Enseignement professionnel : « Il nous faut réfléchir aux verrous budgétaires, réglementaires et d’orientation qui nous empêchent d’avancer »

Enseignement professionnel : « Il nous faut réfléchir aux verrous budgétaires, réglementaires et d’orientation qui nous empêchent d’avancer »

Vincent Troger, maître de conférences honoraire en sciences de l’éducation, historien de l’enseignement technique et professionnel, regrette que les filières professionnelles ne soient toujours pas perçues comme une voie de réussite.

« Réussir à ce que nos jeunes aillent plus vite vers le marché du travail et mieux » est l’un des objectifs assignés à la réforme du lycée professionnel par Emmanuel Macron. Y voyez-vous un « mauvais » objectif ?

Ce qui me frappe, surtout, c’est que cet objectif semble être en contradiction avec l’ambition affichée par le système depuis de nombreuses années : conduire plus de jeunes vers plus d’études supérieures. C’est la tendance de fond, en France comme ailleurs dans l’OCDE. On attend des jeunes polyvalents et diplômés au-delà du bac. Et c’est d’autant plus vrai que tous les indicateurs attestent que cette élévation du diplôme est la voie pour trouver du travail. Ou, en tout cas, c’est une protection contre le chômage. Va-t-on vers un changement de fond de la logique ? C’est ce qui doit être précisé.

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Cette réforme de la voie professionnelle doit se faire sur le modèle de l’apprentissage. L’apprentissage est-il à lui seul un gage de réussite ?

Le gouvernement insiste sur l’augmentation importante du nombre d’apprentis ; de fait, on a dépassé les 500 000 par an, avec une forte augmentation en 2021, contre 300 000 il y a une dizaine d’années. Mais on oublie de dire que cette hausse est portée par l’enseignement supérieur, avec de plus en plus d’apprentis en alternance en BTS ou dans des licences professionnelles (81 % des nouveaux contrats signés en 2021 concernent des formations du niveau bac ou postbac).

L’apprentissage fonctionne, oui, mais à un certain niveau de diplôme. Avant le bac, il peut mettre en difficulté beaucoup de jeunes qui ne trouvent pas de contrats ; il peut aussi mettre en difficulté leurs enseignants. On imagine mal, dans les cercles politiques, la complexité de l’accueil au sein d’un même établissement de publics aussi différents que des élèves sous statut scolaire et d’autres en apprentissage.

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Le sujet a été très présent dans cette campagne présidentielle, et pas seulement dans le programme Macron. Cela vous a-t-il surpris ?

Cela fait des années que le lycée professionnel est au centre des préoccupations politiques. Il n’a cessé d’être remis en chantier, quelle que soit la coloration des gouvernements, avec, toujours, l’objectif de « revaloriser » cette voie.

L’enseignement professionnel n’est pas né, à la fin des années 1930, d’un projet politique fortement structuré, mais d’un besoin de formation accélérée de la main-d’œuvre pour les industries de guerre. Un demi-siècle plus tard, c’est la gauche qui, en 1985, crée le baccalauréat professionnel ; c’est aussi un ministre de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui expérimente en 2001 le rapprochement entre le lycée professionnel et l’apprentissage en lançant le label des « lycées des métiers ». Mais c’est ensuite la droite qui généralise le cursus sur trois ans – contre quatre, auparavant – pour le bac professionnel et ouvre l’accès des BTS aux bacheliers. Vincent Peillon poursuit cette politique en créant, en 2013, les « campus des métiers », qui deviendront, avec Jean-Michel Blanquer, des « campus d’excellence ».

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