Archive dans 2021

Sur TikTok, des entreprises avancent à tâtons pour séduire les jeunes

La mise en scène est aussi attractive qu’efficace. Au premier plan, deux femmes s’appliquent un masque sur le visage. L’une est la directrice de communication d’une entreprise de cosmétiques, La Rosée, l’autre en est la responsable digitale. En fond sonore, Les Quatre Saisons de Vivaldi. A mesure que le rythme de la musique s’accélère, le duo se laisse entraîner dans une danse effrénée. Un bandeau blanc apparaît alors à l’écran : « Vous êtes la personne qu’il nous faut ? Postulez avec votre meilleur TikTok ! » Ce film n’est autre qu’une campagne de recrutement.

A l’image de celle-ci, de courtes vidéos dans lesquelles les salariés d’une entreprise se mettent en scène pour recruter de nouveaux profils fleurissent sur le réseau social chinois, en plein essor en France. Depuis le confinement, l’utilisation de TikTok s’est accélérée : 11 millions de Français l’utilisent chaque mois, contre 4,4 millions en juin 2019, selon le baromètre annuel Harris Interactive, réalisé en mai 2020, sur un échantillon de 2 043 personnes. Désormais, chaque mois, 35 % des 15 à 24 ans regardent des vidéos sur Tiktok – ils étaient 8 % en 2019. Contacté, TikTok ne souhaite pas communiquer sur l’audience de sa plate-forme vidéo en France.

Le choix de l’humour

Profitant de la notoriété de l’application auprès de la « génération Z », les entreprises ont fait de TikTok un nouveau terrain de jeu, désireuses de rajeunir leur image, de recruter ou de toucher de nouveaux profils. La méthode ? En moins d’une minute, faire rire ou capter l’attention avec de la musique, des sketchs ou une chorégraphie. Tout l’enjeu est que la publication soit remarquée au milieu des autres danses, « challenges » et chansons qui s’enchaînent sur Tiktok. Avec un risque : le manque de crédibilité de ces nouvelles propositions d’emploi.

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« Faire le choix de l’humour n’enlève en rien notre professionnalisme. TikTok est surtout un parti pris », explique Candice Gau, responsable de la communication digitale du groupe Synergie, qui gère plusieurs centaines d’agences d’emplois. Au moment du premier confinement, alors que ses agences physiques étaient fermées, Synergie a mis en place un groupe d’une dizaine « d’ambassadeurs » – des salariés –, chargés de produire du contenu sur TikTok, en l’occurrence de « mettre en scène », musique ou danse, des offres d’emploi. Une nouvelle stratégie de « sourcing » – mot qui désigne l’identification et le recrutement de candidats potentiels aux offres d’emplois pour cette entreprise – qui porte ses fruits : Synergie reçoit en moyenne une trentaine de CV pour chaque vidéo mise en ligne.

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Santé au travail : l’Assemblée nationale adopte une proposition de loi sur la prévention

L’acte I au Parlement vient de s’achever, laissant un goût amer à plusieurs protagonistes. Dans la soirée du mercredi 17 février, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi « pour renforcer la prévention en santé au travail ». Défendu par les rapporteuses LRM Carole Grandjean et Charlotte Parmentier-Lecocq, le texte a été approuvé par 104 voix contre 12. Les députés de la majorité ont voté pour, ainsi que ceux des groupes LR et Libertés et territoires. Les élus de gauche (socialistes et apparentés, La France insoumise, Gauche démocrate et républicaine) s’y sont, pour leur part, opposés.

Cette réforme reprend le contenu d’un accord national interprofessionnel, que les partenaires sociaux avaient conclu, le 9 décembre 2020, à l’unanimité, à l’exception de la CGT. La retranscription, toutefois, ne s’est pas déroulée à l’identique : sur plusieurs points, la proposition de loi diffère du compromis élaboré par les organisations d’employeurs et de salariés, des dispositions ayant été ajoutées ou réécrites par les députés.

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Le texte introduit de nouvelles obligations pour les sociétés de moins de 50 personnes, à travers des plans d’actions à mener, en amont, contre les risques professionnels. Or cette contrainte ne figurait pas dans l’accord national du 9 décembre 2020, assure Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) : « C’est une trahison de l’esprit de l’accord national interprofessionnel », s’indigne-t-il, sachant qu’elle aura, d’après lui, des « incidences financières » préjudiciables pour les employeurs concernés. Une telle mesure va « beaucoup alourdir et complexifier la gestion » des sociétés de petite taille, renchérit Michel Chassang, de l’Union des entreprises de proximité (U2P) : son organisation a l’intention de « reprendre le combat », tout au long de la procédure législative, afin de « faire évoluer le texte ».

