Archive dans avril 2019

La tendance de l’ubérisation touche aussi les jobs étudiants

Les plates-formes digitale éblouissent les jeunes en leur offrant des missions de courte durée, sous statut d’autoentrepreneur.

CELIA GAULTIER

Mathilde n’est pas devenue fan mais presque. Divers fois par jour, cette étudiante de Sciences Po Paris se connecte à l’application Side sur son téléphone. Pour un but: trouver un petit boulot pour le lendemain, sur cette plate-forme de mise en relation entre les sociétés en sous-effectif et jeunes en quête d’argent.

« C’est génial, comme concept. On travaille quand on peut, et quand on veut. Sans avoir à chercher des jobs par nous-mêmes », déclare la jeune femme. Même satisfaction pour Chloé, qui utilise les services d’une autre plate-forme, Brigad, spécialisée dans les jobs de l’hôtellerie et de la restauration. « C’est hyperadaptable. Et on est plutôt bien payé, autour de 15 euros de l’heure », confie cette étudiante en cinéma, qui officie comme serveuse.

« On comble un vide »

Side, Brigad, Student Pop, StaffMe… Depuis trois ans, de nouveaux membre ont fait une entrée spectaculaire sur le marché du travail étudiant. Des start-up qui fonctionnent toutes peu ou prou sur le même modèle. Leur promesse ? Faciliter la mise en relation entre des entreprises en manque de main-d’œuvre et des jeunes prêts à travailler ponctuellement.

Pour jouer ce rôle d’entremetteur, elles s’appuient sur des applications digitales « fun » et « flashy », où le tutoiement est de rigueur. « On comble un vide, assure Amaury d’Everlange, cofondateur de StaffMe. Faites le test, demandez à une agence d’intérim de vous dénicher quelqu’un pour une journée de travail le lendemain. Vous n’aurez personne ! »

Le concept est ultra-séduisant. Aussi pour les jeunes, qui n’ont plus à faire le tour du quartier, leur CV sous le bras, pour décrocher un job. Et pour les entreprises, qui trouvent là des renforts de dernière minute. Sodexo, Etam, Lancel, Fauchon, Leroy Merlin, Frichti, Geox, Truffaut, Chauffeur privé… La liste des entreprises clientes de ces nouveaux services ne cesse de grandir. Et les missions de se développer, à mesure que les plates-formes étendent leur couverture hors de l’Ile-de-France.

Vrais salariés ? Faux indépendants ?

Donc, le marché paraît très positive. D’après les statistiques de l’Observatoire national de la vie étudiante, 54 % des jeunes n’ont pas d’activité payée pendant l’année universitaire. Et parmi ceux-ci, près d’un quart dit vouloir travailler mais ne pas trouver d’emploi…

Faut-il se réjouir de la montée en force de ces nouveaux acteurs ? Pas sûr. Car le modèle a sa part d’ombre. Dans cette relation à trois, l’étudiant n’est en effet le salarié de personne. Ni de la plate-forme, via un contrat d’intérim. Ni de la société d’accueil, via un CDD.

La Société générale va éliminer plus que 1500 postes, dont 700 dans l’hexagone

Le détail du plan doit être annoncé mardi matin aux élus, selon les syndicats.

La banque française Société générale a déclaré aux organisations syndicales vouloir éliminer quelque 1 600 postes partout dans le monde, dont 700 en France, surtout dans sa banque de financement et d’investissement (BFI), a-t-on appris lundi 8 avril au soir de sources syndicales.

« La direction a présenté aux organisations syndicales un plan d’économies » lors d’un meeting à la Défense, son siège, a déclaréKhalid Bel Hadaoui, délégué CFDT. « Le détail du plan sera communiqué mardi matin aux élus », ajoute la CGT dans un communiqué, qui évoque 1 200 élimination de postes pour la seule BFI de la banque.

Dans l’Hexagone, la banque souhaite supprimer vers les 500 postes dans la BFI et 171 dans son activité de banque de détail et de services financiers internationaux, d’après les deux syndicats. Pour le reste des pays, aucun détail n’a été donné. Les suppressions de d’emploi en France doivent se faire dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective, c’est-à-dire via des départs volontaires, a précisé M. Bel Hadaoui.

