« Le Covid-19 est en train de produire un gigantesque accident du travail »

Tribune. Il y a plus d’un siècle à propos du débat sur la loi portant réparation des accidents du travail, le professeur Louis Josserand (1868-1941) rappelait l’impossible neutralité du droit.

Si un système juridique est incapable après un accident d’attribuer le risque, alors la place vide du responsable sera occupée par la victime. C’est elle qui dans sa chair et jusqu’au prix de sa vie en supportera les conséquences sans pouvoir s’en décharger ne serait-ce que symboliquement sur ceux qui sont à l’origine de son malheur. Or dans les catastrophes sanitaires les acteurs sont nombreux, les causes souvent multiples, la complexité qui tient à la nature des faits permet difficilement de remonter la chaîne causale.

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Il appartient au système juridique d’attribuer le risque. Or les systèmes d’indemnisation des victimes sont exagérément diversifiés, inégaux et incohérents.

Démontrer la date de la contamination

Le 21 mars, la mort du docteur Razafindranazy suscitait une vive émotion dans tout le pays. Pour la première fois un médecin urgentiste était contaminé par le virus dans l’exercice de ses fonctions. Alors qu’il était à la retraite, il était spontanément revenu à l’hôpital et il avait pris une garde de nuit à l’hôpital de Compiègne pour soulager ses collègues. Quelques jours plus tard il était testé positif au Covid-19. Il n’a même pas pu être inhumé comme il le souhaitait dans son île natale à Madagascar. Nous avons une dette à l’égard de sa famille.

Il faut d’urgence construire un système moderne de reconnaissance et d’indemnisation intégrale spécifique sous forme d’un fonds cofinancé par les entreprises et par l’Etat

De la même façon, la mort, le 26 mars, d’Aïcha Issadounène, 52 ans, caissière au supermarché Carrefour de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) depuis trente ans, laisse ses proches dans une immense détresse. Un des effets de cette pandémie aura été que nous nous mettions à regarder avec reconnaissance et considération ces travailleurs autrefois invisibles. Au travers d’une juste indemnisation de ses enfants nous dirons que nous ne les abandonnons pas sur le bord du chemin une fois la crise surmontée.

Le Covid-19 est en train de produire un gigantesque accident du travail dont les conséquences en l’état actuel du droit échapperont à toute forme de régulation efficace.

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Accident du travail ? Mais comment démontrer la date de la contamination qui est une des clefs de la reconnaissance ?

Maladie professionnelle ? Mais la plupart n’atteindront pas le taux d’incapacité minimal de 25 % sans lequel la reconnaissance est impossible !

Coronavirus : avec la crise sanitaire, les travailleurs invisibles sortent de l’ombre

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Publié aujourd’hui à 05h45, mis à jour à 08h49

Le Covid-19 les a fait surgir au grand jour. Alors que l’économie du pays est clouée au sol, caissières, livreurs, agents de nettoyage, ouvriers de chantier, conducteurs de métro, auxiliaires de vie, ces travailleurs invisibles apparaissent enfin pour ce qu’ils sont : des rouages essentiels de la vie du pays, sans lesquels point de commerces, de transports ou de services aux personnes.

Alors qu’une partie des salariés s’installent dans le télétravail, ils et elles n’ont pas d’autre choix que de continuer à aller travailler, parfois de nuit, souvent en horaires décalés, toujours au risque d’attraper la maladie. Quatre d’entre eux ont déjà perdu la vie, comme le rappelle la fédération CGT des commerces et services dans une lettre ouverte adressée à la ministre du travail Muriel Pénicaud, le 31 mars. Et des centaines d’autres sont contaminés. « Cette crise fait apparaître une forme de pénibilité que l’on n’imaginait plus : celle d’être exposé à un risque sanitaire létal dans le cadre de son activité professionnelle », souligne le sociologue Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. « Cette exposition à des risques majeurs n’était plus tellement prise en compte dans l’évolution de notre droit du travail, on l’avait un peu oubliée. »

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Selon une note de l’OFCE publiée lundi 30 mars, 8,4 millions de personnes en France peuvent travailler à distance, de leur domicile : la moitié sont des cadres, les autres sont employés qualifiés ou appartiennent aux professions intermédiaires, comme les enseignants. Et, à l’inverse, 18,8 millions de salariés, ouvriers ou employés pour l’essentiel, ne peuvent effectuer leur travail à distance. Pour certaines personnes interrogées, il existe une certaine fierté à continuer à aller au travail, que ce soit pour ne pas laisser tomber les « copains » ou les personnes dont elles s’occupent, pour contribuer à assurer le service public. Mais c’est aussi un non-choix. Droit de retrait difficile à faire appliquer, nécessité de faire rentrer un salaire coûte que coûte. Beaucoup y vont la boule au ventre, avec la peur de tomber malade, de contaminer leur famille.

