1 138 accords et avenants interprofessionnels et de branche (données provisoires) ont été signés en 2023 à tous les niveaux (national, régional, local). Ce chiffre, tiré du bilan annuel de la négociation collective en 2023 publié jeudi 3 octobre par le ministère du travail et de l’emploi, atteste d’une forte baisse par rapport à 2022 (1 596 accords signés selon les chiffres définitifs).
La cause de cette décrue ? La décélération de l’inflation, qui a réduit en 2023 la fréquence de réévaluation du smic. Et donc la nécessité de négocier pour maintenir les minima conventionnels au-dessus du salaire minimum. « Après une année 2022 marquée par une dynamique exceptionnelle (…) tirée par le rythme très soutenu de la négociation salariale, le volume des accords signés en 2023 retrouve un niveau plus en phase avec la tendance longue », confirme Pierre Ramain, directeur général du travail, dans l’avant-propos de ce bilan.
Reste que ce retour à la normale laisse un goût amer à certains des partenaires sociaux, que le ministère du travail invite à s’exprimer dans son bilan. « Trop de négociations salariales de branche s’effectuent a minima et se traduisent uniquement par une simple mise en conformité. Cette pratique renforce le tassement des grilles salariales et (…) cantonne trop de salariés (en majorité des femmes), à rester au niveau du smic pendant de longues années », regrette la CFDT.
l’égalité femmes hommes en recul
A l’inverse de la négociation de branche, la négociation d’entreprise n’affiche qu’un léger repli (− 5,5 %) et se maintient à un niveau élevé : 107 980 textes de différents types ont été déposés sur la plateforme de l’administration, avec une répartition quasiment identique entre 2022 et 2023. 61,9 % sont des accords ou avenants signés par des délégués syndicaux (DS), des élus du comité social et économique (CSE), ou des salariés mandatés. 19,1 % résultent d’un référendum à la majorité des deux tiers des salariés, et 18,7 % relèvent de décisions unilatérales de l’employeur (dénonciations d’accords, plans d’action…).
Les salaires représentent toujours en 2023 le sujet principal des accords de branche, avec 520 accords signés, quoique en net recul par rapport à 2022 (− 25 %), pour cause de ralentissement de l’inflation. Pour les mêmes raisons, ce ralentissement réduit le nombre d’accords signés dans les branches sur le thème de l’égalité femmes-hommes (289, contre 437 en 2022), et des systèmes de primes (équipements de travail, déplacements, repas, astreintes, évènements familiaux, etc.). Le nombre d’accords sur les retraites complémentaires et la prévoyance demeure, lui, stable.
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C’était une décision très attendue, et pour cause : elle pourrait permettre aux joueurs de football professionnels de rompre unilatéralement et à n’importe quel moment les contrats qui les lient à un club. Vendredi 4 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que les règles de la Fédération internationale de football (FIFA) encadrant les transferts entre clubs étaient « contraires » au droit de l’Union européenne et de « nature à entraver la libre circulation » des footballeurs professionnels.
La CJUE tranchait là un contentieux qui oppose l’ancien international français Lassana Diarra à la FIFA et à la Fédération belge de football. Cet arrêt pourrait, à terme, avoir d’importantes conséquences sur les règles du marché des transferts.
Quel était le problème ?
L’affaire « Lassana Diarra et FifPro (la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels) contre FIFA et Fédération belge de football » remonte à 2014. Cette année-là, le Lokomotiv Moscou, contrarié par les performances de l’ex-international français (34 sélections), souhaitait baisser son salaire alors que son contrat courait sur trois ans. Estimant cette baisse injustifiée, Lassana Diarra avait signifié son désaccord et émis le souhait de quitter le club russe pour rejoindre le Sporting de Charleroi (Belgique), qui s’était alors manifesté pour le recruter. Le club moscovite avait alors décidé de rompre le contrat du milieu défensif, jugeant qu’il avait cessé de l’honorer sans « juste cause ».
