Archive dans mars 2023

La CGT fragilisée par la bataille pour la succession de Philippe Martinez

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, au siège du syndicat à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le 21 mars 2023.

Il y aura un absent de taille sur la photo. Alors qu’une dixième journée nationale d’action contre la réforme des retraites est prévue, mardi 28 mars, Philippe Martinez ne défilera pas aux côtés de ses homologues, à Paris. Le secrétaire général de la CGT est retenu à Clermont-Ferrand par le 53congrès de son organisation, dont le coup d’envoi devait être donné lundi. Une page se tourne pour le métallo, qui a décidé de quitter le poste de commandement après l’avoir occupé durant huit ans. Il s’agit également d’une période à haut risque pour le deuxième syndicat de France, en butte à des querelles intestines, qui se cristallisent sur la désignation de la personnalité appelée à devenir numéro un. M. Martinez devrait – sauf rebondissement – être remplacé par une femme, mais l’incertitude prévaut quant au nom de sa successeure.

Jusqu’au vendredi 31 mars, mille délégués sont réunis dans le chef-lieu du Puy-de-Dôme, afin de définir la ligne de la CGT pour les trois prochaines années et d’élire l’équipe de direction qui la défendra. Un moment crucial dans la vie de la confédération, confrontée à une érosion de son influence. Elle revendiquait près de 606 000 adhérents en 2020, soit 33 000 cartes de moins en deux années. Aux élections professionnelles, elle a reculé, perdant sa première place fin 2018, au profit de la CFDT. Une rétrogradation synonyme de choc pour la « maison CGT », habituée depuis des décennies à se situer à la proue du syndicalisme tricolore.

C’est donc un syndicat affaibli qui tient son conclave, à Clermont-Ferrand – même s’il a retrouvé quelques couleurs, au cours des derniers mois, en ferraillant contre la retraite à 64 ans. Non seulement la CGT est sur le reculoir, mais sa fragilité est accentuée par une bataille de succession.

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A l’origine de ces tourments, il y a la décision prise au printemps 2022 par M. Martinez de placer sur orbite Marie Buisson pour qu’elle accède à la fonction de secrétaire générale quand il passera la main. Entériné par les instances exécutives de la confédération, ce choix s’inscrit dans le prolongement d’orientations suivies depuis plusieurs années. La CGT a voulu s’ouvrir à de nouvelles thématiques, liées, en particulier, à la transition écologique, en créant le collectif Plus jamais ça avec des défenseurs de l’environnement (Greenpeace, Les Amis de la Terre…). Une opération dans laquelle Mme Buisson a joué un rôle-clé.

« Fait du prince »

Mais le fait que cette enseignante de 54 ans ait été adoubée passe mal dans une partie de l’organisation. Pour des raisons de forme, tout d’abord : beaucoup y voient le fait du prince, un geste d’autoritarisme, alors qu’il aurait fallu davantage de collégialité. Le pedigree de la dauphine suscite aussi des réticences. Jouissant, jusqu’à une date très récente, d’une faible notoriété, y compris auprès de ses camarades, Mme Buisson a, qui plus est, le handicap de diriger une petite structure – la Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture – que d’autres composantes de la confédération, beaucoup plus puissantes et implantées dans les bastions de la CGT, regardent de haut.

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L’argot de bureau : le « quiet firing », ou licenciement silencieux

Argot de bureau

« Sauf erreur de ma part, j’étais sûr de t’avoir invité à cette réunion. Dommage que tu n’aies pas été là, tu étais le seul absent… » ; « Si, si, je te jure que c’est important d’avoir quelqu’un au bureau la nuit du Nouvel An, on ne sait jamais en cas de cyberattaque » ; « Tu verras, c’est très gratifiant de faire ce que l’on donne normalement aux stagiaires, c’est toujours très vivifiant, il y a un effet “start from the bottom” [commencer au bas de l’échelle]. »

Bienvenue au pays passif-agressif du « quiet firing » ou licenciement silencieux. Pour l’employeur machiavélique (qui est rare, mais existe), il s’agit de pousser un ou plusieurs salariés à démissionner sans avoir à le ou les licencier. En effet, il serait dommage de payer des indemnités de licenciement ou de rupture conventionnelle.

L’expression fait directement écho au « quiet quitting » (démission silencieuse), qui désigne la volonté d’une partie des salariés, notamment depuis la pandémie, de ne faire que ce pour quoi ils sont payés. Décidément, le monde du travail n’a jamais fait autant de bruit, mais ses concepts désignent des phénomènes qui émergent à bas bruit.

