Archive dans mars 2023

A Rennes, des marins pêcheurs expriment « le ras-le-bol d’une profession en danger »

Lors d’une manifestation de marins pêcheurs, à Rennes, mercredi 22 mars 2023.

Une fusée de détresse claque dans le ciel de Rennes. Puis d’autres, mercredi 22 mars au matin. Les 500 marins pêcheurs massés sur l’esplanade Charles-de-Gaulle veulent faire entendre « le ras-le-bol d’une profession en danger ». Ces professionnels se sont donné rendez-vous par le biais de boucles de messageries. Ils viennent des Pays de la Loire, de Normandie, mais surtout de Bretagne, première région maritime du pays.

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Parmi eux : Simon Le Gurun, patron du Keinvor, un fileyeur de Quiberon (Morbihan) employant deux matelots. « On vient crier notre colère de toutes ces contraintes qui tuent la pêche française. Il y en a tant que je ne sais plus par où commencer », s’agace le quadragénaire. Alors, il débute par celle qui lui « pourrit » le quotidien : le prix du carburant. Le litre de gasoil dépasse aujourd’hui les 83 centimes d’euro, quand il oscillait autour de 50 centimes, ces dix dernières années. Un petit navire comme le Keinvor engloutit 300 litres par sortie.

Selon les pêcheurs, leurs charges ont enflé, en moyenne, de 35 % ces derniers mois. La hausse du prix du carburant a, pourtant, été contenue par le soutien, prolongé jusqu’en octobre 2022, du gouvernement à hauteur de 20 centimes par litre. « Ces aides sont ponctuelles. Nous voulons travailler sereinement avec de la visibilité », reprend Grégory Métayer, président du comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes-d’Armor.

Covid-19, puis Brexit

La filière sort de plusieurs années de turbulences, après le Covid-19, mais aussi le Brexit, qui a imposé d’âpres négociations pour arracher les licences nécessaires à la pêche dans les eaux britanniques. Surtout, les professionnels s’agacent de vivre au rythme des quotas annuels imposés par l’Union européenne pour préserver la ressource, mais aussi des restrictions de zones de pêche.

Bruxelles travaille sur l’interdiction de la pratique répandue du chalutage dans les aires marines protégées. Une partie du golfe de Gascogne est concernée. Lundi 20 mars, le Conseil d’Etat, saisi par trois associations, a enjoint au gouvernement d’agir pour préserver les cétacés menacés, là encore, dans le golfe de Gascogne.

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Pêcheur de coquilles Saint-Jacques dans la Manche, Grégory Métayer s’inquiète, lui, des restrictions imposées par le futur parc éolien de la baie de Saint-Brieuc. D’autant que le gouvernement projette de développer une cinquantaine d’installations de la sorte au large des côtes françaises dans les années à venir. Le marin tance : « Comment encourager des jeunes à s’installer quand on est incapables de leur dire où ils pourront pêcher ni dans quelle mesure. Il est temps de taper du poing sur la table ! »

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« Erotique de l’administration », un ouvrage pour explorer les finalités du management

Seulement 20 % des salariés dans le monde se déclaraient engagés dans leur travail en 2021, selon une étude Gallup. Une insatisfaction liée pour partie à la difficulté à trouver un sens aux missions confiées et qui s’est exprimée à travers le phénomène de démission massive observé lors de la crise sanitaire engendrée par le Covid-19. Mais ce profond malaise est aussi lié au « scepticisme quasi généralisé du monde du travail à l’égard du management tel qu’il est pratiqué ».

Dans un essai paru aux PUF, Erotique de l’administration. Réflexions philosophiques sur la fin du management, le philosophe Ghislain Deslandes évoque ainsi « une conception du management à bout de souffle, qui met au jour le décalage toujours plus criant entre la façon de conduire l’action collective et la manière dont elle est effectivement vécue par les femmes et les hommes qui y participent ». Preuve de ce rejet, « une infime minorité de salariés déclarent souhaiter, un jour, devenir eux-mêmes manageurs ».

La notion de management est aujourd’hui plongée dans un brouillard, expose M. Deslandes. Quels sont les ressorts du désaveu qui la touche ? Quelles nouvelles finalités devrait-elle poursuivre pour amorcer son renouveau ? Et, finalement, « que peut la philosophie dans cette complète remise à plat de l’administration des affaires » ? L’auteur développe ces axes de réflexion à travers son dernier essai, où la pensée de Pascal (1623-1662) sert régulièrement de guide au lecteur.

