Archive dans décembre 2022

Peut-on parler de sous-déclaration d’accident du travail chez Amazon ?

« Amazon conteste 70 % de ses accidents du travail. On demande aux victimes si elles ont fait du sport avant de venir au travail, si elles ont bien suivi les consignes… Tout est fait pour leur faire penser que c’est de leur faute », affirme la secrétaire du comité social et économique (CSE) sur le site d’Amazon de Brétigny-sur-Orge et élue Force ouvrière (FO). Karine Blanc ne décolère pas face à ce qu’elle estime être de l’« intimidation » des responsables de l’entreprise à l’égard des salariés.

Dernier accident en date, le 27 octobre, un technicien intérimaire a été hospitalisé d’urgence après avoir reçu une décharge électrique sur le chantier d’extension du site d’Amazon de Brétigny-sur-Orge. « Cet homme a dû subir un interrogatoire alors qu’il était encore sous le choc, soutient Karine Blanc. Il m’a dit : “je n’ai pas compris ce qui s’était passé”. »

Le rapport envoyé au CSE par une responsable des ressources humaines « ne correspond pas aux déclarations de la victime. Elle n’avait pas les bons EPI [équipements de protection], et était persuadée qu’il n’y avait pas d’électricité », dénonce Karine Blanc. Pour écarter toute responsabilité dans l’accident, la direction d’Amazon a aussi invoqué le fait que le groupe n’était pas encore propriétaire du bâtiment, future extension du site logistique. Mais en janvier 2022, un intérimaire de 63 ans décédait d’un arrêt cardiaque sur le site.

Une forme de pression « inacceptable »

La direction a rejeté la qualification d’« accident du travail », l’accident étant survenu avant que l’employé ne commence à travailler. Un argument qui ne tient pas aux yeux de Mathieu Maréchal, responsable de la branche travail temporaire pour FO Intérim : « il était sur un des postes les plus difficiles de l’entreprise ». La pression due à son travail aurait favorisé ses problèmes de santé.

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Régulièrement pointé du doigt au sujet de la pression mise sur ses salariés, Amazon est un gros recruteur d’intérimaires : le géant de la logistique a trois agences d’intérim directement implantées sur son site de Brétigny-sur-Orge. Un moyen de disposer d’une main-d’œuvre docile et moins encline à déclarer les accidents du travail, soutient Karine Blanc, qui estime entre 20 % et 50 % le taux d’intérimaires sur le site d’environ 4 000 salariés : « s’il déclare un accident du travail, un intérimaire sait que sa mission ne sera pas renouvelée », dit-elle.

Karine Blanc affirme avoir entendu une responsable de chez Randstad, une des agences directement implantées sur le site de Brétigny, dire au téléphone à un intérimaire que ce n’était pas la peine de déclarer son accident du travail, car il n’aurait pas respecté les consignes de sécurité. Une forme de pression « inacceptable » pour la responsable syndicale. Randstad réplique qu’il s’agit de « propos rapportés » et souligne qu’« une déclaration d’accident du travail a bien été effectuée le jour » de l’événement.

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Réforme des retraites : les premiers chiffrages émergent

L’ordre de grandeur est spectaculaire : si l’âge légal de départ à la retraite est repoussé de 62 à 65 ans – conformément à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron –, les économies induites par cette décision atteindraient 32 milliards d’euros à l’horizon 2035. Il s’agit de l’un des chiffrages dont le ministère du travail fait état dans le cadre de la concertation qu’il a ouverte, début octobre, avec les partenaires sociaux sur la réforme des régimes de pension. Les discussions sont entrées, le 1er décembre, dans un troisième et dernier « cycle », qui aborde les questions les plus sensibles : situation financière du système, qui redeviendrait durablement déficitaire à partir de 2023, et mesures à prendre pour rétablir « l’équilibre ».