Carte « humiliation »

Comme son grand frère, cette version XXIe siècle de la « mise au placard » provient de TikTok, et d’une vidéo de l’influenceur américain DeAndre Brown. Ce dernier décrit le cas où un salarié est bel et bien engagé dans son emploi, fait tout ce qu’il faut avec excellence, mais est ignoré lorsqu’il demande une promotion ou une augmentation. Il y voit une incitation à partir, même si la conclusion est optimiste : « Tu ne paies pas mon travail ? Quelqu’un le fera… »

Si lors d’une démission silencieuse, le salarié ne démissionne pas vraiment, ici le licenciement ne dit pas non plus son nom, puisque l’employeur ne fait qu’émettre des signaux faibles. D’une certaine façon, ce n’est plus le salarié qui le quitte tout doucement, c’est lui qui quitte le salarié, en lui faisant comprendre qu’il n’a plus sa place. C’est l’entreprise qui choisit de divorcer, mais elle veut garder l’appartement, les meubles, la garde des enfants et les plantes vertes.

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La clé est une dégradation volontaire des conditions de travail qui ne se limite pas à un refus de congés ou d’augmentation. Maître de la relation de subordination qui auréole chaque contrat de travail, l’employeur est plus ou moins libre de confier du jour au lendemain des tâches subalternes à sa cible, bien en dessous de son niveau de qualification, et même de l’annoncer devant l’ensemble de l’équipe pour y ajouter la carte « humiliation », au risque d’être condamné pour harcèlement moral. Une mise au placard, en somme. Mais subtile. Au ralenti. Silencieuse.

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« L’impossibilité de fournir aux employeurs une adresse ou de présenter des fiches de paie aux bailleurs amenuise la marge de manœuvre des demandeurs d’emploi »

Depuis trente ans, l’Etat légifère séparément sur l’accès à l’emploi et sur l’accès au logement. C’est pourquoi toute une catégorie de population est invisible : le « demandeur d’emploi et de logement », que nous désignons sous l’acronyme « DEL ».

Actuellement, les « DEL » sont identifiés par un numéro de demandeur d’emploi à Pôle emploi et par un « numéro unique » dans le système national d’enregistrement de la demande de logement social. Le DEL est ainsi écartelé par ces numéros entre des services publics centrés sur les objectifs qui leur sont assignés. Il est pourtant essentiel qu’il soit reconnu comme une même personne porteuse de ces deux demandes.

Un risque aggravé

Les témoignages d’une centaine de ces DEL vivant à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Bergerac (Dordogne), Tarbes (Hautes-Pyrénées) que nous avons recueillis réactivent l’alerte de la Fondation Abbé Pierre de 2014 : « Les pouvoirs publics ne prennent pas assez en compte le lien entre emploi et logement, alors que pour trouver un logement, il faut un emploi, mais pour trouver un emploi et le garder, il faut un logement. »

Si les DEL ne sont pas encore comptabilisés, ils semblent nombreux et pourraient être recensés, de l’avis des responsables de services de l’Etat ou de département, des élus et des employeurs que nous avons également interrogés.

Pour Pôle emploi, par exemple, « ils seraient repérables par une simple extraction des demandeurs d’emploi ayant un frein logement ». Pour l’agence départementale d’information sur le logement, ce « frein » doit être levé, tant « le DEL est réorienté-désorienté par la quarantaine de services qui, au niveau local, se les renvoient les uns aux autres ».

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A ne voir que des diagnostics partiels portés sur sa double demande, le DEL court un risque aggravé d’être mis en attente dans le sas de l’hébergement social ou d’urgence. Or, la dépendance vis-à-vis des politiques publiques a souvent pour corollaire une dépendance privée aux « marchands de sommeil » ou à l’économie informelle.

De plus, l’impossibilité répétée de fournir aux employeurs l’adresse qu’ils demandent ou de présenter des fiches de paie aux bailleurs amenuise sa marge de manœuvre et ronge son estime de soi. Nouveau cercle vicieux.

Un référent social volontariste

Ceux qui parviennent plus vite à obtenir le sésame – l’emploi et le logement – sont ceux qui ont pu rencontrer directement un employeur et, dans la foulée, un bailleur. Souvent grâce à un référent social volontariste qui a misé sur eux et a fait l’intermédiaire. Selon l’un d’entre eux, « quand ils ont obtenu un emploi et un logement, ils redemandent rarement l’aide sociale ».

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Licenciement pour inaptitude : que dit la jurisprudence ?

Imaginons un salarié souffrant d’un trouble bipolaire. Il décide de taire sa situation à son employeur. Lors d’une crise, il insulte un client. Risque-t-il d’être licencié ? « Ne pas expliquer que son comportement est dû à une maladie peut effectivement l’exposer à un licenciement pour faute », prévient Anne-Sarah Kertudo, de l’association Droit pluriel, qui accompagne les salariés en situation de handicap. Pourtant, son état psychique pourrait ouvrir la voie à un licenciement pour inaptitude, à condition qu’il ait accepté d’en faire part et de se soumettre à un examen de la médecine du travail. « Au sein de l’association, nous sommes favorables au fait d’en parler », commente Anne-Sarah Kertudo. Une décision de la Cour de cassation publiée le 8 février 2023 pourrait même inciter les salariés à faire reconnaître leur inaptitude dans le cadre professionnel.

