Archive dans juillet 2022

Le droit à la déconnexion en vacances : pas pour tout le monde

« Le problème de la déconnexion ne date pas d’aujourd’hui, mais le télétravail l’a amplifié, en abolissant les frontières entre-temps de travail et temps de repos. » Comme l’exprime Fabienne Tatot, secrétaire nationale de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict)-CGT, les nouvelles habitudes générées par le travail à distance ne font pas toujours bon ménage avec l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, surtout lors des congés.

En effet, 36 % des salariés français se connectent à distance pour travailler en vacances, selon une étude publiée par le site d’évaluation des entreprises Glassdoor, menée le 14 juillet auprès d’un échantillon représentatif de mille d’entre eux âgés de plus de 18 ans et travaillant à temps plein.

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Dans une partie non négligeable des cas, cette surcharge hors du temps de travail provient d’une pression directe de l’employeur. Un sondé sur cinq télétravaille, car ce dernier lui adresse des demandes lors des congés, et 24 % des personnes interrogées se disent sommées de prendre leur ordinateur portable en vacances.

« Pression sociale »

Plus étonnant, cette habitude a souvent pour origine le travailleur lui-même. Ainsi, 35 % des répondants utilisent leurs outils professionnels « par peur de manquer des informations », et reconnaissent que le télétravail les incite à travailler plus dur, à faire leurs preuves. Par ailleurs, 20 % rapportent même que le télétravail augmente tellement le niveau d’exigence des employeurs et des clients qu’ils estiment normal que les projets en cours continuent d’être gérés pendant les heures de repos. Avocate spécialisée en droit du travail, Elise Fabing y voit une pression indirecte de l’entreprise : « Il y a une culture qui consiste à montrer qu’on travaille deux fois plus quand on est à la maison, qu’on est loyal… Les salariés se sentent responsabilisés et ont des objectifs sur le long terme. »

Un droit à la déconnexion figure bien dans le Code du travail depuis 2017, mais ses modalités ne sont pas précisées par la loi

Une observation partagée par Fabienne Tatot : « Les entreprises n’encadrent pas suffisamment le temps de travail. Elles ont tendance à se défausser sur les salariés pour que ceux-ci aient un devoir de déconnexion plutôt qu’un droit. Mais comme on n’est plus évalué par le temps de travail mais sur le travail fait et les objectifs, une pression sociale s’exerce sur chacun d’entre nous, et c’est donc très dur de se déconnecter. » De fait, 54 % des cadres déclarent travailler lors de leurs jours de repos, selon le baromètre Ugict-CGT/Secafi publié en novembre 2021. Ce chiffre monte à 73 % dans la fonction publique.

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En Bretagne, des travailleurs logés en urgence dans des internats pour sauver la saison

Il est arrivé ici la veille. Entre deux services au bar d’un hôtel-restaurant cossu de Saint-Briac-sur-mer (Ille-et-Vilaine), où il travaille, Jason Lerigoleur termine son emménagement, en ce mercredi matin de la mi-juillet. Dans cette chambre, dont les sanitaires collectifs sont situés sur le palier, le saisonnier de 21 ans a commencé par brancher sa console de jeux vidéo et son écran plat. Pas de connexion Wi-Fi disponible pour jouer en ligne. Déçu, le jeune homme a alors rangé sa manette pour trier ses affaires dans l’armoire qui trône face à trois sommiers relevés contre un mur de la pièce.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La pénurie de logements est devenue « le frein numéro un » au recrutement de saisonniers

Faute de logement disponible sur la côte bretonne, Jason Lerigoleur a réservé une chambre dans l’internat du lycée hôtelier de Dinard. « Ce n’est pas le grand luxe, mais ça défie toute concurrence », relativise le barman. Loyer mensuel : 300 euros. Il poursuit : « Ici, les saisonniers galèrent à se loger. On nous propose des studios à des prix exorbitants. Jusqu’à 900 euros la semaine. Nous ne sommes pas des touristes, mais des professionnels contribuant à l’activité économique locale. » Vingt autres travailleurs estivaux sont attendus dans cet internat appartenant à la région Bretagne. La collectivité a décidé d’ouvrir en urgence cet établissement ainsi que trois autres ailleurs dans la péninsule afin de loger des dizaines de travailleurs. Une expérimentation « de secours » imaginée alors que Pôle emploi annonce un manque de 50 000 saisonniers dans la région.

