En pleine crise du Covid-19, les géants du numérique volent au secours du monde de la culture. Après Facebook, qui a lancé une aide de trois millions d’euros pour apporter de l’oxygène aux groupes de presse européens les plus en difficulté, c’est au tour de Netflix d’annoncer la création d’un fonds de soutien d’urgence en faveur des artistes et techniciens intermittents du spectacle, à hauteur d’un million d’euros pour la France.
Depuis la mi-mars, l’arrêt des productions audiovisuelles et cinématographiques laisse sur le carreau de nombreux techniciens et intermittents du spectacle. Beaucoup ont vu leur promesse de contrat, souvent orale, annulée ; ils ne bénéficient donc pas du chômage partiel. Selon le Syndicat français des artistes (SFA), affilié à la CGT, au moins 15 452 artistes interprètes se sont retrouvés sans travail les mois de mars et avril.
Dans ces conditions, le fonds d’urgence de Netflix paraît à point nommé. Cette aide s’inscrit dans le cadre d’une enveloppe plus large de 100 millions de dollars débloquée par la plate-forme. La majeure partie de cette somme (85 millions) est destinée aux équipes travaillant sur les productions Netflix en France et dans le monde. Seuls les quinze millions restants, dont un million pour la France, reviennent à des fonds d’urgence visant à soutenir l’industrie audiovisuelle et cinématographique dans son ensemble.
En France, c’est le groupe de protection sociale du secteur de la culture Audiens qui est chargé de déployer ce fonds. Cogérée paritairement par les syndicats, l’institution avait déjà mis en place une aide sociale d’urgence pour les professionnels de la culture les plus fragiles : journalistes pigistes, intermittents en fin de droits… Mais le groupe se retrouve saturé de demandes. « Alors qu’Audiens recevait en moyenne 2 200 dossiers par an concernant ce fonds d’urgence, on en est à 1 500 en trois semaines », s’inquiète Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération nationale CGT des syndicats du spectacle, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC).
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TémoignagesEntre démarches administratives, gestion des fournisseurs, relations avec les banques, et incertitudes sur l’après, des commerçants de Marseille, Nantes, Paris ou Oléron, racontent leur quotidien au « Monde ».
Depuis mi-mars, ce sont environ 250 000 hôtels, cafés, restaurants, et quelque 136 000 commerces de détail non alimentaires, qui n’ont pas accueilli un seul client dans leurs établissements. Si la totalité du secteur de l’hôtellerie et de la restauration est à l’arrêt, le tissu commercial est, lui aussi, touché de plein fouet : selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la fermeture concerne 45 % des commerces en France, soit un tiers des emplois et un peu plus d’un quart du chiffre d’affaires du secteur. Autant d’entreprises aux premières loges de la crise économique.
La Banque de France indiquait, mercredi 15 avril, une chute de 24 % des ventes dans le commerce de détail en mars, alors que les boutiques ont connu un demi-mois d’activité. Avec un mois d’avril à zéro et une faible visibilité pour l’avenir, les perspectives sont sombres pour ces petits commerçants, à la trésorerie fragile. Certains tentent de s’en sortir malgré tout en innovant, non sans difficultés.
« Est-ce que je vais tout perdre ? »
Arnaud Gauthier, cogérant du restaurant La Maca, à Nantes
Un mois après le placement du pays en confinement, Arnaud Gauthier, 47 ans, a perdu le sommeil. « Je me relève trois ou quatre fois dans la nuit, rapporte le cogérant du restaurant La Maca. à Nantes. C’est terre à terre, sans doute égoïste, mais, dans ces moments-là, je regarde les murs de ma maisonnette et je me demande : est-ce que je vais tout perdre ? »
Le samedi 14 mars, l’homme, qui travaille avec sa compagne, a plongé dans l’inconnu. « On a ouvert le restaurant en septembre 2019 avec onze salariés. On a essuyé toutes les manifs [de « gilets jaunes »] et là, maintenant, c’est le coup d’arrêt imposé. » Le chef d’entreprise misait originellement sur un chiffre d’affaires annuel avoisinant le million d’euros, avec un objectif de 120 couverts par jour. L’homme, qui a le statut de travailleur non salarié, ne perçoit aucun revenu. Même si les banques ont « décalé les remboursements », il conserve sur les bras un prêt pour l’achat du fonds de commerce supérieur à 600 000 euros. « Si je dévisse, est-ce qu’on va me demander de rembourser mes dettes toute la vie, alors que je suis confronté à une crise à laquelle je ne peux rien ? », s’inquiète ce père d’une adolescente de 16 ans.