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Dans cette affaire datant de 2017, un salarié alors en arrêt maladie est convoqué pour un entretien préalable en vue d’un licenciement. Quelques jours avant ce rendez-vous, la médecine du travail le déclare inapte à occuper son poste. Mais cette décision n’empêche pas l’employeur de poursuivre sa procédure disciplinaire contre lui et de mettre fin à son contrat de travail pour faute lourde. Après contestation de ce licenciement devant la justice, le salarié vient d’avoir gain de cause devant la Cour de cassation : son employeur n’aurait pas dû le licencier pour faute. « Selon la cour, si le salarié est déclaré inapte, l’employeur ne peut envisager d’autre motif de licenciement que celui de l’inaptitude, analyse l’avocate Maï Le Prat. Et ce, peu importe qu’il ait déjà lancé une procédure disciplinaire antérieurement. »

Autre argument en faveur d’une demande de reconnaissance de l’inaptitude : le licenciement pour inaptitude ouvre plus de droits que celui pour faute. « Il y a davantage d’indemnités et le préavis est plus long », commente Anne-Sarah Kertudo. La procédure n’est pas la même.

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Mais, si cette décision de la Cour de cassation est favorable au salarié, elle doit cependant être considérée avec prudence, car toutes ne vont pas systématiquement dans ce sens. Il est important d’avoir à l’esprit que la décision de dévoiler ou non son handicap reste malgré tout très personnelle et ne peut pas s’appuyer sur une certitude juridique. Elle dépend en réalité du contexte particulier dans lequel elle s’inscrit.

Une obligation de reclassement

Il n’en reste pas moins que le droit du travail établit des règles précises en matière de licenciement pour inaptitude. « Lorsqu’un avis est établi par la médecine du travail, l’employeur a une obligation de reclassement, rappelle Mathilde Placer, élève avocate au sein de l’association Droit pluriel. Il suffit de proposer une seule offre d’emploi adaptée pour que l’obligation de reclassement soit réputée satisfaite. » Mais pas n’importe quelle offre. « Un emploi est adapté s’il est approprié aux capacités du salarié, et s’il est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé », précise Mathilde Placer. En matière de reclassement, l’employeur a une obligation de moyens, mais pas de résultat. En clair, il doit essayer mais n’est pas tenu de réussir. Si aucun poste de l’entreprise n’est adapté ou si la médecine du travail établit que le salarié est inapte à tout poste, il peut le licencier.

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« Dans mon agence d’hôtesses, on hiérarchisait les filles selon des critères esthétiques »

La première fois que j’ai mis les pieds dans une grande agence d’hôtesses parisienne, j’aurais dû fuir tout de suite. A 27 ans, je venais de finir mon école de communication et je cherchais un travail dans l’intermittence du spectacle en tant que casteuse, sans succès. Alors j’ai accepté ce job de chargée d’exploitation.

La première semaine, j’ai été complètement laissée à l’abandon, je me sentais comme une stagiaire à qui on ne donne rien à faire. Je me suis formée toute seule, sur le tas. Personne ne m’avait prévenue que j’allais reprendre le plus gros client de l’agence. Tous les matins, pour ce seul morceau, j’avais quatre-vingts personnes qui m’envoyaient un message pour me prévenir qu’elles prenaient leur poste. S’il manquait des gens, je devais être réactive et m’adapter en trouvant quelqu’un en urgence. Je devais aussi envoyer des contrats de travail, gérer les problèmes administratifs… J’ai également fait de la facturation, tâche qui n’était pas prévue dans ma fiche de poste. En plus de ce gros morceau, j’avais une petite dizaine de dossiers. Et je recrutais aussi les hôtesses, selon des caractéristiques bien particulières.

Par exemple, pour les loges VIP du Parc des Princes, je ne pouvais pas proposer à n’importe quelle hôtesse de participer. On utilisait des groupes de messagerie interne hiérarchisant les filles selon des critères esthétiques. Dans le booking [poste qui consiste à gérer un portefeuille de clients, à placer des hôtesses sur leurs événements et en assurer le bon déroulement], les clients précisent qu’ils souhaitent « une personne qui présente bien ». Implicitement, cela signifie qu’ils veulent des hôtesses blondes, minces, grandes, jolies.

