Visant un impact immédiat, des thésards et doctorants sont tentés, partout dans le monde, par la création d’entreprise. En France, sur fond de crise de la recherche, les pouvoirs publics misent sur cette tendance à travers un plan ambitieux. Portraits de cinq jeunes gens pressés qui ont plongé dans la « deep tech ».
Les filières de création d’entreprise continuent d’attirer les étudiants. Mais les conditions de travail des start-up sont parfois difficiles pour les jeunes diplômés, qu’ils soient fondateurs ou salariés.
Dans l’ancienne caserne militaire Mellinet, à Nantes, un « camp d’entraînement » est proposé chaque été depuis 2017 aux étudiants et jeunes diplômés. « Radical » et « intensif », le programme Maia Mater impose de vivre sur place pendant quatre mois et promet « de la sueur et des larmes, mais aussi du fun et de gros succès ». A la guerre comme à la guerre ? Les jeunes y sont nourris et logés aux frais de la princesse (en l’occurrence, les collectivités locales) et leur combat ne ressemble en rien à celui des poilus. Au programme des hostilités : se préparer à devenir un primo-entrepreneur, quitte à travailler jour et nuit dans la douleur. « Gratuit et garanti sans bullshit », Maia Mater s’adresse sans détour aux « acharnés, avec une problématique qui les obsède », lacréation de leur entreprise.
Son fondateur, Quentin Adam, a lui-même créé sa start-up en 2010, Clever Cloud, et a failli y laisser sa santé. « Les premières années, on a fait n’importe quoi. J’ai pris 40 kg et j’ai arrêté de dormir », raconte-t-il au téléphone, le souffle court, en direct de la salle de sport qu’il fréquente désormais quotidiennement. Il a lancé sa première boîte à 18 ans, traversé moult tempêtes et un redressement judiciaire, et met aujourd’hui en garde ceux qui voudraient se risquer dans cet univers impitoyable : « Il faut être un guerrier prêt à travailler dur pour aller sur ce terrain. Ça fait rêver, mais ensuite on est confronté à la réalité. »
Des filières attractives en école de commerce
Sans filtre et rugueux, le discours du CEO (chief executive officer, « directeur général ») nantais dénote au sein d’un milieu, « l’écosystème », que beaucoup regardent avec des étoiles dans les yeux. Un débouché auquel rêvent bon nombre d’étudiants des écoles de commerce, qui continuent de s’inscrire dans les filières de création d’entreprise. Neoma Business School, par exemple, est passée, en à peine dix ans,de 33 étudiants dans la majeure « entrepreneuriat » à plus de 250. « De plus en plus de jeunes veulent travailler dans les start-up, c’est une tendance de fond, constateDenis Gallot, directeur du StartupLab de l’école, regroupant trois incubateurs et deux accélérateurs. On fait de la sensibilisation à l’entrepreneuriat auprès des élèves, en leur demandant de partir d’une idée pour la soutenir ensuite devant un jury professionnel, avec un business plan. On espère ensuite qu’ils basculent de l’autre côté de la force. »
Directrice de recherches CNRS au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société /IDHES-Paris X Nanterre.
Reprenant les déclarations de Gabriel Attal sur « les coûts évités par l’Etat grâce aux associations », la sociologue Maud Simonet dénonce, dans une tribune au « Monde », le recours croissant au bénévolat pour assurer à moindre frais les tâches de service public
Publié aujourd’hui à 06h00Temps de Lecture 3 min.
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Tribune. Formulée la veille d’Halloween, la déclaration de Gabriel Attal, secrétaire d’Etat à l’éducation nationale, sur « les coûts évités par l’Etat grâce aux associations » en a, à juste titre, épouvanté plus d’un. « Si l’Etat gérait ce que font les 70 000 bénévoles des restos du cœur, si c’était des permanents payés au SMIC par l’Etat, cela coûterait 200 millions d’euros par an », a affirmé mercredi 30 octobre M. Attal lors de son audition par la commission culturelle de l’Assemblée Nationale. « Ce sont des bénévoles, c’est une économie », a-t-il ajouté, soulignant qu’à ce titre les associations étaient « une chance et pas seulement un coût pour l’Etat ».