Plan de changement

« Chaque année apporte son lot de suppressions de postes », s’est désolé le délégué CFDT. La banque a en effet embaucher depuis 2015 un vaste plan de changement de sa banque de détail en France destiné à préserver sa rentabilité tout en répondant à l’évolution digitale du secteur et des usages de sa clientèle.

Des éliminations de postes étaient attendues dans la BFI, après la déclaration d’un plan additionnelle de réduction des coûts d’environ 500 millions d’euros d’ici 2020 dans cette branche au niveau mondial, afin d’admettre à la banque de regagner en rentabilité sur les activités de marché.

Demandé par l’AFP, la direction de la Société générale n’a pas souhaité faire de commentaires. La banque emploie 148 000 personnes dans le monde, dont 20 000 dans la banque de financement et d’investissement.

L’industrie textile française revient de loin

Saint-etienne (42), 01/10/2014 : Installee depuis 1912 dans la region, l'usine textile Thuasne s'est specialise dans la production de textiles elastiques a usage medical. La marque s'impose aujourd'hui comme le leader francais des dispositifs medicaux de contention. Vue detaillee de mains d'une employee au milieu d'une machine de fabrication de textiles elastiques

© Soudan E./Alpaca/Andia

Depuis toujours endommagé, le secteur redresser , tiré par le luxe et les textiles créatrices. Au prix d’une agitation total de sa production, le prêt-à-porter bon marché a remplacer des produits à forte valeur ajoutée.

Au centre de la petite ville de Fougères (Ille-et-Vilaine), au nord-est de Rennes, Jacques Martin-Lalande se frotte les mains. Dans sa petite usine de confection de chemises, les machines tournent tout le temps, tandis que les petites mains de ses ouvrières s’activent sans relâche pour assembler les différentes pièces. « On ne connaît pas la crise », déclare-t-il. Cet ingénieur de formation ne regrette pas son choix de quitter en 2000 une carrière toute tracée dans l’audit pour suivre les traces de son père et reprendre, avec deux de ses frères, les rênes de la société familiale : les ateliers FIM. Éprouve, le pari s’avère gagnant. S’étoffant au fil de plusieurs rachats, ce réseau d’ateliers de confection compte aussitôt sept sites et génère un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros, faisant travailler 700 salariés. « Nous connaissons une croissance d’environ 15 % chaque année », ajoute M. Martin-Lalande.

La bonne état des ateliers FIM n’est pas le seul cas. Symbole des ravages de la désindustrialisation, l’industrie textile Française renaît peu à peu de ses cendres. Les chiffres annoncée par l’Insee, le 12 mars, en déclarant: le chiffre d’affaires du secteur textile a en 2018 une augmentation de 1,7 % en France, tandis que les créations d’emplois ont augmenté de 0,9 % sur un an. De bons résultats confirmés par l’Union des industries textiles (UIT), selon laquelle après quarante années de décroissance, le nombre de travailleurs de la filière a progressé pour la première fois de 3,6 % en 2017.

Le secteur revient de loin. On connaît l’histoire : dès les années 1970, la France a vu filer ses métiers de textile et ses ateliers de confection vers les pays du Sud et l’Europe de l’Est, qui proposait un coût de la main-d’œuvre plus basse. « Le mouvement de délocalisation s’est accéléré à partir de 2005, avec la fin des quotas sur les importations textiles », se désole Yves Dubief, président de l’UIT. A cette époque commence la mainmise des pays asiatiques sur cette industrie. Depuis, des vêtements « made in Monde », au coton filé par des petites mains pakistanaises, imprimés dans des usines roumaines et assemblés dans des ateliers tunisiens déferlent dans les grandes marque de prêt-à-porter.