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Précision importante : les 32 milliards en question correspondent à un montant brut d’économies. En d’autres termes, il ne tient pas compte des dispositions qui seront prises au profit des assurés et qui entraîneront des coûts supplémentaires (relèvement à 85 % du smic, du minimum de pension pour les personnes ayant accompli une carrière complète, règles dérogatoires pour les personnes en situation d’invalidité, d’incapacité, de handicap et pour celles qui ont commencé à travailler jeunes, etc.). D’autres dépenses, extérieures au système de retraite, ne sont pas prises en considération : par exemple, les prestations sociales versées aux individus qui n’arriveront pas à rester en activité jusqu’à 65 ans pour toucher leur pension (assurance-chômage, minima sociaux, etc.).

Des scénarios alternatifs ont été étudiés par les services de l’Etat, notamment celui qui consisterait à combiner deux changements de paramètre : décalage à 64 ans (au lieu de 65) de l’âge d’ouverture des droits et accélération de la mise en œuvre de la « loi Touraine » de janvier 2014, qui prévoit d’augmenter la durée de cotisation pour être éligible au taux plein. Ce « cocktail » permettrait une économie brute de 22,1 milliards d’euros, à l’horizon 2035.

Le ministère du travail a également examiné l’hypothèse d’une hausse des prélèvements afin de faire face aux besoins budgétaires du dispositif – même si cette piste a très peu de chances d’être retenue, l’exécutif ayant dit qu’il était contre. Pour ramener le système à l’équilibre en 2032 en jouant sur le taux de cotisation, il faudrait accroître ce dernier de 1,7 point, ce qui représenterait une ponction de 767 euros par an et par salarié, en moyenne.

Le ministère du travail souligne, par ailleurs, devant les partenaires sociaux que si la législation restait en l’état, des déficits s’accumuleraient, ce qui engendrerait quelque 180 milliards d’euros de dette supplémentaire à l’horizon 2035. Une projection réalisée en retenant comme hypothèse une croissance de la productivité de 1 % par an en moyenne, sur la période, et un taux de chômage de 4,5 % – il se monte à 7,3 % aujourd’hui.

Emploi : le regard des Français toujours plus « dur » sur les chômeurs

Voici une étude sur laquelle pourra s’appuyer le gouvernement. Alors qu’une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, qui va rendre les règles d’indemnisation plus strictes, entrera en vigueur le 1er février 2023, l’Unédic – l’association paritaire qui gère le régime – a publié, mercredi 7 décembre, la quatrième édition de son baromètre de la perception du chômage et de l’emploi, réalisé avec l’institut Elabe.

Cette fois encore, comme les années précédentes, le regard de l’opinion publique sur les chômeurs se durcit. Un Français sur deux estime ainsi que les demandeurs d’emploi sont responsables de leur situation (+ 7 points par rapport à 2021). Les évolutions de la société restent cependant la première cause de chômage citée, mais en nette baisse (– 6 points, 59 %). En parallèle, le « soupçon » à l’égard des chômeurs continue de progresser. 49 % des 3 000 Français interrogés – 1 600 actifs en emploi et 1 500 demandeurs d’emploi – considèrent que la plupart d’entre eux ne cherchent pas vraiment à retrouver un emploi (dont 16 % sont « tout à fait d’accord » avec cette affirmation, en hausse de deux points).

De plus 60 % pensent que les personnes sans emploi ont des difficultés à trouver du travail car elles ne font pas assez de concessions, 57 % qu’elles ne travaillent pas car elles « risqueraient de perdre leurs allocations ». Enfin, 42 % (+ 3 points) des Français considèrent que les chômeurs sont des « assistés ». Un terme régulièrement utilisé par la droite et le patronat, encore plus en cette période de pénurie de main-d’œuvre malgré un taux de chômage à 7,5 %, et qui trouve un fort écho au gouvernement, ainsi que dans une partie de la gauche. Un contexte qui renforce d’ailleurs la perception des Français sur les chômeurs. Depuis 2020, date du premier baromètre, plus le taux de chômage baisse, plus le regard de l’opinion publique est dur.

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« Connaissance partielle »

Néanmoins, plusieurs éléments sont relativement paradoxaux avec cette défiance. Ainsi, « le chômage continue d’être perçu comme une situation subie », précise l’étude. De même que traverser une telle situation est devenu quelque chose de banal pour les Français puisque pour 95 % d’entre eux, « tout le monde peut connaître une période de chômage au cours de sa carrière ». Enfin, une importante majorité (59 %) continue de se dire « attachée au modèle français d’assurance-chômage », bien que cette proportion soit en recul de 4 points.