Il y a, en soi, une certaine violence à mettre ainsi en équivalence les valeurs civiques (l’attention aux autres, le sentiment d’injustice, le militantisme) qui poussent certaines personnes à s’engager aux Restos du cœur (ou ailleurs), et la valeur monétaire des économies réalisées par l’Etat grâce à ces engagements. Mais cette violence symbolique ne prend-elle pas une signification bien particulière, finalement politique, quand cette équivalence est ainsi formulée depuis les sommets de l’Etat ? Car le problème principal posé par cette déclaration est sans doute, non pas ce qui est dit à proprement parler, mais qui dit cela…
Que le bénévolat ne soit pas seulement de l’engagement et de la citoyenneté mais aussi du travail, du travail invisible et gratuit qui fait bel et bien fonctionner nos associations mais aussi nos services publics (et, de façon croissante depuis le développement d’internet, nos entreprises également), ce n’est pas la sociologue du travail que je suis qui le contredirait. Que certaines associations ou certains statisticiens puissent vouloir valoriser monétairement le travail bénévole pour rendre visible son poids social et sa valeur économique, comme les féministes l’ont fait il y a plus de 40 ans avec le travail domestique, cela se comprend aussi aisément.
Des statuts hybrides entre bénévolat et salariat
Mais qu’un représentant du gouvernement puisse, selon ses propres termes, « défendre assos et bénévoles » au moyen de cet argument est pour le moins perturbant. Car il manque un chaînon au raisonnement : l’Etat, en effet, ne fait pas qu’utiliser le travail des bénévoles des Restos du cœur comme de tant d’autres associations, il le suscite…
Depuis des années, les pouvoirs publics développent de véritables politiques du bénévolat en soutenant le développement de cette pratique dans tel ou tel secteur, en le valorisant par différents dispositifs (valorisation des acquis de l’expérience, compte d’engagement citoyen…), en l’intégrant dans la mise en œuvre des politiques publiques (dispositif réussite éducative, réforme des rythmes scolaires…), en créant de nouveaux statuts hybrides entre bénévolat et salariat comme les différents types de volontariats devenus en 2010 service civique, lui-même étendu en 2015 aux services publics.
Annoncée en septembre 2018 par Emmanuel Macron, la refonte des « prestations de solidarité » vient d’entrer dans une phase délicate : celle de la définition de son champ d’application. Dans le cadre de la réflexion engagée sur ce projet, une note, diffusée samedi 9 novembre par le ministère des solidarités, expose plusieurs « scénarios de regroupement » d’allocations. Réalisé par Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du revenu universel d’activité (RUA), ce document de quelque 80 pages avait été remis, jeudi, aux organisations de lutte contre l’exclusion.
Il ne s’agit, à ce stade, que de pistes, aucun arbitrage n’ayant encore été rendu : elles passent en revue des possibilités de solutions qui vont plus loin que le schéma esquissé par le président de la République, il y a un an. Le secteur associatif craint que de telles idées, si elles se concrétisent, fassent beaucoup de perdants.
La démarche de l’exécutif repose sur le constat qu’« il faut d’urgence refonder un système de protection sociale devenu dangereusement illisible pour nos concitoyens », aux yeux de Christelle Dubos, la secrétaire d’Etat chargée du dossier. A l’heure actuelle, il existe dix minima sociaux – parmi lesquels le revenu de solidarité active (RSA) –, auxquels s’ajoutent la prime d’activité et les aides personnelles au logement (APL). Attribuées sous conditions de ressources, ces allocations sont, en partie cumulables et obéissent à des règles différentes, notamment en matière d’éligibilité et de calcul.
Elles constituent « un filet de sécurité indispensable », comme l’indique M. Lenglart dans son rapport, mais s’avèrent terriblement complexes. Résultat : de nombreuses personnes ne les réclament pas alors qu’elles y ont droit. En outre s’insinuent dans les esprits « un sentiment d’injustice, voire des soupçons d’abus », selon M. Lenglart.