La France importe 75 % de ses vêtements et de ses chaussures

Une chance pour ces pays, un coup de massue pour l’industrie textile française : entre 1996 et 2015, elle a affaibli les deux tiers de ses effectifs salariés. Aussitôt, la France importe les trois quarts de ses vêtements et de ses chaussures, selon l’Insee. Lejaby, Damart, DMC… Les annonces de clôture se sont égrenées, accentuées par la crise du prêt-à-porter. Plusieurs fleurons français ont dû faire un choix cornélien : disparaître ou délocaliser. Un exemple parmi d’autres : chez Dim, premier employeur à Autun, en Saône-et-Loire, le nombre de travailleurs employés par le fabricant de sous-vêtements est passé de plus de 2 000 dans les années 1980 à moins d’un millier en 2015, à la suite de la délocalisation de la production en Roumanie.

Dans « l’fabrique en ligne » de Tekyn

Grâce à la digitalisation et la dématérialisation du circuit de production, cette jeune pousse française promet d’élaborer en des temps record des vêtements à la demande pour les marques.

Avant d’être admis à accéder dans l’atelier de Tekyn, établi en banlieue parisienne, le visiteur doit conclure un accord de hermétique. Le prix à payer pour afficher cette jeune société française, qui s’endosser comme « la première usine en ligne de confection de vêtements à la demande pour les marques ». A l’intérieur du petit dépôt, c’est bien plus l’ambiance « start-up » qui évoque que celle d’un atelier de éclosion.

Dans une ambiance décontractée, une dizaine de travailleurs sont à l’œuvre, la plupart installé devant des écrans. Moyenne d’âge : la trentaine. On chercherait presque du regard la table de ping-pong. Seules deux opératrices de fabrication s’activent auprès de la machine de l’unique ligne de production. Et pour cause : « Tout est entièrement numérisé », fait valoir Pierre de Chanville, le cofondateur de la société.

C’est sur cette prouesse technologique que repose la promesse de la start-up : effectuer, en des temps record (trois à cinq jours) et en circuits courts des grandes quantités de vêtements selon la demande. « On est dans une industrie où il y a un énorme gaspillage, fait valoir M. de Chanville. H&M, par exemple, a été marqué de jeter 12 tonnes de vêtements par an. L’idée, c’est de permettre aux marques de ne produire que ce qui sera vendu, en se préservant les pertes et les ruptures de stock. »

Les procédés de fabrication sont tenus secrets

Pour ce faire, le circuit est en totalité dématérialisé. Il suffit à la marque cliente d’enfoncer les détails de sa commande (tissu, coupe…) sur la plate-forme en ligne de Tekyn. Un logiciel la « traduit » après à la machine, qui s’occupe de faire les découpes.

Les étapes de fabrication sont tenus secrets. « Nous avons nous-mêmes conçu cette machine », se gonfler le cofondateur de la société. Les pièces ainsi fabriquées sont après envoyées à un atelier pour être assemblées. Tekyn travaille avec une dizaine d’ateliers en France.

Ce circuit court admet à l’entreprise d’être très réanime: en septembre 2018, alors que la météo était considérablement clémente et que les magasins soumettre déjà les collections « automne-hiver », Tekyn a pu confectionner des robes d’été pour une marque de prêt-à-porter. Un moyen, également, de produire en France et de borner l’effet écologique. Le concept a déjà ébloui Le Slip français et Camaïeu.

« Les relocalisations ne créent pas beaucoup d’emplois directs »

Quand les entreprises relocalisent, elles normalisent leurs processus productifs et numérisent leurs chaînes d’assemblage, déclare le professeur d’économie El Mouhoub Mouhoud.

El Mouhoub Mouhoud est professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, spécialiste des délocalisations.

Assiste-t-on à une action de relocalisation en France ?

Cela relève sur quels éléments on se situe. Il y a évidement une action de relocalisation pour les secteurs pondéreux [qui utilisent des matériaux lourds, comme le bois]. Dans ces divisions, les coûts de transport ne sont pas neutres et il n’y a pas d’empêchement à la numérisation et à la robotisation des tâches d’assemblage, ce qui permet de diminuer les coûts salariaux.

Dans d’autres secteurs plus « légers », au contraire, comme l’habillement, les relocalisations restent anecdotiques. Dans l’habillement, les activités d’assemblage ne sont pas facilement robotisables : la main-d’œuvre qui constitue encore 70 % du coût total de l’assemblage. Comme il s’agit aussi de produits légers, ils sont moins touché par l’augmentation du coût du transport et de l’énergie. Les relocalisations concernent uniquement les petites séries ou lorsqu’il y a des problèmes de qualité du produit final.