S’appuyant sur les règles de la FIFA, le Lokomotiv Moscou avait, en outre, réclamé 20 millions d’euros – ramenés ensuite à 10,5 millions – à Lassana Diarra pour le préjudice subi. Car, selon le règlement de l’instance internationale, si un joueur rompt son contrat de manière unilatérale et « sans juste cause », celui-ci doit verser une indemnité correspondant à sa rémunération et ses avantages jusqu’au terme de son contrat. Autre règle édictée par la FIFA : un club engageant un joueur ayant rompu son contrat ainsi peut être condamné à payer solidairement ces frais et recevoir des sanctions sportives (pouvant aller jusqu’à une interdiction de recrutement). Cette menace avait fini par décourager le Sporting de Charleroi d’embaucher Lassana Diarra.
Soutenu par des syndicats de joueurs – notamment l’Union nationale des footballeurs professionnels et la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels –, le joueur français a saisi la justice belge. C’est dans ce cadre que la cour d’appel de Mons s’est adressé à la Cour de justice de l’Union européenne avec, en substance, l’interrogation suivante : les règles de la FIFA en matière de transfert des joueurs sont-elles compatibles avec le droit de la concurrence et la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE ?
Qu’a décidé la Cour de Justice de l’Union Européenne ?
Vendredi 4 octobre, l’instance européenne rendue un arrêt penchant plutôt en faveur du joueur. En déclarant « contraires » au droit de l’Union européenne certaines règles de la FIFA encadrant les transferts des joueurs et de « nature à entraver la libre circulation » de ceux-ci, la juridiction établie à Luxembourg suit les conclusions de son premier avocat général, Maciej Szpunar. Ce dernier avait estimé, le 30 avril, que les règles de la FIFA transgressaient le principe de la libre concurrence en Europe.
La Cour de justice estime que les modalités imposées par la FIFA « font peser sur ces joueurs et sur les clubs souhaitant les engager des risques juridiques importants, des risques financiers imprévisibles et potentiellement très élevés ainsi que des risques sportifs majeurs, qui, pris ensemble, sont de nature à entraver le transfert international des joueurs ».
Les règles du marché des transferts vont-elles changer ?
A ce stade, il est impossible d’être formel. Dans l’affaire Lassana Diarra, la CJUE renvoie la balle à la justice belge dans son arrêt, jugeant que, « sous réserve de vérification » par la cour d’appel de Mons, les règles de la FIFA restreignant la concurrence « ne semblent pas indispensables ou nécessaires ». C’est désormais sur cette base-là que le contentieux entre le joueur français et la fédération internationale devra être tranché.
L’avocat belge Jean-Louis Dupont, qui défend Lassana Diarra – aujourd’hui retraité –, s’est félicité de cette décision « majeure pour la régulation du travail dans le football et plus généralement dans le sport ». La FifPro a également très bien accueilli la décision de l’instance européenne, considérant, dans une courte déclaration sur X, qu’elle « changera le paysage du football professionnel ».
Dans les faits, on ignore à ce stade si les règles de la FIFA remises en cause par la CJUE vont être tout simplement gommées – et donner ainsi la possibilité à n’importe quel joueur de quitter un club à n’importe quel moment – ou être remplacées par d’autres. Dans son arrêt, la Cour de justice semble ouvrir la porte à cette seconde option. Elle précise que des raisons impérieuses, liées à « l’intérêt général », peuvent amener la FIFA à édicter de nouvelles règles en matière de transferts afin d’assurer une certaine stabilité en cours de saison dans les effectifs des clubs.
Vendredi, la FIFA s’est dite « satisfaite que la légalité des principes clés du système de transfert ait été reconfirmée » par la CJUE. L’instance considère, en effet, que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne « ne remet en question que deux paragraphes de deux articles du règlement du statut et du transfert des joueurs ».La FIFA promet enfin d’« analyser la décision [de la CJUE] en coordination avec les autres parties prenantes ».