La réforme cherche donc à simplifier le dispositif et à le rendre plus équitable. Elle veut aussi garantir que la reprise d’une activité professionnelle augmente le revenu des ménages concernés – ce qui n’est pas toujours le cas, les gains issus du salaire pouvant entraîner une réduction, d’ampleur équivalente, des aides.
Précision importante : la réflexion en cours part du principe que l’enveloppe budgétaire consacrée à ces prestations demeure identique. Il n’est également pas tenu compte de la hausse du recours aux allocations, bien que celle-ci soit recherchée par le gouvernement et qu’elle ait un coût. Il faudra donc trouver des financements complémentaires. Pas évident, dans un contexte de disette budgétaire.
En cet après-midi d’automne, alors que les bourrasques balaient le parvis de la Défense, des groupes d’étudiants prennent l’air au pied de la tour First, géante de verre et de béton. Ils sont 200, élèves de grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, à avoir répondu à l’invitation du cabinet Ernst & Young. Organisé pour la première année, cet événement, baptisé EY First Date (« premier rendez-vous EY», le vocabulaire est celui de la rencontre amoureuse), vise « à parler d’humain aux étudiants, à leur montrer notre culture d’entreprise », explique Pierre Constant, associé chargé du recrutement chez EY, en baskets blanches.
Au programme : rencontres informelles avec des associés, ateliers « lutte contre le changement climatique », « place de l’humain dans le travail en équipe », « soft skills », « biais décisionnels »… Une véritable opération séduction. A l’issue de la journée, Albane Demurger, étudiante à l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae), est ravie. Elle prévoit de postuler en stage : « Les métiers sont beaucoup plus divers que ce que je pensais. »
Face aux aspirations des jeunes diplômés, le secteur du conseil et de l’audit ne fait plus autant rêver. Horaires à rallonge, compétition, stress, manque de sens sur l’utilité du travail et management hyperhiérarchisé rebutent un nombre grandissant d’étudiants des grandes écoles. Des élèves qui, il y a dix ou quinze ans, s’y seraient dirigés sans se poser de question. Les cabinets disent devoir s’adapter pour continuer à attirer les meilleurs profils. « Ce n’est pas qu’il y a moins de candidats à l’entrée, car il y en a toujours. Mais plutôt qu’ils attirent moins d’étudiants brillants, car ceux-ci ont d’autres débouchés qui peuvent paraître plus attrayants », explique Sébastien Stenger, enseignant-chercheur en sciences de gestion et auteur de l’ouvrage Au cœur des cabinets d’audit et de conseil(PUF, 2017).
L’attrait des start-up
« Depuis une dizaine d’années, les grands groupes attirent de moins en moins nos étudiants, souligne Hélène Löning, professeure à HEC. Auparavant, les cabinets de conseil étaient un peu considérés comme des troisièmes cycles d’apprentissage, en raison de la variété des missions. Mais l’aventure start-up peut offrir les mêmes perspectives, le côté excitant en plus. »
Deux députés, André Chassaigne (PC) et Olivier Damaison (LRM), explorent, dans une tribune au « Monde » trois pistes pour que la retraite minimale d’un agriculteur ayant travaillé toute sa vie atteigne 85 % du smic.
Publié aujourd’hui à 11h51Temps de Lecture 4 min.
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Tribune. La réforme des retraites, en cours de négociation, va toucher l’ensemble des Français en 2025. Mais elle ne concernera pas les retraites déjà liquidées. S’il est une catégorie sociale qui peut réclamer, à raison et dès à présent, une revalorisation, c’est bien celle des agriculteurs.
Aujourd’hui, un agriculteur ayant travaillé toute sa vie et cotisé le nombre d’annuités requises ne touche qu’une retraite minimale équivalente à 75 % du smic. Certains retraités ne vivent même qu’avec 500 euros par mois ; une misère en regard de la difficulté et des exigences de leur profession et de son utilité majeure pour notre économie et notre autonomie alimentaire ; et une souffrance du quotidien pour tant de femmes et d’hommes âgés confrontés à la hausse du coût de la vie et à des besoins d’accompagnement et de santé liés à la dépendance.