On en parle un peut, mais il y a de même une action de délocalisation des services, permis par le développement des technologies de l’information et de la communication et qui dépend un nombre de plus en plus grand de services : dans l’informatique, le médical, etc. Ce mouvement devrait augmenter dans les années à venir.

Le « made in France » peut-il convier les sociétés à relocaliser ?

Malgré cela l’instauration de labels spécialisés, il n’est continuellement pas possible pour le consommateur l’accommodé une traçabilité établie des produits. L’étiquette « fabriqué en France » signifie seulement que la dernière opération sur le produit a été réalisée en France. Il est donc facile aux entreprises de faire du « made in France » minimal. Il y a bien eu quelques cas de relocalisation ultra-médiatisés, comme Atol ou Rossignol, mais cela concerne en général un segment minoritaire de la production et sans qu’il y ait forcément beaucoup de créations d’emplois à la clé. Atol, par exemple, a uniquement relocalisé son segment haut de gamme et a mis en place un process de fabrication entièrement automatisé. Peu d’emplois ont été créés au final.

Vous estimez que l’impact des relocalisations sur l’emploi est finalement marginal. Pourquoi ?

Quand les firmes relocalisent, elles rationalisent leurs processus productifs et mécanisent leurs chaînes d’assemblage. Les relocalisations de retour, qui communique à une simple inversion des différences de coûts salariaux unitaires entre le Nord et le Sud grâce à la robotisation des tâches d’assemblage, créent peu d’emplois directs mais ont des effets sur la régénération du tissu industriel auprès des sous-traitants locaux. Plus intéressantes sont les relocalisations de développement compétitif, fondées sur l’innovation de produits dans des niches sur lesquelles les savoir-faire étaient absents en France, qui admettent de relancer des dynamiques régionales tout à fait importantes.

La formation continue au début d’une nouvelle ère

Anna Wanda Gogusey

Rien de plus clair que le besoin de se former durant la vie. Rien de plus difficile que le système français de la formation continue. Mais les lignes remuent: la loi avenir professionnel de septembre 2018 le modifie en profondeur, et donne plus de leviers aux personnes. La pierre angulaire de ce mécanisme est une nouvelle application, qui permettra à chacun de gérer son compte personnel de formation (CPF), désormais monétisé en euros, et d »entrer à l’ensemble de l’offre de formations certifiantes et à des financements. Avec ses 500 euros de crédit annuel sur son CPF – une somme faible au regard des tarifs de certaines institutions – chacun pourra, à partir de la fin 2019, acheter directement un bloc de formation dans une institution, quitte à partir par d’autres sources de financement.

Les grandes écoles ou les universités y voient une occasion de se développer bien plus sur ce marché de 13 milliards d’euros qui, selon Guillaume Gellé, de la commission formation de la Conférence des présidents d’université, « se met à l’heure d’Amazon » : on pourra avec un même outil rapprocher, choisir et payer des formations issues d’une multitude d’organismes.

Pas facile de retourner à l’université quand on l’a abandonné, et de s’organiser pour initier ou revivre une vie d’étudiant, à temps plein ou partiel

Devant ces bouleversements, les universités sont différemment préparées. Certaines, comme Dauphine, se sont commencé depuis longtemps dans cet univers concurrentiel, multiplient les diplômes d’établissement et les partenariats avec les entreprises locales. C’est aussi le cas de la jeune université de technologie de Troyes, où nous sommes allés chercher. D’autres – la majorité – sont moins armées. Au total, les universités françaises ne dégagent que 325 millions d’euros de chiffre d’affaires avec la formation continue, un chiffre en hausse, qui correspond à quelque 100 000 diplômes délivrés chaque année, mais qui demeure bien modeste au vu de la taille du marché.

