Les syndicats exigent la création d’un bonus-malus

Les collaborateurs sociaux ont de nouveau constaté, jeudi, qu’ils étaient en dispute sur la façon de juguler le recours excessif aux contrats courts.
Ils ne peuvent pas trouver un arrangement mais se donnent encore une ultime chance pour y parvenir. Jeudi 14 février, à l’occasion d’une neuvième séance de négociations sur l’assurance-chômage, les partenaires sociaux ont, de nouveau, constaté qu’ils étaient en désaccord sur la façon de juguler le recours excessif aux contrats courts. L’exercice, engagé en novembre 2018, touche à sa fin. Les confédérations de salariés ont, en effet, sollicité de leurs interlocuteurs patronaux qu’ils proposent un système de type bonus-malus, dans lequel les cotisations sont majorées pour les entreprises dont la main-d’œuvre tourne fréquemment. Une telle option devra être mise sur la table avant la prochaine – et dernière – réunion programmée le 20 février, faute de quoi les représentants des centrales syndicales n’y collaboreront pas. Rejetée par les organisations d’employeurs jusqu’à présent, cette revendication risque fort de ne pas être satisfaite.
Le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) ne sont pas venus les mains vides, jeudi. Pour la première fois depuis le début des tractations, ils ont exposé un projet d’accord qui, dans leur esprit, répond à la feuille de route donnée par Matignon aux partenaires sociaux, en septembre 2018. Dans ce « document de cadrage » émergent deux points saillants : il faut lutter contre la « permittence », c’est-à-dire la réembauche répétitive de salariés par une même société, et économiser de 3 à 3,9 milliards d’euros en trois ans dans le régime d’assurance-chômage.
Contre-propositions
C’est la première de ces thématiques – combattre la précarité, donc – qui a monopolisé les débats, jeudi. Hostile au bonus-malus, le patronat a affiché des contre-propositions dont beaucoup avaient déjà été évoquées lors d’une précédente séance de négociation, en janvier. Une nouvelle piste a cependant été ouverte jeudi. Elle concerne les CDD d’usage (CDDU), une forme d’emploi ultra-flexible. Pour contrôler ce dispositif, dont de nombreuses entreprises abusent en violant les textes, les organisations d’employeurs ont suggéré quelques changements : ils consisteraient, en particulier, à accorder une prime aux personnes ayant signé au moins quatre CDDU avec une société durant les six mois « qui précèdent la date » du recrutement.
« C’est faible, inconsistant », a déclaré Marylise Léon (CFDT) à l’issue de la rencontre. « Du grand n’importe quoi, pour ne pas dire du foutage de gueule », a renchéri Eric Courpotin (CFTC). Les syndicats sont, une fois de plus, montés au créneau pour défendre une idée qui leur est chère : le bonus-malus. Chaque organisation a son propre schéma, mais celui de Force ouvrière (FO) a été considéré avec un peu plus d’attention. Il envisage de moduler les cotisations en fonction du taux « de contrats à durée limitée » dans l’entreprise. Dans un tel système, seules 17 % des sociétés subiraient une hausse de leurs prélèvements, d’après FO, qui se prévaut d’une étude d’impact de l’Unedic.






Le nombre de micro-travailleurs en France n’est pas secondaire : de 15 000 personnes pour les plus réglementaires à plus de 250 000 pour les moins actifs. Un groupe de chercheurs de Télécom ParisTech, du CNRS et de MSH Paris Saclay vient de diffuser une étude tentant de quantifier le nombre de ces travailleurs du clic, invisibilités et fragilisés, qui effectuent de petites tâches numériques rétribuées à la pièce.
« Souvent répétitives et peu qualifiées, consistent, par exemple, à assimiler ou nommer des objets sur des images, enregistrer des factures, traduire des morceaux de texte, changer des contenus (comme des vidéos), trier ou classer des photographies, répondre à des sondages en ligne », détaillent les chercheurs.
Clément le Ludec, Paola Tubaro et Antonio Casilli, les créateurs de cette enquête exécutée dans le cadre du projet DiPLab (cofinancé par la MSH Paris-Saclay, le syndicat Force ouvrière et le service du premier ministre France Stratégie) ont recensé courant 2018 :
Un groupe de 14 903 micro-travailleurs « très actifs », car présents sur des plates-formes de micro-travail au moins une fois par semaine ;
Un autre de 52 337 utilisateurs réguliers, plus sélectifs et présents au moins une fois par mois ;
Enfin, un troisième groupe de 266 126 travailleurs qu’ils évaluent occasionnels.
« Logiques de précarité et d’exclusion »
« Ces évaluations sont à traduire comme des ordres de grandeur. Dans la mesure où ils dépassent le nombre des contributeurs des plates-formes plus médiatisées telles Uber ou Deliveroo, ces chiffres élevés demandent l’attention autant des pouvoirs publics que des partenaires sociaux », précisent les auteurs. La reproduction de plates-formes qui sous-traitent ces micro-tâches et la popularité des solutions d’intelligence artificielle qui usent largement aux travailleurs du clic pour fonctionner – ce que rappelait par ailleurs Antonio Casilli dans son récent ouvrage En attendant les robots – ont poussé les chercheurs à essayer d’estimer le phénomène en France.
Pour y arriver, ils ont combiné trois méthodes : la prise en compte des chiffres affirmés par les plates-formes qui recrutent en France, placer des offres de tâche sur les plates-formes pour voir qui y répondait et, enfin, mesurer l’audience de ces plates-formes.
« Cette nouvelle forme de mise au travail des populations pousse à l’extrême les logiques de précarité et d’exclusion déjà constatées dans le cadre du vaste débat public et des contentieux légaux autour du statut des travailleurs “ubérisés”. Il nous paraît donc urgent de nous pencher sur ce phénomène émergent », déclarent-ils dans leur article.