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S’attachant à décrire la pratique managériale dominante, l’auteur évoque le « Roi chiffre ». Celui qui « tend à imposer un mode de management normatif et univoque, qui décide sans ambiguïté qui sont les gagnants et les perdants, et qui laisse peu de place à l’interprétation et à la discorde ». M. Deslandes déplore une « prédilection pour l’accès à la vérité dans les organisations d’après les chiffres ». Une « gouvernance par les nombres »« la mesure a remplacé le jugement puisque mesurer revient finalement à juger », résume-t-il.

Mérite, respect

Or l’auteur rappelle que manageur doit aussi consister à soupeser, à sentir, à se saisir de l’incalculable. Le management doit « compter sur une exigence éthique où prime le circuit des affects ». L’auteur invite ainsi à penser la crise de l’échange, du « nous », pour une meilleure prise en compte du collectif et de ses interactions dans la gestion des travailleurs. Ce faisant, il estime que, dans la réflexion managériale, le « pourquoi » (la fin en tant que but), jusqu’à présent dans l’ombre du « comment », doit retrouver toute sa place. Une manière de prendre en compte la « quête de sens » des salariés.

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Eboueur, un « métier pénible physiquement, psychiquement et psychologiquement » au cœur de la protestation contre la réforme des retraites

Des conducteurs de camions et éboueurs de la Ville de Paris en grève, au dépôt d’Ivry-sur-Seine-Victor Hugo, dans le Val-de-Marne, le 15 mars 2023.

L’adoption de la réforme des retraites au Parlement, lundi 20 mars, n’a pas entamé leur détermination. Depuis seize jours, les éboueurs de plusieurs villes comme Paris, Nantes, Saint-Brieuc ou Le Havre sont en grève pour dénoncer le report de l’âge légal de départ à la retraite. D’autres, comme ceux de Marseille, ont rejoint le mouvement mardi 21 mars.

Une mobilisation aux conséquences rapidement visibles et qui met en lumière le métier d’éboueur. Dans les rues de Paris, la barre symbolique des 10 000 tonnes de déchets non ramassés a été franchie vendredi, a estimé la mairie. En cause, le débrayage des agents municipaux chargés du ramassage des ordures dans la moitié des arrondissements (2e, 5e, 6e, 8e, 9e, 12e, 14e, 16e, 17e et 20e) – le reste de la capitale est à la charge de quatre entreprises privées.

La situation a poussé la préfecture de police à réquisitionner des agents du service de la propreté de la Ville pour évacuer les ordures. Mais les syndicats et les grévistes sont bien décidés à continuer de s’opposer à la réforme des retraites, pour les agents des régies municipales comme pour les salariés du privé. « Ce n’est pas parce que le temps institutionnel est terminé, que pour nous c’est fini ! », prévient Natacha Pommet, secrétaire générale CGT Services publics, qui rappelle que la grève à Paris a été reconduite jusqu’au 27 mars.

« En fin de carrière, les éboueurs arrivent usés et n’ont pas toujours la possibilité d’obtenir un poste sédentaire. Deux ans de plus, c’est non ! » Dans son préavis de grève reconductible du 13 février, la CGT Services publics rappelle que « les éboueurs [en régie municipale] et les conducteurs [de camions-bennes] peuvent pour l’heure prétendre à la retraite à 57 ans sans bonification, un âge reporté à 59 ans avec la réforme des retraites ». Les salariés du privé, quant à eux, devront partir à 64 ans au lieu de 62 ans actuellement.

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« Tâches répétitives »

« Etre ripeur [personnel chargé de ramasser les déchets et de les vider dans les camions-bennes, par opposition au conducteur], c’est être à l’arrière, faire face à des automobilistes qui s’impatientent, soulever plusieurs tonnes de déchets par jour et constater les conséquences de tout ça sur ses muscles, ses articulations », égrène Mme Pommet.

