Que fait-on du travail ? : « Il est essentiel d’associer les salariés aux décisions sur le travail, y compris sa finalité, mais on n’est pas dans la cogestion »

Dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po (Liepp), des chercheurs ont analysé les maux du travail et leurs origines dans une série de textes publiés par Le Monde tout au long de l’année. Pour « travailler mieux », ces mêmes chercheurs ont avancé quelques pistes d’actions. Dans une deuxième série « Que fait-on du travail ? », qui décryptera sur plusieurs mois ce qui est fait du travail, nous avons interrogé des dirigeants d’entreprise sur ce qu’ils pensent des propositions des chercheurs et s’ils les appliqueraient. Cet entretien ouvre le premier épisode de la série.

Le premier sujet abordé est celui de la perte de sens au travail, ses liens avec le management, en particulier avec la non-participation des salariés aux décisions qui concernent leur travail, analysé par les économistes Thomas Coutrot et Coralie Perez. Leurs recommandations ? Redonner aux salariés le pouvoir d’agir sur leur travail en faisant de leur parole un levier de transformation.

En tant que directeur général de la MAIF et coprésident du Mouvement Impact France, Pascal Demurger, qu’en pensez-vous ?

Sur la question du sens au travail, je suis 100 % d’accord avec ces chercheurs. Redonner la parole aux salariés comme levier de transformation pour redonner du sens au travail est essentiel. Le sujet du travail est un angle mort du débat public. On parle rarement des modalités du travail. Or, il y a vraiment du sens autour de l’objet même du travail et ça peut aller au-delà si l’entreprise propose une mission plus large de nature plutôt sociétale.

Ce premier sujet, le sens du travail, est fondamental sur la valorisation, y compris la valorisation par le salarié lui-même de la fonction qu’il exerce. Ça passe par la compréhension de sa contribution personnelle dans l’atteinte de l’objectif global de l’entreprise, au-delà de la simple création de bénéfices. Le second point consiste à montrer à chaque collaborateur que l’entreprise lui fait confiance dans l’exécution de son travail, et donc à ne pas l’enfermer dans un process établi par le haut, comme un script de téléconseiller par exemple, mais lui laisser une marge de manœuvre relativement importante, une capacité de jugement et d’adaptation en fonction des circonstances.

Avec la considération des salariés, ce sont les trois conditions pour que le travail soit épanouissant. Les collaborateurs donnent alors le meilleur d’eux-mêmes et on crée de la performance pour l’entreprise. L’employeur a une obligation morale au-delà de sa responsabilité légale de préserver la santé physique et mentale des salariés. Quand on a la responsabilité du bien-être des personnes qui nous entourent, on ne peut pas ne rien en faire.

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Thales Alenia Space veut supprimer 980 postes en France, les salariés mobilisés

Rassemblement des salariés de Thales Alenia Space sur le site de Toulouse, mardi 17 septembre 2024.

Entré chez Thales Alenia Space (TAS) en 1996, Guilhem Ganivet, syndicaliste Force ouvrière, n’a pas souvenir d’avoir connu un plan de restructuration d’une telle ampleur. « C’est inédit et l’heure est grave », se navre ce technicien, micro à la main, devant 700 salariés rassemblés à l’appel d’une intersyndicale FO, CFE-CGC, CFDT, CGT, sur le terre-plein à l’entrée de l’usine toulousaine, mardi 17 septembre. « Ce plan est débile et incohérent car notre charge de travail est établie jusqu’à la fin 2025. On réclame son arrêt pur et simple et on ne lâchera rien. »

Le secrétaire FO du conseil social et économique (CSE) à Toulouse ne manie pas la langue de bois pour qualifier le « plan d’adaptation » de la coentreprise détenue par Thales (67 %) et Leonardo (33 %), spécialisée dans la fabrication de satellites et de segments sol. Elle prévoit, sur une période allant de 2023 à 2025, de supprimer 1 237 emplois en Europe, dont 980 postes en France.

Le site de Toulouse, siège social de la branche française spécialisé dans la fabrication de charges utiles de télécommunication, est particulièrement concerné, avec la perte de 650 emplois sur un total de 2 700 personnes.