En attendant, M. Gauthier, qui tient aussi un bar avec cinq salariés, s’est ingénié à payer l’essentiel de ses fournisseurs. Il a avancé les salaires des employés mis au chômage partiel, dans l’attente d’être remboursé par les services de l’Etat.
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L’économie américaine continue de tomber comme une pierre. Pour la semaine achevée le 11 avril, 5,245 millions de personnes se sont inscrites au chômage aux Etats-Unis. En quatre semaines, 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi dans un pays où la population active est de 165 millions. Le taux de chômage n’est pas connu, mais devrait s’envoler de 3,5 % avant crise à près de 17 %. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour 2020 une récession de 5,9 % (moins sévère que celle de 7,5 % attendue dans la zone euro) avant un rebond de 4,7 % en 2021.
La crise concerne l’offre et la demande, comme l’ont confirmé les premiers indices publiés mercredi 15 avril. Usines fermées, chaînes de valeurs interrompues : la production industrielle américaine a connu, en mars, son plus fort recul depuis 1946, avec une baisse de 5,4 %. Côté consommation, la situation est, elle aussi, pire qu’attendu avec un recul des ventes de détail de 8,7 %. Du jamais-vu depuis la création de la statistique au début des années 1990. Si les Américains se sont rués dans les épiceries et drogueries pour faire des réserves de produits de première nécessité, ils ont déserté les bars et les restaurants (un quart de chiffre d’affaires en moins), les magasins d’habillement (ventes divisées par deux), les concessionnaires automobiles (moins 25 %) et restent confinés.
Des fonds engloutis en quelques jours
Le gouvernement fédéral et les Etats ont paré au plus pressé. Douze millions d’Américains ont touché le chômage la semaine dernière. Ceux qui ont perdu leur emploi ont droit à une indemnisation fédérale de 600 dollars maximum (550 euros environ) par semaine pendant près de neuf mois. Cette somme s’ajoute aux indemnités versées par les Etats, qui peuvent atteindre 500 dollars. Les 150 millions d’Américains gagnant moins de 75 000 dollars (69 200 euros) par an ont commencé à recevoir du Trésor une aide individuelle de 1 200 dollars (plus 500 dollars par enfant). La procédure aurait été retardée de quelques jours parce que Donald Trump a exigé que son nom figure en paraphe en bas des chèques.
Les fonds mis à disposition des entreprises par le Congrès ont été engloutis en quelques jours. Plus de 1,4 million de PME ont obtenu le feu vert de l’administration pour recevoir 350 milliards de dollars de prêts, non remboursables s’ils sont destinés à payer les salariés. Le Congrès réfléchit à ouvrir une nouvelle enveloppe de 250 milliards supplémentaires. Les grandes compagnies les plus menacées ont été renflouées en urgence, telles les compagnies aériennes qui devraient recevoir quelque 25 milliards de dollars de subvention, remboursables à hauteur de 30 % seulement. La restructuration de l’industrie pétrolière texane, en déconfiture avant l’épidémie, s’annonce des plus violentes.
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Est-ce un signe d’écoute ou une démonstration de force ? Amazon a décidé de fermer tous ses sites logistiques en France, à partir du jeudi 16 avril, jusqu’au lundi 20 avril inclus, en se réservant la possibilité de prolonger cette mise à l’arrêt. L’annonce a été faite mercredi 15 avril, lors d’une réunion extraordinaire du comité social et économique (CSE), l’instance de représentation du personnel.