« Les horaires nocturnes, les efforts physiques importants renforcés par des contraintes de temps sont facteurs de pénibilités sans aucun doute, variables selon les tournées, les villes et les employeurs », ajoute Serge Volkoff, statisticien et coauteur d’une analyse sur la pénibilité du travail des ripeurs commandée au début des années 2000 par le patronat et les syndicats des entreprises de collecte des déchets. « A la fin de leur vie professionnelle, bon nombre des personnes interrogées à l’époque se plaignaient de douleurs aux genoux, aux épaules, de problèmes pulmonaires à répétition – bien que pas forcément graves – en lien avec les intempéries et/ou les gaz d’échappement, même s’ils ne niaient pas les améliorations techniques mises en place au fil des années, notamment les conteneurs et les camions récents plus confortables. »

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Handicap au travail : en parler ou pas ?

Dépression, diabète, cancer… 80 % des handicaps sont invisibles. Pour les personnes concernées se pose une alternative : faut-il dévoiler sa situation au recruteur, à l’employeur, aux collègues, ou est-il plus prudent de garder le silence ? Le Monde abordera ce sujet à l’occasion d’une conférence lors de la 4e édition de l’Université du réseau des référents handicap organisée par l’Agefiph, dont le quotidien est partenaire.

Selon le cinquième baromètre Agefiph-IFOP sur la perception de l’emploi des personnes en situation de handicap, paru en décembre 2022, 61 % des personnes interrogées déclarent qu’elles n’ont pas signalé leur situation sur leur CV de peur que cela ne leur soit préjudiciable. Près de la moitié des répondants ayant mentionné leur handicap sur le CV ou lors de l’entretien d’embauche ont constaté que cela avait constitué « plutôt un frein ». La question du maintien en emploi est tout aussi sensible. Pour Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps, quand un salarié fait son « coming out », « ça se termine trop souvent par un licenciement pour inaptitude, avec des étapes plus ou moins longues de mise au placard. Ce sujet est un vrai serpent de mer ».

Le critère du handicap est, depuis plusieurs années, le premier motif de saisine en matière de discrimination, celle-ci se manifestant en particulier dans l’emploi, selon la Défenseure des droits, Claire Hédon. Certes, d’après Pôle emploi, le nombre de personnes en situation de handicap à la recherche d’un travail a baissé à quelque 457 000 en janvier 2023, contre plus de 518 000 en janvier 2019. Et le taux de chômage atteint son plus bas niveau depuis huit ans, mais il représente toujours presque le double du taux de chômage des actifs en population générale (7,2 % selon l’Insee).

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Si des avancées sont à saluer (contrats d’apprentissage multipliés par deux et demi depuis 2019, rencontres Duoday entre des personnes en situation de handicap et des employeurs pour favoriser les ouvertures professionnelles, emplois accompagnés en hausse…), la route vers le plein-emploi reste semée d’embûches. Carole Saleres, conseillère nationale emploi, travail, formation et ressources à l’a ssociation APF France handicap, liste les nombreux obstacles : « Accès insuffisant à la formation, préjugés négatifs du collectif de travail, mobilité interne entravée, rémunération trop faible, manque criant d’accessibilité notamment des locaux de travail, sans parler des freins périphériques que sont les problématiques de transport, la santé, le logement, la garde d’enfants… »

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L’immersion professionnelle, un dispositif pour diversifier et sécuriser les recrutements

Au premier étage d’une grande maison de Château-Thierry (Aisne), au quatrième jour de son immersion dans l’aide à domicile, Laetitia Evrard semble satisfaite. Peinant à trouver du travail depuis deux ans, après avoir emménagé dans la région, cette ancienne salariée du secteur de la petite enfance âgée de 41 ans vient de trouver un CDI à temps partiel dans l’agence franchisée O2 de la ville. Petite originalité, la signature de son contrat est précédée d’une période de mise en situation en milieu professionnelle (PMSMP). Ce dispositif lui permettra de vérifier si le métier lui plaît, et à son employeur de mesurer s’il est satisfait.

Créée en 2014 par la loi relative à la formation professionnelle, la PMSMP est une forme de stage d’observation d’une semaine à un mois, durant lequel le candidat – très souvent demandeur d’emploi – n’est pas rémunéré (en plus de ses allocations-chômage, s’il en perçoit), mais où les missions ne peuvent pas remplacer celles d’un salarié absent. En 2022, 180 000 PMSMP ont été prescrites par Pôle emploi, d’une durée moyenne de quarante-deux heures.

