Archive dans 2021

Le recours accru aux contrats : une révolution silencieuse dans la fonction publique

Eric Woerth ne se fait pas d’illusions sur le chemin à parcourir avant de convaincre les Français. « Nous ne sommes pas là pour effrayer les gens, mais je mesure le travail qu’il reste à faire pour obtenir un consensus sur ce point », reconnaît le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Et celui qui a nourri la convention du parti Les Républicains (LR) sur l’efficacité de l’action publique, le 30 mars, se montre très prudent. A ce stade, dit-il, ce ne sont que des pistes de réflexion du parti ; elles restent à affiner.

Pour l’heure, l’idée de LR est déjà radicale : dorénavant, proposent-ils, tous les fonctionnaires seraient liés à l’Etat par un contrat. L’intérêt de ce « contrat public » ? En finir avec l’emploi à vie pour tous, notamment lorsque l’agent ne fait pas correctement son travail. « Il ne peut pas y avoir un statut qui garantisse une rente professionnelle, explique le député de l’Oise. Un contrat, ça évolue, ça se rompt. Un statut, ça ne bouge pas, ce n’est pas personnel. »

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Le contrat public, qui « intégrera des éléments du statut et du droit du travail privé », ne s’appliquerait qu’aux nouveaux agents. A la grande majorité des fonctionnaires en poste, entrés dans l’administration par concours et jouissant donc du fameux « statut général » institué en 1946, LR laisse le choix de signer ou non ce contrat. Pour les autres, ceux qui ont été recrutés directement par un chef de service, cela ne changerait pas grand-chose, puisqu’ils sont déjà liés à l’Etat par un contrat, qu’il soit à durée déterminée ou non. La nouveauté, c’est que la situation de la minorité serait dorénavant élargie à l’ensemble des agents publics. Mais, assure M. Woerth, « on reste dans le modèle français. On ne préconise pas la privatisation de la fonction publique, mais une fonction publique gérée de façon plus souple ».

En progression de 5 % par an

Les Républicains ne font qu’accélérer une évolution qui a déjà débuté. Car depuis quinze ans, le nombre d’agents recrutés sur contrat s’est considérablement accru dans la fonction publique française : de 755 307 en 2005, ils sont passés à 1 125 900 en 2019, soit une augmentation de 49 %. Ce qui a porté leur part dans l’emploi public à 19,9 % en 2019, contre 14,3 % à l’époque.

« Je fais partie de ceux qui pensent que l’Etat doit se résumer au régalien et aux missions essentielles (police, justice, éducation…) », Loïc Hervé, sénateur UDI de la Haute-Savoie

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L’argot de bureau : l’« empowerment » ou l’autonomie retrouvée

Pouvoir contredire son chef en réunion car il y a une faute sur le PowerPoint, pouvoir quitter le bureau à 15 heures car le travail est fait, pouvoir dépasser les tâches contenues dans les « bullet points » (les points forts) de sa fiche de poste… Mais pour qui se prend Paul, le jeune du service com ? Paul est simplement dans une entreprise où chacun a pris le contrôle des événements qui le concernent, par un empowerment : littéralement, un processus d’acquisition de pouvoir par les salariés.

Le mot est arrivé tardivement dans le monde du travail. Puisant dans les luttes féministes des années 1930, la psychologie des communautés ou encore le mouvement américain des droits civiques, il s’est véritablement répandu chez les Anglo-Saxons dans les années 1970. Les manuels de management se disputent une traduction : « responsabilisation », « capacitation » ou « autonomisation ».

Tout doux ! Il n’est pas question de conférer un quelconque pouvoir hiérarchique aux salariés, mais de leur offrir un « pouvoir d’agir ». La philosophe américaine Judith Butler parle d’« agency » pour désigner cette marge de manœuvre : à ce titre, l’« agentivation », ou l’« empouvoirement » pour nos amis québécois, semble un néologisme approprié pour désigner la pratique, car il recouvre à la fois le résultat (le pouvoir) et le processus d’apprentissage pour y accéder.