Entre satisfecit et regrets

La déception patronale est d’autant plus vive que des amendements visant à supprimer le mécanisme incriminé ont été débattus en séance, avec un avis favorable du gouvernement. Mais ils ont été rejetés. En réponse aux critiques de la CPME et de l’U2P, Mme Grandjean fait valoir que, sur ce point précis, la proposition de loi est fidèle à l’accord interprofessionnel puisque celui-ci prévoit des plans d’action sans que les entreprises de moins de 50 salariés en soient exonérées. Surtout, insiste la rapporteuse, il est important que les efforts de prévention profitent à l’ensemble des actifs – y compris ceux qui travaillent dans de petites structures : « Sinon, observe-t-elle, quelle philosophie porterions-nous ? »

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Renault enregistre une perte historique de 8 milliards d’euros en 2020, sur fond de crise sanitaire

C’est une perte jamais vue dans l’histoire du constructeur automobile français. Renault a perdu 8 milliards d’euros au cours d’une année 2020 marquée par la crise liée au coronavirus, selon des résultats publiés vendredi 19 février.

Cette chute historique s’explique principalement par la contribution du partenaire japonais Nissan, détenu à 43 % par Renault : il a pénalisé le groupe au losange à hauteur de 4,9 milliards d’euros. Renault a vu, de son côté, ses ventes plonger de 21,3 % sur l’année, avec moins de trois millions de véhicules vendus sur un marché automobile en chute libre.

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Le groupe avait enregistré au premier semestre une perte de 7,3 milliards d’euros dans le contexte de la crise liée au Covid-19. Mais il a limité la casse au second semestre, avec une perte de seulement 660 millions d’euros et un chiffre d’affaires en recul de 8,9 %.

« La priorité est donnée à la profitabilité et à la génération de cash, comme annoncé lors de notre plan stratégique Renaulution », présenté en janvier, a indiqué le directeur général, Luca de Meo, cité dans le communiqué. « L’année 2021 sera difficile, avec des incertitudes liées aux crises sanitaires ainsi qu’à l’approvisionnement de composants électroniques. »

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15 000 suppressions de postes dans le monde

Le groupe n’a pas publié de prévisions pour l’année 2021. Il a accumulé des réserves de liquidités à hauteur de 16,4 milliards d’euros, dont 4 milliards tirés sur des prêts garantis par l’Etat.

Déjà mal en point avant la crise, Renault avait annoncé fin mai 2020 un plan d’économies de plus de 2 milliards d’euros sur trois ans, prévoyant quelque 15 000 suppressions de postes dans le monde.

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Arrivé à l’été 2020, Luca de Meo a annoncé en janvier une nouvelle coupe dans les budgets, de recherche notamment, mais pas de nouveaux licenciements : l’objectif est désormais de parvenir à un total de 2,5 milliards d’euros d’économies d’ici à 2023, et 3 milliards d’ici à 2025. La feuille de route de M. De Meo, axée sur « la valeur » plus que sur « les volumes », vise notamment à dégager plus de 3 % de marge opérationnelle d’ici à 2023.

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Le Monde avec AFP

Report de cotisations des entreprises : l’heure est venue de régler l’ardoise

Pour les chefs d’entreprise qui avaient bénéficié d’un report des cotisations sociales au début de la crise sanitaire, le moment est venu de régler l’ardoise. Dès ce mois de février, les premiers « échéanciers personnalisés » envoyés par l’Urssaf tomberont dans les boîtes aux lettres. S’échelonnant jusqu’au mois de mai, cette première vague de recouvrements concerne les entreprises mises en difficulté lors du premier confinement.

Afin de préserver leur trésorerie, les employeurs et les travailleurs indépendants s’étaient vus, entre autres, proposer un report du règlement de leurs cotisations sociales sans pénalités, entre mars et juin 2020. Cette mesure a été réitérée en fin d’année dernière, à l’occasion du second confinement.