Ce choix intervient après l’ordonnance rendue en référé, mardi 14 avril, par le tribunal judiciaire de Nanterre. Les juges ont imposé au géant de l’e-commerce de restreindre son activité aux commandes de produits alimentaires, médicaux et d’hygiène, tant que la société n’aura pas évalué correctement les risques auxquels sont exposés ses salariés, du fait de la pandémie de Covid-19. Cet audit devra être conduit en concertation étroite avec les élus du CSE et se traduire par de nouvelles mesures de protection des équipes. Faute de quoi, l’entreprise sera tenue de payer une astreinte de 1 million d’euros « par jour et par infraction constatée ». Avant cette procédure judiciaire, l’inspection du travail avait, début avril, mis en demeure Amazon d’améliorer les conditions de sécurité pour ses collaborateurs dans cinq établissements.
« En désaccord » avec le tribunal, la filiale tricolore du groupe américain a exprimé, mercredi, son intention de faire appel, en mettant en avant les « preuves concrètes qui ont été apportées sur les mesures de sécurité mises en place pour protéger nos employés ». Elle doit, cependant, dès à présent se conformer à l’ordonnance prononcée mardi, celle-ci étant « exécutoire ».
« Trop tôt pour parler de réouverture »
L’entreprise a choisi d’aller plus loin que les prescriptions des juges – une suspension complète du fonctionnement de ses entrepôts et non pas un recentrage sur les commandes essentielles –, car elle ne peut, dit-elle en substance, pas procéder autrement pour réaliser ce qui lui est demandé. Jeudi 16 avril matin, sur LCI, Frédéric Duval, le directeur général de l’enseigne en France, a déclaré qu’il était « trop tôt pour parler de réouverture », laissant ainsi entendre que les salariés pourraient rester chez eux au-delà du 20 avril. Il a, au passage, mis en exergue les difficultés que cette situation entraîne pour d’autres entreprises, tributaires d’Amazon pour leurs livraisons.
La fermeture des centres de distribution, qui emploient un peu plus de 10 000 personnes (dont environ un tiers en intérim), suscite des réactions contrastées parmi les organisations de salariés. L’Union syndicale Solidaires, à l’origine de l’action en référé devant le tribunal de Nanterre, y voit un motif de satisfaction, tout en demeurant prudente. « On demandait la fermeture, mais si c’est un enfumage, pour repartir mardi comme si de rien n’était… », s’inquiète Laurent Degousée, du syndicat SUD-Commerce, une composante de Solidaires.
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Pertes et profits. C’est nuitamment, mardi 14 avril, que le conglomérat chinois HNA a averti ses créanciers qu’il reportait le paiement de sa dette de 2013 d’un an. Ceux qui ont acheté celle émise en 2015 n’en mènent pas beaucoup plus large, puisque sa cotation a été suspendue la même semaine. HNA est tout simplement au bord de la faillite. Son activité première, Hainan Airlines, la quatrième compagnie aérienne de Chine, a déjà perdu plus de 4 milliards d’euros au premier trimestre et n’a plus les moyens de tenir.
Elles seront les premières victimes visibles de la crise. Dès le mois de mars, l’association internationale du transport aérien (IATA) prévenait que la plupart de ces compagnies ne pourraient pas tenir au-delà de mai. Le milliardaire américain Warren Buffett a coutume de dire qu’il n’y a pas plus mauvais investissement que l’aérien, métier structurellement en perte depuis sa création et qui ne survit que grâce au soutien des Etats.
Cela n’a jamais été aussi vrai, mais le séisme est aujourd’hui d’une magnitude inédite. Aucune entreprise de ce secteur n’est épargnée. L’Australie pleure pour ses deux champions, Virgin et Qantas, l’Afrique voit ses trois seules compagnies de rang international mordre la poussière : Ethiopian Airlines, la seule rentable du continent, Kenya Airways et South African Airways. Déjà en dépôt de bilan, cette dernière est désormais à court de liquidités.