Les syndicats hôteliers misent sur ce dispositif pour pallier le manque de personnel qui contraint certains restaurateurs à fermer un ou deux jours par semaine

L’une des causes justifiant cette pénurie récurrente de main-d’œuvre est le manque de logements. « Certains travailleurs dorment dans leur voiture, alors que nous avons des locaux vides. Le bon sens veut qu’on les ouvre, insiste Loïg Chesnais-Girard, le président (divers gauche) de la région. Une telle opération permet aussi à la collectivité d’optimiser l’usage de ses bâtiments. » Nombre des 12 000 lits des internats gérés par la région pourraient, à l’avenir, densifier cette offre d’accueil.

Une partie de la chambre de Jason Lerigoleur, à Dinard, le 13 juillet 2022.

Sa mise en fonctionnement a démarré courant juillet à cause de « freins administratifs et juridiques » complexifiant le transfert de la gestion de ces bâtiments à d’autres collectivités, selon les édiles. A Dinard, la municipalité gère l’accueil des locataires, avec le soutien des représentants locaux de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH). Ces derniers misent sur ce dispositif pour pallier le manque de personnel qui contraint certains restaurateurs à fermer un ou deux jours par semaine, à réduire la durée des services ou à limiter le nombre de couverts.

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Le « gâchis » des obligations de quitter le territoire prises contre des jeunes apprentis

Le président Emmanuel Macron rencontre des apprentis lors d’une visite du campus de formation industrielle de la fondation Industreet (Total) à Stains (Seine-Saint-Denis), le 1er mars 2021.

Ils sont des futurs pâtissier, boulanger ou boucher, menuisier ou logisticien. Ils sont maliens, guinéens ou ivoiriens. Et sont menacés d’expulsion. Ces jeunes majeurs, élèves de la filière professionnelle et soutenus par leurs professeurs, leurs patrons ou des associations, estiment pourtant être pleinement engagés dans des démarches d’insertion. Au moment où de nombreux secteurs économiques font état de difficultés de recrutement, tels que l’hôtellerie-restauration et le bâtiment, ces situations interpellent.

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Moussa (il n’a pas souhaité donner son nom de famille) est titulaire d’un CAP de peintre et d’un CAP de couvreur, obtenus au lycée Jean-Monnet de Montrouge (Hauts-de-Seine). Ce Malien de 21 ans, en France depuis cinq ans et logé par une tante française, a demandé un titre de séjour, mais s’est vu délivrer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) en janvier par la préfecture du département. « Je ne comprends pas, confie-t-il au Monde. J’ai fourni tous mes bulletins, avec à chaque fois les encouragements ou les félicitations. Un patron voulait m’embaucher mais [à cause de l’OQTF], il n’a pas pu. » Moussa a formé un recours et, dans l’attente, il s’est inscrit en CAP plâtrier pour la rentrée de septembre.

Toujours dans les Hauts-de-Seine, un autre Malien, également prénommé Moussa et titulaire d’un bac professionnel en électricité, est lui aussi sous le coup d’une obligation de quitter le territoire depuis mars. Pris en charge par l’aide sociale à l’enfance entre 2017 et 2021, Moussa, aujourd’hui âgé de 21 ans, est accompagné par un patron chez lequel il a déjà réalisé plusieurs contrats à durée déterminée. « Je ne comprends pas pourquoi j’ai une OQTF, j’en souffre énormément », dit-il.

