Archive dans avril 2021

Bien intégrer ses jeunes cadres, une phase cruciale pour la réputation de l’entreprise

Contrairement à ce que certains peuvent croire, l’attachement d’un nouveau salarié à sa nouvelle entreprise n’est pas automatique. « C’est un peu comme dans une relation humaine, les premières impressions sont structurantes, il faut faire un effort, car, si on part sur une fausse note, celle-ci peut traîner. Des recherches montrent qu’il existe un lien fort entre les pratiques d’intégration et plusieurs indicateurs, comme le niveau de satisfaction du salarié, son implication, son efficacité et ses intentions de départ sur le court terme », souligne Serge Perrot, professeur des universités à ‎Paris-Dauphine – PSL. L’enjeu « marque employeur » est également très important : « Lorsque quelqu’un raconte à l’extérieur, à ses camarades de promo, à son réseau, etc., que rien n’était prêt quand il est arrivé, qu’il ne s’est pas senti accueilli, cela ne facilite pas la création d’une image employeur attrayante pour les jeunes talents », appuie Stéphanie Guerrand, responsable des divisions RH, juridique et fiscal chez Robert Half France.

L’onboarding (« l’embarquement »), comme on appelle aussi l’intégration, obéit à un double processus : « Cette période, qui peut varier selon les personnes et les métiers, consiste d’abord à comprendre et à apprendre les codes et la culture de l’entreprise, son métier, découvrir ses collègues. Puis ensuite à l’intérioriser : dans quelle mesure ce que fait l’entreprise, sa façon de fonctionner, ses valeurs, me correspondent ou pas », détaille Serge Perrot.

Des recrues sensibles aux petits gestes

Pour cela, il faut d’abord que tout soit prêt d’un point de vue matériel et technique pour l’arrivée d’un nouveau collaborateur – bureau, ordinateur, session de connexion, téléphone professionnel, badge, etc. « Il y a peu, j’ai entendu des échos d’un recruté mécontent : ses collègues savaient à peine qu’il arrivait, et il a mis trois jours à récupérer son matériel… Cela ne donne pas envie », regrette Stéphanie Guerrand. A contrario, Antoine, un jeune développeur, a lui été impressionné par l’adaptabilité de sa nouvelle société quand il a reçu chez lui son ordinateur et tout le matériel nécessaire au télétravail lors de sa prise de poste, au printemps dernier : « La logistique mise en place était assez impressionnante, et l’utilisation de Slack et des appels en visio pour communiquer a tout de suite été fluide. »

L’intégration d’un nouveau collaborateur peut prendre des formes variées. Certaines entreprises accueillent les salariés avec un kit constitué de petits cadeaux (tasse, tee-shirt, tote bag aux couleurs de l’entreprise…), des livrets sur l’histoire ou les projets de la société, un organigramme. D’autres organisent des sessions collectives, des journées ou des semaines d’intégration mêlant conférences et moments plus informels destinés à créer des liens. « Les entreprises n’étaient pas forcément aussi conscientes de l’importance de cette étape avant, mais elles font depuis quelques années de gros efforts, sûrement à cause de la concurrence, pour attirer et conserver les jeunes talents, notamment les ingénieurs », explique Serge Perrot.

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Les télétravailleurs, nouvel eldorado des pays en manque de touristes

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Publié aujourd’hui à 01h42

Ce n’est pas le paradis, mais à l’écouter, ça y ressemble. « Nous nous réveillons avec le bruit des vagues et commençons la journée par une promenade sur la plage, raconte Carole Reed. Puis nous enchaînons les réunions sur Zoom dans notre bungalow, mais nous nous astreignons à refermer l’ordinateur à 17 heures pour aller nager dans l’océan. »

Il y a un an, lorsque la pandémie a commencé, cette conseillère artistique vivait à New York avec son mari, responsable marketing, et leurs deux ados. En septembre 2020, face à la perspective d’être à nouveau confinés à quatre dans leur appartement, elle a choisi d’embarquer sa famille aux Bermudes. Sa fille a intégré le lycée local pour quelques mois, son fils suit les cours de son établissement new-yorkais en ligne.

« Venir ici fut une décision un peu folle et tout n’est pas simple, mais nous ne le regrettons pas une seconde », assure-t-elle. Puisque son job comme celui de son mari leur permettent de travailler à distance, ils espèrent profiter encore un peu de ce décor de carte postale avant de regagner les Etats-Unis.

