication des services et produits manufacturés.

Objectifs politiques

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« Le Racisme ordinaire au travail » : une psychologue met en lumière le calvaire vécu par ses patients

« J’ai compris qu’elle voulait me détruire. Tous les matins, j’étais pliée en deux rien qu’à l’idée de me rendre au travail. Je vomissais, je pleurais, j’avais des crises d’angoisse, je ne dormais pas la nuit, mais il fallait que j’y aille. Cela a duré environ huit mois. » Face à sa psychologue, Esther revient sur le calvaire qu’elle a vécu dans la société d’événementiel où elle travaillait.

Sa directrice multipliait les humiliations. « Elle s’est mise à me parler petit nègre en permanence. C’était comme si j’étais sotte. Elle répétait comme un leitmotiv : “Moi pas comprendre toi.” » La quinquagénaire, métisse, a été durablement marquée : elle a été licenciée voici plus de trois ans et porte toujours une intense souffrance. « Je ne m’en sors pas », reconnaît-elle. Le cheminement avec sa psychologue lui permettra progressivement de retrouver de la sérénité, en décryptant notamment les rapports de domination qui se jouaient derrière les préjugés raciaux.

Dans son ouvrage, Le Racisme ordinaire au travail (Erès), la psychologue Marie-France Custos-Lucidi revient sur l’histoire vécue par sept de ses patients. Esther, Inaya ou Abdel… Tous ont connu de grandes souffrances dans le cadre professionnel, victimes de racisme et de discriminations. La psychologue met en lumière leurs douleurs, les nœuds psychiques dont ils vont tenter, séance après séance, de se libérer, mais aussi les processus déployés par leurs encadrants pour les soumettre.

On est saisi, au fil des pages, par les similitudes entre les différentes expériences relatées. La volonté d’excellence qui anime certains salariés, le travail intense fourni, et la difficulté à trouver des postes équivalents à leur niveau de diplôme. L’acceptation, aussi, durant de longs mois, des brimades. La collaboration, parfois, à un système dont ils réprouvent pourtant l’éthique.

Une « servitude volontaire »

Pour « sécuriser [un] titre de séjour » ou pour tenter d’intégrer un monde des « puissants » qui se refuse à eux, ils endurent, pris dans une « servitude volontaire ». Leur implication dans le système qui les ronge est une autre source de souffrance. Mais c’est en prenant conscience de cette même implication qu’ils parviendront à desserrer l’étau et à retrouver leur souffle vital.

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L’ouvrage nous permet de suivre pas à pas les patients, de comprendre les mécanismes subtils qui s’expriment, en eux, dans leur quête d’une « place sociale ». Le parcours professionnel croise l’histoire personnelle, familiale. De multiples facteurs s’entremêlent pour expliquer leurs agissements et, par extension, leur souffrance. Abdel, ingénieur de base de données, se souvient ainsi qu’enfant, sa mère lui répétait : « Ne faites pas de bruit, n’ayez de problèmes avec personne. » Cette assignation permet de mieux comprendre la relative passivité dont il fait preuve face aux humiliations et à un parcours professionnel qui l’affecte.

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Comment le monde agricole s’est peu à peu fragmenté

Frédérique Giovanni, dans sa chèvrerie du Bambois, à Lapoutroie (Haut-Rhin), le 26 avril 2024.

Nous sommes en 1972 : la ferme laitière des Bertrand, en Haute-Savoie, est exploitée par trois frères célibataires, et leur vieux père est cassé en deux par une vie de travail. On fauche inlassablement les prés à la main pour nourrir les 100 têtes de bétail, on casse les cailloux pour faire la dalle de la future stabulation, une nouveauté dans la région. Pas de femmes, pas de vacances, pas de loisirs. La fabrication du reblochon, la spécialité locale, exige un labeur quotidien.