La principale politique publique en faveur de l’emploi est, depuis les années 1990, la politique de réduction des cotisations sociales des employeurs, visant à réduire le coût du travail. Elle entraîne toutefois des pertes de recettes pour la Sécurité sociale qui se montaient en 2023 à près de 75 milliards d’euros, qui doivent être financées par d’autres impôts et taxes, représentant près de 3 points du produit intérieur brut (PIB).
Cette politique est principalement ciblée sur les bas salaires, et conduit donc mécaniquement à privilégier les embauches de salariés payés au niveau du smic. La part de ces salariés dans l’emploi total a par conséquent augmenté, en partie du fait des récentes revalorisations conjoncturelles du smic, mais aussi du fait de nombreux effets non désirés de la politique d’exonérations de cotisations, qu’il conviendrait dès lors de corriger.
Ces exonérations diminuent en effet rapidement pour les salaires un peu plus élevés, comme du reste les autres aides du système socio-fiscal (aides personnelles au logement, prime d’activité…). Un employeur qui augmente un salarié perd ainsi une partie de ces exonérations. Dans certains cas, il est amené à débourser 480 euros pour que son salarié perçoive 100 euros de revenu disponible supplémentaire !
Privilégier la dynamique salariale
De tels taux sont dissuasifs pour la dynamique des salaires. Cela était anticipé dans tous les rapports qui se sont succédé depuis des décennies sur l’effet des exonérations, mais la priorité était à la lutte contre le chômage. A juste titre au départ : en effet, à la fin des années 1990, le chômage était de plus de 12 % ; des chocs technologiques et de mondialisation laissaient sur le carreau les salariés les moins formés. Un consensus s’était progressivement établi : la priorité était de diminuer le coût du travail. Mais, aujourd’hui, le contexte est différent : les nouveaux chocs sont liés à la robotisation, à l’automatisation, et demain à l’intelligence artificielle, affectant aussi les salariés gagnant entre 1,2 et deux fois le smic.
Il est donc légitime de rediriger les efforts vers ces catégories de salariés. Il ne faut plus faire de l’augmentation de l’emploi au smic la seule boussole des réformes, et viser des emplois de meilleure qualité. Dans un contexte dans lequel l’emploi a progressé, nous recommandons de privilégier désormais la dynamique salariale en réduisant la pente des allègements, c’est-à-dire en retirant moins vite ces réductions de cotisations.
A budget constant, cela passe par une baisse prudente des allègements de cotisations au niveau du smic, mais en contrepartie cela permet d’augmenter ces allègements pour les salaires intermédiaires, entre 2 100 et 3 400 euros, afin de favoriser les emplois au-delà du salaire minimum. Les employeurs pourront ainsi plus facilement augmenter leurs salariés et leur permettre de sortir de la trappe à bas salaires, en réduisant de 10 % le surcoût d’une augmentation.
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La sémiologue Mariette Darrigrand montre, dans L’Atelier du tripalium. Non, travail ne vient pas de torture ! (Equateurs, 224 pages, 19 euros), que le choix des mots est une porte d’entrée pour mieux saisir une époque – et son rapport au travail.
Vous consacrez le début de votre ouvrage à « déconstruire » une contre-vérité : le mot travail n’a pas pour origine « tripalium », qui désignait un instrument de torture dans l’Antiquité et au Moyen Age…
Mariette Darrigrand : J’ai constaté que beaucoup d’ouvrages de management mettaient en avant cette étymologie. Elle imprègne le monde du travail et, en conséquence, on s’appuie bien souvent sur elle pour dénoncer les dysfonctionnements au sein des organisations. Pourtant, elle est fausse.
Il faut revenir à Littré. Au XIXe siècle, le lexicographe a récusé cette étymologie. Il lui préfère le petit vocable « trabs » comme souche du mot travail via « trabe », « trave », « tref »… Cela nous renvoie à la branche de l’arbre, donc au bois, matière première énormément travaillée dans l’Antiquité. Lui ont été associés progressivement, par mécanisme mental, les instruments de travail et, finalement, le travail – l’effort fourni pour construire les charpentes, les toitures, puis, par extension, tout acte de production.