Souci de souveraineté
En Europe et aux Etats-Unis aussi, les pavillons nationaux sont en déroute et en appellent aux gouvernements. Tous ont compris qu’il faudrait en passer par des nationalisations au moins partielles : la France et les Pays-Bas pour Air France-KLM, l’Allemagne pour Lufthansa et même le Royaume Uni pour IAG, maison mère de British Airways. Aux Etats-Unis, les American Airlines, Delta et Southwest Airlines ont dû également se résoudre à inviter l’Etat dans leur capital.
Nous vivons en direct le crash d’une industrie. Personne n’y échappera. Le sort de Hainan Airlines sera probablement d’être avalé par un concurrent étatique. Ces nationalisations massives répondent plus à un souci de souveraineté qu’à une quelconque rationalité économique. Discours dorénavant à la mode. Mais les Etats, affaiblis par l’effondrement de leurs recettes et l’explosion de leur dette, pourront-ils tous sauver leurs fleurons à fonds perdu, alors qu’il y a tant à faire de tous côtés ?
La crise née des attentats du 11 septembre 2001 a profondément changé la physionomie du secteur, notamment en Europe avec, entre autres, la disparition de Sabena et Swissair. Le cataclysme actuel, bien plus violent, avec une économie mondiale appauvrie, redessinera le secteur plus sensiblement encore. Les survivants en sortiront renforcés, mais redécolleront sur un champ de ruines.
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Pour préparer le retour des salariés sur site à partir du 11 mai, l’évaluation des risques à réaliser, en concertation avec les salariés et les services de santé, est considérable. Elle doit être minutieuse et sera contrôlée par l’inspection du travail. Il ne s’agit pas simplement de distribuer masques et savon, mais bien de prévenir les risques sur chaque poste de travail avec une organisation spécifique garantissant notamment le respect des gestes barrières et de la distanciation sociale.
Quelle que soit leur activité, les entreprises ont l’obligation renforcée en période de pandémie de mettre en œuvre strictement les règles relatives à la protection de la santé et à la sécurité du personnel. De manière habituelle, selon les articles L 4121-1 et suivants du code du travail, l’entreprise doit évaluer les risques de son activité dans un document unique d’évaluation des risques (DUER), puis mettre en œuvre des « actions de prévention » et des « méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection ».
Cette obligation est renforcée en cas d’exposition à un agent biologique dangereux. Certes cette exposition peut être inhérente à l’activité même de l’entreprise (exemple du laboratoire d’analyses médicales). Toutefois l’article R4421-1 pose le principe que si l’évaluation révèle l’existence d’un « risque spécifique », certaines des règles, plus strictes, de prévention des risques biologiques prévues aux articles R4424-2 et suivants s’appliqueront.
« Risque de propagation »
Dans le contexte d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, toutes les entreprises doivent donc compléter leur DUER en évaluant le risque spécifique de transmission de ce virus en leur sein, en tenant compte de la distance entre les postes de travail, de la circulation des salariés, etc.
En l’état des connaissances médicales diffusées sur ce virus, l’entreprise doit tenir compte du fait qu’il se transmet par les gouttelettes produites par la respiration, qu’il reste présent sur des surfaces pendant un temps indéterminé, que la contagion peut provenir d’une personne non symptomatique, et qu’il s’agit d’un agent biologique pathogène du groupe 4 défini à l’article R4421-3, à savoir qu’il provoque « des maladies graves chez l’homme et constitue un danger sérieux pour les travailleurs. Le risque de (sa) propagation dans la collectivité est élevé. Il n’existe généralement ni prophylaxie ni traitement efficace ».
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ReportageMalgré une activité en baisse et des risques de contamination par le SARS-CoV-2, les livreurs à vélo continuent de transporters courses et repas.