« Cela concerne beaucoup de secteurs, pas mal de tertiaire (administrations, enseignement, social, commerce), la construction, décrit Paul Bazin, directeur adjoint de Pôle emploi, chargé de l’offre de services. On essaie de la promouvoir sur des métiers qui peinent à attirer, en les invitant à viser des profils diversifiés : l’hôtellerie-restauration et le secteur du transport, la santé. »

L’immersion concerne des métiers peu qualifiés, mais aussi des cadres. L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) peut prescrire des PMSMP depuis l’automne 2022. « Dans nos études, on observe une vraie appétence des cadres en activité à se réorienter, mais peu engagent des démarches, explique Laetitia Niaudeau, directrice adjointe de l’Apec. Ici, c’est une façon de faciliter la relation, de tester et de se faire connaître par des employeurs potentiels. C’est aussi intéressant pour les métiers qui n’ont pas une bonne réputation et les petites entreprises méconnues. »

Trois profils types

Paul Bazin identifie trois profils types pour l’immersion professionnelle, d’une fréquence sensiblement égale : « Découvrir un métier qui recrute, confirmer un projet professionnel et la situation où le demandeur est sûr de vouloir travailler dans ce métier, et voudrait voir comment ça se passe “en vrai”. »

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L’expérimentation in situ « permet à la fois au candidat de se rassurer, de se dire “c’est vraiment le métier que je veux faire”.  Et, à moi, recruteur, de dépasser la théorie, de valider ce que j’ai pu appréhender pendant les différents entretiens avec le candidat, estime Laurent Brangeon, dirigeant de l’agence O2 de Château-Thierry. Si je lance tout de suite la personne au domicile, avec un risque, quand la mission ne plaît pas, de perdre le candidat, de générer une insatisfaction client, tout le monde est perdant. J’ai fait cinq périodes d’immersion, j’ai validé quatre candidats. Le seul qui est parti, c’était son choix. » « Il y a des abandons, mais qui sont positifs, considère M. Bazin. On évite de s’enfermer dans une relation de travail qui n’est pas bonne. »

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Réformes des retraites : « De nouvelles difficultés annoncées en fin de carrière »

Carnet de bureau. Le management risque d’être compliqué pour les entreprises qui s’efforceront de maintenir les seniors en emploi jusqu’à l’âge du départ à la retraite, si le passage à 64 ans devait être appliqué. Le comité de mobilisation de l’Insee contre la réforme des retraites vient de publier son quatrième numéro d’« Analyse retraites » pour tenter d’éclairer le débat sur la pénibilité au travail.

Présenté jeudi 16 mars à Montrouge (Hauts-de-Seine) par une dizaine d’agents de la direction générale de l’Insee, ce recueil officieux est le produit d’un collectif de cinquante statisticiens, chargés d’études et mathématiciens de la fonction publique. Leurs conclusions annoncent une aggravation des difficultés en fin de carrière.

Avant la réforme, la durée moyenne en emploi après 50 ans n’est que de 9,2 ans (et non pas 14), et, en 2019, 37 % de salariés ne se sentaient déjà pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite, comme le révélait la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail le 9 mars. « Au moment du départ en retraite, indique l’étude, quasiment une personne sur quatre présente une incapacité : 8 % sont fortement limitées depuis au moins six mois dans leurs activités quotidiennes à cause d’un problème de santé et 15 % moins fortement. »

L’espérance de vie sans incapacité

L’incapacité s’accentue en fonction des catégories socioprofessionnelles. « Ces incapacités sont nettement plus fréquentes chez les ouvriers (34 %) que chez les cadres (14 %). » La durée moyenne en emploi après 50 ans est d’ailleurs de quatre ans plus courte pour les ouvriers (7,5 ans) que pour les cadres et les professions intellectuelles supérieures (11,5 ans).

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Un décalage que les statisticiens retrouvent dans la mesure de l’espérance de vie sans incapacité. Toutes catégories confondues, en 2020, l’espérance de vie sans incapacité était de 63,9 ans pour les hommes et de 65,3 ans pour les femmes. Mais « un ouvrier de 30 ans peut espérer vivre sans incapacité jusqu’à 62,4 ans en moyenne pour un homme, et 64,7 ans pour une femme, soit onze ans de moins qu’un ou une cadre du même sexe ». A 62 ans, 14 % des ouvriers sont déjà décédés, contre 6 % des cadres.