En 1997, faute d’héritiers directs, Patrick, un neveu, et sa femme, Hélène, reprennent l’exploitation. Tracteurs, remorques, machines font leur apparition. Hélène prend parfois une journée de repos pendant laquelle elle s’« ennuie ». Cinquante ans plus tard, en 2022, la famille fait le choix d’investir dans des robots de traite, pour ne pas avoir à « employer des gens », explique Marc, le fils d’Hélène et Patrick, qui refuse de devenir « manageur » comme nombre d’agriculteurs désormais.

Son associé, Alex, ne vient pas du monde agricole ; il était ouvrier dans la métallurgie. A l’inverse, les épouses des deux hommes ne travaillent pas à la ferme, mais en ville. De leurs enfants, Marc et Alex disent « qu’ils feront ce qu’ils voudront »… La transmission de la ferme ne sera pas une mince affaire, d’autant que la pression foncière et immobilière se fait durement ressentir. A une trentaine de kilomètres de Genève, « ça bâtit à tout-va », déplore Marc. Comment préserver les terres agricoles et le métier dans ces conditions ?

Cette histoire familiale qui s’étend sur un demi-siècle, racontée par Gilles Perret dans le documentaire La Ferme des Bertrand, sorti le 31 janvier, retrace une grande part des évolutions du monde rural français sur la période récente. Le projet de loi agricole examiné à l’Assemblée nationale depuis mardi 14 mai, outre qu’il entend répondre en partie à la colère exprimée en début d’année, ambitionne de tirer quelques leçons des transformations à l’œuvre depuis cinquante ans. Un monde qui a connu un bouleversement « assez inédit » à l’échelle historique, selon Thierry Pouch, économiste et chercheur à l’université Reims Champagne-Ardenne, et dont l’effondrement démographique est sans doute la manifestation la plus évidente.

Paradoxe douloureux, malgré son rôle essentiel reconnu et loué par tous, celui de nourrir ses semblables, l’agriculteur est désormais comme invisibilisé. Depuis 1982, en un peu plus de quarante ans, l’emploi agricole a été divisé par trois : il représentait 7,5 % de l’emploi total en 1982, c’était 2,7 % en 2022, selon les données publiées par l’Insee. Les agriculteurs exploitants, eux, sont moins nombreux encore : ils représentaient 1,6 % des personnes en emploi en 2022. C’est non seulement la catégorie socioprofessionnelle qui a le plus fortement diminué sur la période récente, mais désormais aussi la moins représentée, dans une France où les employés et les professions intermédiaires sont majoritaires.

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La marque de prêt-à-porter Esprit dépose le bilan en Europe

Une boutique Esprit fermée à la suite de la faillite de la branche belge de la chaîne de vêtements, à Gand, le 9 avril 2024.

La chaîne de magasins de vêtements Esprit a annoncé mercredi 15 mai avoir déposé le bilan pour ses activités en Europe, misant sur une restructuration pour surmonter ses difficultés liées à la hausse de ses coûts de production et aux séquelles de la pandémie de Covid-19.

Le groupe, basé en Allemagne et coté à la Bourse de Hongkong, dit espérer que cette procédure ouverte auprès du tribunal de Düsseldorf (ouest de l’Allemagne) permette de « réorganiser les finances et la trésorerie » de ses filiales, ajoutant que « plusieurs investisseurs potentiels ont exprimé leur intérêt pour un partenariat stratégique ».

Le dépôt de bilan concerne la filiale Esprit Europe et six autres sociétés allemandes du groupe. Les filiales en Suisse et en Belgique, où Esprit a des magasins, ont déposé le bilan en mars et en avril. D’autres pourraient suivre, selon le communiqué. « Au cours des dernières années, les filiales ont dû faire face à des coûts extrêmement élevés dus à l’inflation, aux taux d’intérêt et aux prix de l’énergie, aux séquelles du coronavirus et les conséquences des conflits internationaux », explique la société.