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Carole et sa famille n’ont pas choisi les Bermudes par hasard : l’archipel, également connu pour son statut de paradis fiscal, se démène pour attirer les personnes en télétravail, comme eux. En juillet 2020, il a lancé « Work from Bermuda », un certificat de résidence leur permettant de s’installer jusqu’à un an sur son sol, à condition de prouver qu’ils travaillent à distance pour une entreprise étrangère.

Permis de résidence

Depuis quelques mois, de plus en plus de pays et régions dépendants du tourisme proposent le même genre de programme : Hawaï, Montserrat et Aruba dans la mer Caraïbes, l’île Maurice, le Costa Rica, la Géorgie, Buenos Aires…

Certains Etats accueillent tous les télétravailleurs, sans distinction. D’autres ciblent les plus aisés : La Barbade, dans les Caraïbes, accueille seulement ceux qui gagnent plus de 50 000 dollars (42 000 euros) par an. Seuls ceux touchant plus de 5 000 dollars (4 200 euros) par mois peuvent postuler au visa créé par Dubaï, qui leur offre au passage une exonération de l’impôt local sur le revenu.

L’Europe n’est pas en reste : l’Estonie, qui se targue d’être un pays ultra-connecté à défaut d’avoir du soleil, a placé la barre à 3 500 euros mensuels pour le sien. Et la Croatie, à 16 907,5 kunas par mois, soit 2 230 euros, pour pouvoir rester jusqu’à un an sur place – là encore avec une exonération d’impôt sur le revenu à la clé. « A terme, la Croatie pourrait attirer jusqu’à 50 000 travailleurs à distance toute l’année, rêve Jan de Jong, l’entrepreneur néerlandais qui a soufflé au gouvernement l’idée de créer ce permis de résidence pour nomades numériques. Pour un pays dont 20 % des revenus dépendent du tourisme, cela représente les prémices d’une nouvelle activité, plus durable. »

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EDF : le gouvernement détaille son plan « Hercule » pour la première fois

A Paris, le 17 mars 2021.

C’est l’une des étrangetés de ce vaste plan de réorganisation d’EDF : depuis dix-huit mois, le gouvernement n’avait pas communiqué les détails du projet qu’il porte en lien avec la direction d’EDF. Pour la première fois, l’exécutif a envoyé, vendredi 9 avril, un document aux syndicats, destiné à expliquer le pourquoi de la démarche et à donner des garanties sur le plan social.

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Dans ce résumé de trois pages, que Le Monde a pu consulter, le gouvernement reprend les grandes lignes présentées par le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, devant l’Assemblée et le Sénat, en février. L’exécutif fait le constat que « l’entreprise n’est plus en mesure de financer son développement », compte tenu du mécanisme de rémunération actuel du nucléaire. Il est même plus précis, estimant que cette situation « ne garantit pas suffisamment, en toutes circonstances, la couverture des coûts et ne lui permet pas de réaliser les investissements nécessaires à la poursuite de l’exploitation optimale du parc nucléaire ». Cela signifie que le gouvernement considère qu’EDF ne peut plus assurer avec certitude le bon fonctionnement – et donc la sûreté – des 56 réacteurs français.

L’exécutif estime que seul son plan « Hercule » – qui n’est désormais plus appelé ainsi, le nom ayant suscité plus d’oppositions qu’autre chose – peut répondre aux défis auxquels fait face EDF, tout en respectant les exigences de la Commission européenne. Une négociation est justement en cours depuis plus d’un an à Bruxelles pour trouver un équilibre qui convienne aussi bien aux exigences françaises qu’aux règles de la concurrence européenne.

Maintien du statut particulier des agents EDF

Le texte illustre d’ailleurs ces difficultés. Il détaille ainsi : « Ce projet consacrerait une détention par l’Etat à 100 % du parc nucléaire, thermique et hydraulique. » Le nouvel EDF, 100 % public, détiendrait plus de 80 % de la production d’électricité en France et ne serait pas coté en Bourse. Cette entité aurait une filiale, elle aussi 100 % publique, qui posséderait les barrages d’EDF.

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Enfin, une autre filiale, appelée pour l’instant « Energies nouvelles et réseau », rassemblerait la vente d’électricité, les énergies renouvelables, le réseau de distribution Enedis et les services. Le capital de cette deuxième filiale serait ouvert au privé dans une certaine mesure – c’est cette démarche qui inquiète les syndicats, qui y voient une première étape vers une privatisation de certaines activités du groupe. Pour tenter d’y répondre, le document assure que « des garanties légales seraient données sur le maintien de cette filiale dans le secteur public ». « Cette entité resterait intégrée (…) au sein du groupe EDF », précise aussi le texte.