Mis à part quelques sans-abri, on ne voit plus qu’eux dans l’espace public. Vidées par l’épidémie de Covid-19, les rues semblent presque leur être offertes. Sur leurs vélos, ils descendent les boulevards ou patientent dans l’attente d’une commande. Leur sac à dos isotherme siglé annonce qu’ils roulent pour Uber Eats, Deliveroo, Stuart ou Frichti. Ils livrent repas et courses à ceux qui n’osent, ne veulent, ne peuvent ou ne doivent plus sortir.
« Si je tombe malade, c’est la volonté de Dieu. » Charly se veut philosophe. Cet Ivoirien de 25 ans est coursier pour la plate-forme Stuart, filiale de La Poste, et il n’a pas peur d’attraper le virus. Au début du confinement, il avait pourtant décidé de rester chez lui, dans l’appartement qu’il occupe avec son père, agent de sûreté et toujours en activité. Puis des amis livreurs lui ont dit : « C’est bon, tu peux venir. » Et Charly a pensé : « Puisque d’autres travaillent, pourquoi pas moi ? » Au bout de deux semaines, il est donc reparti arpenter Paris et sa banlieue.
Pouvait-il en être autrement ? Micro-entrepreneurs, les coursiers à vélo ne peuvent pas faire valoir un droit de retrait ou être placés en chômage partiel. Arrivé en France en octobre 2019, Charly est en situation irrégulière. Hormis une courte expérience de manœuvre dans le bâtiment, il n’a pas trouvé d’autre source de revenus que la livraison. Il travaille grâce au compte Stuart ouvert au nom de son père, en situation régulière, lui.
« Hier, ça n’a pas marché, j’ai fait 33 euros »
Par une journée d’avril à la météo clémente, Charly a ainsi charrié sur son dos de la charcuterie, des bretzels, de la bière, de la confiture, des oranges et des branches de céleri, un filet de bar ou encore des merguez et des mousses au chocolat.
Il a réalisé, en huit heures de travail et une douzaine de livraisons, 73 euros de chiffre d’affaires, auxquels il faudra retrancher 22 % de charges sociales. En période de confinement, il y a des journées plus difficiles : « Hier, ça n’a pas marché, j’ai fait 33 euros », nous confiait, mercredi 15 avril, le jeune homme.
Le secteur de la livraison a été bousculé par la crise sanitaire. « L’activité est très clairement en baisse », note Pierre, un livreur parisien de 37 ans, qui pédale pour Deliveroo. Depuis le début du confinement, il estime gagner aux alentours de 10 euros de l’heure. « Avec les cotisations, je suis en dessous du smic, note-t-il. Alors que je travaille le soir et le week-end. »
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Quasi neuf millions de salariés. Le dernier chiffre communiqué sur le dispositif exceptionnel d’activité partielle mis en place dans le contexte de la pandémie donne le vertige. L’indemnité de chômage partiel ne constituant pas un salaire et n’étant donc pas soumise à cotisations retraite, se pose, pour les actifs concernés, la question de l’impact de cette situation sur leurs futures pensions…
« Autant rassurer tout de suite : pour la plupart des salariés, les conséquences sur la retraite de quelques semaines de chômage partiel seront inexistantes ou faibles. Notre système de retraite est protecteur, les règles de calcul des pensions permettent aux salariés de ne pas y laisser trop de plumes quand ils font face à un accident de la vie et ne cotisent pas », souligne Dominique Prévert, du cabinet Optimaretraite.
Aucun trimestre perdu pour la plupart des salariés
« On ne peut toutefois pas dire que le chômage partiel sera sans effet. Pour comprendre les potentiels impacts, et qui serait concerné, il faut entrer dans le détail du calcul des pensions, qui est tout sauf simple », poursuit-il.
Commençons par les pensions de base du régime général, versées par l’Assurance-retraite. La règle est la suivante : le chômage partiel ne permet pas d’engendrer des trimestres, contrairement au chômage indemnisé « traditionnel ».