  • « On est là pour la survie de l’entreprise »

Samuel Dubelloy, 48 ans, ouvrier chez Arc à Arques (Pas-de-Calais)

« Je travaille chez Arc depuis plus de quinze ans, pour un salaire de 1 944 euros, à raison de trente-deux à trente-trois heures par semaine. Le mois prochain, j’aurai 49 ans. Je n’ai jamais vu autant de gars ayant peur d’aller travailler, c’est énorme. Depuis lundi 23 mars, toute l’organisation du personnel a été revue [seuls 700 des 2 500 ouvriers y ont conservé leur poste sur les chaînes de production, à la suite de l’adoption d’un plan de crise réduisant de 70 % le tonnage pour se conformer aux mesures de distanciation sociale]. Certains sont en chômage partiel. D’autres sont en congés maladie pour garde d’enfants de moins de 16 ans.

« Pour ceux qui ont envie de changement » : le succès des stages pour trouver sa voie

Selon les cohortes, chez Switch Collective, la proportion de femmes oscille entre 65 % et 75 %.
Selon les cohortes, chez Switch Collective, la proportion de femmes oscille entre 65 % et 75 %. Switch Collective

Ambiance « toutouyoutou » dans l’entresol du 94 de la rue Saint-Lazare, à Paris, fin février. C’est Charlotte Jeanmonod, la formatrice, qui le dit : « On remue le bassin, on respire, on sautille, on se met en énergie ! » Veste de jogging rétro siglée « Switch », micro en main, elle chauffe la nouvelle promotion de Switch Collective. Quarante femmes, et un homme, ont choisi « la complète » – un programme de trois mois pour apprendre à « switcher ». Comprendre : acquérir des outils pour se réapproprier son parcours et redonner du sens à son travail, sans nécessairement aller vers une reconversion spectaculaire.

Outils numériques

Si les femmes constituent l’écrasante majorité de ce 70e groupe de Switch Collective, leur proportion oscille toujours entre 65 % et 75 %, selon les cohortes. Lancée en janvier 2016 par Béatrice Moulin et Clara Delétraz, deux amies de 35 ans aujourd’hui, la start-up parisienne a formé 4 000 personnes en quatre ans. En cette période de confinement lié au coronavirus, l’équipe, déjà rompue à l’exercice, a basculé l’intégralité de ses programmes en ligne, à travers divers outils numériques.

Béatrice Moulin affirme s’adresser sans distinction « à tous ceux qui ne s’y retrouvent plus dans leur boulot et ont envie de changement », refusant « une approche purement générationnelle » et préférant « traduire le symptôme d’une époque ». Sans chercher à essentialiser le phénomène, reste à savoir pourquoi les femmes, âgées de 30 à 40 ans, représentent le cœur de cible de cette formation certifiante, depuis peu éligible au compte personnel de formation (CPF).

Clotilde a sauté sur l’occasion pour se faire financer ce « bilan de compétences » nouvelle génération. Ingénieure informatique de 38 ans, elle choisit de ne communiquer que son prénom : « Même avec mes parents, parler de mon travail reste un sujet tabou, dit-elle. Je n’ai jamais été heureuse dans mes études, ni dans mon boulot. Chaque jour, je me force à faire ce que je fais. » Son père est ingénieur également, idem pour ses deux grands frères : « C’était la voie toute tracée, on ne m’a jamais demandé ce que je voulais faire », résume-t-elle, alors qu’elle est aujourd’hui employée par un grand groupe dans le domaine de l’énergie.