Or la réforme de 2010, qui avait reporté l’âge de départ de 60 à 62 ans, s’était accompagnée d’une hausse du nombre d’arrêts maladie après 60 ans : « Ces arrêts maladie qui se substituent à la retraite représentent un surcoût annuel de 68 millions d’euros pour l’Assurance-maladie. Ils peuvent aussi déstabiliser les collectifs de travail et amener à un report du travail sur les autres salariés. Un constat qui ne pourrait que s’aggraver avec un nouveau report de deux ans de l’âge de départ en retraite », alerte l’étude.

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A Marseille, ces trentenaires reconvertis qui gentrifient l’artisanat de bouche

Marseillais, urbains et diplômés, ces trentenaires tranchent avec le stéréotype du cadre en burn-out qui plaque tout pour en découdre avec son bullshit job. Ceux-là trouvaient plutôt du sens dans leur ancien métier : cela ne les a pas empêchés de plonger dans une tout autre activité. Par curiosité, passion ou coup de folie.

S’ils ont en commun d’avoir la tête bien faite, en plus d’un compte Instagram plutôt copieux, tous ces reconvertis ont choisi un métier de bouche en version artisanale. De leurs mains, Audrey Emery, Iris Michalon, Guillaume Strebler, Claire Hollender et Aurélien Ducloux réinventent des savoir-faire traditionnels pour proposer des produits haut de gamme à une clientèle qui cherche, comme eux, à respecter une certaine éthique dans ses modes de consommation.

« On retrouve toujours, parmi ces profils, une opposition globale à la production industrielle, dans une conception parfois fantasmée : ils pensent que la fabrication est polluante, que les produits sont standardisés, pas “naturels” et plein d’additifs, observe Antoine Dain, doctorant en sociologie à Aix-Marseille Université, qui termine sa thèse sur “la mobilité professionnelle des travailleurs qualifiés”, en comparant les reconversions dans l’artisanat de bouche et dans le bâtiment. Par contraste, eux travaillent des produits locaux qui ont souvent une épaisseur historique – comme le levain ou le blé ancien dans la boulangerie – et rejettent une forme de modernité. Ils mettent en avant des produits “d’antan” qu’il faut préserver, avec une personnalisation et une identité très marquée. »

« Viser l’excellence »

Marseille ressemble à un immense laboratoire en la matière. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le nombre de créations d’entreprises dans les métiers de bouche a augmenté de 15 % entre 2019 et 2022, selon la chambre de métiers et de l’artisanat de la région : « C’est énorme », lâche son président, Yannick Mazette, lui-même devenu artisan boulanger il y a trente ans après avoir exercé dans l’industrie du pneumatique. Dans certains secteurs, les chiffres ont explosé : + 50 % d’immatriculations dans la fabrication de produits laitiers, + 250 % dans la transformation du thé et du café. « Ces personnes en reconversion viennent avec une histoire, poursuit Yannick Mazette. Elles bousculent un peu les codes, mais c’est par la différence qu’elles vont exister. Le tout-venant n’a plus sa place, il faut viser l’excellence. »

Loin de la société industrielle, où chacun restait quarante ans dans le même métier, « l’individu privilégie désormais un changement de carrière pour son épanouissement personnel, avec la consommation comme support d’affirmation de soi », analyse Juliette Guidon, doctorante en sociologie à l’université Paris Cité, en contrat Cifre – convention industrielle de formation par la recherche – avec l’école hôtelière Ferrandi, dont la thèse porte sur les « reconversions professionnelles volontaires de cadres dans les métiers de bouche ». « L’origine sociale va beaucoup compter : dès l’enfance, ces cadres ont appris à manger bio, à aller au marché avec les parents… Ils vont se réapproprier ces habitudes familiales de consommation pendant la reconversion, de même que leurs compétences professionnelles : en tant que patrons, ils sont dans une transition horizontale plutôt que dans le déclassement. »

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A Paris, des éboueurs écœurés par les « casseurs de grève » venus du Sud

Intervention de CRS au dépôt de l’entreprise Pizzorno, à Vitry-sur-Seine, bloquée par des grévistes, le 16 mars.