Assurer dès maintenant une hausse de leur retraite minimale à hauteur de 85 % du smic – l’un des principaux engagements de la réforme des retraites envers tous les Français afin d’endiguer la précarité de nos retraités – ne constitue pas une demande d’exception. C’est respecter un engagement pris par l’ensemble des députés quelques semaines avant l’élection d’Emmanuel Macron, en 2017. La proposition de loi avait été votée à l’unanimité. Elle portait l’engagement d’augmenter la retraite des agriculteurs jusqu’à ce seuil.
Le refus de sa mise en œuvre immédiate a été uniquement motivé par la contrainte budgétaire. L’enjeu financier que constitue une telle revalorisation demeure. Mais nous sommes résolus à lever ensemble cette exigence budgétaire par des leviers fiscaux adaptés et pérennes.
Respect et compréhension
Nous proposons que soient étudiés différents outils de financement qui pourraient être retenus en tout ou partie, permettant d’atteindre l’objectif de 85 % du smic minimal des pensions de retraites des non-salariés agricoles, régime de base et régime complémentaire inclus.
Trois pistes sont envisageables :
– premièrement, une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières ;
– deuxièmement, une contribution d’assurance-vieillesse complémentaire instaurée sur les revenus financiers des sociétés liées au secteur agricole. Celle-ci permettrait de responsabiliser les acteurs économiques visés au regard de leur lien direct avec l’activité agricole ;
– troisièmement, enfin, le transfert du produit de la taxe sur la cession à titre onéreux des terrains nus rendus constructibles du fait de leur classement. Cette taxe créée en 2010 pourrait être renforcée, et son application rendue plus stricte au regard des contournements actuels.
Le roi de la photocopie a demandé en mariage l’inventeur de la Silicon Valley. Tous les deux sont victimes de la malédiction de la fin du papier, raconte Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde », en évoquant le destin de ces deux anciennes gloires de la high-tech américaine.
Publié aujourd’hui à 11h05, mis à jour à 11h11Temps de Lecture 2 min.
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Chronique. Ce sont deux vieilles stars mondiales, perclues de rhumatismes qui pourraient bientôt se présenter devant monsieur le maire. Xerox, le roi de la photocopie, vient officiellement de demander en mariage Hewlett-Packard, l’inventeur de la Silicon Valley. Feront-elles une union heureuse ? Elles auront en tout cas beaucoup de vieux souvenirs à se raconter. Des victoires éclatantes et des rendez-vous ratés.
Xerox a inventé l’imprimante et la photocopieuse. Elle a révolutionné la vie de bureau dans les années d’après guerre. On disait « to Xerox » au lieu de « photocopier ». Sa part de marché avoisinait les 100 %. Les autorités anti-concurrence de Washington ont dû intenter une longue action antitrust pour laisser de la place à la concurrence. Les Japonais sont arrivés, puis le numérique. La firme s’est réinventée un destin, celui de la « document company », spécialiste du passage du numérique au papier. Elle avait constaté qu’à l’âge de l’ordinateur, on n’avait jamais imprimé autant. Alors elle a creusé son sillon dans ces océans de papiers qu’étaient devenues les entreprises modernes.
Mais la conjonction d’Internet et du téléphone mobile, ajoutée à la mauvaise conscience écologique, a fini par endiguer ce flot. Que faire quand sa raison d’être s’évapore progressivement ? On restructure et on rachète la concurrence.
Hewlett-Packard est finalement victime de cette même malédiction de la fin du papier. Concurrencé de partout sur son métier de fabricant d’ordinateurs, le groupe californien, autrefois deuxième groupe mondial du secteur derrière IBM, a cru voir son salut dans les imprimantes pour particuliers. Avec un modèle économique en béton, le même que celui des rasoirs Gillette.
