Archive dans juin 2022

L’inquiétude gagne de nouveau les 2 600 salariés de Camaïeu

Au siège de Camaïeu, à Roubaix (Nord), le 29  mars  2021.

L’affaire fait désordre. Vingt mois après sa reprise par la Financière immobilière bordelaise (FIB), à la barre du tribunal de commerce de la métropole de Lille, Camaïeu a été condamné en référé pour plus de 178 000 euros de loyers impayés à Poitiers, mercredi 8 juin. Le tribunal a assorti sa condamnation d’une décision d’expulsion du local que l’enseigne occupe dans la galerie marchande de l’hypermarché Leclerc, a révélé le quotidien La Nouvelle République.

« Camaïeu a interjeté appel », précise au Monde son avocat, Baptiste de Fresse de Monval. Cet appel est suspensif de la décision d’expulsion. Mais ce jugement a grandement ébranlé la confiance des salariés à l’égard de l’entreprise et de sa maison mère, la FIB, société créée par l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La Halle, Camaïeu, Naf Naf, André… Plus de 14 000 emplois menacés dans l’habillement

Car, depuis peu, les contentieux entre l’enseigne d’habillement féminin et ses bailleurs se multiplient. Unibail-Rodamco-Westfield lui reproche de ne pas honorer ses baux dans les centres commerciaux Carré Sénart et Toison d’Or, que la puissante foncière gère à Melun et à Dijon. Cora, qui exploite des galeries marchandes, a lancé une quinzaine de procédures de recouvrement pour des boutiques situées à Nancy, Strasbourg, Colmar, Cambrai (Nord), Creil (Oise) et Rennes, d’après nos informations.

L’ardoise de Camaïeu auprès de Cora s’élèverait à plus de 2 millions d’euros d’impayés. Celle auprès de Klépierre serait aussi de plusieurs millions d’euros, selon nos informations. Le gros propriétaire foncier a entamé une procédure au tribunal de commerce de la métropole de Lille pour impayés. Interrogée, la direction de Klépierre dit ne pas avoir « vocation à commenter les informations de cette nature ».

« Ce mode de gestion semble systématique »

De sources syndicales, Camaïeu ne verserait plus les loyers de près de la moitié de ses 517 magasins exploités en France. « Ce mode de gestion semble systématique », observe un avocat d’affaires (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat). Bien que les impayés relèvent de périodes d’exploitation en 2022 ou fin 2021 durant lesquelles le gouvernement n’avait pas pris de mesures de fermeture administrative de magasins pour lutter contre la propagation du Covid-19, l’enseigne les « fait valoir » et en « fait état » pour justifier ce défaut de paiement, rapporte cet avocat.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon reprend Camaïeu

De Roubaix (Nord), au siège social de Camaïeu, Wilhelm Hubner, président d’Hermione People & Brands, pôle des 1 098 magasins du groupe de Michel Ohayon exploités sous les enseignes Galeries Lafayette, Camaïeu, Gap, La Grande Récré et Go Sport, tient « d’abord » à rappeler « la situation de l’entreprise » depuis août 2020.

Il vous reste 55.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’apprentissage est dans une « impasse financière », selon la Cour des comptes

En quelques années, l’apprentissage s’est développé dans des proportions inégalées, au point d’augmenter la part des jeunes en emploi. Ce succès, « indéniable » sur le plan quantitatif, pose toutefois problème du fait de son coût, difficilement soutenable pour les finances publiques. En outre, les personnes les plus en difficulté ne profitent pas assez du dispositif, alors que celui-ci a précisément pour vocation de s’adresser à elles, en priorité. C’est ce que montre un rapport très fouillé de la Cour des comptes, rendu public jeudi 23 juin.