Confiance et pression

La pratique favorise l’engagement et l’efficacité des salariés. Il s’agit de développer la confiance dans la capacité à être compétent, à faire preuve d’initiative : c’est une philosophie que l’on retrouve souvent dans les entreprises libérées, ou dans certains groupes comme Michelin. Désormais autonome, Léa, du service administratif, pourra décider d’arrêter de remplir à la main des documents qui finissent en avions en papier trois jours plus tard, et de tout numériser.

Pourtant, lâcher du lest vis-à-vis des salariés peut être vu comme un moyen de se dédouaner, et d’éventuellement rejeter la faute sur celui qui aurait trop osé. Regardez Stéphane, un commercial : on lui a subitement confié une base de données informatiques et le budget de la boîte, pas étonnant qu’il se soit perdu dans les chiffres… Le droit à l’erreur ne serait pas de trop pour lui !

Si c’est une preuve de confiance, l’empowerment porte en son sein une certaine pression du résultat, puisque le travailleur en est responsable. Rien ne résume mieux cela que la phrase laconique de l’oncle de Spider-Man : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » La carte blanche aurait donc un côté sombre.

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A travers le monde, ces employés du tourisme confrontés à la crise du Covid-19

En 2020, le secteur du tourisme et du voyage représentait 272 millions d’emplois dans le monde, contribuant à 10 % du produit intérieur brut (PIB) global. Dans les pays en développement, il constitue une locomotive économique et a des retombées sur l’aménagement du territoire, les transports, l’agriculture, l’artisanat et le BTP.

L’arrêt mondial du voyage depuis 2020, lié aux mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19, provoque donc un tsunami social. Si les employés de croisières sont touchés, particulièrement en Thaïlande, c’est aussi le cas de salariés et indépendants aux activités diverses. Comme au Maroc, à La Barbade, en Croatie et en Tunisie.

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  • Abdellah Najib, conducteur de calèche à Marrakech (Maroc), en manque de clients

A chaque fois, Abdellah Najib y a cru. En septembre, lorsque le Maroc a autorisé les touristes étrangers disposant d’une réservation d’hôtel à revenir. En décembre aussi, quand les établissements de Marrakech affichaient complets pour les fêtes de fin d’année. Même en janvier, il y a cru : le lancement de la campagne de vaccination dans le royaume allait mettre fin à la crise. A chaque fois, il s’est rendu avec sa calèche devant la célèbre place Jemaa El-Fna, à Marrakech, espérant que quelqu’un veuille bien faire appel à ses services. Mais les touristes ne sont jamais revenus. La faible fréquence des vols, le maintien des restrictions drastiques dans le pays ainsi que la recrudescence de la pandémie de Covid-19 en Europe ont freiné les réservations. Et le couvre-feu instauré en décembre a provoqué une avalanche d’annulations.

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Cela fait un an que Abdellah Najib traîne son cheval dans les rues désertées de la capitale touristique du Maroc, où le secteur pèse 7 % du produit intérieur brut (PIB). Dans la ville ocre et sa région, 90 % de la clientèle touristique vient de l’étranger. Depuis que le pays a fermé ses frontières, à la mi-mars 2020, « jusqu’à nouvel ordre », les Français, les Espagnols, les Chinois ne viennent plus. Même la communauté d’expatriés et de retraités qui y résidaient à l’année s’est réduite. Et les initiatives locales pour encourager les habitants à emprunter les calèches n’ont pas suffi à relancer l’activité.

« Ma famille possède des chevaux depuis trois générations, nous ne savons rien faire d’autre », raconte le cocher de 63 ans, qui n’a presque plus de revenus. Comme la plupart des chauffeurs de calèche du pays, Abdellah Najib exerce dans le circuit informel. Les premiers mois de la crise sanitaire, il a reçu une aide de l’Etat équivalant à 100 euros par mois. Mais les indemnités se sont arrêtées et il peine aujourd’hui à nourrir sa famille. « Qu’allons-nous faire maintenant ? », se désole le père de cinq enfants.