Certaines femmes sont exclues de fait

On avait donc cinq groupes, allant de 1 à 5. Le premier, que j’appelle celui des « bombasses » : toutes belles, grandes, minces, qui parlent bien anglais. Dans le second, il y avait des filles jolies mais petites ou qui ne parlaient pas bien anglais. Dans le troisième, des filles encore plus petites et peut-être moins dans les canons de beauté, que l’on mettait sur des congrès professionnels. Enfin, on mettait les filles restantes dans les derniers groupes, qui servaient pour de la distribution de tracts.

Une multitude de tailles 36 et 38, pour une seule taille 40 et une autre en 42

Quand on reçoit de nouvelles recrues, elles doivent passer à l’agence pour prendre leur tenue. Dès lors, la discrimination commence puisque l’on possède souvent une multitude de tailles 36 et 38, pour une seule taille 40 et une autre en 42. Certaines femmes sont exclues de fait. Il m’est arrivé de dire à une fille que j’avais bookée que, finalement, je n’avais pas de tenue dans sa taille 42. J’ai dû annuler son contrat à cause de la grossophobie de la boîte, c’était gênant.

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Patrick Artus : « La poursuite du recul en matière de productivité du travail aurait des conséquences catastrophiques »

La productivité du travail, c’est-à-dire le rapport entre la quantité produite et la quantité de travail utilisée, a nettement reculé en France depuis le premier semestre 2019 : la baisse de la productivité atteint presque 3 %, dont un tiers est dû à la diminution de la durée du travail par salarié (productivité « par tête »), et deux tiers à celle de la productivité par heure travaillée (productivité horaire). Par comparaison, la productivité par tête a encore plus reculé en Espagne (4 %), alors qu’elle est restée à peu près stable en Allemagne et a progressé de 1,5 % en Italie.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Pourquoi la productivité des salariés français ralentit-elle ?

Ce recul a, en France, à la fois des causes permanentes et des causes transitoires. Une de ces dernières est que les entreprises affrontent des difficultés d’embauche très élevées depuis 2021. Même lorsque la croissance a ralenti à partir du troisième trimestre 2022, elles ont continué à créer des emplois pour rattraper le retard de leur programme d’embauche antérieur. Une deuxième de ces causes transitoires est que l’industrie, et particulièrement l’automobile, a connu un important recul de la production ; mais les entreprises de ces secteurs ayant anticipé une reprise rapide de leur activité, elles n’ont pas ajusté en conséquence leur niveau d’emploi. L’inadéquation entre activité et effectifs réduit les gains de productivité.

A ces causes transitoires s’ajoutent cependant des causes permanentes du recul de la productivité : les entreprises françaises ont, depuis dix ans, un taux d’investissement net (hors amortissement du capital) de presque 40 % plus bas que les entreprises américaines ; depuis 2010, leur stock de capital a ainsi augmenté en volume de 1,5 % par an contre 3 % aux Etats-Unis. On peut aussi incriminer la part croissante du secteur des services dans l’économie au détriment de l’industrie (où la productivité moyenne est plus élevée que dans les services) ; ou encore la « grande démission » issue d’un désengagement croissant du monde du travail. Dès lors, trois scénarios sont possibles.

Soutenabilité de la dette

Un premier scénario, qui verrait la poursuite de la tendance actuelle, aurait des conséquences catastrophiques. La productivité serait en 2030 de plus de 10 % inférieure à ce qu’elle serait si elle était restée à son niveau d’avant 2019 ; avec pour effets un produit intérieur brut (PIB) inférieur de 10 points et des recettes fiscales inférieures de 5 points de PIB.

Dans ce scénario, la croissance potentielle reste très faible, puisque les gains de productivité à partir de 2023 sont supposés nuls et que la population active est stable : la croissance ne pourrait donc venir que de la hausse du taux d’emploi. Il est aussi probable que la France, comme les autres pays de la zone euro, va revenir à des taux d’intérêt réels à long terme positifs, la Banque centrale européenne étant poussée à une politique monétaire plus restrictive par l’inflation plus forte due au coût de la transition énergétique et aux tensions sur le marché du travail.

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Allocation-chômage : vers une revalorisation exceptionnelle

Une bonne nouvelle pour les demandeurs d’emploi. Pour la première fois depuis la création du système d’assurance chômage, en 1958, l’allocation de retour à l’emploi devrait connaître deux augmentations la même année. En plus de la hausse annuelle prévue le 1er juillet, une revalorisation exceptionnelle de 1,9 % a été votée en conseil d’administration de l’Unédic, l’association paritaire codirigée par les partenaires sociaux qui pilote le régime, vendredi 24 mars. Celle-ci devrait avoir lieu le 1er avril, sous réserve d’approbation d’un décret par le Conseil d’Etat. Dans ce cas, la mesure concernera environ 1,7 million de personnes, soit 76 % des allocataires (ceux inscrits à Pôle emploi depuis moins de six mois étant exclus).