« Situations ubuesques »

Dans ce département francilien, ces situations se multiplient, selon Armelle Gardien, du Réseau éducation sans frontières (RESF). « Cette problématique absorbe la quasi-totalité de nos efforts, témoigne-t-elle. Depuis 2021, on accompagne quatre-vingts jeunes qui ont des OQTF. Mais la problématique est générale. »

Ainsi, dans la Marne, Marie-Pierre Barrière, professeure de français et membre de RESF, dénombre près de trente jeunes menacés d’expulsion et accompagnés par l’association. Elle évoque le cas de Maurice Tolno, un Guinéen de 20 ans titulaire d’un CAP de cuisinier et expulsé le 3 juillet vers Conakry. « Il travaillait dans un restaurant à Amiens, le patron le trouvait excellent et voulait l’embaucher en CDI », souligne la militante, qui précise qu’une OQTF avait été prise à son encontre par la préfecture de l’Aisne, « sous prétexte d’incohérences dans son récit de vie lors de son évaluation de minorité auprès de l’aide sociale à l’enfance ».

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Enseignement professionnel : « Il nous faut réfléchir aux verrous budgétaires, réglementaires et d’orientation qui nous empêchent d’avancer »

Vincent Troger, maître de conférences honoraire en sciences de l’éducation, historien de l’enseignement technique et professionnel, regrette que les filières professionnelles ne soient toujours pas perçues comme une voie de réussite.

« Réussir à ce que nos jeunes aillent plus vite vers le marché du travail et mieux » est l’un des objectifs assignés à la réforme du lycée professionnel par Emmanuel Macron. Y voyez-vous un « mauvais » objectif ?

Ce qui me frappe, surtout, c’est que cet objectif semble être en contradiction avec l’ambition affichée par le système depuis de nombreuses années : conduire plus de jeunes vers plus d’études supérieures. C’est la tendance de fond, en France comme ailleurs dans l’OCDE. On attend des jeunes polyvalents et diplômés au-delà du bac. Et c’est d’autant plus vrai que tous les indicateurs attestent que cette élévation du diplôme est la voie pour trouver du travail. Ou, en tout cas, c’est une protection contre le chômage. Va-t-on vers un changement de fond de la logique ? C’est ce qui doit être précisé.

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Cette réforme de la voie professionnelle doit se faire sur le modèle de l’apprentissage. L’apprentissage est-il à lui seul un gage de réussite ?

Le gouvernement insiste sur l’augmentation importante du nombre d’apprentis ; de fait, on a dépassé les 500 000 par an, avec une forte augmentation en 2021, contre 300 000 il y a une dizaine d’années. Mais on oublie de dire que cette hausse est portée par l’enseignement supérieur, avec de plus en plus d’apprentis en alternance en BTS ou dans des licences professionnelles (81 % des nouveaux contrats signés en 2021 concernent des formations du niveau bac ou postbac).

L’apprentissage fonctionne, oui, mais à un certain niveau de diplôme. Avant le bac, il peut mettre en difficulté beaucoup de jeunes qui ne trouvent pas de contrats ; il peut aussi mettre en difficulté leurs enseignants. On imagine mal, dans les cercles politiques, la complexité de l’accueil au sein d’un même établissement de publics aussi différents que des élèves sous statut scolaire et d’autres en apprentissage.

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Le sujet a été très présent dans cette campagne présidentielle, et pas seulement dans le programme Macron. Cela vous a-t-il surpris ?

Cela fait des années que le lycée professionnel est au centre des préoccupations politiques. Il n’a cessé d’être remis en chantier, quelle que soit la coloration des gouvernements, avec, toujours, l’objectif de « revaloriser » cette voie.

L’enseignement professionnel n’est pas né, à la fin des années 1930, d’un projet politique fortement structuré, mais d’un besoin de formation accélérée de la main-d’œuvre pour les industries de guerre. Un demi-siècle plus tard, c’est la gauche qui, en 1985, crée le baccalauréat professionnel ; c’est aussi un ministre de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui expérimente en 2001 le rapprochement entre le lycée professionnel et l’apprentissage en lançant le label des « lycées des métiers ». Mais c’est ensuite la droite qui généralise le cursus sur trois ans – contre quatre, auparavant – pour le bac professionnel et ouvre l’accès des BTS aux bacheliers. Vincent Peillon poursuit cette politique en créant, en 2013, les « campus des métiers », qui deviendront, avec Jean-Michel Blanquer, des « campus d’excellence ».