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Le montant à recouvrer par l’Urssaf est loin d’être négligeable. Fin novembre, la somme des reports nets accordés depuis mars 2020 au niveau des cotisations patronales s’élevait à 10,25 milliards d’euros côté employeurs, et concernait 70 % des entreprises. A cette somme s’ajoutent les reports des cotisations sociales personnelles des travailleurs indépendants. Le recouvrement auprès de cette catégorie d’actifs avait débuté entre septembre et novembre dernier, avant de s’interrompre lors du second confinement. Mais leur dette auprès de l’Urssaf s’élève encore à 5,12 milliards d’euros.

Recouvrement « en douceur »

« Selon notre baromètre de ce mois de février, une TPE sur deux a déjà pu faire face au paiement de ses cotisations, ce qui est plutôt positif, se félicite Marc Sanchez, secrétaire général du SDI (Syndicat des indépendants), qui rassemble 25 000 dirigeants d’entreprises de moins de vingt salariés, commerçants, artisans et professions libérales. Reste à savoir comment va être traitée l’autre moitié. »

Le recouvrement devrait toutefois s’effectuer « en douceur ». Les entreprises conservent la possibilité de renégocier la durée (jusqu à 36 mois), le montant des échéances et la date de mise en place du paiement.

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Pour les plus fragiles, un report reste possible. Les entreprises qui ont subi une importante chute de leur activité entre février et mai 2020 pourront bénéficier d’une remise partielle des cotisations qui restent dues. Le formulaire de demande de remise sera accessible sur le site de l’Urssaf « à la fin du mois de février », précise l’organisme.

Demeurent aussi exonérées les entreprises encore susceptibles de bénéficier de l’aide au paiement de leurs cotisations ou celles qui exercent leur activité dans les zones de montagne touchées par les restrictions sanitaires. Dans tous les cas, l’entrepreneur dispose d’un délai d’un mois pour réagir après avoir reçu la proposition de l’Urssaf.

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La fermeture du zoo de Beauval fragilise l’insertion des jeunes de la région

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Publié aujourd’hui à 15h00

« On dirait qu’ils dansent, n’est-ce pas ? » Samedi 13 février, le directeur du zoo de Beauval, Rodolphe Delord, apparaît bien pensif devant la valse silencieuse des lamantins, attraction majeure d’un « dôme équatorial » désertique. Cette structure colossale, qui a nécessité 40 millions d’euros d’investissement, a été inaugurée en février 2020… un mois avant le premier confinement.

Fermé de nouveau au public depuis le 30 octobre 2020, Beauval fait encore travailler 200 salariés, essentiellement des soigneurs et des logisticiens ; 400 autres sont au chômage partiel et 450, hors stagiaires, espèrent être recrutés dès que le zoo rouvrira. Mais quand ? Beauval mise sur le 6 avril.

Rodolpe Delord, directeur général du zoo de Beauval, dans le dôme équatorial, le 13 février.
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« L’an dernier, en seulement quatre mois d’ouverture, nous avons accueilli 1,2 million de visiteurs ; 200 000 ont dormi dans nos hôtels, d’innombrables repas ont été servis et on n’a eu que cinq cas positifs [au Covid-19], asymptomatiques, parmi nos 1 050 salariés, énumère M. Delord. D’ici à avril, beaucoup de Français seront vaccinés, une certaine auto-immunité se sera aussi mise en place… Je pense qu’il faut relancer notre économie. »

Même si Saint-Aignan (Loir-et-Cher), cité médiévale de 2 800 habitants, dispose de 150 gîtes et de six hôtels, son zoo est, selon Bernadette Mandard, directrice de la Maison de l’emploi communale, « une ville dans la ville, avec ses restaurants, ses hébergements, une crèche pour les salariés ». Et un vivier de jobs pour les jeunes, dans une région, la vallée du Cher, qui perd des emplois depuis dix ans, selon l’Observatoire de l’économie et des territoires de Loir-et-Cher. Une tendance qui devrait continuer avec les départs de Boiron de Montrichard et de Daher de Saint-Julien-de-Chédon.

« Ils se retrouvent femme de chambre ou valet de chambre »

Malgré une formation de soigneur animalier dispensée au centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Vendôme, à 75 km plus au nord, l’essentiel des postes proposés par Beauval aux jeunes Saint-Aignanais ont peu de liens avec les animaux. « Ils se retrouvent femme de chambre ou valet de chambre, serveur, agent d’entretien ou de billetterie », détaille Mme Mandard. Mais qu’importe. Beauval fascine.