Un sentiment de contradiction qui peut s’expliquer par la « connaissance partielle », voire une vraie méconnaissance, de la réalité du chômage, sur laquelle est fondée l’opinion des Français. Un tiers seulement de la population évalue à sa juste valeur (entre 900 et 1 099 euros) le montant mensuel moyen de l’allocation-chômage (un tiers la surestime, un autre le sous-évalue). L’ignorance est encore plus significative au sujet du taux de chômage, surestimé par 54 % des sondés pour le situer en moyenne à 15 %, le double de la réalité. Un écart considérable mais constant depuis 2020.

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« En Ukraine, la loi martiale a suspendu des pans entiers du droit du travail et de nouvelles lois ont vocation à durer au-delà du conflit »

Si la perspective de la fin de la guerre semble encore lointaine, la mobilisation pour la reconstruction de l’Ukraine est déjà enclenchée. Une soixantaine de délégations gouvernementales, un millier de participants au total, en ont discuté le 4 juillet à Lugano (Suisse). L’ampleur du chantier s’annonce considérable tant les dégâts matériels et humains sont majeurs, avec les cortèges de blessés au combat et lors des bombardements aveugles sur le pays, et les centaines de milliers de réfugiés.

L’expérience du programme du Conseil national de la résistance, après la seconde guerre mondiale, peut laisser penser en France que cette reconstruction sera l’occasion d’un nouveau contrat social progressiste. Or, c’est une tout autre ligne que le gouvernement ukrainien semble vouloir emprunter.

Le principal conseiller économique du président ukrainien est un brillant économiste, professeur à l’université de Cambridge, Alexander Rodnyansky, fils du fondateur de la chaîne qui fit connaître le comédien Zelensky au grand public. Dans une interview au Guardian au mois d’octobre, il ne cache pas que l’Ukraine doit devenir attractive par un vaste programme de privatisations et une remise à plat du droit du travail. Les documents circulant lors de la conférence de Lugano plaident pour une flexibilisation de ce droit. Le graphique illustratif des « blocages » pour l’emploi est sans ambiguïté : le nombre de semaines de préavis à un licenciement en Ukraine de neuf est comparé à quatre semaines en Pologne et en Corée du Sud. Le « brouillon » du plan de reconstruction cite comme contrainte institutionnelle à un « marché du travail moderne » la « position de résistance des syndicats ».

La société civile doit aussi pouvoir s’exprimer

Le programme de réformes est déjà engagé. Si, dès le début de la guerre, la loi martiale a suspendu des pans entiers du droit du travail, de nouvelles lois ont vocation à durer au-delà du conflit. Une première a introduit le contrat « zéro heure » similaire au modèle britannique (contrat de travail sans garantie du nombre d’heures rémunérées). Une deuxième, votée en juillet, soustrait les salariés des entreprises de moins de 250 employés (70 % de l’emploi salarié) de la couverture des accords collectifs. Les secrétaires généraux des Confédérations internationale et européenne des syndicats ont dénoncé, dans un courrier d’une rare fermeté, adressé à la Commission et au Conseil européen, une loi « antisociale », « motivée par des oligarques derrière le parti au pouvoir, qui se moquent des intérêts du peuple ». Très engagées contre la guerre en Ukraine, ces confédérations ne sont guère suspectes de complaisance avec la Russie. Difficile également d’en faire un repaire du conservatisme syndical : la Confédération européenne est présidée par Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.

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La sous-déclaration des accidents du travail est une pratique courante des entreprises

Le déblocage d’un embacle sur la Loire en crue, à Roanne (Loire), par un agent de l’entreprise publique Voies navigables de France, en mai 2021.