Préservation de sa vache à lait
On vend à prix coûtant le support de base et on se rattrape sur les consommables, en l’occurrence les cartouches d’encre qui représentent près des deux tiers des profits de la firme. Aujourd’hui, le marché baisse et les fournisseurs chinois de cartouches détruisent cette belle architecture. La société a annoncé la suppression de 16 % de ses effectifs d’ici deux ans. Trois fois plus grosse que Xerox, HP renâcle à se laisser passer la bague au doigt. Mais ses actionnaires pourraient l’y pousser.
Il aurait pu en être autrement. En 1970, Xerox au fait de sa gloire, implante un extraordinaire laboratoire de recherche sur le campus de l’université de Stanford, au cœur de la Silicon Valley. En dix ans ses chercheurs sortiront l’imprimante laser, mais aussi les interfaces graphiques pour petits ordinateurs, la souris, le réseau local Ethernet, c’est-à-dire toutes les briques de base qui feront la révolution de l’informatique personnelle. Xerox n’en comprend pas le potentiel. En novembre 1979, un certain Steve Jobs pousse la porte du labo et est ébahi par ce qu’il découvre. Ce seront les briques de base du Macintosh, mais aussi celle du Windows de Microsoft.
Saipol, filiale de la société spécialisée dans le colza, a subi de plein fouet la concurrence mondiale et l’évolution réglementaire du secteur.
Par Laurence GirardPublié aujourd’hui à 10h48, mis à jour à 16h22
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Le moteur biodiesel du groupe Avril a des ratés. Cette entreprise, bras armé de la filière colza en France et puissante firme agro-industrielle connue pour ses marques Lesieur, Puget ou Matines, a annoncé, jeudi 7 novembre, la restructuration de sa filiale Saipol, spécialisée dans les agrocarburants. Le couperet est tombé sur deux sites, ceux de Sète (Hérault) et de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), qui emploient au total 116 salariés et dont le groupe souhaite se désengager. La production se recentrerait sur les quatre autres usines françaises.
La décision est tombée alors que Saipol souffre depuis plusieurs années de contre-performance économique. Avril, ex-Sofiproteol, estime à 133 millions d’euros la perte cumulée dans cette activité entre 2015 et 2018. « Depuis la fin du soutien fiscal dont bénéficiait le biodiesel en 2015, Saipol est confronté à la volatilité des marchés mondiaux. Des marchés qui se sont structurés autour des matières premières les moins chères, comme l’huile de palme ou le soja », explique Christophe Beaunoir, directeur général de Saipol.
« Le marché s’est effondré »
Avril a donc pris de plein fouet la concurrence des agrocarburants à base d’huile de palme de Malaisie, mais aussi de soja quand l’Union européenne a levé des barrières tarifaires douanières sur le biodiesel argentin à base de cette plante. Le groupe a fait du lobbying à Bruxelles, et une plainte y avait été déposée pour concurrence déloyale, et ce afin de tenter de contrer le flux argentin. Des décisions européennes lui ont permis de redresser la barre un temps.
« La situation était plutôt favorable au second semestre 2018. Mais, au premier semestre 2019, nous avons subi une grève de nos salariés de trente-six jours [qui demandaient une revalorisation salariale]. Puis, en septembre, le marché s’est effondré. Si la récolte européenne de colza a été compliquée et que la perspective d’une raréfaction a soutenu les cours, les portes de la Chine se sont fermées au canola canadien [colza] qui s’est déversée sur l’Europe », raconte M. Beaunoir.
Une nouvelle série de turbulences qui devraient maintenir les comptes de Saipol dans le rouge, en 2019. Et qui a conduit à la décision de restructuration. Pour tenter d’améliorer son équation économique, Avril produisait aussi des agrocarburants avec du canola ou du soja, ou bien encore incorporait de l’huile de palme dans son biodiesel. En particulier dans les deux sites dont le groupe souhaite se défaire pour se recentrer sur ses sites de Bassens (Gironde), Grand-Couronne (Seine-Maritime), Lezoux (Puy-de-Dôme) et Le Mériot (Aube).
La part d’exploitations sans revenus « est particulièrement élevée dans la production de céréales et grandes cultures (30 %) et dans l’élevage d’ovins, caprins, équidés et autres animaux (28 %) », selon l’Insee.