Les magistrats de la Rue Cambon, à Paris, ont mené une longue enquête sur la formation dite « en alternance ». Cette notion désigne les actions destinées à acquérir des qualifications grâce à des allers-retours entre une entreprise et un établissement dispensant des enseignements théoriques. Pour entrer dans ce type de cursus, il existe principalement deux voies : le contrat d’apprentissage (réservé aux moins de 30 ans) et le contrat de professionnalisation (proposé à un public plus large). Ces mesures constituent un « axe fort » des politiques de lutte contre le chômage, comme le rappelle la Cour : ainsi, la part des apprentis en emploi, « six ou sept mois après leur sortie de formation », est plus élevée que celle « des diplômés sous statut scolaire », l’écart étant « de plus de 20 points en moyenne ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’apprentissage bat de nouveau des records en France

Entre 2016 et 2021, le nombre de jeunes qui ont commencé un parcours en alternance est passé de 438 000 à 799 000, soit une hausse spectaculaire de 82 %. Une telle évolution est liée à l’engouement qui s’exprime pour l’apprentissage, avec près de 732 000 contrats signés en 2021 contre 290 000 en 2016.

Cette « croissance sans précédent » provient, en partie, de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » promulguée en septembre 2018, qui a libéralisé l’offre de formation et modifié en profondeur le financement. Celui-ci est désormais directement indexé sur l’activité des centres de formation d’apprentis (CFA) : chaque contrat donne lieu à l’attribution de subsides par un « opérateur de compétences », en vertu d’une logique de « guichet ouvert » qui n’existait pas avant la réforme de 2018.

« Dégradation » d’une « ampleur inédite »

Autre facteur concourant à l’envolée de l’apprentissage : les aides exceptionnelles accordées depuis l’été 2020 aux patrons qui embauchent des alternants (de 5 000 ou 8 000 euros, suivant les cas). Leur impact a été puissant, tout en s’accompagnant d’« effets d’aubaine significatifs » : autrement dit, de l’argent a été versé à des sociétés qui auraient recruté des apprentis, même en l’absence du soutien des pouvoirs publics.

Il vous reste 48.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le plan d’Hidalgo pour stopper le travail précaire à la Mairie de Paris

La maire de la capitale, Anne Hidalgo, lors du conseil de Paris, le 31 mai 2022.

Anne Hidalgo verse un peu d’huile dans les rouages sociaux de la Mairie de Paris qui grinçaient. Revenue à temps plein à l’Hôtel de ville après le fiasco de sa campagne présidentielle, la maire socialiste s’apprête à satisfaire en partie une des grandes revendications des syndicats, en sortant de la précarité quelque 1 600 agents municipaux en trois ans. La première étape du plan élaboré en ce sens va être soumise au vote des élus lors du prochain Conseil de Paris, à partir du 5 juillet.

« Ce plan est l’illustration de notre volonté de lutter contre la précarité, déclare Antoine Guillou, l’adjoint d’Anne Hidalgo chargé des ressources humaines. Il repose sur un diagnostic partagé avec les organisations syndicales. » Celles-ci ont rendu un avis favorable quasi unanime, le 7 juin. Seule la FSU s’est abstenue, jugeant le projet insuffisant. Les syndicats se montrent d’autant plus heureux de cette avancée qu’ils ont dû accepter une hausse du temps de travail dans le cadre de l’application à la Mairie de Paris de la loi de transformation de la fonction publique. « Ce plan contre la précarité, c’est un peu une contrepartie », glisse un syndicaliste.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La rentrée chahutée d’Anne Hidalgo au Conseil de Paris

L’enjeu est de taille. La Mairie de Paris constitue une énorme machinerie, qui emploie environ 52 250 personnes de façon permanente. Essentiellement des fonctionnaires, mais aussi plus de 5 000 « contractuels », qu’ils disposent d’un contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI). A cela s’ajoutent de très nombreux vacataires. Environ 20 000 sont rémunérés chaque année, dont une majorité de femmes. Certains pour une seule prestation, d’autres pour des mois de travail : des animateurs de centres de loisirs, des surveillants de cantine, des professeurs donnant des cours pour adultes, du personnel de ménage, des gardiens d’école, etc.