Bien entendu que, les universités ont d’énormes atouts : la capacité à octroyer des diplômes nationaux, le savoir, la recherche. Mais dans le nouveau système qui s’amorce, l’une des clés du développement résidera dans l’offre « à la carte » que ces établissements sauront déployer, en lien avec la récente application. Saura-t-elle répondre aux besoins de flexibilité des personnes qui travaillent, avec plus de cours en ligne, le soir, le week-end, et des services administratifs adaptés ? Car il n’est pas facile de retourner à l’université quand on l’a quittée, et de s’organiser pour initier ou reprendre une vie d’étudiant, à temps plein ou partiel. Sentiment de décalage, pénurie à se retrouver dans une position d’apprenant, d’accepter les sacrifices financiers qui se marie parfois avec cette décision… Ceux qui ont fait ce choix ne lamente rien, mais sont aussi conscients du défi, pour eux, comme pour leur conjoint et leurs enfants.

« Les laborieux ubérisés sont les exploités du XXIe siècle »

Pour l’écrivain et enseignant Karim Amellal, l’ubérisation du monde de l’emploi fait voler en éclats tous les acquisitions sociaux gagner depuis près de deux siècles.

Des livreurs pour Deliveroo attendent leurs instruction, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), en juillet 2018.
Des livreurs pour Deliveroo attendent leurs instruction, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), en juillet 2018. GERARD JULIEN / AFP

Dans son ultime livre, La Révolution de la servitude (Demopolis, 2018), Karim Amellal, enseignant à Sciences Po, révoque les excès de l’économie numérique et ses incidences sur l’emploi. Il appelle à une normalisation de l’Etat afin de mieux accompagner les travailleurs. M. Amellal est également membre de la mission contre la haine sur Internet initier par le premier ministre, Edouard Philippe, l’année dernière.

Uber, Deliveroo… les plates-formes digitales qui s’installent dans nos villes ne s’enfui pas aux altérations: on leur reproche de générer de la précarité, d’exploiter les failles réglementaires. En quoi heurtent-elles notre modèle social ?

Karim Amellal : Ce phénomène communément appelé l’« ubérisation » consiste en la mise en relation, par des plates-formes numériques, de clients avec des travailleurs qui nourrissent ces plates-formes de leur force de travail : chauffeurs privés, livreurs de repas à vélo, chargeurs de trottinettes électriques, etc. Cette « économie de plates-formes » a souvent fait appel à des autoentrepreneurs : des travailleurs qui ne sont pas salariés et n’ont donc pas de contrat de travail. Cela signifie qu’ils n’ont pas d’assurance-chômage, pas de congés payés, pas de congés maladie, pas de salaire minimum, pas de syndicats. Ils cotisent pour une retraite au dépréciation et n’ont aucune sécurité de l’emploi.

Les risques que risque ces laborieux « ubérisés » sont loin d’être compensés par leur rétributions, qui reste négligeable. Prenons l’exemple d’un chauffeur Uber qui œuvrent quarante heures/semaine. Il perçoit un chiffre d’affaires de 3 680 euros par mois, duquel il faut déduire les charges : la commission prélevée par Uber (la cotisation au régime social des indépendants, le coût de la voiture, etc.), lui reste un salaire net de 560 euros. S’il passe à soixante heures, il gagnera 1 320 euros net par mois – soit un salaire horaire de 5,50 euros, en deçà du taux horaire du smic (7,72 euros).

Dans « La Révolution de la servitude », vous confirmez que l’ubérisation est « néfaste pour le progrès social ».

Derrière le discours de ces plates-formes – c’est « le monde de demain », tout le monde est gagnant (le « win-win ») –, la réalité s’apparente bien souvent à une régression sociale, un retour au monde d’avant. Le capitalisme technologique fait voler en éclats tous les acquisitions sociaux obtenus depuis la fin du XIXe siècle. On se rassemble avec des conditions de travail dignes des canuts du XIXe siècle ou des ouvriers de Germinal. Les travailleurs ubérisés sont en quelque sorte les prolétaires du XXIe siècle.