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La revalorisation représente un effort de l’ordre de 600 millions d’euros sur 2023 et 2024. Elle fait suite à une initiative collective des organisations de salariés pour faire face à l’inflation et à la flambée des prix, afin de maintenir le pouvoir d’achat des demandeurs d’emploi. Le gouvernement avait accepté, il y a une dizaine de jours, qu’une revalorisation des allocations de l’assurance-chômage soit appliquée « de manière exceptionnelle » le 1er avril, « en plus de la revalorisation prévue dans le droit en vigueur le 1er juillet de chaque année ».

Si les positions entre représentants du patronat et des salariés étaient relativement éloignées au départ, le vice-président (Medef) de l’Unédic, Jean-Eudes Tesson, se félicite que « les échanges se soient bien passés, sans aucune tension », signe, selon lui, que « la démocratie sociale se porte bien ». Chargé de ces dossiers à Force ouvrière, Michel Beaugas estime que c’est une « revalorisation bienvenue, même si on souhaitait qu’elle soit plus importante ». « C’est bien que cette demande ait abouti, compte tenu du contexte », abonde Marylise Léon, de la CFDT. Cette revalorisation exceptionnelle « doit être vue comme un complément de la hausse de 2,9 % de juillet 2022 et non pas comme une avance de celle de juillet 2023 », précise-t-elle. La CGT a toutefois jugé, dans un communiqué, que cette hausse « insuffisante » est « en déconnexion totale avec la précarité des privés d’emploi ».

« Je suis à disposition de l’intersyndicale »

Ce geste de l’exécutif en direction des syndicats risque de ne pas suffire pour sortir de la séquence de contestation sociale contre la réforme des retraites dans laquelle il est englué. D’autant qu’un autre front institutionnel s’ouvre. Les organisations syndicales ont déposé, vendredi, des recours auprès du Conseil d’Etat contre la réforme de l’assurance-chômage, entrée en vigueur le 1er février et qui réduit de 25 % la durée maximale d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

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L’échec du bilan carbone « obligatoire », symbole du mépris des enjeux climatiques

Des super profits, des super émissions dioxyde de carbone, mais tout de même une super promesse environnementale pour l’avenir. L’armateur CMA CGM, qui a dégagé en 2022 un bénéfice net historique de 24,9 milliards de dollars (23,5 milliards d’euros), est aussi un émetteur majeur de gaz à effet de serre (GES), comme l’ensemble du secteur du fret maritime. L’entreprise assure cependant viser le « zéro carbone » en 2050 pour apporter sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique.

Un engagement crédible ? En France, une loi impose justement, depuis plus de dix ans, aux grandes entreprises de chiffrer leurs émissions de GES, de les publier sur le site de l’Agence de la transition écologique (Ademe), et d’établir un plan d’actions pour les réduire. Mais CMA CGM ne l’a pas fait. Interrogé par Le Monde, l’armateur assure avoir prévu de se plier prochainement à l’exercice.

L’entreprise française la plus profitable en 2022 est loin d’être un cas isolé. A peine un tiers des quelque cinq mille organisations privées ou publiques concernées par cette obligation légale l’ont respectée en 2021. Un décalage qui témoigne autant de l’échec d’un dispositif que de l’apathie des acteurs concernés face à la transition environnementale, alors même que le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié lundi 20 mars, souligne une nouvelle fois l’urgence d’agir rapidement pour contenir le réchauffement climatique.

Le bilan GES, une obligation née du Grenelle de l’environnement

L’obligation de réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre (bilan GES) a été créée en France par la loi Grenelle 2 en 2012. Elle s’applique à plusieurs catégories d’acteurs :

  • Les entreprises de plus de 500 salariés (250 en outre-mer) ;
  • Les établissements publics de plus de 250 salariés ;
  • Les collectivités locales de plus de 50 000 habitants ;
  • Les services de l’Etat.

Le bilan doit être publié tous les trois ans (quatre pour les entreprises). Depuis 2016, il doit être mis en ligne sur le site de l’Ademe depuis 2016.

Cette contrainte vise à amener les organisations à identifier et quantifier les sources de gaz à effet de serre dans leurs activités, puis à réfléchir aux actions à mener pour les réduire. « Bien comptabiliser ses émissions permet d’avoir un plan d’action cohérent ensuite », explique l’Ademe.

Extrait de la base de données des bilans GES de l’Ademe.

Une obligation largement ignorée

Séduisante sur le papier, l’obligation de réaliser un bilan GES n’a pas tenu ses promesses, en premier lieu parce qu’elle est majoritairement ignorée. Ainsi, 65 % des 4 970 organisations soumises à cette obligation ne l’ont pas fait, selon le décompte de l’Ademe pour l’année 2021. La situation s’est même détériorée, puisqu’elles n’étaient que 40 % de récalcitrantes en 2013.