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Contre le chômage, neuf maires socialistes et écologistes préconisent des « emplois verts »

Neuf maires socialistes et écologistes de grandes villes préconisent, dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche du 11 avril, de créer des « emplois verts » destinés à des chômeurs.

« Il est aujourd’hui absurde que des gens soient indemnisés à être malheureux chez eux alors qu’ils pourraient contribuer au bien commun. C’est dans ce contexte que nous devons ouvrir un nouvel horizon positif et que nous soutenons la mise en place d’une garantie de l’emploi pour les personnes qui en sont privées, dans des activités utiles à la reconstruction écologique. »

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Pour Martine Aubry (Parti socialiste, PS, Lille), Jeanne Barseghian (Europe Ecologie-Les Verts, EELV, Strasbourg), Emmanuel Denis (EELV, Tours), Anne Hidalgo (PS, Paris), Léonore Moncond’huy (EELV, Poitiers), Benoît Payan (PS, Marseille), Johanna Rolland (PS, Nantes), Cédric Van Styvendael (PS, Villeurbanne) et Anne Vignot (EELV, Besançon), « le climat a besoin de bras pour accélérer la décarbonation de notre économie et des millions de Françaises et de Français veulent un travail. Il n’y a que dans un système défaillant que ces deux réalités peuvent coexister. »

« Un objectif d’intérêt général » défendu

Il s’agit selon eux, à un coût inférieur aux dispositifs actuels d’aide à l’emploi, de « satisfaire de très nombreux besoins individuels et sociaux dans des secteurs variés comme le bâtiment, l’agroécologie ou encore l’économie circulaire ».

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« Il est urgent », concluent-ils, « d’inventer une écologie sociale qui réponde aux besoins concrets des Français et des territoires. La garantie à l’emploi vert répond à un objectif d’intérêt général : faire la transition écologique en sortant de la société de chômage de masse. Elle ouvre un chemin aux abords duquel personne ne sera abandonné. »

Le Monde avec AFP

Formation des indépendants grâce au CPF : simple argutie, une blague, un leurre ?

Depuis quatre mois, Chrystelle (témoignant sous le couvert de l’anonymat, son prénom a été changé) bataille pour se faire rembourser sa formation. Travaillant à son compte, cette sophrologue de métier avait effectué en 2020 une demande de prise en charge auprès du fonds d’assurances et de formation de l’Association de gestion du financement de la formation des chefs d’entreprise (Agefice), dont elle dépend, pour se former à l’hypnose.

L’accord de financement lui a été rapidement donné, environ quinze jours après sa demande, mais Chrystelle n’a toujours pas vu la couleur des 1 660 euros. Sa formation s’est achevée en décembre 2020. « Je reçois de temps en temps des demandes de précisions, des documents qui ne leur conviennent pas, alors que toutes les informations y sont, déplore-t-elle. Les autres professionnels qui étaient en formation avec moi ont été remboursés depuis bien longtemps. »

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Manque d’information, paperasse à fournir, critères de financement obscurs… Les critiques fusent du côté des 3,5 millions de travailleurs indépendants recensés par l’Insee fin 2017. Artisans, commerçants, libéraux et microentrepreneurs sont perdus dans les méandres du financement de la formation professionnelle. Sur 61 indépendants interrogés par le collectif de free-lances La Collab, qui s’est penché sur leurs difficultés, 45 estimaient mal connaître leurs droits en matière de formation et 41 qu’il restait difficile pour un indépendant de se former.

Une mise en œuvre compliquée

Pour les travailleurs à leur compte, souvent isolés et privés de soutien dans leurs démarches, le bouche-à-oreille reste le premier canal d’information. « Si je n’avais pas été dans un réseau d’entrepreneuses, je n’aurais jamais su que j’avais droit à une prise en charge », avoue Tiffany Brillard, une designer qui a entrepris deux demandes de formation en 2019 et 2020. Des formateurs démarchent aussi directement les entrepreneurs en leur proposant de s’occuper des formalités : « C’est l’organisme de formation qui m’a aiguillée : je n’y connaissais rien », reconnaît Sophie Saint Blancat, une spécialiste en communication éditoriale qui s’est lancée dans une formation en référencement naturel en 2020.