Depuis des années, les syndicats critiquent le recours massif à des vacataires et des CDD. « Toujours plus de précarité à la Ville de Paris ! », dénonçait encore en janvier un tract du syndicat FSU. « La Ville emploie des milliers de vacataires et de contractuels comme une “facilité de gestion”, de manière abusive et illégale », affirme Nicolas Léger, l’un des responsables de l’organisation. « Oui, la Ville est dans une totale irrégularité, souligne Bertrand Vincent, de Force ouvrière. Elle tord les règles, et recourt parfois à des vacations pour remplacer une titulaire partie en congé de maternité, par exemple. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Anne Hidalgo perd son combat sur le temps de travail à Paris

Antoine Guillou porte un autre regard. « Compte tenu de la taille du service public parisien, avec notamment 650 écoles, il n’est pas anormal d’employer des vacataires, tempère le “M. Ressources humaines” de la Mairie. Il s’agit souvent de répondre à des pics d’activité dans la journée, la semaine ou l’année. Par exemple, nous avons besoin d’agents pour aider les enfants à traverser les passages piétons juste avant et juste après l’école. »

Il vous reste 44.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le Covid-19 a fait perdre 19 milliards d’euros aux cinémas en Europe

Une salle de cinéma, à Belle-Ile-en-Mer (Morbihan), le 19 mai 2021.

Lors de sa réunion annuelle, qui s’est tenue à Barcelone, mardi 21 juin, l’Union internationale des cinémas (UNIC), qui regroupe les exploitants de 39 pays du continent européen (en y intégrant la Russie et la Turquie), a dressé un constat mi-figue, mi-raisin. Ecartelé entre une solide foi dans la résilience du secteur, grâce à l’appétit du public à retourner en salle, et l’obligation de reconnaître que la pandémie avait gravement ébranlé la profession.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Pourquoi les spectateurs vont moins au cinéma en France : prix du billet et manque d’intérêt pour les films

Pour la première fois, l’UNIC a calculé que le Covid-19, et son cortège de fermetures puis de réouvertures des salles obscures, s’est soldé par une perte de résultats au box-office de 6,2 milliards d’euros en 2020 et de 5,1 milliards d’euros supplémentaires en 2021. A cela s’ajoutent les autres sources de revenus, comme la publicité, les événements privés que les données de l’Observatoire européen de l’audiovisuel extrapolent à plus de 7,5 milliards d’euros pour l’Europe en 2020 et 2021. Soit, au total, une perte de près de 19 milliards d’euros en deux ans. « Sans inclure le loyer, les factures d’énergie ni les indemnités de congés temporaires, s’élevant à des centaines de millions d’euros par semaine », précise le rapport annuel de l’UNIC.

« Impact social grave »

Toujours au chapitre des mauvaises nouvelles, « l’impact social de la pandémie sur l’industrie a été tout aussi grave, menaçant les moyens de subsistance des centaines de milliers d’employés » des salles, précise ce même rapport. Là aussi, sans prendre en compte l’incidence de ces fermetures sur d’autres activités, comme les commerces de détail ou les services situés à proximité ou à l’intérieur des complexes cinématographiques.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’année 2021 signe la reprise de la production cinématographique en France

Apportant une note d’optimisme dans ce marasme, Phil Clapp, le président de l’UNIC, a annoncé 590 millions d’entrées dans les cinémas des 39 pays européens étudiés (43 000 écrans) en 2021, soit une hausse de 36,4 % par rapport à 2020. Les recettes ont repris des couleurs, avec 3,7 milliards d’euros (+ 40,8 % par rapport à 2020).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Cannes 2022 : au Festival, les banquiers du cinéma se montrent peu inquiets

Au niveau de l’Union européenne – avec le Royaume-Uni –, près de 400 millions de billets ont été vendus, pour une valeur estimée à 3 milliards d’euros. La comparaison avec 2019, un millésime exceptionnel, n’en est que plus douloureuse, puisque les recettes ont fondu de 70,4 % par rapport à cet âge d’or. Quand 1,347 milliard de tickets avaient été vendus dans ces 39 pays.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le cinéma d’auteur a de plus en plus de mal à retrouver son public

Pourtant, Phil Clapp y croit dur comme fer. « L’industrie du cinéma étant désormais fermement engagée sur la voie de la reprise, nous sommes convaincus qu’elle va revenir sur les résultats records de 2019 », a-t-il promis, à Barcelone. En faisant bien attention à ne donner aucune indication sur le calendrier.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les salles de cinéma passées au crible du diagnostic énergétique, dans le cadre de la transition écologique du secteur

Contrats de travail et clauses discriminatoires, Miss France devant le conseil des prud’hommes

Cérémonie de l’élection de Miss France 2022, à Caen, le 11 décembre 2021.

