« Il n’y a pas de lien démontré entre l’assurance-chômage et les difficultés de recrutement »

« Il n’y a pas de lien démontré entre l’assurance-chômage et les difficultés de recrutement »

Chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Bruno Coquet considère que la politique de l’exécutif, qui consiste à durcir les règles d’indemnisation des chômeurs pour les pousser à reprendre un emploi, n’est pas fondée. Il regrette également une « carence » de l’Etat dans la gouvernance du régime d’assurance-chômage.

Que pensez-vous du nouveau projet de réforme de l’assurance-chômage annoncé par l’exécutif ?

A ce stade, le projet est imprécis. La volonté affichée est d’« aller plus loin ». Mais plus loin que quoi ? La précédente réforme, dont les dernières dispositions sont entrées en vigueur à l’automne 2021, n’a pas encore été évaluée. La démarche engagée aujourd’hui me paraît précipitée. Tout se passe comme si des solutions étaient avancées face à un problème qui n’est pas connu.

Le but affiché est de pousser les demandeurs d’emploi à reprendre un poste, à un moment où les tensions de recrutement sont fortes. Il s’agit d’un problème bien identifié, non ?

Depuis 2019, le nombre de chômeurs indemnisés baisse deux fois plus rapidement que le chômage total. Au-delà des anecdotes, il n’y a pas, en toute rigueur, de lien démontré entre l’assurance-chômage et les difficultés de recrutement. Rappelons que le régime piloté par l’Unédic n’indemnise que 40 % des demandeurs d’emploi. Et parmi ceux qui sont couverts par le dispositif, plus de la moitié sont loin d’être passifs, puisqu’ils exercent une « activité réduite ». En réalité, la question première est de comprendre pourquoi la majorité des demandeurs d’emploi, qui ne sont pas indemnisés par l’assurance, ne pourvoient pas aux postes proposés.

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Ces exemples évoquent plutôt de la fraude que des règles désincitatives. Si un chômeur repousse à deux reprises une offre d’emploi raisonnable, il s’expose à une radiation et à une suspension du versement de son allocation. Or les pouvoirs et les moyens de contrôle de Pôle emploi ont été renforcés depuis 2019, et pour ce que l’on en sait, le taux de sanctions reste stable et concerne très majoritairement des chômeurs non indemnisés. Le problème ne venant pas des règles d’indemnisation, les réformer n’y changera rien.

Le ministre du travail a déclaré que le mode de calcul de l’allocation, entré en vigueur en octobre 2021, facilite les recrutements et les incitations à l’emploi. Partagez-vous son avis ?

Les mesures instaurées sous la précédente législature reposent sur l’idée que le travail doit payer plus que le chômage. Mais aucun cas-type ne montre que la reprise d’emploi est plus rémunératrice après leur entrée en application. Dès lors, les incitations alléguées ne sont pas au rendez-vous : l’effet dominant vient de la réduction des droits et du pouvoir d’achat qui met les chômeurs sous pression, alors que pour être optimale, une assurance doit viser à stabiliser leur consommation. Il s’agit, plus classiquement, d’une recherche d’économies budgétaires, par le biais d’une diminution des dépenses d’indemnisation.

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