Hécatombe

Cette situation a été « aggravée par le poids des coûts hérités du passé », poursuit le groupe, citant des loyers élevés et des magasins de taille inadaptée. Ce cocktail de difficultés, auquel s’ajoute la concurrence de la « fast fashion » et de la seconde main, a provoqué une hécatombe dans la filière du prêt-à-porter depuis plus d’un an avec la chute d’enseignes emblématiques comme Camaïeu, Burton of London, Gap France, Naf Naf, Kookaï et d’autres.

Il s’agit de la deuxième procédure d’insolvabilité en quatre ans pour Esprit, qui avait supprimé environ un tiers de ses effectifs et fermé cent points de vente au moment de la pandémie.

La chaîne de vêtements a été fondée en 1968 à San Francisco par un couple américain hippie, Douglas et Susie Tompkins (également à l’origine de la marque The North Face), qui a vendu ses premiers articles en sillonnant la Californie à bord d’un minibus Volkswagen.

Les fondateurs ne sont plus aux commandes depuis longtemps. Le groupe est coté depuis 1993, avec un siège à Ratingen près de Düsseldorf. Esprit dit être présent dans plus de quarante pays avec 586 magasins.

Le Monde avec AFP

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JO 2024 : la Mairie annonce la levée du préavis de grève des éboueurs parisiens

La Mairie de Paris a annoncé, mercredi 15 mai, « la levée du préavis de grève » de ses éboueurs, qui menaçait toute la période des Jeux olympiques (JO), après la conclusion d’un accord sur une « revalorisation du régime indemnitaire ».

« Hier, mardi, un accord a été trouvé afin de permettre la levée du préavis de grève qui courait sur six journées de mai – les 14, 15, 16, 22, 23 et 24 – puis du 1er juillet au 8 septembre », a annoncé dans un communiqué la mairie, dirigée par la socialiste Anne Hidalgo.

« Une revalorisation du régime indemnitaire a été entérinée : 50 euros brut par mois à compter de juillet 2024 puis 30 euros brut par mois à compter de janvier 2025 », précise la Mairie, qui ajoute qu’un « cycle de discussion sur des sujets plus spécifiques a par ailleurs été ouvert ».

Primes pendant les JO

Le cadre des primes pour les agents mobilisés pendant les Jeux olympiques et paralympiques « reste de 600 euros à 1 900 euros en fonction du degré d’intensification de la charge de travail à l’occasion de la préparation, l’organisation et/ou la participation au déroulement » de l’événement.

La filière traitement des déchets, nettoiement, eau, égouts, assainissement (FTDNEEA) de la CGT, à l’initiative du préavis, réclamait une augmentation salariale de 400 euros par mois pour tous les personnels et une prime exceptionnelle de 1 900 euros pour tous les agents qui travailleront pendant les JO. La mairie salue « l’esprit de responsabilité et l’attachement partagé à la pleine réussite des Jeux olympiques et paralympiques ».

En mars 2023, la grève des éboueurs parisiens contre la réforme des retraites avait duré plus de trois semaines, entraînant un amoncellement des déchets dans les rues de la capitale, avec un pic à plus de 10 000 tonnes. Les images de tas de poubelles atteignant parfois plusieurs mètres de hauteur avaient fait le tour du monde.

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Le Monde avec AFP

Le gouvernement lance une concertation sur le futur congé de naissance

A quoi ressemblera le futur congé de naissance ? Représentants syndicaux et du patronat, associations d’élus et mouvements familiaux devaient se retrouver, mercredi 15 mai, au ministère des solidarités et de la santé, à l’invitation du gouvernement, pour entamer une nouvelle concertation sur les contours de ce dispositif censé remplacer, à terme, le congé parental.