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La mise en œuvre aussi est compliquée. Dans la liste des reproches, le zèle bureaucratique et le manque de transparence sont récurrents. « Cela a été assez long : après un premier mail en juillet, il y a eu beaucoup d’allers-retours, se souvient Claire Marc, cofondatrice de La Collab Marseille, qui a entrepris en 2020 une demande de prise en charge financière pour une formation à la réalisation de podcasts. Mon interlocutrice était très réactive, mais on m’a demandé énormément de papiers. »

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Automobile : le déclassement du diesel

Des employés travaillent sur une chaîne de montage de moteurs diesel à l’usine PSA Tremery (Moselle, en 2019.

On savait les ventes de diesel mal en point, mais, au premier trimestre, la chute s’est transformée en plongeon. La proportion de voitures neuves utilisant cette énergie a reculé de près d’un tiers en un an, passant de 33,2 % à 24,4 %. Cette dégringolade, qui intervient sur un marché automobile en souffrance, s’explique surtout par le décrochage observé au niveau des ventes de voitures de société.

Après les particuliers, qui ne sont plus que 13 % à opter pour un diesel, le désamour atteint désormais les flottes automobiles : 39 %, contre 51 % un an plus tôt. Un virage largement dicté par les doutes grandissants concernant la valeur de revente de ces véhicules et les avantages fiscaux (exonérations de taxes, facilités d’amortissement) accordés aux modèles « électrifiés », qui doivent, selon la loi d’orientation des mobilités (LOM), représenter une part croissante des véhicules de service ou de fonction. Seuls les utilitaires restent obstinément fidèles au gazole.

Le diesel, même s’il émet moins de CO2 et à peine plus de particules que les moteurs essence – eux aussi perdent du terrain, mais dans une moindre proportion –, pâtit de ses émissions d’oxydes d’azote (NOx). Il continue aussi de souffrir de sa mauvaise réputation née de l’opprobre suscité par le « Dieselgate », déclenché par les tricheries notamment organisées par Volkswagen pour travestir la réalité du bilan environnemental de cette motorisation. Particulièrement visé par les mesures d’interdiction de circulation dans les grandes villes – au 1er juin, les diesels d’avant-2006 seront bannis du Grand Paris –, ce carburant ne pourra sans doute pas satisfaire à la future norme Euro 7, attendue en 2025.

15 000 postes menacés, selon la filière

Les marques japonaises et d’autres, comme le suédois Volvo, ont déjà jeté l’éponge. Les constructeurs français, qui ont toujours fait du diesel l’un de leurs points forts, lui accordent encore un sursis. Ils sont les derniers à proposer cette motorisation à bord de petits véhicules (Clio et 208). Toutefois, le plan annoncé par le nouveau directeur général de Renault, Luca de Meo, ne prévoit, à terme, que la production d’un seul moteur à gazole, à destination des utilitaires. Quant à Peugeot et Citroën, ils n’iront pas au-delà de 2025. La nouvelle Citroën C5X, attendue dans les prochains mois, n’aura pas de version diesel.

Alors que les syndicats s’inquiètent et que la Plate-forme automobile (PFA), qui rassemble la filière, considère que l’effacement du diesel menace 15 000 postes en France, les constructeurs cherchent à calmer le jeu. Pour l’heure, ils sont parvenus à commercialiser des modèles 100 % électriques et hybrides, qui permettent de rééquilibrer le plan de charge de leurs usines, converties à la hâte à la production de moteurs électriques.

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Reprendre des études, se reconvertir : huit étapes pour changer de vie

LA LISTE DE LA MATINALE

Devenir thérapeute, ouvrir une librairie ou une boulangerie, se former à la gestion de projets à impact environnemental, au graphisme, au développement de sites Web… Les confinements ont boosté les envies de changement professionnel chez certains actifs, quand d’autres ont été contraints par la crise à une reconversion. Que ce soit pour acquérir des compétences ou changer de vie, vous avez décidé de vous lancer. Mais par où commencer ? On vous guide en huit étapes.