N’en déduisez toutefois pas, si vous êtes au chômage partiel, que vous serez amené à partir plus tard à la retraite. La plupart des salariés en activité partielle auront tout de même leurs quatre trimestres en 2020. Rappelons en effet que pour engranger quatre trimestres sur l’année civile, un salaire de 6 090 euros touché en 2020 suffit (soit 600 fois le montant du smic horaire) – le salaire brut requis pour valider un trimestre s’élevant à seulement 1 522,50 euros.
Autrement dit, si le reste de l’année, vous avez ces 6 090 euros de salaire brut en dehors de votre indemnité de chômage partiel, vous ne subirez aucune perte de trimestres. Un salarié payé au smic, par exemple, remplit cette condition en seulement quatre mois de salaire.
Les temps très partiels affectés
« La question de l’impact en termes de trimestres se pose uniquement pour les personnes qui, à cause de leur chômage partiel, seront amenées à percevoir moins de 6 090 euros de salaire brut au total dans l’année », note M. Prévert. Celles travaillant à temps très partiel, notamment.
Pour un salarié à temps partiel, dont le salaire brut s’élève habituellement à 550 euros par mois, et 6 600 euros sur l’année (rémunération sur douze mois), un mois de chômage partiel abaissera par exemple sa rémunération brute annuelle soumise à cotisations à 6 050 euros, ce qui ne lui permettrait de valider que trois trimestres, en l’état actuel de la réglementation (il n’atteindrait pas les 6 090 euros).
« L’impact du chômage partiel sur les très bas salaires annuels dépendra de combien de temps durera la situation », ajoute M. Prévert. Pour un salarié rémunéré 600 euros bruts par mois et donc, habituellement, 7 200 euros sur l’année, un mois de chômage partiel fera passer sa rémunération annuelle à 6 600 euros en 2020, montant suffisant pour obtenir quatre trimestres. Deux mois, en revanche, lui feraient perdre un trimestre (rémunération brute abaissée à 6 000 euros).
Un dispositif dérogatoire en vue ?
Pas sûr, toutefois, que des trimestres soient réellement « perdus » dans l’affaire, même pour les salariés travaillant à temps très, très partiels. Le gouvernement réfléchit en effet à introduire un dispositif dérogatoire à même de neutraliser l’impact pour les personnes concernées.
Pour le calcul des trimestres, les périodes d’activité partielle pourraient par exemple être considérées comme des « périodes assimilées », comme le sont déjà les arrêts-maladie ou encore le chômage indemnisé classique.
« Il n’y a pas de raison, dans le contexte, de traiter différemment une personne en arrêt pour maladie, une autre en congé pour garde d’enfant, et une autre en activité partielle », confie un proche du dossier.
L’impact sur le salaire de référence et les points Agirc-Arrco
« Si elle n’impactera pas le quota de trimestres de la plupart des salariés, la période d’activité partielle pourrait affecter, à la marge, le montant de la future pension de base si elle joue sur le salaire de référence pris en compte pour calculer la pension de base, le salaire moyen des vingt-cinq meilleures années », complète Dominique Prévert. « Mais là encore, pour des raisons très techniques relevant du complexe calcul de la pension de base, l’impact devrait être généralement faible ou inexistant. »
Le principal risque est qu’en réduisant le salaire soumis à cotisation que vous recevrez en 2020, votre période de chômage partielle ne fasse sortir cette année de vos vingt-cinq meilleures, si toutefois elle devait y figurer, pour la remplacer par une autre année…
Quid des pensions complémentaires, versées par l’Agirc-Arrco ? Si vous touchez une indemnité d’activité partielle, des points peuvent vous être attribués à une condition : que la durée de l’activité partielle dépasse soixante heures en 2020. Ce qui devrait être le cas pour la plupart des salariés concernés.
Et le congé pour garde d’enfant ?