« La difficulté, c’est de devoir rester à tout moment disponible pour le zoo, sans connaître la date du redémarrage. Impossible de s’engager dans une mission à côté » Eléa Jouanneau, en BTS gestion et protection de la nature

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Covid-19 : 7,1 milliards d’euros de perte pour Air France-KLM

Un A380 d’Air France à l’aéroport de Roissy, le 26 juin 2020.

Des chiffres qui donnent « le tournis ». Air France-KLM a perdu 7,1 milliards d’euros en 2020, un choc « sans précédent » provoqué par la crise du Covid-19 qui a ravagé le transport aérien et privé le groupe franco-néerlandais des deux tiers de ses clients.

Le chiffre d’affaires s’est effondré de 59 % par rapport à 2019, pour tomber à 11,1 milliards d’euros, a précisé le groupe dans un communiqué, jeudi 18 février. Il prévient par ailleurs que le premier trimestre 2021 sera « difficile » et que la visibilité d’une reprise restait « limitée », même s’il s’attend à un regain de trafic aux deuxième et troisième trimestres.

Ces pertes et chutes d’activité, « ce sont des ordres de grandeur qui donnent un peu le tournis », a reconnu le directeur financier du groupe, Frédéric Gagey. La crise a eu « un impact sans précédent » sur Air France-KLM, assure l’entreprise dans son communiqué.

La rentabilité des compagnies aériennes dépend de leur capacité à faire voler le plus possible leurs coûteux appareils remplis au maximum, une équation devenue insoluble dès le début de la pandémie, qui a conduit les gouvernements français et néerlandais à accorder des prêts directs ou garantis à Air France-KLM pour plus de 10 milliards d’euros au total.

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Baisse des effectifs

La perte nette est conforme aux attentes des analystes financiers. Elle inclut une provision de 822 millions d’euros, conséquence des plans de départs volontaires engagés par le groupe, a détaillé M. Gagey lors d’une téléconférence de presse. Les effectifs, qui comprenaient 83 000 personnes à la fin de 2019, ont fondu de plus de 10 % en un an : 5 000 de moins chez KLM et 3 600 chez Air France. « Des plans en cours permettront encore d’accompagner environ 900 départs chez KLM et environ 4 900 chez Air France », des efforts « indispensables » selon M. Gagey.

La perte a également été gonflée par une dépréciation de la flotte de 672 millions d’euros, conséquence de la fin de l’exploitation des gros-porteurs Airbus A380, A340 et Boeing 747. Et le groupe a aussi subi une perte « énorme » de 595 millions d’euros due à des achats anticipés de kérosène, une opération courante pour les compagnies souhaitant mieux planifier leurs coûts, mais un pari qui s’est avéré perdant alors que les cours du pétrole se sont écroulés.

Sur l’année entière, Air France-KLM a perdu 67,3 % des passagers de 2019, une tendance aggravée lors du seul quatrième trimestre (− 75,9 %). Le groupe a mis en garde contre « un premier trimestre 2021 difficile » dû aux « restrictions de voyage renforcées ». Sa capacité de transport de passagers n’atteindra que 40 % de celle de la même période de 2019. En outre, « la visibilité sur la reprise de la demande est toujours limitée » même si l’entreprise s’attend à « une reprise du trafic au cours des deuxième et troisième trimestres 2021 grâce au déploiement du vaccin ».

Discussions avec la Commission européenne

Seul point positif, le chiffre d’affaires du transport de fret a augmenté, conséquence d’une hausse des tarifs provoquée par une réduction mondiale de l’offre. Grâce aux prêts d’Etat, Air France-KLM a terminé l’année 2020 avec des liquidités de 9,8 milliards d’euros, permettant « de voir avec tranquillité l’année qui s’ouvre », selon M. Gagey. Mais ces opérations ont alourdi la dette qui a quasi doublé sur un an pour atteindre 11 milliards d’euros, un niveau difficilement soutenable à terme.

C’est pour renforcer son bilan qu’Air France-KLM discute avec la Commission européenne. Il s’agirait en particulier pour les Etats néerlandais et français de transformer une partie de leurs prêts en fonds propres ou quasi-fonds propres. Mais Bruxelles demande des contreparties pour préserver une concurrence équitable, comme la cession de précieux créneaux aéroportuaires d’Air France à Paris-Orly, une exigence mal reçue par le groupe qui en a fait un des axes de sa stratégie de relance. « Il n’y a pas de point de blocage, il faut arriver à des points d’équilibre entre différentes parties, comme toutes les négociations ça prend du temps », a affirmé M. Gagey.