Vous expliquez que « l’étymologie de “travail” (…) donnée communément par “tripalium” constitue (…) une précieuse pièce archéologique ». Pourquoi ?
Au-delà de la recherche de la vérité – cette étymologie est-elle vraie ou fausse ? –, la sémiologie nous permet de comprendre le voyage d’un mot. Tripalium est attesté au VIe siècle. Il est porté par les pères de l’Eglise. Accéder au paradis est alors perçu comme un cheminement lourd, difficile. Il faut travailler dur pour y gagner sa place. Est ainsi accréditée l’idée que le travail fait souffrir l’homme. Une idée qui sera d’ailleurs aussi portée par le marxisme, qui estime que ce même travail aliène l’homme.
Au-delà de ce voyage, la sémiologie nous donne, en outre, la possibilité d’observer notre époque et de comprendre comment nos contemporains parlent. Et la référence au tripalium nous dit bien évidemment quelque chose de notre temps. Il nous éclaire sur le regard porté sur ce monde du travail traversé aujourd’hui par d’importantes problématiques (burn-out, mauvaise organisation du travail…).
Vous expliquez au fil de votre ouvrage que la sémiologie peut également nous permettre de renouveler notre regard sur le travail…
Elle nous invite, en effet, à ne pas réduire notre regard sur le travail à la doxa et au langage dominant. Elle nous propose ainsi d’ouvrir notre focale et de découvrir des représentations, des sens différents. Car, de fait, il y a beaucoup d’autres imaginaires autour du travail. En explorant l’écosystème sémantique, il est possible de sortir de la vision doloriste qui le sous-tend et de constater qu’à d’autres moments de notre histoire le regard porté sur lui était bien plus positif.
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Quelle entreprise peut négliger sans risque un quart de ses salariés ? A priori aucune. La question des « salariés aidants » est donc prioritaire. Pas seulement le 6 octobre pour leur journée nationale qui rappelle l’instauration en octobre 2020 du premier congé de proche aidant rémunéré, mais parce que d’ici à 2030 ils représenteront 25 % des actifs, selon l’étude 2024 de l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp) publiée jeudi 3 octobre. Un salarié sur quatre qui devra alors jongler entre les rendez-vous médicaux et les tracasseries administratives pour un proche, et son travail.
Pour les entreprises, c’est une bombe à retardement. Elles ont déjà une vague idée du coût de l’absentéisme, mais il existe aussi les coûts liés à la baisse de productivité des salariés aidants qui sont là sans être là, qui perdent en efficacité à cause de la fatigue et de la charge mentale, mais ne se déclarent pas.
L’économiste Nathalie Chusseau, chercheuse associée à la chaire Transitions démographiques, transitions économiques (TDTE), professeure à l’université de Lille, estime que « l’ensemble des coûts cachés pour les entreprises [du secteur privé] – coûts directs : principalement absentéisme, et coûts indirects : présentéisme – s’élèvent à 24 milliards d’euros par an, fourchette basse, et 31 milliards d’euros par an, fourchette haute ». A l’échelle d’une seule entreprise de cent salariés, elle évalue les coûts cachés « à plus de 10 % de la masse salariale ».
Un frein à l’évolution professionnelle
Or l’augmentation du nombre de salariés qui gèrent simultanément leurs parents ou enfants en perte d’autonomie et leur vie professionnelle se poursuit : l’âge moyen d’entrée dans l’aidance baisse d’année en année. De 39 ans en 2021, il est passé à 33 ans en 2024. Le coût pour les entreprises va donc s’envoler, à moins de changer d’approche en se penchant d’abord sur la question de l’identification des salariés aidants puis sur la nature des aides.