Ce dernier, créé en 1977 et réformé en 2014, permet aux parents de suspendre leur activité professionnelle, totalement ou partiellement, après la naissance d’un enfant et jusqu’à ses 3 ans. Mais il souffre de sa faible indemnisation (448 euros par mois en cas d’interruption complète d’activité), qui le rend peu attractif : seules 14 % des mères et à peine 1 % des pères y ont recours. Bien souvent, les parents s’en emparent faute d’une solution de garde avant la scolarisation.

Des enjeux d’égalité (professionnelle) entre les femmes et les hommes, mais aussi de meilleur partage des tâches sont donc au cœur de la réflexion. Le cadre général de la réforme a d’ores et déjà été posé par Emmanuel Macron, dans un entretien au magazine Elle, paru le 8 mai. « Trois mois pour les mères, trois mois pour les pères, cumulables durant la première année de l’enfant, et indemnisés à hauteur de 50 % du salaire jusqu’au plafond de la Sécurité sociale », soit 1 900 euros, a précisé le président de la République, qui a redit sa volonté d’en faire un instrument de relance de la natalité.

Ce nouveau congé, qui ne se substitue pas au congé maternité, d’une durée de seize semaines, et au congé paternité, de vingt-huit jours, devrait entrer en vigueur « fin 2025 ». Il figurera dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, discuté à la rentrée de septembre, a assuré la ministre déléguée à l’enfance, à la jeunesse et aux familles, Sarah El Haïry, dans une interview à La Tribune Dimanche.

D’ici là, de nombreuses questions se posent : la durée de trois mois sera-t-elle renouvelable ? Transférable entre les deux parents ? Y aura-t-il des dispositions spécifiques pour les familles monoparentales ? Un caractère obligatoire est-il envisagé pour contraindre les pères à s’en saisir ?

« Un sacré recul »

Chez les partenaires sociaux, certains s’offusquent d’avoir appris par voie de presse les premiers arbitrages. « Entre septembre et décembre [2023], nous avons déjà participé à une concertation menée par [l’ancienne ministre des solidarités] Aurore Bergé, où nous avons pu aborder des éléments importants sur la natalité, la question des modes de garde et des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes », rappelle la vice-présidente de la Confédération française des travailleurs chrétiens, Pascale Coton. Les modalités dévoilées par le chef de l’Etat lui semblent être « un sacré recul par rapport à ce sur quoi on s’était appuyé ». Elle regrette notamment qu’il ne soit finalement pas prévu que le nouveau dispositif s’articule avec le congé parental actuel.

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Dans une période de tension sociétale aux Etats-Unis, les manageurs de la diversité sont remis en question

Le transporteur JB Hunt Transport Services était un habitué des poursuites judiciaires pour discrimination sur les lieux de travail. En 2016, quatre chauffeurs sikhs accusaient leur employeur de les avoir maltraités du fait de leur turban. Six ans plus tard, un employé originaire du Ghana assurait avoir été injustement licencié à cause de ses origines. Mais la plainte pour discrimination raciale, déposée en janvier 2023, en a surpris plus d’un. Cette fois-ci, il s’agit de Ryan Waters, un cadre des ressources humaines, qui dit avoir été remercié parce qu’il est un homme blanc. Surprise ? Pas tout à fait.

Ces derniers temps aux Etats Unis, plusieurs plaintes contre de grands groupes ont été portées devant les tribunaux assurant que des hommes de type caucasien seraient victimes de discrimination raciale.

Ces plaintes font suite à une décision de la Cour suprême de 2023 concernant l’admission des étudiants à Harvard et à l’université de Caroline du Nord. La majorité des juges avait alors tranché contre la mise en œuvre de l’« Affirmative Action », concluant que les universités ne devaient plus prendre en compte la couleur de peau des postulants, car cela désavantagerait les élèves blancs.

Les conditions d’admission à l’université n’ont bien sûr rien à voir avec le management au sein des entreprises privées. Mais, fort de cette première victoire contre Harvard, Edward Blum, fondateur de l’American Alliance for Equal Rights, déclarait dès lors que ses prochaines cibles seraient les entreprises et leurs programmes « diversité et inclusion », censés avantager les minorités raciales, les femmes, les handicapés et les employés LGBTQ.