« Trou noir »

Clotilde rejoint ses consœurs de Switch avec un syndrome commun, celui de la bonne élève à qui l’on a appris à viser la voie royale, mais qui culpabilise : « Pendant toute ma carrière, je me suis demandé : “Mais de quoi tu te plains ?”» Jusqu’à ce que son corps dise stop. « En mars 2019, j’ai eu énormément de choses à rendre, j’ai voulu bien faire, je suis très scolaire. Je suis allée au bout de l’échéance, et je n’ai eu aucune reconnaissance. J’ai craqué, raconte-elle. On m’a mise en congé maladie pendant deux mois. Je ne l’ai pas avoué tout de suite à mes parents : j’avais honte d’être arrêtée alors que j’étais en bonne santé. Mais, psychologiquement, je ne pouvais plus. »

Les urgences chamboulées par l’épidémie de Covid-19

L’entrée des urgences du CHU Pellegrin à Bordeaux, où une unité médicale avancée a été installée pour accueillir les patients suspectés d’être porteurs du Covid-19. Ici, le 25 mars.
L’entrée des urgences du CHU Pellegrin à Bordeaux, où une unité médicale avancée a été installée pour accueillir les patients suspectés d’être porteurs du Covid-19. Ici, le 25 mars. Moritz Thibaud/ABACA / Moritz Thibaud/ABACA

« Les anthropologues vont se passionner pour cette période. On assiste à une métamorphose totale et complète des urgences. » Président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), le docteur Patrick Pelloux trouve même cette « période aussi passionnante que celle de la canicule », lui qui s’est rendu célèbre pour ses coups de gueule, en 2003, lorsque les fortes chaleurs estivales ont causé 19 000 décès en France.

Le très médiatique syndicaliste en est persuadé : « L’hôpital d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a trois semaines. » C’est peu dire que le fonctionnement des services d’urgences, au gré des réorganisations, a été bouleversé par l’afflux des patients atteints par le virus.

« Parti prêter main-forte au service de réanimation à l’hôpital Saint-Antoine », dans le 12e arrondissement de Paris, le médecin urgentiste est bien placé pour témoigner de la période de chamboulements que traverse actuellement sa profession. « Au SAMU, il y a une concentration des activités liées au Covid, assure Patrick Pelloux. Les urgentistes sont appelés en renfort en réa. En interne, il y a eu par ailleurs des redéploiements partout. »

Pousser les murs pour absorber la vague

Dans tout l’Hexagone, il a fallu d’abord réorganiser l’espace, faire de la place au sein des urgences, quitte à pousser les murs, afin d’absorber la vague. Partout, une démarcation très claire a été établie.

A Nancy (Meurthe-et-Moselle), les urgences, comme l’hôpital, sont partagées en deux zones : « Covid + » et « Covid – ». Les patients sont « triés » à leur arrivée par une infirmière selon une « grille » élaborée par l’établissement recensant les symptômes. Dans les box, pour l’heure, 35 places sont réservées pour des patients infectés, et une douzaine pour les autres, les fameux « Covid – », bien séparés. « Grâce à cette organisation, nous parvenons à continuer à prendre en charge toutes les pathologies », témoigne le docteur Tahar Chouihed.

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A Oyonnax (Ain), la même séparation prévaut : deux séries de box parallèles ont été installées. « On avait anticipé la vague avec une cellule de crise, explique le docteur Yves Duffait. Nous sommes au stade 2 [au niveau de l’hôpital], notre salle d’accueil est déjà dédiée au Covid, et on peut accueillir jusqu’à 24 malades du virus, avec une moyenne de 3,4 malades par jour. » En cas d’afflux dans les jours à venir, l’hôpital a prévu de se redéployer et de passer en stade 3. « Tout passera alors en 100 % Covid, indique Yves Duffait. Le ronron quotidien des urgences – entorses, douleurs abdominales – sera délocalisé vers les consultations externes, chez les médecins et chirurgiens. »

La centrale nucléaire de Gravelines fonctionne avec seulement un quart de ses effectifs

La centrale nucléaire de Gravelines (Nord), en mars 2017.
La centrale nucléaire de Gravelines (Nord), en mars 2017. Pascal Rossignol / REUTERS

A situation exceptionnelle, dispositif exceptionnel. Afin de garantir la fourniture en électricité dans les hôpitaux et les foyers du Nord, un quart du personnel de la centrale de Gravelines est sur place chaque jour. Les autres agents travaillent à distance. Au total, seuls 800 des 3 000 agents EDF et entreprises prestataires se déplacent pour assurer la conduite des réacteurs.