1. S’inspirer

Votre réflexion en est à ses prémices ? Cherchez l’inspiration en écoutant des podcasts spécialisés en reconversion professionnelle – « Génération XX », « Les Déviations » (« Patrick, l’homme d’affaires devenu chamane », « Clotilde, faire de son travail un jeu ») – ou en piochant dans les vidéos de la chaîne YouTube « Défis métiers ».

Sollicitez des personnes qui vous ouvrent à de nouveaux univers – des « mind expenders », comme les appelle Alexia Colson-Duparchy, autrice du livre De l’art d’envoyer valser sa carrière (Hachette, 2020). « Il ne faut jamais hésiter à parler de ses projets, car il y aura toujours une personne pour vous mettre en contact avec quelqu’un qui est passé par là. Un mentor, c’est aussi précieux qu’un financement », affirme-t-elle.

Si vous avez un besoin urgent de retrouver du travail, regardez en priorité les formations aux métiers qui peinent à recruter : les secteurs du bâtiment, du sanitaire et social, les métiers liés à la transition écologique, au numérique.

2. Tester sa motivation

Suivre un MOOC (cours en ligne) sur la formation ou le métier envisagé permet de se rendre compte du cadre de la formation – une bonne manière de voir si vous serez capable de vous replonger dans des manuels. L’université de Toulouse propose, par exemple, cinq semaines d’introduction à la psychologie à l’université. Vous hésitez sur les actions à mener ? L’Association pour l’emploi des cadres (APEC) propose de tester votre projet en dix minutes.

Si vous envisagez une reconversion vers un métier physique, avant de vous lancer dans une formation, « faites une immersion pour vérifier que votre corps ou votre mental tiennent le coup », prévient Carine Celnik, fondatrice de la plate-forme TestUnMétier, qui propose, comme son nom l’indique, de tester un métier. Ebéniste, boulanger, boucher, coutelier… les métiers manuels ont la cote chez les cadres en quête de changement, mais il est en effet important de passer de l’imaginaire fantasmé d’une profession à sa réalité. « Se mettre en situation, faire des stages, même de quelques heures, toucher la sphère émotionnelle et corporelle peut éviter bien des déconvenues par la suite. »

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Arnaques, transferts de droits, utilisation : démêler le vrai du faux du compte personnel de formation

Courriels, SMS ou même, parfois, un coup de téléphone… de nombreuses escroqueries ont été signalées depuis plus d’un an concernant le compte personnel de formation (CPF). Des escrocs se faisant passer pour un organisme officiel réussissent à obtenir les identifiants et mots de passe du titulaire, et peuvent ensuite, munis d’un simple compte bancaire, débiter directement les sommes qu’ils souhaitent.

Le principal levier utilisé par les fraudeurs repose sur la méconnaissance du dispositif par ses bénéficiaires. Pour ne pas se faire flouer et mieux comprendre comment fonctionne ce système, nous avons démêlé le vrai du faux sur le compte formation.

Tous les actifs ont de l’argent qui dort sur un compte

VRAI

Tout salarié (quel que soit son temps de travail), fonctionnaire, indépendant, ou même demandeur d’emploi, âgé d’au moins 16 ans, se voit attribuer un « crédit » utilisable pour suivre une formation. Depuis 2019, ce compte est alimenté en euros et non plus en heures, sauf dans le secteur public, où les agents bénéficient de 25 heures par an (des conversions sont possibles en cas de passage d’un statut à l’autre).

Les sommes s’élèvent à 500 euros par année de travail (800 euros pour les moins qualifiés) et peuvent atteindre, cumulées, jusqu’à 5 000 euros (8 000 euros pour les moins qualifiés).

Selon les derniers chiffres, moins d’un million de formations ont été validées en un an, pour 38 millions d’actifs.

Des escrocs peuvent vider votre compte formation

VRAI

L’arnaque démarre généralement par un appel téléphonique d’une personne prétendant appartenir à la plate-forme « Mon compte formation » ou à un autre organisme. « L’escroc fait valoir des possibilités de droit à la formation pour tenter d’accéder au compte de la victime et l’inciter à s’inscrire, ou bien l’inscrire à son insu, à une formation factice ou frauduleuse qui sera déduite du crédit de la victime », détaille le portail public cybermalveilllance.gouv.fr.