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Europe 1 lance une rupture conventionnelle collective

A Paris, en décembre 2018.

Il y a quelques jours, les syndicats d’Europe 1 interpellait Arnaud Lagardère sur les projets qu’il nourrissait à leur endroit. Lundi 12 avril après-midi, ils ont obtenu une partie de la réponse qu’ils attendaient : un plan de départs volontaires leur est désormais ouvert. De source syndicale, une quarantaine d’emplois sont visés, principalement à la direction de la rédaction et à la direction des technologies, sur un effectif global d’environ 330 personnes (dont 120 journalistes).

« Le travail engagé depuis deux ans sur la grille d’Europe 1 a permis de stabiliser les audiences, mais le déficit annuel de la radio, accentué par la crise sanitaire, impose une réflexion sur l’organisation », a justifié la direction de la radio dans un communiqué envoyé à la presse. Dans un courriel à ses équipes, la présidente du pôle News de Lagardère et patronne d’Europe 1, Constance Benqué, ajoute : « Cela s’est traduit par une chute du chiffre d’affaires d’Europe 1 et des pertes constantes depuis 2016, avec un déficit qui ne cesse de se creuser phénomène qui s’est encore accéléré avec la crise sanitaire. »

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Très affecté par la baisse des ressources publicitaires (certes commune à tout le marché), le chiffre d’affaires aurait diminué de moitié entre 2015 et 2020, avance un salarié, pour qui ces annonces ne constituent qu’une demi-surprise. « On connaît les très mauvaises affaires de l’entreprise », reconnaît-il. La consolidation des audiences avancée par Mme Benqué reste d’ailleurs à prouver. Mi-janvier, Europe 1 affichait une audience cumulée de 5 % pour les mois de novembre et de décembre 2020, soit une baisse d’un point par rapport à l’année précédente et un nouveau plancher historique sur cette période de l’année. Pis, la part de marché était, elle, tombée à 3,9 %, contre 4,5 % un an plus tôt. Effectivement annoncées « stabilisées » par la rumeur du marché, les audiences du premier trimestre de 2021 ne seront connues que jeudi 15 avril matin.

« Mesures d’accompagnement »

Cette rupture conventionnelle collective sera « assorti de mesures d’accompagnement, qu’elles soient financières ou qu’elles favorisent et permettent la réalisation de projets professionnels », précise Constance Benqué. Un comité social et économique (CSE) organisé dans la semaine devrait être l’occasion d’apporter des précisions sur ce plan, qui pourrait précéder la vente d’Europe 1. Une éventuelle cession de la station au groupe Vivendi de Vincent Bolloré pourrait encourager les volontaires au départ que cette perspective inquiète, estime une salariée.

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« Ohé ! Arnaud Lagardère, où êtes-vous ? Que faites-vous ? Le groupe que vous dirigez va-t-il être sacrifié sur l’autel du rétablissement de votre situation financière personnelle ? Quel pacte êtes-vous en train de conclure avec les prédateurs qui font des ronds au-dessus de nos têtes depuis plus d’un an ? », écrivaient les syndicats d’Europe 1 (CFDT, SNJ, CGT, CFE-CGC, CFTC et FO) dans leur communiqué du 1er avril. Lucides, ou résignés, ils ajoutaient : « Votre silence depuis un an nous donne l’impression d’une fin de parcours. Tout comme l’arrêt des investissements et l’étiolement du management. »

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Les entrées en formation de chômeurs à un niveau historique

Les politiques en faveur de la formation des chômeurs continuent de monter en puissance. En 2020, le nombre d’actions engagées pour accroître les qualifications des demandeurs d’emploi s’est élevé à un peu plus de 1,116 million, selon des données rendues publiques, lundi 12 avril, par le ministère du travail. Il s’agit d’« un niveau jamais atteint en France », assure-t-on Rue de Grenelle.

Ce record est, pour une large part, imputable au plan d’investissement dans les compétences (PIC). Présenté quelque mois après le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, cet ambitieux programme, financé à hauteur de 15 milliards d’euros, entend former, sur cinq ans, un million d’individus sans activité, peu ou pas qualifiés, et un million de jeunes éloignés du marché du travail.