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Jean Rouaud : « On peut fixer une date de départ en retraite, mais sa date de fin relève de la loterie de la vie, qui est truquée »

Le spectacle est annoncé. On commence à agiter la muleta de la retraite, et déjà les toros de tous bords se préparent à foncer tête baissée sur le linge écarlate pour y laisser leur empreinte, l’étirer, le dépecer ou le rapetisser, selon ce qu’ils nomment un impératif social ou le sens des réalités, lesquels s’accompagnent de la formule définitive : « Il faut savoir raison garder », leitmotiv des pauvres en esprit à l’imaginaire carencé.

On présentera ce débat sur la retraite comme la manifestation éclatante du fonctionnement démocratique, on s’étripera, on se félicitera du résultat ou on criera au scandale, et tout ce brouhaha politico-médiatique – et c’est peut-être sa finalité inconsciente – reviendra à accréditer cette idée que le corps central de toute existence est le travail, borné, d’un côté, par des années de formation (qui préparent à rentrer dans le grand corps, pas question d’y apprendre le chant des oiseaux) et, de l’autre, si tout se passe bien, par une offre permettant à ce grand corps malade d’avoir de quoi souffler, éventuellement sous assistance respiratoire. De sorte que c’est l’existence en son entier qui s’organise autour du sacro-saint labeur. Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, de ta vie ? J’ai travaillé.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés Robert Zarader : « Nous sommes en plein dans une économie et une société du renoncement »

Ce repos terminal, on voit bien de quoi il s’inspire, de ce septième jour que s’accorde le Créateur après six jours à retourner terre et ciel. Les révolutionnaires, dans leur acharnement voltairien à en finir avec « l’infâme » (l’Eglise catholique), supprimèrent la semaine de sept jours (l’héritage biblique) pour la remplacer par le décadi. Au lieu de 52 dimanches chômés, il n’en restait plus que 36. Du côté du patronat, on commence à se frotter les mains. D’autant que l’Ancien Régime ajoutait aux 52 dimanches 25 fêtes religieuses, également chômées. Voltaire, bien sûr, mais aussi Montesquieu, s’en étaient alarmés, qui dénoncèrent les « effets pervers » pour l’économie de ce pieux repos accordé aux travailleurs. Un bon Dieu est un Dieu mort.

Grande débandade

Le poète Racan [1589-1670] avait 29 ans quand il a publié ses Stances sur la retraite (« Tircis, il faut penser à faire la retraite »), et Montaigne 38 quand il s’est retiré dans sa tour pour écrire, étudier, mettre en pratique le carpe diem horacien. Mais ça, cette injonction, « cueillir le jour sans se soucier du lendemain », hormis pour les oiseaux du ciel et les nantis, c’est précisément ce qui constitue la pierre d’inquiétude de la majeure partie de l’humanité. On empilait autrefois les naissances pour qu’il se trouve un enfant survivant acceptant de prendre en charge ses vieux parents.

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« Il n’y a pas de lien démontré entre l’assurance-chômage et les difficultés de recrutement »

Chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Bruno Coquet considère que la politique de l’exécutif, qui consiste à durcir les règles d’indemnisation des chômeurs pour les pousser à reprendre un emploi, n’est pas fondée. Il regrette également une « carence » de l’Etat dans la gouvernance du régime d’assurance-chômage.

Que pensez-vous du nouveau projet de réforme de l’assurance-chômage annoncé par l’exécutif ?

A ce stade, le projet est imprécis. La volonté affichée est d’« aller plus loin ». Mais plus loin que quoi ? La précédente réforme, dont les dernières dispositions sont entrées en vigueur à l’automne 2021, n’a pas encore été évaluée. La démarche engagée aujourd’hui me paraît précipitée. Tout se passe comme si des solutions étaient avancées face à un problème qui n’est pas connu.