En pratique, l’escroc demande le numéro de sécurité sociale de la victime – quand il ne le connaît pas déjà – ou son mot de passe d’accès à la plate-forme « Mon compte formation », ou bien il peut créer directement un compte par téléphone avec la victime. Plus rarement, des comptes avec des mots de passe trop faibles sont piratés.

En une quinzaine de mois, 12 millions d’euros ont ainsi été détournés, a révélé en mars la Caisse des dépôts, chargée de gérer ces droits à la formation. Une trentaine de plaintes ont été déposées devant la justice.

Pour les victimes de piratage, les sommes sont perdues

FAUX

« Toute personne victime d’une arnaque se voit rétablir ses droits par nos soins », rassure Michel Yahiel, directeur des retraites et de la solidarité à la Caisse des dépôts. Il faut toutefois signaler la fraude, comme le détaille Cybermalveillance.

Par ailleurs, en cas de doute sur la sécurité des identifiants d’accès, il est conseillé d’appeler la plate-forme, de modifier immédiatement son mot de passe et de consulter l’historique des actions. Il est également recommandé de conserver des preuves, notamment sur la formation et l’organisme en question, afin de pouvoir déposer plainte.

Les organismes officiels contactent les bénéficaires par téléphone

FAUX

« Dès que quelqu’un vous parle du CPF au téléphone, raccrochez, car c’est une arnaque. Nous n’appelons jamais les bénéficiaires en première intention », avertit Michel Yahiel.

Toute activation de compte, voire réinitialisation de mot de passe, se fait obligatoirement par le biais du dispositif sécurisé France Connect, sur Internet, qui oblige tout utilisateur à passer par un autre site déjà vérifié (par exemple celui de la sécurité sociale ou des impôts) afin de l’authentifier.

Les parrainages, les offres d’emploi conditionnées à l’utilisation du CPF ou tout autre sollicitation sont des pratiques frauduleuses, rappelle aussi le site service-public.

Il faut utiliser ses droits à la formation rapidement

FAUX

Les heures de formation acquises perdurent tout au long de la vie professionnelle, c’est le principe même de ce compte. Il n’y a pas de date de péremption. Les droits restent acquis même en cas de changement d’employeur ou de perte d’emploi.

Attention, les droits qu’un salarié accumule sur son CPF sont distincts du plan de développement des compétences, qui est proposé par l’entreprise et qui est, lui, annuel. Ils sont également distincts de la formation du Fonds national de l’emploi, le FNE-Formation, créé à l’origine pour accompagner les restructurations. Dans le nouveau contexte lié au Covid-19, il est dévolu à la formation des salariés placés en activité partielle, sous forme de prise en charge par l’Etat d’une partie des coûts de formation.

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Il faut transférer des heures avant le 1er juillet

VRAI

La date limite pour transférer ses droits acquis au titre du Droit individuel à la formation (DIF), l’ancien dispositif, a été repoussée du 31 décembre au 30 juin, mais il est probable que ce soit le dernier délai accordé.

Le DIF concerne toutes les personnes qui étaient actives avant 2014 et chaque employeur avait l’obligation d’informer chaque salarié par écrit du nombre total d’heures non utilisées au 31 décembre de cette année-là. Cette information doit au minimum figurer sur le bulletin de paie de décembre 2014 ou de janvier 2015. Il suffit ensuite d’inscrire le solde de ces droits sur l’application CPF avant le 1er juillet 2021.

Le CPF est un compte librement utilisable

PAS VRAIMENT

Ce n’est pas parce qu’il est personnel que votre compte est en accès libre. D’une part, décider de sa formation en toute indépendance n’est possible que si elle est réalisée en dehors du temps de travail. Dans le cas contraire, il faut obtenir l’accord de son employeur.

D’autre part, les conditions d’utilisation des droits à la formation sont très encadrées : des sanctions sévères sont contractualisées à travers l’acceptation des conditions du site, comme des pénalités financières ou la suspension du compte en cas d’annulation ou d’interruption de la formation.