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La déroute d’Air France-KLM est à l’image de celle de l’ensemble du secteur aérien mondial, qui a vu s’évaporer 66 % de son trafic passagers en 2020. Selon l’Association internationale du transport aérien, les compagnies ont subi des pertes cumulées de 118 milliards de dollars l’année dernière.

Le Monde avec AFP

« Contre la pauvreté des jeunes, c’est l’ensemble de notre démocratie sociale qu’il faut mobiliser »

Tribune. L’étrange défaitisme qui caractérise le regard porté sur nos politiques sociales intervient paradoxalement au moment où celles-ci ont permis à la France de tenir le choc. Face au Covid, ceux qui fustigeaient le « pognon de dingue » se sont récemment convertis au « quoi qu’il en coûte » : si nous n’agissons pas contre l’explosion de la pauvreté, nous prenons le risque d’aggraver le dépit et la colère qui sont le carburant des populismes. Plus que jamais, l’urgence sociale est incompatible avec l’impuissance publique.

C’est pourtant la situation à laquelle les jeunes sont aujourd’hui confrontés. Ils payent le plus lourd tribut à la crise : le chômage qui les frappe a augmenté de 16 % et les récents appels à l’aide des étudiants expriment les craintes d’une génération qui se sent « sacrifiée ». La crise révèle et aggrave la relégation sociale et la pauvreté qui frappe les moins de 25 ans depuis des années. Rarement leur situation aura été aussi inquiétante. Rarement ce constat aura été aussi partagé.

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Pourtant, les politiques en leur direction se caractérisent par leur inertie. Si les mesures du « plan jeunes » gouvernemental constituent un soutien conjoncturel indispensable, en particulier l’élargissement de la « garantie jeunes », la question de l’accès à un minimum de ressources pour les plus vulnérables reste entière. Plus que des slogans ou de la compassion, les jeunes attendent des actes, et ils ont raison.

« Bizutage social »

C’est pourquoi, plutôt que d’attendre une hypothétique cathédrale législative – la mise à l’arrêt du revenu universel d’activité a montré l’impasse de cette méthode –, les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les métropoles et les départements, doivent pouvoir lancer de vastes expérimentations s’inscrivant dans une impulsion, un suivi et une évaluation scientifique au niveau national.

« Je ne crois pas aux solutions visant à transformer les jeunes en entrepreneurs d’eux-mêmes, ou à hypothéquer par un endettement excessif leur avenir déjà incertain »

Mes convictions reposent sur des valeurs et une expérience du territoire dont je suis l’élu depuis dix-sept ans : je sais combien les inégalités sociales surdéterminent les inégalités de destin. Dès lors, il n’est pas tolérable que le taux de pauvreté des jeunes soit deux fois plus important que dans le reste de la population, ni que le seuil minimum pour vivre soit de 903 euros pour les plus de 63 ans, 564 euros entre 25 et 63 ans, et inexistant entre 18 et 25 ans, érigeant le « bizutage social » au rang de norme d’entrée dans la vie active.

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La méthode agile, tant vantée en management, est la risée des jeunes sur Facebook

« Bah alors, tu prends ton après-midi ? » Cette phrase, prononcée à 19 heures par son manageur, est devenue un lieu commun dans le « Neurchi [chineur, en verlan] de flexibilisation du marché du travail ». Fondé en janvier 2019, ce groupe Facebook compte plus de 122 000 membres – en majorité des jeunes – qui rient à foison des dérives du management en s’échangeant des « memes », ces images ou vidéos humoristiques sur un thème.

L’omniprésence de la « flexibilité » ou du « flex » y tient bonne place. Vantant à son origine l’autonomie des salariés et la faculté d’adaptation des organisations, cette philosophie « agile » a aussi sa face sombre : injonction à la transformation permanente, horaires de travail abusifs, déni du droit social, précarité…

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« Le mot flexibilisation est tellement galvaudé… Je l’entendais tout le temps, et c’est un peu un symbole du monde moderne. » Paul est en stage dans le conseil en services financiers lorsqu’il crée la communauté Neurchi avec un ami. « Je ne pouvais pas dire à mes collègues que je n’aimais pas mon travail, il y a une sorte d’injonction à être passionné par son boulot. Avec le neurchi, on peut dire ce que l’on veut ! »

Des personnages incontournables du management agile

Ici, chaque membre peut publier un meme, à condition qu’il soit validé par les modérateurs du groupe. Et certaines situations de travail reviennent en boucle : des codes professionnels absurdes, des travailleurs indépendants payés « en visibilité », la « start-up nation » ou le titre de « happiness manager ». « Ce poste crée de manière artificielle de la joie dans une entreprise… En général, les gens sont heureux parce qu’ils ont de bonnes conditions de travail et une rémunération satisfaisante », sourit Adrien, modérateur du groupe.