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Edward Blum et quelques alliés, tel Stephen Miller, un ancien conseiller immigration de Donald Trump, créateur de l’association America First Legal, s’appuient sur les lois de protection des droits fondamentaux de 1866 et 1964. L’interprétation de ces lois, volant a priori au secours de l’opprimé noir, latino ou asiatique, est détournée par M. Blum, qui estime qu’aujourd’hui, la victime est blanche.

Un pas en avant, deux pas en arrière

Trois grands cabinets juridiques, Perkins Coie, Morrison & Foerster et Winston & Strawn, qui offraient des bourses aux étudiants minoritaires de la faculté de droit se sont ainsi retrouvés sur le banc des accusés. De même que les grands magasins Macy’s, les laboratoires Pfizer, le fonds de capital-risque Fearless, ou encore le Honeyfund en Floride, qui liste les cadeaux de mariage.

Toutefois, lorsque les juges ont examiné l’aide à la promotion des employés noirs, latinos et amérindiens de Pfizer, ils ont remarqué que la partie adverse n’avait pu fournir « aucun nom » de victime du programme. Pfizer a donc gagné le procès. Mais, par prudence, le laboratoire a tout de même changé ses critères d’admission dans le programme. Celui de la race a disparu, pour éviter à l’avenir de coûteuses affaires judiciaires et la mauvaise publicité liée à cette prétendue discrimination.

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Comment la réindustrialisation est perçue par les Français en matière de territoires, d’emploi ou encore d’écologie

Le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire (à droite), la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor (au centre), et le ministre délégué à l’industrie, Roland Lescure, inaugurent la centrale électrique du parc éolien offshore de Noirmoutier et de l’île d’Yeu, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 2 mai 2024.

Qu’entend-on précisément par réindustrialisation ? Quel regard la société porte-t-elle sur le monde industriel et ses réalités d’aujourd’hui ? C’est à ces questions plus complexes qu’il n’y paraît que Bpifrance, la banque publique d’investissement chargée par l’Etat de financer en partie la réindustrialisation dans le pays, tente de répondre dans une enquête sur « l’industrie et les territoires », rendue publique mercredi 15 mai. Réalisée de décembre 2023 à mars 2024, cette étude, que Le Monde a pu consulter, a interrogé cinq mille citoyens et 2 828 dirigeants d’entreprises industrielles, mêlant patrons de PME, d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) et de start-up.

Comment cette politique vantée par le gouvernement pénètre-t-elle les esprits ? A la lecture des résultats, 40 % des Français perçoivent une réindustrialisation qui serait en cours dans le pays. Mais le score est plus faible chez les dirigeants industriels, avec 35 % seulement des 2 828 patrons d’entreprises industrielles qui estiment que la France connaît une telle période. Un « scepticisme », selon Bpifrance, qui peut s’expliquer en partie par les difficultés de nombreux patrons ces dernières années liées à la crise énergétique.

Cette perception relative ne recouvre pas pour autant un rejet de l’industrie, puisque 82 % des personnes interrogées se disent « favorables à la réindustrialisation », en particulier chez les CSP+ et chez les plus de 55 ans. Mais pas à n’importe quel prix : 56 % des sondés sont également préoccupés par les impacts jugés « négatifs », plaçant en tête la pollution et l’atteinte à l’environnement. « Il y a un enjeu de communication pour l’industrie, qui doit changer son image auprès des Français qui la voient trop encore comme l’industrie à l’ancienne, avec la cheminée qui fume, que comme l’industrie innovante du XXIe siècle », estime Philippe Mutricy, directeur des études chez Bpifrance.