Autre dispositif exceptionnel ouvert depuis la fermeture des crèches et écoles le 16 mars : l’arrêt de travail pour garde d’enfant. Les indemnités journalières versées par l’Assurance-maladie ne sont pas soumises à cotisations, mais les périodes compteront quand même pour la pension de base du régime général : un trimestre sera accordé tous les soixante jours d’indemnisation (sans pouvoir vous amener à dépasser quatre trimestres sur l’année). Ces indemnités ne compteront en revanche pas dans le calcul du salaire moyen de vos vingt-cinq meilleures années.
Pour la pension Agirc-Arrco, ces semaines seront traitées comme des périodes d’incapacité de travail et conféreront donc des points seulement si l’arrêt dure au moins soixante jours consécutifs. Combien de points seront acquis si vous entrez dans ces critères ? Autrement dit, si le dispositif demeure ouvert au moins soixante jours et que vous avez pris le congé sans interruption sur ce nombre de jours – compliqué si le congé a été partagé entre les deux parents. Le calcul sera généralement basé sur les points acquis en 2019.
Exemple : Tom a acquis 120 points en 2019, donc 0,3288 point par jour. S’il prend en 2020 quatre-vingt-dix jours de congé garde d’enfant, il obtiendra, au titre de l’incapacité de travail, 90 x 0,3288 = 25,59 points – en plus des points acquis par ses cotisations du reste de l’année (sans pouvoir acquérir, au total en 2020, plus que les 120 points de 2019).
Combien de points ? « L’attribution se fera non pas sur la base de l’indemnité touchée, mais du salaire touché l’année de l’activité partielle », explique François-Xavier Selleret, directeur général du régime. Le nombre de points obtenu au final sera celui que vous auriez eu si vous aviez touché votre salaire habituel pendant la période, légèrement diminué en raison de la période de carence de soixante heures qui s’applique.
Le temps de Vivarte est compté. Le groupe a annoncé mercredi 15 avril qu’il va demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Paris pour son enseigne La Halle. La décision s’est imposée au président de Vivarte, Patrick Puy, compte tenu « du rythme de consommation de cash » au sein du groupe qui, outre La Halle, détient les chaînes Minelli et Caroll. Ces deux dernières enseignes ne sont pas concernées.
La Halle − concurrent de Kiabi et qui exploite 850 magasins d’habillement et de chaussures − a consommé l’essentiel des 100 millions d’euros de trésorerie, absorbés depuis fin août 2019, a assuré M. Puy, lors d’une conférence téléphonique avec la presse, mercredi 15 avril. La fermeture des magasins, mi-mars, à la suite de la mise en place des mesures de confinement, a accéléré cette dégradation. « Le Covid-19 nous a assassinés », avance M. Puy. Entre le 15 mars et le 11 mai (date théorique de réouverture des magasins d’habillement en France),le groupe pourrait avoir perdu 106 millions d’euros de chiffre d’affaires. « Au risque de placer l’entreprise en cessation de paiements fin mai », explique M. Puy.
Pour l’éviter, Vivarte a donc recours à cette procédure de sauvegarde « qui permet de donner un cadre clair à la suspension des paiements », explique Noam Ankri, associé du cabinet d’avocats Ashurst, spécialiste de la restructuration des sociétés. L’enseigne peut ainsi éviter le paiement des loyers de ses magasins à ses bailleurs.
Une « telle panade »
Que deviendra le groupe ensuite ? Le dirigeant affirme déjà savoir quelles sont les autres mesures nécessaires pour la survie de Vivarte qui emploie 6 500 salariés et génère 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires. La Halle doit réduire son parc de magasins de 820 unités, pour n’en exploiter que 600 environ, estime le spécialiste de la restructuration d’entreprises qui dit « rêver de sauver 3 500 à 4 000 postes au sein de La Halle ». L’enseigne emploie aujourd’hui 5 500 personnes.
