« Travailler. La grande affaire de l’humanité » : vers un autre travail

« Travailler. La grande affaire de l’humanité » : vers un autre travail

Livre. Depuis les frémissements de la révolution industrielle, de nombreux penseurs ont cru que l’automatisation serait le sésame vers une utopie économique. En 1776, Adam Smith s’extasiait devant les « machines ingénieuses » qui finiraient par « abréger et faciliter le travail ». En 1930, Keynes prédisait qu’au début du XXIe siècle la croissance du capital, l’amélioration de la productivité et les avancées technologiques nous amèneraient à l’orée d’une « terre promise » économique où personne ne travaillerait plus de quinze heures par semaine.

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« Cela fait quelques décennies que nous avons franchi les seuils de productivité et de croissance du capital qui, selon les calculs de Keynes, nous permettraient d’y être, mais la plupart d’entre nous travaillons encore aussi dur que nos grands-parents et les gouvernements restent toujours aussi obsédés par la croissance et la création d’emplois », relève James Suzman. L’humanité ne semble pas encore parée pour la retraite.

Comprendre pourquoi nécessite de reconnaître que notre relation au travail est bien plus complexe que ce que la plupart des économistes traditionnels voudraient nous faire croire, estime l’anthropologue dans Travailler. La grande affaire de l’humanité (Flammarion).

« Travailler. La grande affaire de l’humanité, de James Suzman. Flammarion, 480 pages, 23,90 euros.

L’ouvrage, qui se lit comme un roman, considère sous un angle nouveau notre relation au travail depuis les débuts de la vie jusqu’à notre présent surchargé. Il s’aventure bien au-delà des frontières de la science économique traditionnelle et pénètre dans le monde de la physique, de la biologie, de l’évolution et de la zoologie, en portant sur ces domaines le regard de l’anthropologie sociale.

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« Adopter cette approche plus globale nous offre des perspectives surprenantes sur les racines anciennes de ce que l’on considère souvent comme des défis propres à la modernité. » Notre relation aux machines reflète ainsi la relation que les premiers agriculteurs entretenaient avec les chevaux de trait, et nos inquiétudes au sujet de l’automatisation rappellent étrangement celles qui troublaient le sommeil des maîtres dans les sociétés esclavagistes.

Les villes, creusets d’inégalité

Retracer l’histoire de notre rapport au travail nécessite de suivre deux chemins qui s’entrecroisent. Le premier concerne l’histoire de notre relation à l’énergie, le travail étant fondamentalement une transaction d’énergie. Le deuxième suit le voyage culturel et évolutionniste de l’homme, des outils de pierre grossièrement taillés aux bourses financières, fermes industrielles et vastes réseaux de machines énergivores. Les points de convergence sont essentiels pour comprendre notre rapport actuel au travail.

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