Un possible malentendu

Dans le détail, elle doit surtout être « porteuse d’emplois » pour la majorité des sondés (44 %), une finalité bien plus importante à leurs yeux que la souveraineté et l’indépendance stratégique de la France (31 %) ou que la stimulation de la croissance économique (26 %). La priorité donnée à la création d’emplois est plus forte encore chez les personnes interrogées habitant des régions qui ont été fortement touchées par la désindustrialisation au cours des dernières décennies – comme les Hauts-de-France et le Grand-Est.

Un possible malentendu émerge sur le sens donné à la réindustrialisation dans la société civile et parmi la classe dirigeante. Pour la grande majorité des Français interrogés (72 %), réindustrialiser le pays signifie « relocaliser des sites de production qui étaient partis à l’étranger », alors que cela ne représente que 3 % des intentions chez les dirigeants d’entreprise. Pour les patrons, relancer l’industrie en France se traduit davantage par « l’extension d’un site industriel » déjà existant (38 %) et éventuellement la « création d’une nouvelle installation » (14 %).

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Pour les entreprises, anticiper la généralisation du bonus-malus sur les contrats courts

Carnet de bureau. « La piste est à l’étude », confirme Marc Ferracci, député (Renaissance) des Français établis hors de France et économiste spécialiste du marché du travail, à propos de la généralisation du bonus-malus sur les contrats courts, dont il fut l’un des premiers promoteurs.

Appliqué depuis deux ans aux entreprises de sept secteurs d’activité, ce dispositif mesure le nombre de fins de contrat ou de missions d’intérim suivies, dans les trois mois, d’une inscription à France Travail. Afin de dissuader les entreprises de recourir abusivement aux contrats courts, à l’heure où l’assurance-chômage va durcir l’accès à l’indemnisation des chômeurs, le bonus-malus pourrait être étendu à trente-huit secteurs d’activité.

Les nouvelles règles d’indemnisation du chômage, qui seront prochainement précisées par décret, entreront en vigueur le 1er juillet. Il n’est pas exclu que l’extension du dispositif soit actée d’ici là. « Il n’y a aucune décision de prise, mais il existe une fenêtre d’opportunité avec ce décret pour généraliser le bonus-malus à trente-huit secteurs, en excluant toujours les entreprises de moins de onze personnes », estime M. Ferracci.

Un scénario qui ne satisfait pas le Medef, qui n’a cessé de rappeler son opposition au dispositif « tant sur les principes (taxer les entreprises sur la base de comportements des salariés et de contraintes d’activité qu’elles ne maîtrisent pas) que sur les modalités de mise en œuvre illisibles et complexes », comme le précise un document interne. L’organisation patronale aimerait à tout le moins réduire le périmètre des fins de contrat de travail pris en compte, en sortant, par exemple, les ruptures conventionnelles. Ce qui n’est pas prévu par le « Guide du déclarant bonus-malus d’assurance-chômage » de l’Urssaf.

Le comportement des recruteurs

D’ici à juillet, il reste près de deux mois aux entreprises concernées pour se pencher sur les solutions adoptées depuis 2022 dans les sept secteurs pilotes. Le comportement des recruteurs a effectivement changé après la mise en place du bonus-malus. Le nombre de fins de contrat à l’initiative de l’employeur a baissé et la durée des missions d’intérim s’est allongée dans ces entreprises. « Les fins de contrat sont moins fréquentes dans les entreprises appartenant aux secteurs relevant de la modulation que dans les entreprises appartenant à des secteurs aux comportements de séparation relativement proches mais non concernés par le dispositif », entérine le rapport d’évaluation du ministère du travail publié fin février.

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La crise de recrutement des enseignants s’enkyste

Selon les premiers résultats d’admissibilité aux concours, plusieurs centaines de postes ne trouveront pas preneurs, notamment dans les académies de Créteil et Versailles pour le premier degré. Alors que les « groupes de niveaux » doivent être mis en place, il pourrait manquer des professeurs en mathématiques et en français, notamment.