Comme pour les autres centrales nucléaires en France, EDF a placé en télétravail tous les agents de Gravelines des fonctions supports et les ingénieurs. Sont présents sur le site les salariés qui se consacrent au pilotage des réacteurs et à leur surveillance, les agents chargés de la protection de la centrale, ainsi que ceux dévolus à la maintenance et aux analyses environnementales.

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« On a mis en œuvre notre plan de continuité d’activité sur toute la France, explique une porte-parole de l’électricien. On doit garantir la fourniture de l’électricité. » Avec le confinement lié à la pandémie de Covid-19, la consommation dans l’Hexagone est légèrement en baisse : « Pas mal d’usines ont fermé, donc la consommation d’électricité a ralenti, ce qui nous donne un petit peu plus d’aisance pour être en mesure de produire, et même de produire assez largement aujourd’hui, de quoi satisfaire tous les besoins de tous les Français », précisait, le 20 mars, Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF.

Pour maintenir l’approvisionnement, deux démarches ont été engagées : la suspension d’une partie des programmes d’activité en vue d’alléger la charge de travail et la priorisation des arrêts pour maintenance afin de permettre la sécurisation dans la fourniture d’électricité.

A Gravelines, cinq tranches sont ainsi en activité et une est à l’arrêt pour maintenance. Un arrêt déclenché le week-end dernier – et prévu pour durer jusqu’au 27 avril – qui était planifié de longue date pour permettre un rechargement en combustible. « On a annulé tout ce qui n’était pas prioritaire, confirme Franck Redondo, chargé de la surveillance et secrétaire Force ouvrière pour la centrale. Pour le reste, on continue les activités réglementaires, sinon on risque l’arrêt de réacteurs. » A titre d’exemple, certaines cuves doivent ainsi être contrôlées avant la fin du mois de juin, avec seulement un quart du personnel sur place.

Pas question de risquer une contamination à grande échelle

Au sein de la centrale, les méthodes de travail ont dû être modifiées en raison des gestes barrières. Outre la distance d’un mètre cinquante demandée entre chaque agent, la direction a suspendu les transports en commun internes. En revanche, le temps imparti dans l’espace restauration (où le lavage des mains est désormais obligatoire à l’entrée et à la sortie) a été élargi. Objectif : éviter une forte concentration de personnes autour des tables.

De plus, la fréquence de nettoyage des lieux de passage et du matériel a été multipliée jusqu’à six en zones contrôlées. Pas question de risquer une contamination à grande échelle des agents, même si, dans le département de la Manche, la situation est plus préoccupante qu’à Gravelines.

Le plan pandémie permet de tourner dans les centrales avec 25 % des effectifs absents pendant douze semaines, ou avec 40 % d’absents pendant trois semaines

« A Flamanville, le plan pandémie créé au début des années 2000 a été activé, précise-t-on chez EDF. Seules une centaine de personnes sur 800 sont présentes, car il y a un cluster de cas potentiellement atteints du Covid-19. » Deux réacteurs, dont le redémarrage était prévu pour le 31 mai, sont en maintenance. Or toutes les opérations de maintenance sont suspendues depuis le 16 mars à Flamanville.

Faut-il redouter une épidémie chez les agents EDF ? Le plan pandémie, fondé sur des scénarios très pénalisants, permet de tourner dans les centrales avec 25 % des effectifs absents pendant douze semaines, ou avec 40 % d’absents pendant trois semaines. Sur l’antenne d’Europe 1, Jean-Bernard Lévy s’est voulu rassurant : « Nous assurons aussi en prévision, si nous avions un grand nombre de salariés malades, une rotation de façon à avoir toujours des équipes en réserve, donc je crois qu’on peut rassurer les salariés, rassurer les Français, nous avons tout ce qu’il faut pour continuer à fournir de l’électricité, à tout moment, à tous les Français, pendant cette période exceptionnelle. »

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A Gravelines, les agents de cet opérateur d’importance vitale (OIV) se disent même prêts pour le PUI, le plan d’urgence interne. « Dans ce cas, on tournera en sept jours sur sept, à raison de rotations toutes les douze heures avec installation de lits de camp, rations de survie et action de la FARN, la force d’action rapide nucléaire », souligne Franck Redondo, de FO. Serein, il sait que les équipes sont prêtes, au cas où. Impossible d’ailleurs pour lui de ne pas rappeler leur attachement au service public. « En janvier, lors des manifestations contre la réforme des retraites, nous étions décriés pour notre statut de nantis, regrette le syndicaliste. Mais par ce statut qui a des avantages et des inconvénients, on est réquisitionnés et on peut fournir du courant aux hôpitaux ou aux Français. C’est ça, le service public. »