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Des personnages incontournables du management agile reviennent fréquemment dans les échanges. D’un côté, on trouve « Fabieng », le petit chef toxique. « C’est le mauvais manageur intermédiaire, qui a atteint son seuil d’incompétence », explique Adrien. De l’autre, « Corenting » : « N – 1 de tout le monde, N + 1 de personne », souvent stagiaire.

Il se fait « flexer » (exploiter) toute la journée, réalise des tâches ingrates et ne compte pas ses heures pour être bien vu. Les membres du groupe étant majoritairement des hommes âgés de moins de 30 ans, vivant en région parisienne et travaillant dans des bureaux (même si l’on trouve de tout), ils s’identifient souvent comme « Corenting ».

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L’inconnue du retour dans l’entreprise des salariés en chômage partiel

Dans une salle de sport fermée pour raisons sanitaires, à Paris, le 10 décembre 2020.

Ce restaurateur de Picardie est fataliste. Depuis des mois que son établissement est fermé, il voit avec inquiétude certains de ses salariés, en chômage partiel depuis de longs mois, partir vers d’autres horizons. « L’un de mes cuisiniers a trouvé un emploi dans une collectivité, raconte-t-il. Je ne suis pas sûr de le revoir quand mon restaurant va rouvrir : là où il est maintenant, les horaires sont plus compatibles avec sa vie de famille, il ne travaille ni le soir ni le week-end… » Un cas qui n’est pas isolé : de nombreux salariés ont pris − comme le droit les y autorise − un deuxième emploi pendant la période d’activité partielle et pourraient avoir à choisir entre deux postes à l’issue de la crise. Au risque de tourner définitivement le dos à leur employeur initial.

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En région toulousaine, Hellen Citera, gérant d’une dizaine de salles de sport sous l’enseigne Interval, observe avec inquiétude les lettres de démission arriver sur son bureau. Sur une trentaine de salariés, il compte déjà sept départs de commerciaux. « Dans la mesure où leur indemnité de chômage partiel est calculée sur la partie fixe de leur rémunération, et non en incluant la part variable, ils peuvent perdre pour certains jusqu’à 900 euros par mois. Ceux qui trouvent des alternatives s’en vont ailleurs, et je les comprends… »

Olivier Caillait, qui possède plusieurs établissements dans les Alpes, constate de son côté une « certaine lassitude » de la part de ses directeurs d’hôtel ou de restaurant qui ne touchent plus que 84 % de leur salaire. « Ils ont des emprunts immobiliers à rembourser, la scolarité des enfants à payer… La période commence à leur sembler longue. »

Débauchés par d’autres secteurs

Sans compter que, sur les 2,4 millions de salariés qui étaient encore en activité partielle en décembre 2020 − ils étaient 8,4 millions en avril 2020, au plus fort de la crise −, certains ont été débauchés par d’autres secteurs, attirés par leurs compétences.

« Dans nos hôtels, nous avons des chargés d’accueil bilingues ou trilingues, qui possèdent une certaine aisance », raconte Laurent Barthélemy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) Nouvelle-Aquitaine. « Les entreprises d’autres secteurs leur font les yeux doux… parfois avec succès. On ne peut blâmer personne de chercher du travail ailleurs alors que nous n’avons pas de visibilité. »

Les organisations professionnelles du secteur de la restauration et de l’hôtellerie, des clubs de sport ou de loisirs ou l’événementiel reconnaissent l’existence de ce phénomène, tout en étant encore dans l’incapacité de le chiffrer. « C’est une réelle préoccupation », admet Hervé Becam, le président de l’UMIH. « On s’aperçoit que cela ne va pas être si facile que cela de remettre au travail ceux qui auraient vécu cette période », dit-il, pointant en particulier « la catégorie de salariés pour qui travailler le soir ou le week end représente une contrainte ».

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