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Si les très grandes entreprises jouent majoritairement le jeu, Le Monde a constaté que certaines d’entre elles manquaient toujours à l’appel début janvier 2023, lors de la dernière mise à jour de la base de données de l’Ademe. Parmi elles : Dassault Systèmes, Leclerc, Eiffage, Vivendi… et le groupe Le Monde.

Ces « oublis » sont facilités par la mansuétude de l’Etat, qui ne n’est guère montré offensif dans la mise en œuvre de cette réglementation entrée en vigueur il y a dix ans. Des agents des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) sont bien chargés de contrôler le respect de la loi, mais les sanctions, bien que renforcées par la loi climat de 2019, restent dérisoires (une simple amende de 10 000 euros, portée à 20 000 euros en cas d’infractions répétées), voire inexistantes. Interrogé sur le nombre d’organismes sanctionnés pour ne pas avoir fait de bilan GES, le ministère de la transition écologique explique que « les contrôles ont essentiellement eu un but pédagogique et incitatif, jusqu’à présent ».

Or, les entreprises récalcitrantes ne semblent pas toutes convaincues à ce jour de l’importance de la démarche. Pour justifier son absence de bilan GES, Vivendi renvoie par exemple vers des données similaires qu’elle a publiées sur d’autres plates-formes, comme le Carbon Disclosure Project, géré par une ONG, ou dans son rapport annuel. Or, le niveau de précision de ces publications est souvent bien inférieur à celui des données demandées par la plate-forme publique de l’Ademe. Vivendi a beau jeu d’affirmer que les données sont « calculées avec des sociétés spécialisées », les informations publiées dans les rapports annuels des entreprises sont souvent peu détaillées et ne permettent souvent pas de comparer les entreprises d’un secteur les unes aux autres. Auprès du Monde, Vivendi assure cependant qu’il publiera un premier bilan au format Ademe « d’ici à la fin de l’année 2023 ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Bilan carbone : « Les entreprises non conformes n’ont pas intégré les enjeux climat dans leur stratégie »

Les collectivités locales souvent à la traîne

La sphère publique elle-même n’a pas vraiment donné l’exemple en la matière. A commencer par les régions, dont les agents sont pourtant chargés de faire respecter la loi. Selon notre relevé, seules six des dix-huit régions françaises étaient à jour de leur obligation début 2023 : Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val de Loire, Grand Est, Normandie, La Réunion…

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Les réponses des acteurs récalcitrants interrogés par Le Monde montrent que les collectivités territoriales sont souvent tout autant en retard que les entreprises dans leurs réflexions. Ainsi, Laurent Wauquiez, président de la région Rhône-Alpes-Auvergne, se défend du non-respect de la loi en 2023 en invoquant le contexte de fusion des régions (pourtant intervenue début 2016). Son service de presse assure toutefois qu’une « réflexion » a été engagée sur le sujet pour « élaborer une stratégie régionale de décarbonation » et publier un bilan courant 2023. La région Ile-de-France, présidée par Valérie Pécresse, indique qu’un premier bilan GES a été terminé en mars 2022, sans être rendu public : la collectivité a décidé d’attendre cette année pour publier un bilan au fait des dernières évolutions réglementaires.

Le bilan n’est guère meilleur à l’échelle des départements, dont moins de la moitié a publié un bilan carbone. Il est toutefois plus positif du côté des grandes villes et métropoles : parmi les dix plus peuplées de France, seules Nantes (qui assure être en passe de publier son bilan) et Marseille sont hors des clous.

Interrogées pour l’évaluation de l’Ademe, les organisations qui n’ont pas respecté leur obligation déclarative en 2021 ont invoqué le plus souvent le manque de ressources humaines ou financières et la complexité et la longueur de l’exercice. Des justifications qui valent aussi bien pour le public que pour le privé.

Décryptage : Article réservé à nos abonnés Le rapport de synthèse du GIEC, « un guide pratique pour désamorcer la bombe à retardement climatique »

Un travail trop souvent imprécis et incomplet

Mais le problème ne s’arrête pas à ces récalcitrants. Même parmi les 35 % de « bons élèves », une bonne partie des bilans GES publiés s’avèrent en réalité largement inexploitables, en raison de leur manque de précision. L’exercice a également longtemps été faussé par le fait que l’obligation déclarative était restreinte aux émissions directes et indirectes des entreprises concernées – on parle, dans le jargon, de « scopes ». Dans l’exemple d’un constructeur automobile, le scope 1 inclut les émissions de GES directement sorties de ses usines et le scope 2 y ajoute les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie de ses unités de production (celles des centrales qui produisent son électricité, par exemple).