La Cour de cassation commence, la compensation du dommage d’anxiété à tous les laborieux de l’amiante théoriquement

Rassemblement devant le Palais de justice de Paris, le 22 mars.
Rassemblement devant le Palais de justice de Paris, le 22 mars. THOMAS SAMSON / AFP

Tout travailleur peut aussitôt parvenir des dommages et intérêts à ce titre s’il peut prouver un risque élevé de développer une pathologie grave et une infraction de son employeur à son promesse de sécurité.

La Cour de cassation est, temporairement, capable d’autocritique. L’arrêt qu’elle a rendu, vendredi 5 avril, en témoigne. Il permet désormais à tout salarié, non malade, mais présentant un « risque élevé » de développer une pathologie mortelle en raison de son étalage aux poussières d’amiante, de demander raccommodage de son « préjudice d’anxiété », sous certaines conditions.

Concédée cancérogène par le Centre international d’examen sur le cancer dès 1973 – mais uniquement interdite en France en 1997, car les autorités nationales concluaient jusqu’alors de son « usage contrôlé » –, l’amiante, fibre naturelle amoindrie lourdement dans le monde entier pour ses qualités ignifuges et isolantes, a causé un authentique scandale sanitaire.

Mine de rien, la terme de la haute juridiction symbolise donc une petite révolution dans la jurisprudence, même si elle n’évite pas certains écueils. « Le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements figurant sur les listes d’employeurs bénéficiaire de l’aide à l’arrêt prévue des laborieux de l’amiante (Acaata) », dit l’arrêt. Ce procès marque donc normalement la fin du traitement inégalitaire auquel étaient soumis les travailleurs ayant inhalé des fibres d’amiante.

Réintégrer à davantage d’équité

Employée en 2010 par la Cour de cassation, juge du droit, la découverte du préjudice moral d’anxiété était jusqu’ici exclusivement limitée aux salariés dont l’établissement employeur était inscrit sur une liste fixée par arrêté ministériel ouvrant droit à l’Acaata.

Regardée comme essentiellement arbitraire, cette jurisprudence a hâtivement éveillé des critiques et… la résistance des juridictions d’appel. Ainsi, le 29 mars 2018, la Cour d’appel de Paris a-t-elle donné raison à un ancien salarié d’une centrale thermique d’EDF de la région parisienne qui sollicitait la rétablissement de son préjudice d’anxiété pour avoir été exposé à des fibres d’amiante entre 1973 et 1988, alors que cette centrale ne figurait pas sur la fameuse « liste ». La juridiction lui a convenu la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts. Et elle a fait de même pour 108 de ses collègues existant dans le même recours.

la bonne santé des stages d’orthographe

Alors qu’on écrit de plus en plus au bureau, les formations « anti-fautes » sont en plein elan. Elles réplique à un tabou.

De plus en plus de stages d’orthographe sont proposés par des organismes de formation et financés par les entreprises pour leurs employés.
De plus en plus de stages d’orthographe sont proposés par des organismes de formation et financés par les entreprises pour leurs employés. JENS MAGNUSSON / IKON IMAGES / PHOTONONSTOP

C’est un collègue qui lui a déclaré : « Fais attention à l’orthographe, la direction est à cheval sur ça, même de la part des informaticiens. » Yacine, 22 ans, a été embauché dans une administration publique comme assistant logistique. Il écrit aussitôt de plus de en plus de courriels, « au moins vingt par jour », et vise toujours sur les accords des participes passés et sur la conjugaison. « Je voyais les petits points qui soulignaient les mots que j’orthographiais mal. Je m’appliquais, mais sans succès. J’ai même pensé à me payer un cours du soir pour progresser. »

C’est que, depuis son BTS de commerce en alternance, plus accoutumé à l’oral ou aux textos écrits en abrégé, Yacine a oublié l’habitude d’écrire. Ses collègues lui ont donc recommandé de faire une demande de formation pour être plus « en adéquation » avec la culture de l’entreprise. Il a demandé les ressources humaines, qui lui ont offert une remise à niveau en orthographe, un stage payé par l’entreprise.