63 % des aidants interrogés par l’Ocirp disent ne pas avoir informé leur employeur de leur situation. Et pour cause :65 % des DRH reconnaissent que c’est un frein à l’évolution professionnelle. « Quand le salarié redoute une discrimination à l’emploi ou d’être écarté des augmentations salariales ou d’une évolution professionnelle, il ne se déclare pas. L’employeur n’a alors pas d’autre moyen d’identifier les aidants que l’observation », explique Marie-Anne Montchamp, la directrice générale de l’Ocirp.
La Poste, qui est le premier employeur d’aidants en France, avec 5 200 salariés aidants en 2023, a en partie résolu le problème par un gros travail de communication et par la mise en place d’un guichet des aidants : « La crainte d’être stigmatisé est amoindrie, car ça ne passe pas par le manageur », explique Aline Guerard, déléguée CFDT La Poste et signataire avec toutes les organisations syndicales du dernier accord qui a introduit, entre autres, de nouvelles autorisations spéciales d’absence.
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En entreprise, déjeuner seul à la cantine est généralement un signal négatif envoyé au collectif. Même si ce n’est pas forcément vrai, cela laisse entendre que vous n’êtes pas assez désirable pour trouver un ou une partenaire de mastication. Dans un monde où les rumeurs vont bon train, il n’en faut pas plus pour vous prêter des penchants asociaux, une haleine de chacal ou une conversation ennuyeuse. Néanmoins, cette norme est aujourd’hui remise en question. Si j’en crois ma propre entreprise (et ma planque incognito à côté des fontaines à eau), de plus en plus de gens pratiquent une nouvelle activité décomplexée et solitaire : le déjeuner-smartphone.
Les yeux dans les yeux avec l’écran de leur iPhone SE adoré ou de leur Samsung Galaxy chéri, ces isolationnistes dégustent leur chili sin carne en scrollant des vidéos absurdes (oui, ce panda qui s’attaque à sa soigneuse et manque de la boulotter) ou en compulsant des e-mails en retard (absurdes également, dans leur grande majorité). D’après la dernière enquête Flashs-Selvitys-Openeat, publiée en avril, 18 % des salariés déclarent déjeuner seuls sur leur lieu de travail.
Si le déjeuner-smartphone est une activité risquée (votre écran est-il vraiment vinaigrette-proof ?), il n’est plus générateur d’un infamant stigmate social et s’inscrit dans une sorte de nouvelle normalité où le mobile vient s’insinuer dans chaque moment de vie. D’après une étude de l’institut Kantar en partenariat avec Amora datant de 2019, un tiers des Français utilisent systématiquement leur smartphone durant les repas, chiffre qui monte à 50 % pour les 18-34 ans. En entreprise, l’appareil et ses notifications viennent souvent interrompre les débats entre collègues. Quelqu’un avec qui vous discutiez à table peut alors s’abstraire soudainement des échanges pour s’évader vers les contrées numériques. Mais de la perturbation de l’interaction à la substitution de l’interlocuteur, il n’y a qu’un pas… vite franchi.
Un quasi-sujet
Qu’il serve à regarder une série, à consulter son compte LinkedIn ou à vérifier grâce à la caméra que l’on n’a pas une feuille de salade coincée entre les dents, le smartphone, depuis que tout est mis en œuvre pour l’anthropomorphiser, n’est plus un simple objet mais un quasi-sujet, partenaire de déjeuner potentiel concurrençant avantageusement votre collègue moulin à paroles (lequel ne possède pas de mode « silencieux »). Pratiquer le déjeuner-smartphone, c’est donc réussir la prouesse presque quantique de déjeuner avec quelqu’un tout en ne déjeunant qu’avec soi-même (la preuve, votre nouveau partenaire ne tentera jamais de vous taxer une frite).