Le Monde

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Arrive enfin le scope 3, qui recouvre les émissions de GES liées aux produits et services achetés par l’entreprise ou par l’utilisation finale de ses produits. Dans l’exemple de notre entreprise automobile, ce périmètre comprend notamment les GES émis pendant la production et le transport des matériaux utilisés dans la fabrication des véhicules. Il tient aussi compte des émissions des véhicules entre l’usine et leur lieu de vente, puis surtout de celles qu’ils généreront en roulant.

A partir de cet exemple, on comprend que le scope 3 est, de loin, le plus gros poste d’émissions dans la plupart des secteurs d’activité, à l’exception des gros sites industriels ou de l’extraction d’énergie fossile. C’est pourquoi les bilans carbone doivent en principe tenir compte de ces facteurs, afin de mettre en lumière la dépense d’une activité aux énergies fossiles. Mais la loi française, elle, a longtemps rendu facultative son inclusion dans les bilans GES. Une anomalie qui n’a été corrigée qu’au 1er janvier.

Ainsi, de nombreuses organisations ont jusqu’ici renoncé à chiffrer l’ensemble de leur bilan carbone, faute d’y être obligée. Le scope 3 a été ignoré dans près de la moitié des bilans déposés à l’Ademe entre 2018 et 2021 – notamment par de grands émetteurs de CO2, comme Total Energies, Esso ou Lafarge.

Même parmi les « bons élèves », la qualité de l’exercice est variable. En moyenne les entreprises ne renseignent ainsi que 4,6 des 15 postes d’émissions du scope 3, en se concentrant sur les plus simples à remplir, plutôt que sur les plus substantiels. Parmi les postes le plus souvent renseignées, on trouve par exemple les déplacements professionnels et les achats de produits ou services. Très rares sont les organisations qui, à l’inverse, ont estimé les émissions de COliées à l’utilisation de leurs produits.

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Pour Juliette Decq, spécialiste de ces questions au cabinet Carbone 4, la réglementation française « est une première pierre à l’édifice nécessaire, mais très insuffisante. Dans tous les cas, c’est un sujet qui doit passer par des réglementations, sinon les entreprises ne s’y mettront pas ».

La lecture des plans d’action qui accompagnent ces bilans montre que cette réflexion est encore insuffisamment engagée. Bon nombre d’entreprises se content ainsi d’égrainer des petits gestes pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. « Equiper 100 % de nos magasins en éclairage intérieur avec source LED » (Adidas), « sensibiliser les salariés à l’économie d’énergie » (Groupama Méditerranée), « désigner dans chaque magasin un ambassadeur de la sobriété et du climat » (La Grande Récré)… autant d’actions générales et basiques qui ne nécessitent pas de réflexion particulière pour être adoptées.

Plus largement, ces mesures semblent insuffisantes pour être en phase avec les objectifs gouvernementaux pour les années à venir. La France doit en effet baisser ses émissions de 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990, alors qu’elles n’ont reculé que de 20 % entre 1990 et 2019. Le laborieux déploiement du bilan GES, encore minoritaire après plus d’une décennie, illustre bien à quel point la marche est haute.

Au-delà des chiffres, la comptabilité carbone doit selon elle s’accompagner d’une réflexion de fond au sein des entreprises : « Avant de se lancer dans un plan d’actions, il faut penser au point de chute, analyse Juliette Decq. Certaines activités vont devoir être créées, par exemple dans l’économie du réusage, et d’autres vont devoir disparaître. C’est le nœud de l’histoire. »

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« Nous assistons peut-être à l’émergence d’un droit à l’épanouissement au travail »

Une étude du 21 novembre 2022 de l’IFOP montre que le travail est davantage perçu comme une contrainte que comme une source d’épanouissement, tandis qu’une autre étude du 15 mars 2023 du Cevipof nous interpelle sur l’ampleur de la crise dans notre rapport au travail. Ces résultats n’ont malheureusement rien de surprenant et la mobilisation actuelle contre le recul de l’âge de départ à la retraite est symptomatique de cette défiance à l’égard du monde du travail.

Pourtant, en travaillant 36,9 heures en moyenne par semaine, les Français lui consacrent environ deux heures de plus que la durée légale hebdomadaire de 35 heures, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Cette durée effective hebdomadaire est certes inférieure à celle d’autres pays dont l’économie est comparable avec la France (Allemagne, Royaume-Uni, etc.) mais dans l’ensemble, les Français ne rechignent pas à travailler.

En revanche, c’est le niveau d’insatisfaction au travail qui est alarmant. Les Français sont en moyenne bien moins satisfaits par leur vie professionnelle que par leur vie personnelle. Selon une étude commandée par la Fabrique Spinoza, l’argent, la gouvernance, la reconnaissance et les relations dans le travail sont jugés insatisfaisants par une majorité de personnes interrogées. De plus, 49 % des répondants ressentent une impossibilité de faire évoluer leurs pratiques de travail et d’organisation ; tandis que 25 % des personnes interrogées s’ennuient au travail.