À des kilomètres de la ville rose, 600 salariés se sont réunis sur l’autre site français de TAS, à Cannes (Alpes-Maritimes). Dédié à l’assemblage, l’intégration et aux tests des satellites de télécommunication et d’observation, l’usine perd 330 postes sur 1 800. « Les personnes concernées par la suppression des postes seront redéployées dans le groupe Thales. Et il n’y a donc pas de perte d’emploi », affirme la direction au Monde. « L’objectif est que l’entreprise soit profitable et compétitive à moyen terme dans le domaine des télécommunications. »

Tassement des commandes mondiales

Cécile Larue n’est pas convaincue. « L’entreprise liquide les compétences », déplore cette ingénieure système venue au rassemblement « pour constater les dégâts ». « Sauf que dans le spatial, les métiers, en grande partie, sont spécifiques sur des cycles longs. On ne forme pas les gens en quinze jours. »

Sur le marché très concurrentiel des satellites de communication géostationnaires civils, les commandes mondiales se tassent. « Avant il y avait une vingtaine d’appels d’offres par an. Or, depuis trois ans, il n’y en a que dix, pas plus », explique l’entreprise pour justifier le plan. Conséquence : en 2022, elle a remporté six appels d’offres, en 2023, aucun et en 2024, un seul.

A cette raison s’en ajoutent deux autres, selon le groupe : les satellites nouvelle génération − numériques −, reconfigurables en orbite, nécessitent moins de ​main-d’œuvre et des difficultés technologiques ont retardé leur développement. Les syndicats, eux, relativisent. « Il ne faut pas mélanger les aspects mais les traiter de façon disjointes », préconise Fabrice Rialet, délégué central CFE-CGC. « Et, avant tout, il faut établir une stratégie et une vision sur un marché en pleine croissance », propose ce responsable d’appels d’offres et de projet.

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De la salle des machines de l’Etat jusqu’au manageur

Droit social. Quand un ancien directeur général du travail pendant treize ans, devenu président de la section du contentieux au Conseil d’Etat et enfin directeur de cabinet du garde des sceaux puis d’une première ministre, prend la plume pour évoquer, sans termes savants ni impressionnant salto juridique arrière, Les Normes à l’assaut de la démocratie (Odile Jacob, 208 pages, 22,90 euros), on écoute Jean-Denis Combrexelle. A fortiori à l’aube de la XVIIe législature de la Ve République, dans notre pays fracturé où un changement politique doit nécessairement se traduire par un bouleversement législatif.

Si la règle de droit est la base de « l’Etat de droit », ses filets de plus en plus nombreux (nationaux et internationaux), avec des mailles de plus en plus serrées, ne risquent-ils pas d’étouffer nos démocraties ? Car « le droit a pris une importance démesurée dans l’action administrative, masquant souvent une forme de conformisme et de refus culturel de la réforme, et du changement », écrit M. Combrexelle.

Sujet concernant directement les entreprises, mais aussi le manageur de proximité, cet usager du dernier kilomètre de la norme. Ou plutôt de normes proliférantes, car si nul n’est censé ignorer la loi, nul n’est désormais censé ignorer la jurisprudence, française et communautaire. Sans oublier certaines autorités administratives devenues tellement « indépendantes » qu’elles édictent leurs propres règles.

Un problème chronique

Mais l’auteur s’intéresse heureusement moins au vieux marronnier de l’inflation des normes (commune à tous les pays développés) qu’aux spécificités françaises dans la conception de celles-ci. Evitant clichés, puis « yaka » et autres « faukon », il nous invite dans la salle des machines. Pour suivre, par exemple, l’itinéraire d’un projet de loi avec ses huit étapes, dont les réunions interministérielles (RIM), où chaque ministère fait état de ses graves préoccupations, puis l’avis de multiples instances consultatives, où chaque lobby veut tout préciser.

Enfin, le Parlement, qui, « tel Janus, a deux faces : tout en contestant l’afflux de normes au nom de la protection de cité civile qu’il est censé représenter, il amoncelle en réalité les lois et les normes », écrit-il. Car les parlementaires ont « une vision normative et législative de l’action publique ». Une loi nouvelle étant aussi plus médiatique que le dernier paragraphe du même article 24 de la Constitution (« Le Parlement évalue les politiques publiques »). Ce qui pourrait l’amener à réfléchir sur sa soif de légiférer.

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« La visio m’a tuer » : Avec l’essor du télétravail, « on ne se voit plus, on se visionne »

Livre. « Ce jeudi va être un enfer. » Sébastien, consultant dans le secteur du numérique, commence sa journée en télétravail. Pas moins de douze réunions au programme, avec certains rendez-vous sur le même créneau. De 9 heures à 19 h 30, c’est un véritable marathon face caméra.

Il doit s’accommoder du « management infantilisant » d’une supérieure (« quelle est votre météo du jour ? »), régler en temps réel des problèmes de connexion, garder tant bien que mal son « self-control », apporter son expertise à un client tout en lisant les consignes de son supérieur dans un tchat, faire face à la défection soudaine d’un collègue… et trouver quelques instants pour déjeuner.