A en croire le dirigeant, 150 à 200 points de vente La Halle doivent être « cédés ou fermés ». Toutefois, une fermeture semble probable. Car « vendre des magasinsrelèvera de l’exploit », observe M. Puy, alors que le marché tricolore de la distribution d’habillement est à la peine depuis une douzaine d’années et que rares sont les investisseurs « às’y intéresser ».
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Emmanuel Macron l’a promise le 25 mars, elle est au programme du conseil des ministres du mercredi 15 avril : certains fonctionnaires toucheront une prime pouvant aller jusqu’à 1 000 euros. C’est Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique, qui l’a annoncé aux syndicats, mardi 14 avril, lors de la réunion en visioconférence qu’il tient chaque semaine avec les organisations représentatives de la fonction publique. Certains aspects seront inclus dans le projet de loi de finances rectificative qui devait être présenté mercredi par le gouvernement.
Evoquant « reconnaissance » et « respect » vis-à-vis des agents publics mobilisés dans la lutte contre le coronavirus, Emmanuel Macron avait, fin mars, annoncé avoir demandé au gouvernement « d’apporter une réponse claire, forte et de court terme pour l’ensemble des personnels soignants comme pour l’ensemble des fonctionnaires mobilisés, afin de majorer les heures supplémentaires effectuées et sous forme d’une prime exceptionnelle pour pouvoir accompagner financièrement cette reconnaissance », a-t-il dit.
La prime sera exonérée d’impôts et de cotisations sociales, ainsi que le demandaient les employeurs territoriaux. Elle sera versée aux agents des trois « versants » (Etat, collectivités locales, hôpitaux) qui font face à un important surcroît de travail, notamment dans le cadre des plans de continuité d’activité, sur place ou à distance. Elle sera également modulable, c’est-à-dire fixée individuellement en fonction de l’engagement de l’agent, de la durée de sa mobilisation, etc. Pour la fonction publique de l’Etat, 400 000 agents sont concernés et cela représentera 300 millions d’euros, a précisé M. Dussopt.
« La prime n’est pas ce qui rendra la santé aux fonctionnaires »
Pour les personnels hospitaliers, la prime sera d’un montant plus élevé : de 500 ou 1 500 euros, a assuré le premier ministre, Edouard Philippe, à l’issue du conseil des ministres, mercredi. Elle sera modulée en fonction de la prise en charge ou non de victimes du Covid-19 par les établissements. D’ailleurs, pour les agents des hôpitaux et des Ehpad, le gouvernement va décider du paiement rapide des heures supplémentaires. Celles-ci, en effet, sont le plus souvent récupérées ou placées sur un compte épargne-temps. Cela représentera 1,3 milliard d’euros, a précisé le ministre de la santé, Olivier Véran.
« La prime n’est pas ce qui rendra la santé aux fonctionnaires, rappelle Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat (CGT).La priorité avant de donner de l’argent, c’est que tous les agents qui travaillent dans des conditions parfois dantesques disposent des moyens de protection nécessaires. Après la crise, nous ne revendiquerons pas tant une prime qu’une véritable négociation salariale. »
Solidaires, de son côté, regrette la modularité de la prime. « Cela va créer des problèmes entre les agents dans les services, prévient Gaëlle Martinez, déléguée générale fonction publique.Surtout que l’on ne choisit pas non plus les missions qu’on exerce. Certains fonctionnaires seront exclus. »
Une ordonnance sera également présentée en conseil des ministres concernant les congés. L’Etat pourra imposer jusqu’à dix jours de congés et/ou de RTT pendant la période de confinement aux agents qui ont reçu l’autorisation de s’absenter, et cinq jours pour ceux qui télétravaillent, comme dans le privé. Les jours de congés déjà demandés et pris par les agents durant ces périodes seront décomptés. Les enseignants, les agents qui sont restés en activité et les personnels hospitaliers ne sont pas concernés par ces mesures.
« Cette mesure apparaît comme punitive et malvenue », a réagi Luc Farré, secrétaire général de l’UNSA Fonction Publique, considérant que la prime est « gâchée par une suppression de jours de congés ».