La discussion avec la direction, en ce lundi 20 mars, aura été de courte durée. A la sortie, un responsable syndical résume, devant une quarantaine de salariés et militants mêlés : « Y a pas d’avancée. » Les jours de grève ne seront pas payés, c’était attendu. Mais les concessions proposées par la direction sont minimes. Personne ne semble surpris. « Ils se foutent de notre gueule, poursuit devant l’assemblée Abdelkader Mekhti, délégué central CGT du groupe Pizzorno, spécialiste de la collecte et du traitement des déchets. Ceux qui veulent continuer lèvent la main. » Les bras se dressent. La grève, entamée le 7 mars, contre la réforme des retraites mais aussi pour des hausses de salaire, est reconduite.

A Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), devant les locaux de Pizzorno Environnement, situés au milieu d’une zone industrielle, le temps des braseros et des palettes entassées est pourtant révolu. Ne restent que quelques traces sur des palissades. Ici, un autocollant citant Prévert : « Quand les éboueurs font grève, les orduriers sont indignés. » Là, un slogan tagué : « + de poubelles dans la rue, – d’ordures au pouvoir ». Le piquet de grève, la sono et les drapeaux rouges ont été démontés le 16 mars.

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Ce jour-là, plusieurs dizaines de CRS sont venus ­déloger les grévistes, syndicalistes et autres militants qui empêchaient les camions-bennes de sortir. La direction de Pizzorno, qui déplore auprès de M Le magazine du Monde le « blocage de ses activités par un collectif de personnes extérieures à l’entreprise », venait de demander, avec succès, au tribunal de Créteil d’autoriser le recours à la force pour débloquer le dépôt. Mais depuis, contrairement aux équipes du matin, moins mobilisées, les équipes du soir restent grévistes.

Avec ses quelque 250 salariés à Vitry, Pizzorno s’occupe de la collecte des déchets dans le 15e arrondissement de Paris et dans 24 communes du Val-de-Marne. Parmi les différents opérateurs privés travaillant dans une dizaine d’arrondissements de la capitale, la société, basée à Draguignan (Var), est la seule à connaître une grève d’ampleur. Ce n’est peut-être pas un hasard : au sein du groupe, le dialogue social est souvent plus que tendu.

Un système D parfaitement légal

En 2019, à Lyon, la société de 2 000 salariés avait eu recours à des intérimaires pour enrayer une grève. La pratique, illégale, avait été démasquée. Et aujourd’hui, si les grévistes de Pizzorno gardent un goût amer de l’évacuation du 16 mars, ils sont encore plus ulcérés par la stratégie de leur entreprise pour, disent-ils, « casser la grève ». En la matière, la direction n’a pas manqué d’inventivité, en faisant venir des salariés du groupe du sud de la France et de la région lyonnaise. Un système D parfaitement légal, pour un enjeu de taille.

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Aéronautique : en Occitanie, les sous-traitants bataillent pour recruter

Branle-bas de combat chez les sous-traitants pour recruter, à l’heure où toute ​la filière aéronautique retrouve des forces, portée par les cadences de production d’Airbus, le principal donneur d’ordres du territoire occitan. Problème, les candidats ne se bousculent pas, et cette difficulté oblige les entreprises​ du secteur, essentiellement concentrées autour de Toulouse, avec près de 90 000 salariés, à repenser leur mode de recrutement.

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C’est le cas de Satys Aerospace, filiale du groupe du même nom, spécialisée dans la peinture et le traitement de surface depuis Blagnac​ (Haute-Garonne), dans la banlieue toulousaine​. « Depuis un an, on vit une époque un peu incroyable, avec une reprise d’activité très forte, se félicite Grégory Mayeur, le directeur général, qui inaugurera une nouvelle salle de peinture le 21 mars. C’est reparti pour une croissance à deux chiffres sur plusieurs années. »

Si ce n’est que le dirigeant observe une pénurie « sans précédent » de peintres et d’étancheurs qualifiés sur le marché. « Les salariés se sont détournés de l’aéronautique, constate-t-il. Conséquence, post-pandémie, le profil des candidats est différent : ils sont sans emploi ou sans formation initiale. » Pour pallier leur manque d’expérience, l’entreprise, qui prévoit jusqu’à 350 recrutements par an jusqu’en 2025 pour ses 45 sites répartis dans le monde, a mis en place​ en 2022​ un processus inédit en interne.