Tout s’enchaîne à vive allure. Sébastien semble parfois en apnée dans sa chambre. Il termine la journée « nerveusement à bout », « regrett[ant] presque le cahotement du RER pour se vider la tête ». Le récit de la journée de ce consultant s’intègre à une suite de saynètes directement inspirées de faits réels, proposées par Alexandre des Isnards dans son dernier ouvrage, La visio m’a tuer (Allary Editions).

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Après L’Open space m’a tuer (Le Livre de Poche, 2009) et Facebook m’a tuer (NiL, 2011), l’auteur entraîne son lecteur dans le monde du travail post-Covid-19, où le télétravail a progressé de façon exponentielle et où la visioconférence s’est imposée comme le mode de réunion par défaut. Le travail à domicile est-il la panacée ? M. des Isnards modère l’enthousiasme de ses promoteurs. Si ses protagonistes se satisfont de l’augmentation de leur temps de sommeil, ils voient s’entremêler à leur domicile vies professionnelle et personnelle.

Les multiples failles du travail en visioconférence

Les conjoints deviennent des « coworkers », dont on découvre parfois avec une certaine déception la façon d’être au travail. De même, la pression est toujours là, plus insidieuse. « Travailler hors bureau suscite la suspicion », résume l’auteur. Il faut mettre en scène son investissement et s’accommoder de la « pastille verte », cette « pointeuse des cadres » qui, sur les applications collaboratives, témoignent de votre présence.

M. des Isnards met en lumière les multiples failles du travail en visioconférence, une version désincarnée des réunions. « Les brainstormings ne sont plus, comme en présentiel, des orages de pensées. Les idées ne fusent plus (…). Les débats, eux, sont policés. » La capacité de persuasion, parfois, s’étiole. L’absence de debriefs de visu, après la réunion, apparaît également dommageable.

On devine, au fil des pages, que l’inconfort des équipes est également partagé par nombre d’entreprises. Elles peinent à trouver une organisation pertinente, adaptée à l’univers numérique et au travail à distance. Comment maintenir une cohésion entre des salariés ne se parlant plus que par écrans interposés, alors que certains sièges sont désertés ? Comme dans l’entreprise de ce jeune alternant qui, arrivant au travail, cherche désespérément un membre de son équipe pour l’épauler.

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Surtravail : « les risques d’erreurs augmentent de manière démontrée lorsqu’on ne compte pas ses heures »

Comment éviter l’épuisement, le burn-out, lorsqu’on évolue dans un milieu où le surtravail est la norme ? Pas facile de quitter le bureau à 18 heures, ni même à 21 ou 22 heures, lorsqu’on travaille dans le conseil, une banque d’affaires, une start-up… ou simplement quand on a un patron accro au travail et qui considère que chacun doit s’aligner.

Cela arrive malheureusement de plus en plus, y compris dans des administrations, voire des associations qui « œuvrent pour le bien de l’humanité ». Sans compter les indépendants, agriculteurs, médecins, artisans, dont certains ne mettent pas de limites à leur engagement. « Merci, mais non »… Qui ose faire comme Bartleby, le héros de Herman Melville, refusant, imperturbable, toute nouvelle tâche ?

L’idée n’est pas de compter ses heures en permanence au risque de renoncer à toute réussite, mais, avant le rush de la rentrée, de repérer les mécanismes intimes et les idées fausses qui peuvent pousser à accepter un rythme dangereux, voire à se l’infliger soi-même, au risque d’un burn-out dont souffrent de 5 à 10 % des actifs chaque année.

Affecte autant l’efficacité que le moral et la santé

Travailler beaucoup procure de l’adrénaline et certains ont du mal à s’en passer. Mais les risques d’erreurs, de fautes professionnelles, voire d’accidents, augmentent de manière démontrée lorsqu’on ne compte pas ses heures. La qualité du travail des cadres comme des médecins ou d’autres professionnels se trouve compromise, même s’ils croient bien faire en empiétant sur leur temps de repos.

Lire aussi la chronique : Article réservé à nos abonnés Sortir du « surtravail » dès la rentrée

Un rythme effréné génère sur le long terme un épuisement chronique qui affecte autant l’efficacité que le moral et la santé. Les « bons élèves » apprennent à être performants, pas à poser des limites. Mais cette aspiration à bien faire entraîne parfois trop loin, et tout particulièrement ceux qui souffrent du « syndrome de l’imposteur » et qui, malgré leurs compétences, n’ont pas confiance en eux.

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Rien de plus facile pour un manageur habile que de profiter d’un sentiment d’insécurité en faisant des comparaisons désavantageuses, en mettant au défi de faire plus ceux qui sont fragilisés par une faille narcissique… En cas de doute, vigilance ! De nombreux salariés ont incorporé une norme du surtravail héritée de leur entourage familial et de leur scolarisation.