Zéro : c’est le nombre d’accidents du travail déclarés à la suite de l’incendie de l’usine Lubrizol, survenu à Rouen le 26 septembre 2019, selon les chiffres de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Seine-Maritime, qui, sur la même période, en a reconnu 105 dans les entreprises voisines. « C’est un vrai miracle. Pour être en bonne santé, il fallait travailler chez Lubrizol », ironise Philippe Saunier, membre du collectif santé-travail de la Fédération CGT des industries chimiques. « Aucun accident n’a été signalé par un salarié ou constaté, il n’y a donc pas eu de déclaration, réplique l’entreprise. Nous sommes particulièrement vigilants à respecter la réglementation. »

Les accidents du travail ne sont pas toujours déclarés comme il le faudrait. A tel point que depuis 1997, une commission (présidée par un magistrat de la Cour des comptes) évalue le coût réel, pour la branche maladie, de leur sous-déclaration ainsi que de celle des maladies professionnelles (AT-MP). Elle estime le nombre d’accidents ou de maladies qui, s’ils avaient été déclarés, auraient dû être reconnus d’origine professionnelle, pour fixer ce que doit reverser la branche AT-MP à la branche « maladie » de la Sécurité sociale.

Entre 1,2 milliard et 2,1 milliards d’euros

La dernière commission, réunie en 2021, chiffre ce coût annuel entre 1,2 milliard et 2,1 milliards d’euros, dont 110 millions concernent les accidents du travail. La moitié des accidents du travail en France ne serait pas reconnue, estime la commission, sur la base d’une enquête du ministère du travail menée en 2017 ; 72 % ne seraient pas déclarés, et 26 % des accidents du travail avec arrêt (soit 224 000).

« La sous-déclaration s’est institutionnalisée et devient une pratique managériale dans de grandes entreprises, mais aussi chez les sous-traitants qui doivent apparaître irréprochables pour décrocher des contrats, estime Jérôme Vivenza, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. Une entreprise qui ne déclare pas un accident du travail encourt une amende de seulement 750 euros ! »

En revanche, les déclarations en bonne et due forme augmentent les cotisations patronales, qui tiennent compte du nombre et de la gravité des accidents. Pour en réduire le taux, le moyen le plus fréquent est de passer ces accidents en simple arrêt maladie, ou de déclarer des accidents du travail sans arrêt.

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Plusieurs grandes entreprises pratiquant des politiques « zéro accident » pour baisser leur niveau de cotisation ont fait date : en 2007, à l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), l’inspection du travail avait observé la déclaration de cinquante-huit accidents du travail sans arrêt, du fait d’un « système organisé de pressions visant à ce que les salariés, victimes d’un accident du travail, auxquels un arrêt de travail avait été prescrit renoncent à le prendre tout ou partie », notamment via des postes aménagés pour « occuper » les salariés, alors qu’ils n’étaient pas en état de travailler.

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Paris 2024 : 87 accidents depuis le début des chantiers olympiques

Depuis le début des chantiers liés aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, il y a eu 87 accidents du travail, dont onze accidents graves mais aucun mortel. Tel est le bilan réalisé à la mi-octobre et communiqué, mardi 6 décembre, lors d’une réunion au ministère du travail consacrée à « la prévention des accidents du travail graves et mortels ».

Gaëtan Rudant, directeur de la Drieet (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) d’Ile-de-France, qui chapeaute notamment l’inspection du travail, a déclaré que « 40 % de ces accidents ont concerné des personnes en situation d’intérim ». Ces chantiers « hors norme », selon M. Rudant (« une douzaine de sites, quarante maîtres d’ouvrage, 8 000 compagnons à un instant t »), ont débuté il y a près de deux ans mais sont vraiment montés en puissance en 2022.

Cinq cents interventions cette année

Depuis le début 2022, « l’inspection du travail a réalisé cinq cents interventions, soit un inspecteur du travail mobilisé chaque jour, ce qui permet de donner la visibilité nécessaire pour un contrôle efficace », a souligné M. Rudant. Cela a entraîné « vingt-neuf décisions d’arrêt de travaux pour soustraire une centaine de travailleurs à un risque imminent et grave », a-t-il précisé.

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« Même sur un chantier aussi considérable, la réalité des risques qu’on traite est assez familière (chute de hauteur, équipement de levage et de manutention, risques électriques…) », a-t-il constaté. S’il y a une collaboration forte en matière de prévention et de dialogue social avec les professionnels du BTP, « nous avons convoqué les maîtres d’ouvrage à trois reprises pour faire passer des messages avec une certaine insistance », par exemple concernant la circulation des véhicules et des piétons, a-t-il souligné.