La sobriété de la salle d’audience tranche franchement avec le faste et les paillettes afférant au concours de Miss France. C’est dans ce cadre que le conseil de prud’hommes (CPH) de Bobigny a entendu, mardi 21 juin, une affaire opposant l’association Osez le féminisme ! aux sociétés Endemol productions et Miss France.

L’organisation militante avait déposé, à la mi-octobre, un recours devant le CPH, dénonçant une « parfaite violation du droit du travail » à l’encontre de femmes « exploitées, qui répètent et interprètent un spectacle sexiste, discriminant et lucratif », selon les mots du communiqué de presse de l’association. Osez le féminisme ! réclamait ainsi l’établissement de contrats de travail dès les premières étapes de la sélection, au niveau local, ainsi que la suppression de tous les critères discriminants du formulaire d’inscription au concours centenaire.

Trois personnes physiques – trois jeunes femmes qui n’étaient pas présentes à l’audience et requièrent l’anonymat après des menaces sur les réseaux sociaux – se sont jointes à l’action, estimant avoir subi un préjudice lorsqu’elles n’ont pas pu s’inscrire au concours, au printemps 2021, car elles ne remplissaient pas l’ensemble des critères, jugés illégaux.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Osez le féminisme ! saisit les Prud’hommes contre Miss France

« Cas d’école » du non-respect du code du travail

« Mesurer au moins 1,70 m sans talons, ne pas être – ni avoir été – mariée ou pacsée, ne pas avoir d’enfant, ne pas fumer ou boire de l’alcool en public, ne pas présenter un comportement contraire aux bonnes mœurs », énumère l’avocate de l’association militante, Violaine de Filippis-Abate, face à un public rendu nerveux par les trois heures d’audiences précédentes et un jury impassible. Le formulaire d’inscription au concours est « un cas d’école » du non-respect du code du travail français, tempête l’avocate, pour qui ces papiers d’inscription s’apparentent à une offre d’emploi dans le but d’occuper in fine le poste de Miss France – encadré par un contrat d’un an, rémunéré.

Les demanderesses ont souhaité concourir à Miss France, en 2021, séduites par les promesses d’un concours féministe et progressiste, consacré à la cause des femmes, expliquait avant l’audience la porte-parole d’Osez le féminisme !, Alyssa Ahrabare. Mais « elles ont été confrontées à un rôle de femme qui n’existerait pas au-delà de son apparence, qui n’a pas d’opinion ». A la barre, MFilippis-Abate explique la démarche de l’une d’entre elles qui « voulait représenter toutes les femmes » et qui a estimé, à la lecture du formulaire, que « la grandeur d’une Miss sembl[ait] se mesurer à ses centimètres, et non à sa personnalité ». Et d’ajouter :

Il vous reste 64.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« On ne peut pas se permettre de tomber dans l’immobilisme » : syndicats et responsables patronaux craignent une paralysie politique

Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, lors de l’ouverture du 50e congrès du syndicat, à Lyon, le 13 juin 2022.

Ni les travailleurs ni les entreprises n’ont envie de faire les frais d’un gouvernement qui serait réduit à l’impuissance. Après le second tour des élections législatives, plusieurs responsables syndicaux et patronaux expriment ouvertement leur préoccupation face à un exécutif privé de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Si les organisations d’employeurs et de salariés ont – évidemment – des vues divergentes sur les priorités à traiter, elles sont unanimes à considérer qu’il faut conjurer la menace d’une paralysie de l’action publique.