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A ce stade, la moitié du chemin a été parcourue, le nombre d’entrées en formation dans le cadre du PIC se situant à près de 1,08 million (pour un objectif initial de deux millions, donc). Le dispositif a souffert de la crise puisque ceux qui en ont bénéficié en 2020 représentaient un effectif en baisse de 19,6 % par rapport à 2019. Cependant, le gouvernement table sur un net rebond dès cette année, ce qui devrait se traduire par 1,04 million d’actions de formations sur les exercices 2021 et 2022. D’ores et déjà, « le pari est tenu », affirme Carine Seiler, haut-commissaire aux compétences, chargée du pilotage du PIC.

Amélioration chez les chômeurs peu qualifiés

En dehors du plan d’investissement dans les compétences, on recense quelque 1,9 million entrées en formation de chômeurs, entre le début de 2018 et la fin de 2020 : il s’agit de mesures financées par les conseils régionaux, Pôle emploi ou les demandeurs d’emploi eux-mêmes qui ont utilisé leur compte personnel de formation (CPF) de façon autonome. Au total, durant les trois dernières années, près de 3 millions d’actions de formation ont donc été dispensées à des actifs à la recherche d’un poste – dont beaucoup étaient en rupture avec le monde de l’entreprise.

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Grâce aux efforts déployés par le biais du PIC et à travers les autres systèmes existants, la proportion de demandeurs d’emploi qui accèdent à une formation a légèrement progressé, passant à 16 % en 2020 – soit trois points de plus par rapport à 2017. Cette tendance à l’amélioration s’observe, entre autres, chez les chômeurs peu qualifiés – c’est-à-dire ceux ayant un niveau inférieur au bac – mais elle s’est effritée, l’an dernier, puisque le taux d’accès à une formation pour cette catégorie a perdu deux dixièmes de point en un an (à 15,4 %) tout en restant au-dessus de celui observé en 2018 (13,2 %).

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« Les PME doivent prendre pleinement conscience de leur statut “d’entité d’intérêt collectif” »

Tribune. Du fait d’une médiatisation accrue, les affaires de corruption, d’atteinte aux droits de l’homme ou de pollution environnementale attirent l’attention d’une opinion publique de plus en plus sensible à l’éthique des entreprises.

Mais bien que ces affaires soient particulièrement suivies lorsqu’elles concernent les grands groupes, très tôt exposés aux législations étrangères (américaines en particulier), de plus en plus d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), moyenne ou même petite (PME), doivent désormais prendre en compte leur exposition aux risques juridiques, financiers et de réputation liée à ces sujets.

L’éthique, tout autant que la morale, sont deux notions proches (voir synonymes) interrogeant la conformité d’un comportement aux normes sociales. Aussi, le terme générique anglais de compliance désigne, faute de traduction idéale en français, la manière dont les entreprises se conforment aux exigences morales de la conduite des affaires, tels que la responsabilité sociale et environnementale, le respect des droits de l’homme, la lutte contre la corruption, le respect des règles d’embargo ou encore la protection des données personnelles.

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En effet, outre les sanctions extrêmement significatives encourues, les PME et ETI sont progressivement soumises à des mesures réglementaires préventives contraignantes. Ainsi, la réglementation encadrant la protection des données personnelles s’applique sans considération de seuil. De plus, les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place un dispositif de signalement des alertes (« lanceurs d’alertes ») et celles dépassant 500 salariés et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires doivent établir un programme de lutte contre la corruption, ou encore publier une déclaration de performance extra-financière.

Une responsabilité de plus en plus étendue

Plus généralement, l’impact de l’activité de l’entreprise a été consacré dans la loi par la modification de la définition légale de l’intérêt social : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (art. 1833 du code civil).

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Considérée dorénavant comme « personne morale » dans tous les sens du terme, l’entreprise peut désormais assumer pleinement ce statut en adoptant volontairement une raison d’être « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » (art. 1835 du code civil) et, ultimement, la qualité « d’entreprise à mission », par laquelle elle s’assigne un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux à poursuivre dans le cadre de son activité.

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Le recours accru aux contrats : une révolution silencieuse dans la fonction publique

Eric Woerth ne se fait pas d’illusions sur le chemin à parcourir avant de convaincre les Français. « Nous ne sommes pas là pour effrayer les gens, mais je mesure le travail qu’il reste à faire pour obtenir un consensus sur ce point », reconnaît le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Et celui qui a nourri la convention du parti Les Républicains (LR) sur l’efficacité de l’action publique, le 30 mars, se montre très prudent. A ce stade, dit-il, ce ne sont que des pistes de réflexion du parti ; elles restent à affiner.