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La bonne santé du marché du travail va-t-elle résister aux coupes budgétaires à venir ? Ce n’est pas certain. Et pour cause : depuis un an, trois emplois créés sur quatre sont des emplois publics. Entre mi-2023 et mi-2024, le secteur public est ainsi à l’origine de 95 000 nouveaux emplois (+ 1,2 %), sur un total − public et privé confondus − de 129 000, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
« Malgré un effectif bien moindre [on dénombre 21 millions de salariés dans le privé pour 6 millions dans le public, au deuxième trimestre 2024], l’emploi de la fonction publique contribue au moins aussi fortement à la croissance d’ensemble sur un an que le privé », résume Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee. « L’emploi public n’a jamais été aussi dynamique, depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 », observe Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques.
Sur les deux années 2021 et 2022, le rythme de progression était plus modéré (respectivement + 0,4 % et + 0,3 %). Si les données détaillées ne sont pas encore disponibles pour 2023, les chiffres de l’Insee montrent que les effectifs ont davantage augmenté en 2022 dans la fonction publique d’Etat (+ 0,6 %) que dans la fonction publique hospitalière (+ 0,1 % ) ou les collectivités locales (stabilité).
Autre point notable : les embauches se font essentiellement de manière contractuelle, et non statutaire, parfois avec des CDD très courts. Et plus d’un agent sur cinq travaillant dans le public est désormais contractuel.
Coup de frein dans le privé
Dans un contexte de dérapage des déficits, cette hausse des effectifs dans le public « peut alerter, estime Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas. Mais il faut d’abord voir pour quels besoins ces emplois ont été créés. Après le Covid-19, on a changé de perspectives et créé beaucoup de postes dans la santé ou l’éducation». A l’été 2020, après la crise sanitaire due au Covid-19, le Ségur de la santé s’était notamment traduit par 15 000 recrutements à l’hôpital. La hausse des effectifs s’explique aussi, souligne M. Passeron, par le fait que les seniors restent plus longtemps en poste en raison de la réforme des retraites.
Reste que la dynamique relative de l’emploi public provient aussi du coup de frein apparu dans le secteur privé. Depuis l’été, l’emploi ne progresse plus guère, et a même légèrement reculé dans l’intérim et la construction. « L’emploi privé est plus lié à la conjoncture que le public, et il pique donc du nez davantage » alors que la croissance faiblit, explique M. Colliac.
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Après seulement une semaine dans son entreprise, Arnaud (prénom d’emprunt), conseiller ministériel jusqu’en janvier et désormais chargé de développement dans le privé, peste de devoir remplir une multitude de tableaux pour justifier le temps passé à telle ou telle tâche. Au sein de son ministère, il jouissait d’une liberté d’action qu’il ne parvient pas à retrouver dans son nouvel emploi. « Le monde de l’entreprise, c’est tout un univers que je découvre », reconnaît-il après avoir multiplié les postes en cabinet.
Deux univers qui se regardent en chiens de faïence. D’un côté, le secteur privé estime que les fonctionnaires sont peu performants, de l’autre, la fonction publique juge les entreprises obnubilées par la recherche de profits. D’ailleurs, en dehors des hauts postes, et même si la tendance s’inverse légèrement, les mouvements de l’un vers l’autre restent rares. Si les deux répondent à des logiques parfois opposées, le privé pourrait davantage engager ses salariés en s’inspirant de la mission de service public, quand ce dernier gagnerait à mieux encourager ses agents au long de leur carrière.