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Coronavirus : toujours sans masques, policiers et gendarmes s’impatientent

Les images sont restées en travers de la gorge de certains policiers. On y voit Emmanuel Macron en visite à l’hôpital militaire de Mulhouse mercredi 25 mars, ajustant sur son visage un masque de protection. Toutes les personnes qui entourent le chef de l’Etat portent le précieux équipement. Dont la pénurie s’est transformée en polémique nationale. Toutes ? Non, à l’arrière-plan, un homme à lunettes navigue à visage découvert au milieu des soignants. Officier de police dans le Grand Est, il est le seul à ne pas en être muni.

La séquence, repérée par le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), majoritaire chez les officiers, illustre le malaise qui persiste au sein des forces de l’ordre, deux semaines après le début du confinement. Alors que l’épidémie de Covid-19 ne cesse de faire des victimes chaque jour, nombreux sont les policiers et gendarmes qui continuent à déplorer l’absence de masques de protection pour réaliser les contrôles à travers la France. Plus de 300 policiers ont été contaminés et près de 10 000 sont actuellement confinés. Côté gendarmerie, le bilan des effectifs sur la touche était un peu moins alarmant selon les chiffres disponibles la semaine dernière (une vingtaine de militaires malades), mais l’un d’entre eux est décédé, mercredi 25 mars, le premier membre des forces de l’ordre à périr du Covid-19.

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Lundi 30 mars, c’est Interpol qui en a remis une couche. L’organisation internationale, qui s’occupe habituellement davantage de coordination dans la lutte contre la criminalité, s’est fendue d’une recommandation mondiale en faveur du port d’un masque et de gants pour les personnels au contact de la population. Les principaux syndicats de police ont immédiatement embrayé pour rappeler au ministère de l’intérieur qu’à ce jour la plupart des fonctionnaires opèrent sur le terrain sans protection.

« C’est le système D »

Les règles n’ont pas évolué au sein de la police depuis un télégramme du directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, datant du 13 mars, soit quatre jours avant la mise en place du confinement. Etant donné le faible nombre de masques disponibles, il est recommandé de les utiliser avec discernement, notamment pour les missions à risque, et donc de ne pas les porter en permanence. Les agents doivent en utiliser principalement lorsqu’ils sont au contact de personnes infectées. Par ailleurs, les commissariats doivent veiller à ce que chaque équipage puisse disposer d’un kit, pour ces situations d’urgence. Au sein de la gendarmerie, les règles sont similaires : « Le port du masque n’est pas systématique, mais un gendarme qui est dans une situation où il se sent menacé doit pouvoir en porter un », explique-t-on à la direction générale, avant de préciser que les gestes barrières restent « la meilleure des protections ».

Coronavirus : les chefs d’entreprise en quête de réponses dans le maquis des mesures

Le ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 19 mars.
Le ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 19 mars. LUDOVIC MARIN / AFP

Sans doute inédit par son ampleur et sa rapidité, le dispositif d’accompagnement des entreprises confrontées au choc sanitaire lié à la pandémie de Covid-19 a laissé nombre de dirigeants d’entreprise un peu perdus. L’ordre des experts-comptables, qui a mis en place des numéros verts gratuits, mercredi 25 mars, a d’abord reçu beaucoup d’appels à propos du dispositif de chômage partiel, qui a connu quelques ratés les premiers jours. Au deuxième rang des questions des chefs d’entreprise figuraient les modalités d’accès aux aides pour obtenir des financements, afin de pouvoir tenir le temps de la crise.

« Les dysfonctionnements au niveau de la Direccte [direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi] ont créé beaucoup de stress sur la mise en œuvre des aspects à la fois techniques et humains du chômage partiel », reconnaît Laurent Benoudiz, président de l’ordre des experts-comptables Paris-Ile-de-France.