Tuteur et « job dating »

Sur une demi-journée, les candidats potentiels sont soumis à des tests de dextérité manuelle. Leur savoir-être est ​également étudié à la loupe, tout comme leur capacité à travailler en équipe. S’ils sont sélectionnés, ils suivent une formation de six mois, en petits groupes de trois, sous l’égide d’un tuteur.

A 150 kilomètres au sud-ouest, à Tarbes, l’avionneur Daher est à la recherche d’ajusteurs, de drapeurs et de techniciens de contrôle non destructif pour produire son avion TBM de six places. Alors, le 9 mars, en matinée, l’entreprise a organisé un « job dating » dans son usine, avec à la clé 50 postes.

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« Nous sommes le premier employeur privé du département, et il n’est pas évident de trouver des gens à Tarbes. Nous cherchons toutes les idées créatives, reconnaît Jérôme Leparoux, secrétaire général de Daher, qui recrute 170 personnes en 2023 pour le site tarbais. On se dit que voir les avions qui se construisent dans nos hangars et assister à un vol d’essai est un vrai facteur de motivation et de différenciation. »

Après le choc de la crise sanitaire, qui a entraîné la perte de 6 000 postes dans la région Occitanie en 2020 et 2021, la filière est en plein rebond. « Pour assurer la hausse des cadences de production et préparer l’avion de demain, on estime que 3 000 postes sont vacants aujourd’hui. Et, d’ici douze à dix-huit mois, la filière aura besoin de 3 000 supplémentaires », constate Bruno Bergoend, le président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie d’Occitanie.

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A « Midi libre », la direction envisagerait un plan de départs contraints pour 45 salariés

Volontaire il y a encore trois mois, il pourrait être finalement contraint. En décembre 2022, la direction de Midi libre (propriété du Groupe La Dépêche du Midi depuis 2015) avait annoncé l’ouverture d’un plan de départs volontaires pour quarante-cinq postes, incluant, entre autres, dix à douze mois de formation pour les personnes partantes. C’est finalement un plan de départs contraints qui pourrait avoir lieu, la direction évoquant l’hypothèse d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

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Dans un courriel envoyé vendredi 17 mars aux salariés, Jean-Benoît Baylet, le directeur général du journal, fait peser la responsabilité de l’échec des négociations sur le Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire chez Midi libre. Selon le fils de l’ancien ministre et patron de La Dépêche du Midi, Jean-Michel Baylet, le SNJ aurait « exprimé sa décision de signer » l’accord de départs avant de réclamer un délai supplémentaire à l’issue du comité social et économique du vendredi 10 mars. Le syndicat aurait ensuite soumis, mercredi 15 mars, quatre points à la négociation, dont la question des futures mutations en interne, des garanties pour les effectifs qui resteront et, surtout, l’engagement qu’il n’y ait pas de départs contraints, si le nombre de quarante-cinq départs n’était pas atteint.

« Cette demande, formulée en toute fin de négociation, est aussi soudaine qu’inexplicable », a répondu dans son courriel de vendredi Jean-Benoît Baylet, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le directeur a rejeté la demande du SNJ, jugeant qu’elle menace « à court terme le retour à l’équilibre de Midi libre ». Après un déficit de 1,6 million d’euros attendu pour 2022, le titre anticipe une perte de 2,8 millions d’euros pour 2023. Aussi, M. Baylet a-t-il fait valoir aux salariés que la situation l’oblige à un plan de départs contraints, et que celui-ci devrait concerner « prioritairement les plus jeunes salariés de l’entreprise ».

Chute de la diffusion et des revenus publicitaires

Dans le détail, cela entraînerait la suppression de vingt-six postes de journalistes sur les cent vingt équivalents temps plein qui composent la rédaction, neuf assistants d’agence et dix postes techniques. La locale de Nîmes pourrait ainsi passer de quinze journalistes à huit, celle de Montpellier de onze à huit, celle d’Alès de six à quatre, celle de Béziers de sept à six, et le pôle news de vingt-deux à dix-huit journalistes. « Pour [ceux] qui resteront, c’est catastrophique, on ne sait pas comment on va pouvoir faire notre métier », réagit la déléguée SNJ Cathy Rocher, soulignant « une réorganisation affolante » et s’inquiétant des risques psychosociaux qu’elle pourrait entraîner.

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