Pour l’heure, l’idée de LR est déjà radicale : dorénavant, proposent-ils, tous les fonctionnaires seraient liés à l’Etat par un contrat. L’intérêt de ce « contrat public » ? En finir avec l’emploi à vie pour tous, notamment lorsque l’agent ne fait pas correctement son travail. « Il ne peut pas y avoir un statut qui garantisse une rente professionnelle, explique le député de l’Oise. Un contrat, ça évolue, ça se rompt. Un statut, ça ne bouge pas, ce n’est pas personnel. »

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Le contrat public, qui « intégrera des éléments du statut et du droit du travail privé », ne s’appliquerait qu’aux nouveaux agents. A la grande majorité des fonctionnaires en poste, entrés dans l’administration par concours et jouissant donc du fameux « statut général » institué en 1946, LR laisse le choix de signer ou non ce contrat. Pour les autres, ceux qui ont été recrutés directement par un chef de service, cela ne changerait pas grand-chose, puisqu’ils sont déjà liés à l’Etat par un contrat, qu’il soit à durée déterminée ou non. La nouveauté, c’est que la situation de la minorité serait dorénavant élargie à l’ensemble des agents publics. Mais, assure M. Woerth, « on reste dans le modèle français. On ne préconise pas la privatisation de la fonction publique, mais une fonction publique gérée de façon plus souple ».

En progression de 5 % par an

Les Républicains ne font qu’accélérer une évolution qui a déjà débuté. Car depuis quinze ans, le nombre d’agents recrutés sur contrat s’est considérablement accru dans la fonction publique française : de 755 307 en 2005, ils sont passés à 1 125 900 en 2019, soit une augmentation de 49 %. Ce qui a porté leur part dans l’emploi public à 19,9 % en 2019, contre 14,3 % à l’époque.

« Je fais partie de ceux qui pensent que l’Etat doit se résumer au régalien et aux missions essentielles (police, justice, éducation…) », Loïc Hervé, sénateur UDI de la Haute-Savoie

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L’argot de bureau : l’« empowerment » ou l’autonomie retrouvée

Pouvoir contredire son chef en réunion car il y a une faute sur le PowerPoint, pouvoir quitter le bureau à 15 heures car le travail est fait, pouvoir dépasser les tâches contenues dans les « bullet points » (les points forts) de sa fiche de poste… Mais pour qui se prend Paul, le jeune du service com ? Paul est simplement dans une entreprise où chacun a pris le contrôle des événements qui le concernent, par un empowerment : littéralement, un processus d’acquisition de pouvoir par les salariés.

Le mot est arrivé tardivement dans le monde du travail. Puisant dans les luttes féministes des années 1930, la psychologie des communautés ou encore le mouvement américain des droits civiques, il s’est véritablement répandu chez les Anglo-Saxons dans les années 1970. Les manuels de management se disputent une traduction : « responsabilisation », « capacitation » ou « autonomisation ».

Tout doux ! Il n’est pas question de conférer un quelconque pouvoir hiérarchique aux salariés, mais de leur offrir un « pouvoir d’agir ». La philosophe américaine Judith Butler parle d’« agency » pour désigner cette marge de manœuvre : à ce titre, l’« agentivation », ou l’« empouvoirement » pour nos amis québécois, semble un néologisme approprié pour désigner la pratique, car il recouvre à la fois le résultat (le pouvoir) et le processus d’apprentissage pour y accéder.

Confiance et pression

La pratique favorise l’engagement et l’efficacité des salariés. Il s’agit de développer la confiance dans la capacité à être compétent, à faire preuve d’initiative : c’est une philosophie que l’on retrouve souvent dans les entreprises libérées, ou dans certains groupes comme Michelin. Désormais autonome, Léa, du service administratif, pourra décider d’arrêter de remplir à la main des documents qui finissent en avions en papier trois jours plus tard, et de tout numériser.

Pourtant, lâcher du lest vis-à-vis des salariés peut être vu comme un moyen de se dédouaner, et d’éventuellement rejeter la faute sur celui qui aurait trop osé. Regardez Stéphane, un commercial : on lui a subitement confié une base de données informatiques et le budget de la boîte, pas étonnant qu’il se soit perdu dans les chiffres… Le droit à l’erreur ne serait pas de trop pour lui !

Si c’est une preuve de confiance, l’empowerment porte en son sein une certaine pression du résultat, puisque le travailleur en est responsable. Rien ne résume mieux cela que la phrase laconique de l’oncle de Spider-Man : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » La carte blanche aurait donc un côté sombre.

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