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Autre difficulté rencontrée sur le terrain, les informations diffusées par les banques, qui pouvaient différer d’un réseau, voire d’une agence à une autre. « Certaines banques demandent à nos clients d’établir des projections de rebond ou des prévisionnels sur l’après-crise, allant sur la période 2020-2021 », s’étonne M. Benoudiz. « Ce qui est compliqué à faire quand on ne sait même pas quand on va pouvoir reprendre l’activité. »

Plus de mille appels en cinq jours

Troisième point délicat, celui du versement de la TVA fin mars, qui a fait l’objet « d’une cacophonie totale » de la part de Bercy, selon Virginie Roitman, expert-comptable. Les chefs d’entreprise sont également demandeurs d’informations sur le report des échéances sociales et fiscales, ainsi que sur les modalités de reports de leurs charges (loyer, électricité et eau), qui restent floues.

Les administrateurs et mandataires judiciaires, qui ont, eux aussi, mis en place un numéro vert en partenariat avec la direction générale des entreprises, ont reçu plus de mille appels en cinq jours, du lundi 23 mars au vendredi 27 mars. Ils émanaient pour 10 % d’autoentrepreneurs ou de microentrepreneurs et pour 74 % de patrons de TPE, issus principalement du commerce et de l’hôtellerie-restauration. Dans le trio de tête des questions : la prime de 1 500 euros pour les indépendants, l’instauration du chômage partiel et le report des échéances sociales, fiscales ou bancaires.

Le point essentiel est que tous les délais (dépôts de dossiers, etc.) sont reportés de trois mois à compter de la fin de l’état d’urgence, qui est fixé au 23 mai

« Tout sera prêt lundi » : le versement des prestations sociales, un défi pour La Poste en pleine épidémie due au coronavirus

Des gens font la queue devant un bureau de La Poste, à Strasbourg, le 17 mars.
Des gens font la queue devant un bureau de La Poste, à Strasbourg, le 17 mars. FREDERICK FLORIN / AFP

La Poste se prépare à accueillir, pendant la semaine du 6 avril dans ses bureaux, l’afflux traditionnel des allocataires de prestations sociales (allocations familiales, prime d’activité, allocation logement, etc.) versées en début de mois. Les longues files d’attente aux guichets vont donc représenter un défi pour assurer la sécurité des clients et des postiers, alors que l’épidémie due au coronavirus progresse rapidement.

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Plus de la moitié des foyers bénéficiaires des minima sociaux – ils étaient 4,25 millions au total en 2018 – sont, en effet, clients de La Banque postale, dont plus de 1,5 million, en accessibilité bancaire, viennent retirer leurs allocations en espèces dans les bureaux de poste chaque mois.

« Des plaques de plexiglas dans les bureaux »

L’opérateur postal va donc adapter son dispositif. Les caisses d’allocations familiales (CAF) ayant décidé d’avancer le versement de ces prestations au samedi 4 avril, La Poste veut inciter ses clients qui disposent d’une carte bancaire à retirer ces sommes dans le réseau des distributeurs automatiques de billets, puisque ses bureaux seront fermés ce jour-là. « De nombreux allocataires disposent d’une carte, mais vont tout de même au guichet parce que leur carte est plafonnée. Nous allons donc relever ce plafond, afin que les clients puissent retirer jusqu’à 1 500 euros si la somme est disponible sur leur compte », indique-t-on à La Poste. Les clients concernés seront prévenus par SMS.

Le groupe va, en outre, préparer ses bureaux à un pic de fréquentation entre le lundi 6 avril et le vendredi 10 avril, puisque, au cours des trois premiers jours de versement des prestations, pas moins de 500 000 clients se rendent habituellement aux guichets. « Nous livrons des plaques de Plexiglas dans tous nos bureaux, des barrières pour fabriquer des files d’attente, et nous préparons le marquage au sol à l’intérieur et à l’extérieur. Tout sera prêt lundi », affirme un responsable au sein de la société. « Des vigiles seront présents partout où c’est possible, car les sociétés de gardiennage sont sous tension », ajoute-t-il.

Les allocataires seront incités à revenir plus tard pour effectuer d’autres opérations, comme le règement de factures

Ces bureaux seront « principalement consacrés au versement des prestations sociales et aux opérations bancaires de première nécessité », fait savoir le groupe dans un communiqué publié lundi 30 mars. Lors du versement des prestations sociales, de nombreux clients effectuent un retrait au guichet et, dans la foulée, d’autres opérations comme le règlement de factures ou de quittance de loyer (par le biais du service Eficash), ou un transfert d’argent à l’international avec Western Union. Les allocataires seront, cette fois-ci, incités à revenir plus tard pour effectuer ces transactions.