Le but affiché est de pousser les demandeurs d’emploi à reprendre un poste, à un moment où les tensions de recrutement sont fortes. Il s’agit d’un problème bien identifié, non ?

Depuis 2019, le nombre de chômeurs indemnisés baisse deux fois plus rapidement que le chômage total. Au-delà des anecdotes, il n’y a pas, en toute rigueur, de lien démontré entre l’assurance-chômage et les difficultés de recrutement. Rappelons que le régime piloté par l’Unédic n’indemnise que 40 % des demandeurs d’emploi. Et parmi ceux qui sont couverts par le dispositif, plus de la moitié sont loin d’être passifs, puisqu’ils exercent une « activité réduite ». En réalité, la question première est de comprendre pourquoi la majorité des demandeurs d’emploi, qui ne sont pas indemnisés par l’assurance, ne pourvoient pas aux postes proposés.

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La CPME met en avant les situations où des salariés refusent un CDI et retournent à l’assurance-chômage…

Ces exemples évoquent plutôt de la fraude que des règles désincitatives. Si un chômeur repousse à deux reprises une offre d’emploi raisonnable, il s’expose à une radiation et à une suspension du versement de son allocation. Or les pouvoirs et les moyens de contrôle de Pôle emploi ont été renforcés depuis 2019, et pour ce que l’on en sait, le taux de sanctions reste stable et concerne très majoritairement des chômeurs non indemnisés. Le problème ne venant pas des règles d’indemnisation, les réformer n’y changera rien.

Le ministre du travail a déclaré que le mode de calcul de l’allocation, entré en vigueur en octobre 2021, facilite les recrutements et les incitations à l’emploi. Partagez-vous son avis ?

Les mesures instaurées sous la précédente législature reposent sur l’idée que le travail doit payer plus que le chômage. Mais aucun cas-type ne montre que la reprise d’emploi est plus rémunératrice après leur entrée en application. Dès lors, les incitations alléguées ne sont pas au rendez-vous : l’effet dominant vient de la réduction des droits et du pouvoir d’achat qui met les chômeurs sous pression, alors que pour être optimale, une assurance doit viser à stabiliser leur consommation. Il s’agit, plus classiquement, d’une recherche d’économies budgétaires, par le biais d’une diminution des dépenses d’indemnisation.

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Le plein-emploi, un horizon accessible en 2027 ?

La décrue se poursuit à un rythme de plus en plus lent. Au deuxième trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité – répertoriés dans la catégorie A de Pôle emploi – a, de nouveau, reculé, pour s’établir à un peu plus de 3,16 millions sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris), selon les données diffusées, mercredi 27 juillet, par la Dares, la direction chargée des études au ministère du travail. Il faut remonter à début 2012 pour retrouver des chiffres inférieurs. La diminution enregistrée entre début avril et fin juin s’avère nettement moins nette que durant les trois premiers mois de l’année : – 0,8 % contre – 5 %. Malgré le refroidissement de la croissance, le marché du travail résiste, mais les doutes s’accentuent sur la robustesse de la digue.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Assurance-chômage : vers une modulation des règles en fonction de la conjoncture

Pour la première fois depuis mi-2020, les jeunes n’ont pas bénéficié de la baisse constatée durant le trimestre qui vient de s’écouler : les effectifs des moins de 25 ans, dans la catégorie A, se sont, en effet, stabilisés en métropole. Toutefois, si l’on raisonne sur un an, leur situation s’est globalement améliorée (– 22,8 %), en grande partie grâce aux mesures de soutien instaurées au début de la crise sanitaire (primes à l’embauche d’apprentis, parcours personnalisés pour ceux qui ont décroché du système scolaire, etc.). Les autres tranches d’âge ont également profité de la dynamique à l’œuvre.