Pour les céréaliers, cela peut s’expliquer par l’onde de choc provoquée par une année de récolte catastrophique en France en 2016, doublée d’une chute des cours mondiaux. Une situation qui a continué d’affecter les fermes françaises en 2017, la commercialisation des grains étant à cheval sur deux années. Résultat, les céréaliers ont dégagé en moyenne un revenu net avant impôts inférieur à 1 000 euros par mois cette année-là.
Toutes productions confondues les exploitants agricoles ont en moyenne enregistré un revenu net imposable mensuel moyen de 1 390 euros par mois en 2017, en progression de 8,2 % par rapport à 2016, avec d’énormes écarts selon les secteurs.
Sans surprise, la viticulture est le secteur le plus prospère, avec un revenu moyen de 2 790 euros par mois, mais en recul de 3,9 % par rapport à 2016. 2017, explique l’Insee, était une « année de petite récolte après un excellent millésime 2016 ».
En bas de l’échelle, les éleveurs d’ovins, de caprins, d’équidés tirent la langue, avec un revenu moyen de 620 euros par mois, qui recule de 9 % par rapport à celui de 2016, le tout « dans un contexte de baisse de la production et des prix de la viande ».
Pour les éleveurs de bovins, si l’année n’a pas été florissante, elle a connu un mieux en 2017 : avec 1 100 euros de revenus par mois, ils ont bénéficié d’une forme de « rattrapage » (+ 15,9 %). Dans le même temps, les revenus des agriculteurs en polyculture-élevage voyaient leur revenu moyen passer à 1 090 euros, une progression de 25,2 %. En 2016, ils avaient subi l’effondrement des prix du lait dû à la fin des quotas laitiers en 2015.
Dans le métro parisien, Nawel, 40 ans, s’est fait arracher son voile d’un coup sec, par-derrière. Quelques mois plus tard, un agent municipal chargé de faire traverser les écoliers l’a copieusement insultée avant de l’agresser physiquement. A Lyon, au passage de Samia (les prénoms ont été modifiés), 38 ans, dans une rue, un homme s’est mis à hurler : « Rentre chez toi ! » Elle portait un foulard. Fatima, une aide-soignante de 60 ans exerçant dans le Val-d’Oise a, elle, cessé son activité de visites à domicile. A la vue de son voile, certaines personnes refusaient de lui ouvrir la porte.
Petites phrases, insultes, regards de travers, grimaces et discriminations font partie du quotidien des musulmans français, qui ont le sentiment de subir les conséquences des crispations politiques et sociales croissantes autour de l’islam, selon les témoignages recueillis par Le Monde. Un climat d’inquiétude que confirme un sondage conduit par l’IFOP, au téléphone, auprès d’un échantillon de 1 007 personnes de 15 ans et plus se déclarant musulmanes, à la demande de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et de la Fondation Jean-Jaurès, rendu public mercredi 6 novembre.
Cette enquête est parfois difficile à interpréter car elle ne fait pas toujours la part entre les facteurs religieux, ethniques ou d’origine géographique. Frédéric Potier, à la tête de la Dilcrah, en admet les « limites », mais la considère comme une « base de travail et de réflexion ». Elle fournit en effet des indications utiles sur la perception par les musulmans eux-mêmes de l’hostilité à laquelle ils se disent confrontés.
Les chiffres corroborent le sentiment d’insécurité. Les musulmans sont plus nombreux (24 %) que le reste de la population (9 %) à déclarer avoir déjà été victimes d’insultes ou d’injures en raison de leur religion. Un écart existe aussi pour les actes de violence physique, même s’il est moins spectaculaire (7 % contre 3 %). Le fait d’être une femme d’une part (elles sont 30 % à déclarer avoir été insultées, contre 19 % des hommes) et celui de porter un foulard de l’autre (42 % de celles qui le portent « souvent » ont été insultées, mais aussi 27 % de celles qui ne le portent « jamais ») accroissent la probabilité d’être verbalement agressé.