Coronavirus : comment demander l’indemnisation pour mars, quand on emploie un salarié à domicile ?

Les particuliers employant une femme ou un homme de ménage qui n’a pas effectué en mars toutes les heures prévues peuvent demander une indemnisation via le site du Cesu.
Les particuliers employant une femme ou un homme de ménage qui n’a pas effectué en mars toutes les heures prévues peuvent demander une indemnisation via le site du Cesu. Paul Bradbury/Caiaimages / Photononstop

Comme annoncé par le gouvernement, les plates-formes de déclaration des emplois à domicile (Cesu) et des gardes d’enfants (Pajemploi) ont été aménagées pour permettre aux particuliers employeurs de bénéficier des mesures exceptionnelles d’indemnisation mises en place en cas d’activité partielle, dans le contexte du confinement. Le dispositif est opérationnel depuis ce lundi 30 mars.

Pour rappel, les pouvoirs publics invitent les particuliers qui le peuvent à payer l’intégralité du salaire du mois de mars à leurs salariés, même s’ils n’ont pas travaillé tous les jours. Ceux-là effectueront leur déclaration comme d’habitude et bénéficieront, dans les mêmes conditions que d’ordinaire, du crédit d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile ou pour garde d’enfants à l’extérieur du domicile, aussi bien pour les heures accomplies que pour celles non effectuées. Ainsi que du complément du libre choix du mode de garde (CMG).

Nul besoin d’obtenir une autorisation

Les particuliers employeurs qui ne peuvent pas assumer cette charge ont en revanche la possibilité de bénéficier de la mesure exceptionnelle d’indemnisation pour les heures prévues mais non accomplies en raison de l’épidémie liée au Covid-19. A la différence du dispositif mis en place pour les entreprises, aucune demande d’autorisation ou de déclaration préalable n’est nécessaire.

En contrepartie, le salarié devra fournir à son employeur une attestation sur l’honneur dans laquelle il indiquera le nombre d’heures non travaillées sur lequel porte la demande d’indemnisation. Cette attestation pourra être réclamée en cas de contrôle par l’Urssaf.

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En pratique, la déclaration se fait en deux étapes.

Dans un premier temps, l’employeur doit déclarer les heures réellement effectuées, comme il le fait d’habitude. Ce qui ne pose pas de problème particulier pour les salariés payés à l’heure.

Si votre salarié est mensualisé – c’est-à-dire si vous lui versez tous les mois le même salaire quel que soit le nombre d’heures accomplies – il faut commencer par déterminer le salaire qui correspond aux heures travaillées en effectuant une règle de trois. Par exemple, si le salarié a travaillé six jours au lieu des dix-huit prévus, le salaire qui reste à votre charge est égal à 6/18e de ce que vous lui versez d’habitude. Exemple : pour un salarié payé 350 euros par mois qui n’a travaillé que six jours sur dix-huit, vous devez lui verser 116,66 euros.

Pas de cotisations sur le complément de salaire

Dans un deuxième temps, vous devez compléter le formulaire de demande d’indemnisation exceptionnelle en indiquant les heures prévues et non effectuées. Dans le cas d’un salarié mensualisé, le salaire correspondant à ces heures non accomplies est déterminé par différence avec le salaire à votre charge que vous venez de calculer. Soit 233,34 euros (350 -116,66 euros), dans notre exemple.

Sur cette base, le formulaire d’indemnisation en ligne va calculer de montant de votre indemnité qui correspond à 80 % de cette somme (186,67 euros). Cette indemnité vous sera versée directement sur votre compte bancaire.

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Au total, vous devez donc verser 303,33 euros (186,67 + 116,66) à votre salarié au lieu de 350 euros. Mais vous pouvez aussi décider de lui verser un complément correspondant à la partie des heures non effectuées et non indemnisées par l’Etat (les 20 % restant, soit 46,67 euros dans notre exemple) afin de maintenir son salaire. Ce complément qualifié de « don solidaire » n’est pas soumis aux cotisations sociales.

Et en cas d’arrêt maladie pour garde d’enfants ?