« Nous nous sommes téléphoné, elles se sont baissées, nous nous sommes souri, ils se sont reconnus »…

Comme Yacine, deux autres travailleurs suivent cette après-midi de mars une formation destinée pour les « réconcilier » avec l’orthographe. Dans une salle blanche et impersonnelle de la Grande Arche, à la Défense (Hauts-de-Seine), Yacine, Jessica et Amelle font les exercices d’accord du participe passée. « Nous nous sommes téléphoné, elles se sont baissées, nous nous sommes souri, ils se sont reconnus », des phrases ordinaires mais d’une complexité réelle, et qu’ils doivent accorder convenablement à un rythme soutenu.

Quand l’un d’eux fait une erreur, le formateur le calme : « A ceux qui se sont moqués de vous quand vous leur avez parlé de ce stage, demandez comment ils écrivent “Nous nous sommes téléphoné”, et voyez les réponses. Il n’y a rien de plus dur en français », décalre Bernard Fripiat, un Belge rieur, écrivain, coach en entreprise, acteur de théâtre, l’antimodèle du grammairien académique.

Il a mis au point depuis deux décennie une méthode joueuse pour se réconcilier avec l’orthographe, et anime des stages de remise à niveau pour le compte de l’organisme de formation Demos. Selon lui, « la demande est en pleine croissance ».

Le site du Loiret d’Iqvia France menacé de clôture

L’entreprise  américaine de conseil en santé Iqvia prévoit 176 révocations sur ses sites français. Ce troisième plan social depuis 2011 pourrait condamner son centre d’appel d’Amilly.

Sur les 57 salariés du site d’Amilly dans le Loiret, 82% sont des femmes.
Sur les 57 salariés du site d’Amilly dans le Loiret, 82% sont des femmes. D.R.

L’entreprise américaine de conseil en santé Iqvia prévoit 176 licenciements sur ses sites français : 119 à de La Défense (Hauts-de-Seine) et 57 d’Amilly dans le Loiret, a-t-on su jeudi 4 avril par les syndicaux. L’antérieur plan élaborer  en 2016 avait fait partir 230 salariés dont 6 à Amilly, mais cette fois c’est la clôture du site qui est en jeu. Les négociations sont commencer entre syndicats et direction. « La prochaine échéance est attendue le 23 mai mais rien ne bouge et le temps presse », alerte Nathalie Espirt, secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) d’Amilly.

Iqvia, fondée  de la fusion entre IMS Health et Quintiles, fournit des données sur la santé aux laboratoires pharmaceutiques. existante dans plus de 100 pays, elle revendique 55 000 salariés dans le monde.

10 milliards d’euros de chiffre d’affaires

« Comment une société qui réalise 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, qui bénéficie de 600 000 euros de CICE [crédit impôt compétitivité emploi] par an, peut-elle supprimer ses effectifs sans rendre des comptes ? », déclarent les 57 salariés de la plate-forme téléphonique du Loiret dans une lettre adressée au président Macron.

La direction d’Iqvia avait déclaré le 18 février aux représentants du personnel qu’elle examine « le licenciement pour motif économique de 176 salariés sur les 820 employés en France », ont indiqué les syndicats CFDT et Unsa de l’entreprise dans une déclaration commune. « Ça a été un choc pour tout le monde », même s’il s’agit du « troisième plan social depuis 2011 », raconte un délégué syndical basé à La Défense, qui préfère rester anonyme. Il révoque une « justification purement économique et boursière » de la part de la direction.
La direction d’Iqvia sollicitée a promis de nous rappeler.

Selon les deux syndicats, Iqvia va clôturer son centre d’appel d’Amilly, à plus d’une heure de route d’Orléans. Cette annonce « dramatique » a incité « un énorme désarroi, une grande détresse » entre les cinquante-sept salariés qui doivent perdre leur poste, avait déclaré Nathalie Espirt jeudi à l’AFP.

Payés au smic

Ce centre d’appel, existant dans un « bassin d’emploi très très sinistré », compte « 82 % de femmes », dont beaucoup ont plus de 55 ans, et « 93 % de non cadres », des salariés pour la plupart payés au smic, a déclaré Mme Espirt, faisant part de sa « très grande inquiétude ». Elle-même a fait presque toute sa carrière sur ce site, à l’instar de plusieurs collègues. « C’est une mort sociale pour nous », ajoute-t-elle.