Enfin, pour être éligible à un financement grâce au CPF, la formation doit être validée par un certificat ou un diplôme.

Une somme complémentaire peut être demandée aux bénéficiaires

VRAI

Une fois la formation montée et validée, c’est la Caisse des dépôts qui s’occupe de son financement. Si le montant de la formation choisie est supérieur aux droits acquis, l’éventuel reste à charge est à régler par le bénéficiaire, uniquement sur le site moncompteformation.gouv.fr. Par ailleurs, des frais complémentaires d’équipement et de sécurité peuvent être signalés et requis pour certaines formations, manuelles en particulier.

Les employeurs, les branches professionnelles ou encore Pôle emploi ont la liberté d’abonder les CPF, qui sont alors dits « co-construits » – cette démarche restant encore peu fréquente.

L’impact de la crise commence en haut

Le livre. Comment évoluent les politiques publiques en temps de crise ? Depuis les années 1970, les crises pétrolières, économiques, financières, naturelles et sanitaires ont suscité des travaux multiples. Traditionnellement, les analyses mettant en avant la continuité s’opposent à celles insistant sur la brutalité des changements opérés. Cet essai sur Les Politiques publiques dans la crise (Editions Les Presses de Sciences Po) dévoile une réalité plus nuancée. Il insiste sur les grandes variations observables, selon les secteurs et les échelles.

« Les Politiques publiques dans la crise. 2008 et ses suites », sous la direction de Patrick Hassenteufel et Sabine Saurugger. Editions Sciences Po Les Presses, 334 pages, 27 euros.

L’ouvrage collectif, réalisé sous la direction de Patrick Hassenteufel et Sabine Saurugger, se concentre sur une des crises les plus importantes : celle qui en 2008 produit des bouleversements économiques et financiers contraignants pour les acteurs des politiques publiques, mais ouvre de nouvelles possibilités de changement. De nombreuses réformes ont ainsi été adoptées depuis, dans un contexte budgétaire, financier et monétaire contraint.

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Ainsi du tournant macroprudentiel de la régulation financière supranationale, de la création de l’Union bancaire au niveau de l’Union européenne ou encore du développement d’institutions budgétaires indépendantes. « C’est cette combinaison de contraintes renforcées et d’opportunités de changement que nous analysons dans cet ouvrage, afin de comprendre les évolutions des politiques publiques dans plusieurs domaines, en inscrivant le cas français dans une perspective comparative, dans la moyenne durée et dans le cadre d’interdépendances supranationales multiples », expliquent les professeurs des universités en sciences politiques.

Les auteurs dégagent plusieurs leçons. Tout d’abord, les principaux changements se sont produits aux niveaux supranationaux. L’adoption du traité budgétaire européen renforce le contrôle des politiques économiques dans l’ensemble des pays de la zone euro. L’ouvrage s’interroge alors sur les reconfigurations d’acteurs qu’entraîne, au niveau européen en particulier, le renouvellement des capacités d’action et de contrainte des institutions supranationales.

Emploi, protection sociale

Ensuite, les auteurs montrent que les dynamiques antérieures dans des domaines comme l’emploi et la protection sociale se sont amplifiées. En France, « la crise a contribué à un affaiblissement des partenaires sociaux, poursuivant un phénomène amorcé avant la crise économique et financière ».

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L’ouvrage analyse aussi les changements liés aux politiques d’austérité dans des domaines de politiques publiques ne relevant pas directement de politiques économiques mais fortement affectés par celles-ci : la protection sociale, les politiques de défense, de l’emploi… Et les politiques environnementales, « qui connaissent un mouvement de retrait à partir de 2010-2011, dans un contexte de réaffirmation des politiques d’austérité budgétaire. Leur réaffirmation plus récente est liée à des dynamiques politiques », à la fois électorales, avec le nouveau poids pris par les partis écologistes, mais aussi liées aux actions collectives, avec des mobilisations transnationales et des contestations localisées de grands projets.

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