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Le Monde avec AFP

L’employeur peut utiliser l’agenda électronique professionnel du salarié comme élément de preuve devant les Prud’hommes

L’exercice du droit à la preuve en matière prud’homale suscite régulièrement des questions. S’agissant des preuves apportées par l’employeur, elles sont le plus souvent remises en cause par le salarié en faisant valoir, soit que l’employeur a obtenu la preuve de manière déloyale, soit qu’en la produisant, il a porté atteinte à la vie privée du salarié dont ce dernier bénéficie en dehors mais également dans l’entreprise.

C’est en invoquant l’accès déloyal à la preuve qu’une salariée a attaqué aux prud’hommes la recevabilité des documents produits par son employeur pour contrer sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires. Au soutien de cette demande, la salariée produisait un décompte hebdomadaire de ses heures de travail, ainsi que des courriels visant à attester de l’amplitude de ses journées de travail.

En défense, l’employeur contestait ce décompte en produisant des extraits de l’agenda électronique enregistré sur l’ordinateur professionnel de cette salariée. Le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel écartent les extraits d’agenda au motif qu’ils proviennent de l’agenda personnel de la salariée et que l’employeur ne justifie pas de conditions régulières de l’obtention.

La présomption de caractère professionnel

Les juges se sont par conséquent exclusivement fondés sur les éléments produits par la salariée pour apprécier la matérialité et le nombre d’heures supplémentaires. L’employeur saisit la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 9 novembre, reproche à la Cour d’appel d’avoir écarté la preuve apportée par l’employeur alors qu’il n’était pas contesté que les pièces litigieuses provenaient de l’agenda électronique de la salariée disponible sur son ordinateur professionnel.

Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel aurait dû rechercher si les pièces avaient été identifiées comme étant personnelles par la salariée. Cette position est conforme à la ligne de conduite que suit la Cour de cassation depuis des années concernant les preuves obtenues par l’employeur en accédant à l’outil professionnel du salarié.

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En effet, elle juge que les dossiers et fichiers créés par le salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur pour l’exercice de ses fonctions sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels. Cette présomption de caractère professionnel vise également les messages reçus et envoyés à partir de la messagerie électronique professionnelle, les connexions Internet via l’ordinateur professionnel et les messages issus du téléphone professionnel.

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Réforme des retraites : vers un « conflit social majeur » en janvier, selon les syndicats

Lors de la manifestation contre la vie chère et l’inaction climatique, à Paris, le 16 octobre 2022.

Les syndicats sont « prêts » pour la bataille contre la réforme des retraites. Dans un communiqué commun diffusé au cours de la soirée, lundi 5 décembre, huit organisations de salariés et cinq mouvements de défense de la jeunesse réaffirment leur « volonté » de passer à l’action « ensemble » si le gouvernement maintient son projet de reporter à 64 ou à 65 ans l’âge d’ouverture des droits à une pension. Aucune date précise n’est arrêtée pour l’instant, mais les protagonistes expliquent qu’il faut s’attendre à des « grèves et manifestations » en janvier 2023, dans l’hypothèse où les intentions de l’exécutif sont mises en œuvre. L’affrontement paraît inexorable, les deux camps ayant des positions inconciliables sur ce dossier ultrasensible.

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Le texte unitaire a été diffusé quelques minutes après une réunion de l’intersyndicale, qui a eu lieu au siège de la Fédération syndicale unitaire (FSU), aux Lilas (Seine-Saint-Denis). Y ont participé les cinq confédérations représentatives à l’échelon interprofessionnel (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, Force ouvrière) ainsi que la FSU, Solidaires, l’UNSA et des organisations défendant les étudiants et les lycéens (FAGE, FIDL, MNL, UNEF, VL).

