La fraise cultivée en Espagne pousse sur la misère

La fraise cultivée en Espagne pousse sur la misère

Une travailleuse marocaine des fraises devant son logement à Almonte (Huelva), en Espagne, en juin 2019.
Une travailleuse marocaine des fraises devant son logement à Almonte (Huelva), en Espagne, en juin 2019. MARIA CONTRERAS COLL / THE NEW YORK – REDUX – REA

Robe longue et foulard noué sur la tête, elles marchent, par petits groupes, le long des serres de fraises qui s’étendent à perte de vue dans la province espagnole de Huelva, en Andalousie. Sous le soleil de cette fin d’après-midi, au mois de février, sur le large Camino del Fresno, une route de terre entre Moguer et Lucena del Puerto, ces Marocaines croisent, sur leur chemin, des migrants subsahariens, filant à vélo, et des travailleurs espagnols, dont les voitures soulèvent le sable. Avant que la nuit ne tombe, elles se dirigent vers les bâtiments ou les modules de chantier où elles sont hébergées durant la saison des fruits rouges, de janvier à juillet. Les migrants subsahariens, pour leur part, regagnent l’un des trente bidonvilles qui parsèment la province, où ils vivotent sans eau ni électricité, dans de grandes tentes faites de cartons, de palettes de bois, de toiles et de vieilles couvertures.

En visite à Huelva, première région exportatrice de fraises d’Europe, avec 11 700 hectares consacrés à la culture de fruits rouges, le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU), Philip Alston, a émis un compte-rendu préliminaire accablant, le 7 février. Consterné par les conditions « déplorables » des bidonvilles où vivent des travailleurs des serres, « bien pires que dans un camp de réfugiés », il a appelé les administrations locale et nationale, ainsi que les entreprises du secteur à trouver une solution plutôt que de « se renvoyer la balle ».

« Cela fait dix ans que nous demandons aux administrations de mettre fin à cette situation inhumaine, alors que nous n’en sommes pas responsables », assure José Luis Garcia-Palacios, d’Interfresa

Le gouvernement de gauche espagnol a réagi en annonçant un changement de normes, afin que les inspecteurs du travail puissent effectuer des contrôles dans les campements, où la plupart des occupants sont dépourvus de papiers. Le président de l’Association interprofessionnelle de la fraise andalouse, Interfresa, José Luis Garcia-Palacios, pour sa part, qualifie de « calomnieuses » et « mensongères » les accusations de M. Alston. « Les campements illégaux n’ont rien à voir avec le secteur agricole : ils se trouvent sur des terrains publics, et cela fait dix ans que nous demandons aux administrations de mettre fin à cette situation inhumaine qui nuit à notre image, alors que nous n’en sommes pas responsables », assure au Monde M. Garcia-Palacios. Il réfute le fait que les migrants sans papiers qui y vivent travaillent dans la fraise. « Nos entreprises ne donnent pas de couvertures à ceux qui ne respectent pas la loi. »

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LJD

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