En revanche, la tendance est moins favorable lorsque la focale s’élargit aux personnes qui recherchent un poste tout en ayant travaillé (catégories B et C) : leur nombre a, certes, reflué au deuxième trimestre dans l’Hexagone (– 3,2 %), mais il reste un peu plus important qu’il y a un an. Au total, la liste des demandeurs d’emploi, en activité ou non (catégories A, B et C) se réduit sur toute la France (– 1,7 % au deuxième trimestre, près de – 9 % sur douze mois), tout en demeurant impressionnante (5,43 millions). L’évolution est positive, mais il y a encore un bout de chemin à accomplir pour sortir du chômage de masse.

Multitudes d’inconnues

Sur BFM-TV, le ministre du travail, Olivier Dussopt, s’est réjoui, mercredi, des statistiques publiées par la Dares. L’économie tricolore, a-t-il dit, « crée de l’emploi », malgré tous les nuages qui s’amoncellent (hausse des prix de l’énergie et de nombreux autres produits, « tensions géopolitiques liées à la guerre en Ukraine »). D’après l’Urssaf, les déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) se sont accrues de 3,6 % au deuxième trimestre, après une légère érosion entre début janvier et fin mars. « La société du plein-emploi (…) est accessible », a ajouté M. Dussopt, en rappelant l’objectif fixé par Emmanuel Macron : ramener le taux de chômage à 5 % en 2027, soit 2,3 points de moins qu’aujourd’hui. C’est « à notre portée », avait martelé Elisabeth Borne, la cheffe du gouvernement, lors de sa déclaration de politique générale, prononcée le 6 juillet à l’Assemblée nationale. « Nous pouvons [y] aller (…) en fin de mandat », avait renchéri le président de la République lors de son entretien télévisé du 14-Juillet.

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Camaïeu demande son placement en redressement judiciaire

Le tribunal de commerce de la métropole de Lille examine, ce mercredi 27 juillet, la demande de placement en redressement judiciaire déposée par la direction de Camaïeu. L’enseigne d’habillement féminin s’est déclarée, lundi 25 juillet, en « cessation de paiement », près de deux ans après sa reprise, en août 2020, à la barre du tribunal par la Financière immobilière bordelaise, société de l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, a révélé l’AFP.

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L’entreprise de Roubaix (Nord) confirme au Monde avoir « demandé l’ouverture d’une procédure en redressement judiciaire avec plan de continuation au tribunal de commerce de Lille ». Cette demande serait motivée par « une accélération des difficultés de l’entreprise » et a pour objectif de « préserver [sa] pérennité », précise un porte-parole.

D’après nos informations, fin juin, le tribunal de commerce de Lille a d’abord été saisi d’une demande de redressement judiciaire déposée par plusieurs créanciers de Camaïeu. Parmi eux figurent des gestionnaires de centres commerciaux confrontés à des impayés de loyers depuis des mois. Les juges les avaient déboutés de leur demande, mais avaient alors ouvert une enquête préalable pour chiffrer les dettes de l’entreprise.

L’un des plus gros employeurs

De sources syndicales, Camaïeu ne verserait plus les loyers de près de la moitié de ses 517 magasins exploités en France. Depuis mars, la CGT, syndicat minoritaire au sein de l’entreprise, plaidait pour voter un droit d’alerte économique au comité social et économique. En vain, faute de majorité. Ces élus craignaient notamment que l’enseigne soit contrainte de procéder « à des licenciements, à la suite de la fermeture des magasins » aux baux litigieux ou délibérément non renouvelés par des bailleurs désormais méfiants.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Camaïeu : l’inquiétude gagne de nouveau les 2 600 salariés, l’enseigne doit des millions d’euros à ses bailleurs

A l’évidence, l’ouverture de cette procédure de redressement judiciaire au tribunal de commerce et la présentation d’un plan de continuation par la Financière immobilière bordelaise ouvrent une nouvelle période d’incertitudes pour l’enseigne, l’un des plus gros employeurs du secteur : il compte environ 2 600 salariés. D’autant que le marché de l’habillement est toujours à la peine.