Si vous êtes un utilisateur des services Cesu + et Pajemploi +, il faut savoir que ces services ne prennent pas en charge le versement de l’indemnité exceptionnelle : une fois le formulaire validé, l’indemnité doit être versée directement au salarié par virement, chèque ou Cesu préfinancé. En revanche, la rémunération déclarée au titre des heures travaillées sera versée sur le compte bancaire de votre salarié dans les mêmes conditions que d’habitude.

A noter que les particuliers employeurs qui ont mis leur salarié en arrêt maladie parce qu’il devait garder ses « propres » enfants ne peuvent pas demander à bénéficier de ce dispositif de chômage partiel. Leur salarié sera indemnisé directement par l’assurance-maladie. Mais ils doivent néanmoins déclarer les heures effectuées avant l’arrêt de travail et verser à leur salarié le salaire correspondant à la période antérieure à l’arrêt.

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Un dispositif spécifique est prévu pour les employeurs qui n’utilisent pas Internet. Ils recevront début avril, par courrier, le formulaire à compléter pour pouvoir être indemnisé. Mais rien ne les empêche de payer leurs salariés sans attendre de recevoir ledit formulaire. Pour faciliter le traitement des déclarations, l’Urssaf encourage les employeurs à créer un compte en ligne, au besoin avec l’aide d’un proche.

Coronavirus : aux Etats-Unis, grève de salariés d’Amazon pour réclamer une meilleure protection

Des salariés des plates-formes américaines de distribution Amazon et Instacart se sont mis en grève, lundi 30 mars, en plein confinement à New York et San Francisco, accusant leurs employeurs de ne pas suffisamment les protéger face au nouveau coronavirus.

Plusieurs dizaines de salariés de l’entrepôt new-yorkais d’Amazon à Staten Island, au sud de Manhattan, ont cessé le travail lundi midi. Ils se sont réunis devant l’entrepôt Amazon, masque ou foulard devant la bouche pour certains, éparpillés sur le parking, éloignés les uns des autres, distanciation sociale oblige.

Sous un ciel gris, ils ont brandi leurs pancartes : « Notre santé est juste essentielle », « Traitez vos employés comme vos clients. » Ou encore : « C’est difficile de fermer une entreprise pour troisquatre semaines. Mais c’est encore plus difficile de fermer pour toujours le cercueil de quelqu’un qu’on aime !!! RESTEZ CHEZ VOUS. »

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Des accusations « infondées », selon le groupe

Alors que la région, devenue l’épicentre de l’épidémie aux Etats-Unis, est appelée au confinement, ces travailleurs reprochent au géant américain de ne pas prendre les mesures nécessaires pour les protéger.

« Des personnes testées positives travaillent dans ce bâtiment et transmettent [le virus] à des centaines d’autres », indique un compte Twitter, baptisé @Shut_downAmazon, et tout juste créé.

« Ces accusations sont tout simplement infondées », a réagi Amazon dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP). « Nous avons pris des mesures extrêmes pour assurer la sécurité des personnes, en faisant un nettoyage en profondeur trois fois plus souvent que d’habitude, en achetant les équipements de sécurité disponibles et en modifiant les procédures afin de garantir les distances de sécurité », assure le groupe.

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« Nous voulons également protéger nos clients »

Les salariés de la chaîne de magasins haut de gamme Whole Foods, qui appartient à Amazon, appellent à une grève mardi, demandant eux aussi des mesures de sécurité renforcées, ainsi qu’une rémunération plus élevée.

De leur côté, des acheteurs-livreurs de la plate-forme Instacart, qui permet de commander ses courses en ligne, ont également cessé le travail lundi. Ils demandent plus de sécurité et de meilleures conditions financières.

Ils cesseront ainsi le travail jusqu’à ce que « toutes [leurs] demandes [soient] satisfaites », a indiqué à l’AFP une porte-parole du groupe Gig Workers Collective. « Il ne s’agit pas seulement de nous, nous voulons également protéger nos clients. Les travailleurs sont furieux qu’Instacart ne fasse même pas le strict minimum pendant cette pandémie mortelle », a-t-elle ajouté.

Le Covid-19 a touché aux Etats-Unis près de 157 000 personnes lundi et fait plus de 2 880 morts, selon l’université Johns Hopkins, dont le comptage fait référence.

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