« Pendant longtemps, la transformation du service public a été tournée vers les usagers au détriment des conditions de travail des agents, mais il y a eu une inversion après les confinements liés au Covid,remarque Sigrid Berger, fondatrice de Profil public, une start-up spécialisée dans le recrutement dans le public. Peu compétitives sur les salaires, les administrations montrent depuis environ trois ans qu’elles sont capables de répondre à une demande de structures plus transversales, d’accorder plus d’autonomie aux agents, de proposer du télétravail… »
Des carrières plus dynamiques dans le privé
Le secteur public est capable d’innover pour attirer des profils sans augmenter ses coûts. Dès 2001, face à un défaut de candidatures, la communauté de communes de Grand Lieu (Loire-Atlantique) a choisi la souplesse pour l’organisation du temps de travail et proposé à ses agents de regrouper les 36 heures 30 de temps de travail hebdomadaire sur une semaine de 4,5 jours : « Cette organisation qui permet beaucoup de confort a été choisie par 99 % de nos collaborateurs. C’est immédiatement devenu un argument majeur que l’on met en avant sur nos offres d’emploi. Nous étions alors l’une des premières organisations à le faire, avant que cela ne devienne courant dans le privé », rapporte Hélène Savina, directrice générale des services de Grand Lieu Communauté.
Mais, contrairement au privé, les carrières dans la fonction publique pâtissent d’une rigidité liée au statut de fonctionnaire jugé contraignant : revers d’un système plus égalitaire, l’avancement est jalonné de longues étapes et les candidats craignent de faire le même métier toute leur carrière, d’autant que les fonctionnaires ne sont régulièrement pas libres de leur affectation.
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En 2023, le revenu moyen d’un livreur Uber Eats est de 4,50 euros, pour une prestation moyenne d’environ douze minutes. A l’heure, et en prenant en compte l’attente entre chaque course, un autoentrepreneur qui travaillerait systématiquement pour la plateforme en acceptant toutes les courses atteindrait 10,10 euros. Soustraction faite des cotisations liées à ce régime − autour de 20 % −, le revenu net moyen d’un livreur serait bien en dessous du smic horaire net (9,23 euros).
Ces données sont issues d’une analyse publiée, mercredi 2 octobre, par le Pôle d’expertise de la régulation numérique du ministère de l’économie et des finances et l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Elle établit qu’entre 2021 et 2023, période de forte inflation, les revenus des chauffeurs VTC ont stagné, tandis que ceux des livreurs de repas à domicile ont baissé.
Dans le détail, les données sont celles que toute plateforme est tenue de communiquer chaque année aux autorités. Côté VTC, on apprend par exemple que le revenu par prestation varie entre 11 et 19 euros pour les principales plateformes que sont Bolt, Uber ou Heetch, mais atteint 40 euros chez LeCab et Marcel, où les courses sont plus longues et haut de gamme.
Dégradation des conditions de travail
Côté livreurs, les courses sont mieux payées chez Deliveroo (5,50 euros) ou Stuart (6 euros) que chez Uber Eats (4,50 euros), mais chaque plateforme a ses spécificités. Ces chiffres permettent d’obtenir un revenu horaire moyen théorique, mais qui n’est pas exploitable car la plupart des autoentrepreneurs travaillent pour plusieurs plateformes, et parce qu’il ne comprend pas l’attente entre plusieurs prestations.
L’étude de l’ARPE propose justement une estimation du revenu horaire moyen avec le temps d’attente. Chez Uber et Bolt, les deux leaders, le montant est légèrement sous les 40 euros de l’heure en 2023. Chez Heetch, il est d’à peine 25 euros. C’est une estimation haute, car elle fait le postulat qu’un autoentrepreneur accepterait toutes les prestations proposées. Il faut aussi y ajouter les cotisations et les charges (entretien du véhicule…). Pour ce qui est des coursiers, où il y a certes moins de charges, on tombe chez Deliveroo à 16,80 euros (contre 17,3 en 2021), et donc à 10,10 euros (contre 11,9) chez Uber Eats.
Depuis plusieurs années, les différentes organisations de chauffeurs et livreurs autoentrepreneurs insistent sur la dégradation des conditions de travail dans leurs secteurs, où la part de travailleurs sans papiers augmente constamment, afin de remplacer ceux qui renoncent pour trouver mieux ailleurs.
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La communauté universitaire est dans l’expectative quant aux marges de manœuvre financières dont elle pourra disposer en 2025 et aux intentions de Patrick Hetzel, le nouveau ministre au profil libéral-conservateur.