Dès le lendemain du scrutin, la CFDT a lancé cette mise en garde, lundi 20 juin, par le biais d’un communiqué : « Les urgences des travailleurs ne doivent pas souffrir de la situation politique. » « Nous craignons d’assister à une forme de blocage, qui empêche d’apporter des réponses aux vrais problèmes de court terme – tels que le pouvoir d’achat – et de plus long terme – par exemple la transition écologique », confie au Monde Laurent Berger. Pour le secrétaire général de la centrale cédétiste, il est hors de question « que les sujets sociaux sortent des écrans radars ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Un second mandat les mains liées pour Emmanuel Macron à cause de la conjoncture

Le président de la CFTC, Cyril Chabanier, partage également cette « inquiétude » face à l’état d’esprit des protagonistes, peu tourné vers la co-construction – à ce stade. « On ne peut pas se permettre de tomber dans l’immobilisme », poursuit-il.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Retraites : la CFDT durcit sa doctrine

Les milieux patronaux avouent, eux aussi, se faire du mauvais sang. « Notre grande crainte est que plus rien ne bouge », dit François Asselin, le numéro un de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). La promesse d’Emmanuel Macron de repousser à 65 ans l’âge d’ouverture des droits à une pension semble désormais plus difficile à concrétiser, avec la présence au Palais-Bourbon de deux blocs d’élus hostiles à une telle mesure – à gauche et à l’extrême droite. Une incertitude que M. Asselin regrette, car « pour s’en sortir, il faut créer plus de richesses, donc travailler plus collectivement ». Mais les interrogations vont « au-delà de la réforme des retraites », selon le dirigeant de la CPME. En d’autres termes, c’est toute la capacité d’agir de l’exécutif qui est mise à l’épreuve sur de nombreux thèmes : amélioration de la « compétitivité » de notre économie, réduction du « coût du travail », refonte du « système de santé » et de « l’éducation nationale », etc.

« Culture du compromis »

« Le statu quo n’est pas une option », martèle Geoffroy Roux de Bézieux, le leader du Medef, en réaffirmant la nécessité de poursuivre les transformations du pays « devant les défis géopolitique et climatique ». Son homologue de l’Union des entreprises de proximité, Dominique Métayer, tient un discours analogue en appelant les forces politiques à « ne pas mettre sous le tapis » les problèmes qui se posent aujourd’hui (flambée des prix, soutien aux sociétés de petite taille, préservation de notre modèle de protection sociale…).

Il vous reste 23.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Fibre optique : la filière réfléchit à l’avenir de ses emplois

Le chantier de la fibre optique tourne à plein régime. Et pourtant, la filière pense déjà à demain. Avec une question : que vont devenir les milliers de techniciens mobilisés partout dans l’Hexagone, une fois que les Français seront raccordés au très haut débit fixe ? Fin 2021, 29,7 millions d’habitations disposaient d’un branchement au pied de l’immeuble ou de la maison. En 2025, 98 % des foyers seront raccordables. D’ici là, le nombre de prises installées chaque année baissera progressivement, pour tomber à 1 million en 2025, quasiment six fois moins que le pic de 6 millions de 2020.

Pour Philippe Le Grand, le président d’InfraNum, l’association qui regroupe plus de 200 entreprises du très haut débit, il n’est pas trop tôt pour se poser cette question, afin que « la décroissance attendue des effectifs ne soit pas aussi violente que la croissance de ces dernières années ». En cinq ans, la population de techniciens employés sur le chantier de la fibre optique a triplé, pour monter à 40 000 équivalents temps plein. Si rien n’est fait, ce sont 7 000 emplois qui sont potentiellement menacés par la baisse de charge attendue. D’autant que, pour répondre à la forte demande ces trois dernières années, et en prévision de la décrue à venir, les professionnels de la fibre ont eu recours à davantage de recrutements précaires. Une simulation effectuée en 2020 par le cabinet Ambroise Bouteille et l’Idate voyait la proportion de l’intérim passer de 25 % en 2023 à 35 % en 2024.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Comment l’arrivée de la fibre optique vire au cauchemar dans de nombreuses communes de France