Le travail, une forme de développement personnel

En fait, le monde du travail est insatisfaisant, mais il n’y a pas de rejet du travail en tant que tel. En revanche, ils sont contre une relation au travail dans laquelle l’épanouissement est difficile, sinon impossible. Ce paradoxe s’exprime aussi par le fait que la réduction du temps de travail hebdomadaire n’est plus une revendication prioritaire. On ne cherche plus à travailler moins, mais à travailler mieux.

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D’ailleurs, le débat s’est à présent déplacé sur les conditions de travail et le sens de la vie professionnelle, comme le montre l’étude du NewGen Talent Centre de l’Edhec de janvier 2023 conduite auprès des étudiants d’écoles de management.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Si le travail a pu prendre un sens et une valeur autres que le simple fait de gagner sa vie, c’est aussi parce qu’il y a un après »

Alors que le travail salarié exigeait une forme d’abnégation de sa personne, les jeunes générations – notamment les plus qualifiées – souhaitent de plus en plus que le travail participe à leur émancipation. Pour eux, le travail n’est plus cette activité qui consiste à mettre à disposition son temps, son corps et ses compétences en échange d’un salaire, mais il s’apparente de plus en plus à une forme de développement personnel.

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Handicap au travail : « J’ai préféré ne rien cacher, je ne voulais pas mentir sur l’origine de mes absences »

Dans son magasin Grand Optical de Saint-Etienne, Stéphanie Muguet, 45 ans, conseille sa clientèle avec entrain. Personne ne soupçonnerait le synovialosarcome qui lui a coûté un muscle fessier en 2014, ni les récidives aux poumons limitant sa capacité respiratoire. Mais elle n’en a jamais fait mystère. « Après réflexion, j’ai préféré ne rien cacher dès le début. J’occupais un poste de directrice et je ne voulais pas mentir sur l’origine de mes absences. »

Son choix s’inscrit dans la mouvance des coming out de grands patrons, comme tout récemment celui d’Arthur Sadoun, dirigeant de Publicis, communiquant sur son cancer de la gorge. Dans la foulée, au dernier sommet de Davos, la fondation du groupe a annoncé le lancement de la plate-forme Working With Cancer, invitant toutes les entreprises à rejoindre le mouvement afin de permettre aux collaborateurs concernés de ne pas craindre de stagner ou de perdre leur emploi.

Pour Stéphanie, la transparence a payé : « Ma direction m’a bien accompagnée. Comme je ne pouvais plus assumer pleinement le management, j’ai basculé sur un poste de simple opticienne, mais je ne le vis pas comme une rétrogradation. C’est moins stressant, j’ai bénéficié d’un fauteuil adapté ainsi que d’un espace de repos et je fais bien mon travail. J’ai même le temps de m’investir comme bénévole à la Ligue contre le cancer. »

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La réalité n’est pas toujours aussi enthousiasmante et rassurante sur le plan professionnel. Leila Abes (l’identité a été changée), 47 ans, s’est ainsi vue licenciée pour inaptitude alors qu’elle souffrait de grave dépression, à la suite d’un cancer du sein. « J’étais aide-soignante dans un grand groupe de soins picard au début de ma maladie, et mon employeur informé m’a bien soutenue. C’est en rejoignant un groupe concurrent que les choses se sont gâtées. Je n’ai pas évoqué mon cancer à l’embauche, on m’a postée en unité de soins palliatifs, très anxiogène, et j’ai développé une dépression. »

« Ce qui ne se voit pas n’existe pas ! »

Leila Abes a fini par tout dévoiler à sa cadre qui en a informé le directeur. Celui-ci l’a bien écoutée… mais n’avait rien à lui proposer et l’a poussée vers la sortie. « L’entreprise était pourtant assez grande pour offrir des alternatives », assure-t-elle. L’aide-soignante a préféré se réorienter et, après avoir suivi le programme d’accompagnement « Boostons les talents » de l’APF France handicap, elle a effectué une formation pour se lancer dans le conseil en insertion professionnelle.

Même issue pour Mathilde Bijok, ingénieure de 38 ans, après quatorze ans de carrière dans une PME industrielle lilloise. « J’ai intégré la structure trois ans après l’annonce de ma sclérose en plaques. J’avais alors 23 ans, et je n’étais pas prête à parler de ma maladie. » La jeune femme a alors compensé discrètement ses symptômes (troubles de la vue, douleur, fatigue…) en prenant sur elle, ou en déléguant certaines tâches, et a mis de proches collègues dans la confidence. Mais la dernière poussée l’a contrainte à demander un temps partiel thérapeutique et une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

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