Contexte « particulièrement difficile »

Leur démarche survient alors que les grandes lignes de la réforme doivent être présentées avant le début des congés de Noël, aux alentours du 15 décembre. Les treize organisations expliquent d’ailleurs dans leur déclaration collective, qu’elles se rencontreront à nouveau le jour où les annonces gouvernementales seront faites, afin d’enclencher le mouvement de protestation. Si ce scénario se confirmait, c’est le pouvoir en place, qui, « en s’entêtant, porterait l’entière responsabilité d’un conflit social majeur », préviennent les signataires du communiqué, en rappelant le contexte « particulièrement difficile » dans lequel une part « croissante » de la population est plongée (envolée des prix de l’énergie et de nombreux autres produits et services, risques de coupures de courant…).

Au passage, les treize coalisés critiquent la communication gouvernementale, qu’ils jugent outrageusement alarmiste, dans le but de légitimer une mesure « paramétrique ». « Le gouvernement instrumentalise la situation financière du système de retraites », écrivent-ils, en ajoutant que celle-ci « n’est pas en danger ». Une appréciation qui vise clairement à répondre à Elisabeth Borne : dans l’entretien qu’elle a accordé au quotidien Le Parisien daté du 2 décembre, la première ministre avait dit que les régimes de pension seraient mis « en péril » si aucune disposition n’était prise pour combler les déficits.

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« Non à la fermeture du lycée Brassaï ! »

Le lycée Brassaï, le seul établissement public professionnel spécialisé en photographie à Paris, doit fermer ses portes en 2023. Cette décision indigne un vaste collectif de photographes et de professionnels de l’image, dont la galeriste Caroline Benichou, le photographe Eric Bouvet et le réalisateur Rithy Panh.

Coupe du monde 2022 : le droit du travail particulier du foot

Droit social. La Coupe du monde de football est une vitrine planétaire pour ce sport. Elle l’est aussi pour les pratiquants qui s’affrontent par équipes dites « nationales », qualifiées pour participer à ce tournoi. Le juriste s’intéresse à double titre à l’activité sportive professionnelle durant cette compétition, car ses règles dérogatoires au droit du travail sont nombreuses. Elles sont issues d’un « ordre sportif international », ici « footballistique ».

Ainsi, une mise à disposition d’un salarié d’une entreprise à une autre se fait en règle générale sur la base d’un accord de (libre) volonté entre les deux entreprises en question et le salarié, donc d’un contrat. Tel n’est pas le cas pour l’activité dans l’équipe de chacune des fédérations nationales de football, elles-mêmes généralement constituées sous forme d’association et nécessairement reconnues et affiliées à une association de droit suisse : la Fédération internationale de football association (FIFA).

En effet, l’article 3.1 de l’annexe 1 du règlement de la FIFA relatif au statut et au transfert des joueurs (RSTJ) prévoit que « tout joueur enregistré auprès d’un club est tenu de répondre positivement à une convocation pour jouer pour l’une des équipes représentatives d’une association qu’il est autorisé à représenter sur la base de sa nationalité ».

Sous peine de sanctions

Pareillement, l’article 1.1 de l’annexe 1 du RSTJ dispose qu’« un club ayant enregistré un joueur doit mettre ce joueur à la disposition de l’association du pays pour lequel le joueur est qualifié, sur la base de sa nationalité, s’il est convoqué par l’association en question. Tout accord contraire entre un joueur et un club est interdit ».

En d’autres termes, par ces règles émanant d’une association de droit suisse, un tiers au contrat de travail – le sélectionneur –, agissant pour le compte de la fédération nationale, peut obliger l’employeur – le club – à libérer son salarié.

L’autre partie au contrat de travail, le salarié, a l’obligation sous peine de sanctions de pratiquer le football, donc de travailler pour une entité autre que celle qui verse son salaire.

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De plus, alors que dans le cadre d’une mise à disposition, l’entité qui bénéficie du travail du salarié peut rembourser le coût que représente le salarié mis à disposition, pour la fédération nationale d’un footballeur, le club ne peut pas être remboursé des salaires qu’il aurait maintenus malgré la suspension du contrat de travail. Cette règle de l’article 2.1 de l’annexe 1 du RSTJ est justifiée par la FIFA en ce qu’elle serait protectrice des fédérations nationales pauvres. Elle n’est toutefois plus entièrement appliquée.

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