« Pas de panique, le monde des télécoms ne s’écroule pas », tempère Philippe Lamazou, le président de Circet, numéro un français et européen du déploiement d’infrastructures télécoms. Car si ce n’est plus dans le déploiement des lignes le long des routes, les techniciens auront beaucoup à faire pour raccorder les foyers à la fibre optique, réparer les pannes, encore très nombreuses, tout en continuant à entretenir le vieux réseau cuivre d’Orange, dont la fermeture définitive est programmée pour 2030. Il faudra ensuite le démonter. Ce qui promet, là aussi, un chantier de plusieurs années. Et M. Lamazou n’évoque même pas les plans dans les réseaux de téléphonie 5G. « La baisse de charge ne sera pas pour demain, et la plupart des entreprises du secteur ont anticipé », assure ce dirigeant.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Orange : après la perte de ses contrats, Scopelec fait monter la pression judiciaire contre l’opérateur

« Les télécoms sont passées du cuivre au câble, puis aux réseaux mobiles et à la fibre », confirme Jérôme Guchet, directeur technique et commercial de Scopelec, l’un des principaux installateurs de fibre optique en France. Le groupe a commencé à préparer la reconversion d’une partie de ses techniciens, indépendamment de la perte, fin 2021, d’un contrat avec Orange, qui menace environ 40 % de son chiffre d’affaires. « Nous avons commencé à basculer des personnes vers les chantiers d’installation des bornes de recharge pour voitures électriques », illustre M. Guchet.

Il vous reste 51.79% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Confrontrées à une pénurie de main-d’œuvre dans l’artisanat, les maisons de luxe créent leurs « écoles »

Caroline Fraissinet est en CAP de sellier-maroquinier à l’Ecole Hermès des savoir-faire. Les Abrets-en-Dauphiné, le 24 mai 2022.

« C’est quelle entreprise, ici ? », demande le chauffeur de taxi après avoir roulé sur les routes de la campagne iséroise. Son trajet s’arrêtera au pied d’un portail automatique et sa question restera sans réponse. Hermès n’a guère envie de crier sur tous les toits que le bâtiment niché dans un écrin de verdure à la sortie du village de Fitilieu héberge l’un de ses neuf ateliers de maroquinerie et son premier centre de formation. Depuis septembre 2021, le site accueille une promotion de 35 apprentis sélectionnés pour se former au métier de sellier-maroquinier et décrocher un CAP. En février dernier, 35 autres recrues ont débuté leur apprentissage de dix-huit mois dans cette ancienne usine de tissage.

A l’intérieur, Lana Coomans, 21 ans, s’affaire à sa table. Entre ses doigts, des pièces de cuir qui composeront un sac Kelly, l’un des modèles phares de la maison, qui ne s’achète pas à moins de 7 000 euros – il peut coûter deux à trois fois plus. Déjà titulaire d’un CAP en maroquinerie et d’un BTS Métiers de la mode et de la chaussure, elle a frappé à la porte d’Hermès. « J’ai été attirée par la qualité et l’histoire de ce groupe, confie-t-elle. Je voulais travailler au maximum à la main, sans utiliser de machines. » Elle a bien choisi : ici, la plupart des tâches s’effectuent manuellement, à commencer par le point sellier, qui caractérise tous les sacs de la marque.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés La loi « avenir professionnel » a multiplié les centres de formation d’apprentis dans les entreprises

La loi « avenir professionnel » de septembre 2018 a permis aux entreprises privées d’ouvrir leur propre centre de formation des apprentis (CFA). Hermès a donc sauté sur l’occasion et fondé l’Ecole Hermès des savoir-faire en septembre dernier. « Pour nous, c’était une évidence, explique Vincent Vaillant, directeur des ressources humaines Hermès maroquinerie-sellerie. Ce dispositif nous permet de valoriser notre formation maison, de transmettre notre savoir-faire et de délivrer un diplôme reconnu par l’Education nationale. »

Un engagement que la marque à la calèche poursuit également par nécessité. La courbe des commandes de sacs étant inversement proportionnelle à celle du nombre d’artisans opérationnels, il a fallu réagir pour que les lignes de production continuent à tourner. « Nous formons pour répondre aux besoins de croissance de nos ateliers », admet Vincent Vaillant.