Dans nos colonnes, en date du 25 juin, Wilhelm Hubner, président d’Hermione People & Brands, pôle des 1 098 magasins du groupe de Michel Ohayon exploités sous les enseignes Galeries Lafayette, Camaïeu, Gap, La Grande Récré et Go Sport, avait toutefois écarté le risque de cessation de paiement. Cet ancien d’Auchan avait cependant admis qu’un « chiffre d’affaires inférieur à 300 millions d’euros en 2021 » interdisait à Camaïeu de renouer avec les bénéfices avant 2023.

Chômage : le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de 0,8 % au 2e trimestre

Des personnes au guichet de l'agence Pôle Emploi du Cardinet à Paris, dans le 17e arrondissement, le 27 juin 2022.

La baisse du nombre de demandeurs d’emploi se confirme au deuxième trimestre de l’année 2022. Leur nombre en catégorie A (sans activité) a en effet enregistré une baisse de 0,8 % en France (hors Mayotte) par rapport au trimestre précédent, selon les chiffres publiés mercredi par le ministère du travail.

Cette baisse revient à 26 900 inscrits en moins dans cette catégorie par rapport au premier semestre, portant leur nombre à 3,165 millions pour la seconde période de l’année.

Sur un an, la baisse en catégorie A enregistrée est de 15,1 %. En incluant l’activité réduite (catégories B et C de Pôle emploi), le nombre de demandeurs d’emploi est en baisse de 1,7 % au deuxième trimestre (-8,9 % sur un an) et s’établit à 5,436 millions, selon la Direction des statistiques du ministère du Travail (Dares).

Au premier semestre, le taux de chômage déjà en baisse était au plus bas depuis 2008.

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Le Monde

Egalité femmes-hommes : « Pour bien agir contre les discriminations, il faut avoir une vision claire des stéréotypes de genre »

De plus en plus attentifs à la performance sociétale et environnementale des entreprises, les investisseurs surveillent plus particulièrement la mixité, levier avéré d’image, d’attractivité et de performance autant que… facteur de risque de réputation.

Récemment contraint de verser plus de 100 millions de dollars pour clore une plainte collective pour discrimination sexiste, Google pourrait en témoigner ! Cette affaire vient aussi confirmer qu’afficher sur ses rapports de jolis sourires et mettre en avant quelques réussites individuelles ne suffit plus : le temps du « pinkwashing » est révolu. Il faut que les paroles se traduisent en engagements et les engagements en actions aux effets rapides et mesurables.

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Pour agir efficacement, il faut d’abord avoir une vision claire de la situation, en l’occurrence de la réalité et de la perception des stéréotypes de genre et des discriminations sexistes en entreprise. Réaliser cette photographie, avec de surcroît une portée internationale, permet d’utiles comparaisons. C’est l’objectif de l’étude réalisée par la Women Initiative Foundation auprès de sept grands groupes en France, en Allemagne, en Italie et au Canada.

La persistance et l’universalité des stéréotypes de genre

L’originalité de cette enquête est qu’elle se fonde sur des réponses directes de salariés, hommes et femmes, sans le filtre de la direction des ressources humaines, ni le biais réducteur des seuls prismes hiérarchiques et salariaux. Gage de rigueur, la synthèse de ce travail a été revue par des spécialistes universitaires de renommée mondiale en France (CentraleSupélec), au Canada (Concordia) et aux Etats-Unis (Stanford).

Le résultat le plus frappant, sans doute, est la persistance et l’universalité de stéréotypes de genre, opposant des femmes qui réagissent (elles sont « pragmatiques », « organisées », « à l’écoute ») à des hommes qui agissent (ils sont « carriéristes », « politiques », « stratèges »). Aux Etats-Unis et en Europe, surtout en France, s’y superposent des stéréotypes concernant spécifiquement les femmes dirigeantes.

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Pour gravir les échelons, les femmes dirigeantes semblent avoir dû abandonner les vertus qu’on prête généralement à leur sexe pour adopter des traits masculins qui, curieusement, deviennent chez elles des défauts (elles sont « arrogantes », « agressives », « autoritaires »). Et les exemples de réussites féminines invalidant ces clichés sont encore trop rares, ou trop peu médiatisés, pour changer les mentalités.

Un net décalage de perception sur les discriminations sexistes

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