Les étudiants aprennent les gestes précis nécessaires pour assurer la production de la marque. Les Abrets-en-Dauphiné, le 24 mai 2022.

Hermès n’est pas un cas isolé. Toutes les entreprises de luxe font face à une pénurie de main-d’œuvre. Maroquiniers, modélistes dans la couture, polisseurs en joaillerie : pour continuer de répondre à la demande de la clientèle, le secteur a besoin de mains expertes. Dans ses bureaux du 8e arrondissement de Paris, Bénédicte Epinay, la déléguée générale du Comité Colbert, sorte de lobby du luxe qui rassemble 90 entreprises françaises, fait quelques calculs rapides : 20 000 postes d’artisan seraient vacants. « Le phénomène est ancien mais devient criant depuis un an et demi, avec la très forte reprise post-pandémie et l’envolée des ventes en Chine et aux Etats-Unis », explique-t-elle.

Il vous reste 61.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Sobriété : des entreprises amorcent la refonte de leur « business model »

Comment réconcilier les enjeux économiques, écologiques et sociaux ? « Au niveau macroéconomique, la sobriété doit s’organiser à plusieurs niveaux, explique l’économiste Dominique Méda. Il s’agit en même temps de soutenir l’activité productive de manière sélective, c’est-à-dire de produire ce dont nous avons vraiment besoin en privilégiant la durabilité des produits ; de favoriser les filières de recyclage et les filières de réparation qui sont un gisement d’emplois ; de renforcer les infrastructures de transport et de mettre en place des politiques et des revenus de transition. »

Mais au niveau microéconomique ? « L’objectif est de sortir de la RSE [responsabilité sociétale des entreprises] à la papa, d’arrêter la logique de réduire les impacts négatifs pour passer à une recherche d’impacts positifs quantifiables », explique Armelle du Peloux, cofondatrice du projet Convention des entreprises pour le climat (CEC).

Prise de conscience

Pour passer de la parole aux actes, 170 entreprises de tous secteurs et de toute taille planchent depuis septembre 2021 et jusqu’à fin juin pour mettre à plat leur business model et le réorienter. Leurs dirigeants étaient personnellement sensibilisés avant de rejoindre la CEC. Concrètement, le premier pas du chef d’entreprise consiste à répondre à deux questions : Qu’est-ce que je lâche ? Qu’est-ce que je développe ? Il peut s’agir de produits, de services, de mode de production ou de conditions de travail. Car la sobriété se pose aussi en matière de ressources humaines.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Crise climatique : « Une politique de sobriété doit aussi être éclairée par un effort majeur de recherche »

Dans les faits, la première étape largement partagée par les participants à la CEC aura été une prise de conscience. « Personnellement, dès la première séance, j’ai pris ma claque. Je me croyais engagé pour l’environnement, mais je ne connaissais qu’un dixième de la réalité des enjeux. Je me donnais du temps, or du temps, il n’y en a pas. On va droit dans le mur, si on ne change rien », reconnaît Raphaël Zaccardi. L’ex-PDG de Caterpillar France (1 450 salariés en France) vient de passer la main à Dominique Krubler pour poursuivre le projet désormais bien engagé.

La deuxième phase est celle de la sensibilisation, autrement dit la formation, à la fois pour mettre tous les salariés au même niveau d’information et pour que le projet soit porté par tous les encadrants, au-delà des dirigeants, « pour que chacun sache ce qu’il peut faire à son niveau dès cette année, pendant qu’on travaille au devenir du groupe à dix ans », explique M. Zaccardi. « Il est important de réhabiliter le temps long, en commençant par donner du temps aux collaborateurs pour se former. On a mis en place un MOOC [cours en ligne] obligatoire et on s’est donné jusqu’en 2023 pour former tout le monde », témoigne Xavier Ouvrard, PDG de Babilou Family, gestionnaire de crèches qui compte 5 000 salariés en France.

Il vous reste 57.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.