Elon Musk, un modèle à suivre ?

Socialisés dans un milieu où la vie professionnelle tient une place centrale, passés par des études très contraignantes, ils sont habitués à « ne pas s’écouter » et à considérer le surtravail comme normal. Avec de telles prémices, négocier leurs charges de travail ne leur vient pas à l’idée, leur vie privée peut leur sembler fade, et certains en arrivent à craindre les temps morts qui les confrontent à leur anxiété. Encore une fois, avec une telle histoire scolaire et familiale, vigilance ! Croire qu’on peut acheter en quelque sorte le droit à travailler moins par la suite en appuyant sur l’accélérateur à l’orée de sa carrière est un pari rarement gagnant.

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Dans les petites entreprises, le vieillissement des patrons joue sur la compétitivité

Au sein du technopole Sophia Antipolis, à Antibes (Alpes- Maritimes), le 20 août 2023.

Lorsque Antoine Frérot a laissé son fauteuil de directeur général de Veolia, en juillet 2022, il avait 64 ans, dont treize passés à la tête du géant de l’eau et des déchets. Auréolé du récent succès de l’OPA menée de haute lutte sur Suez, il aurait pu rester quelques années de plus. Mais il a préféré confier les commandes à son bras droit, Estelle Brachlianoff, tout en gardant la présidence.

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« C’était le bon moment. Estelle était prête, elle avait 50 ans, c’est le bon âge pour démarrer une direction générale et se projeter dans le temps long, explique-t-il. Avec le rachat de Suez, Veolia entamait une nouvelle ère et c’était important de la commencer avec à sa tête un dirigeant qui pouvait faire plusieurs mandats. Pour conduire une entreprise, il faut avoir du temps devant soi. » Mais pas trop non plus. « Au bout d’une longue période, on se renouvelle moins dans les idées à mettre en œuvre et cela peut peser sur l’entreprise si l’on n’apporte pas du sang neuf », concède-t-il.

Entre un vieux sage ou un jeune loup, finalement, qui est le meilleur patron ? La recherche académique s’est penchée sur cette question de l’âge du capitaine sans trouver vraiment de réponse définitive. Si les chercheurs démontrent que l’appétit au risque diminue à mesure que le PDG vieillit, cela présente des avantages et des inconvénients : les jeunes loups auront tendance à investir davantage, à être plus innovants, à conduire des acquisitions, ce qui leur permet d’afficher globalement une meilleure performance financière que leurs aînés, mais, en sens inverse, la probabilité qu’ils « plantent » l’entreprise est plus élevée…

« La prime à l’expérience joue à plein »

Cet arbitrage entre la performance et la sécurité, c’est le rôle du conseil d’administration, dont la mission principale est de choisir le meilleur dirigeant pour une entreprise. Et, selon les périodes, le balancier oscille dans un sens ou dans l’autre. « Depuis le Covid, la prime à l’expérience joue à plein, analyse Hervé Borensztejn, associé du cabinet de chasseurs de têtes Heidrick & Struggles. L’âge moyen des dirigeants des grandes entreprises françaises, qui avait tendance à baisser régulièrement, est remonté. Il est passé de 55 ans il y a deux ans à 57 ans. »

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« Cela peut paraître étonnant, au moment où l’arrivée de l’intelligence artificielle ou la prise en compte du réchauffement climatique pourraient favoriser l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération de patrons, mais l’environnement est d’une telle complexité, sur le plan géopolitique, sociétal ou économique, que les conseils d’administration arbitrent en faveur de l’expérience et les dirigeants en place restent plus longtemps », poursuit Sylvain Dhenin, associé du cabinet.

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Souveraineté économique : « Il faut passer du changement de langage au changement de comportement »

Pierre-Marie de Berny est le fondateur et dirigeant du cabinet d’intelligence économique Vélite, qui publie pour la quatrième année d’affilée un palmarès de la souveraineté économique, classant les 40 entreprises françaises cotées au CAC 40 en fonction de leur participation à « l’augmentation et à la protection de la puissance économique de la France au bénéfice de l’ensemble de sa population et de ses territoires ». Au-delà du classement lui-même et de ses variations d’une année sur l’autre, les critères retenus et la mise en avant du thème de la souveraineté sont révélateurs du tournant qui pourrait affecter les stratégies des multinationales confrontées à la montée des tensions géopolitiques et à l’« arsenalisation » des outils de la puissance économique dans la confrontation entre blocs politiques rivaux.

A partir de quels critères peut-on « classer » les entreprises sur le sujet de la souveraineté économique ?

Nous avons utilisé 2 000 données regroupées en 62 indicateurs de troisième rang, eux-mêmes classés en 18 indicateurs de second rang, à leur tour classés en 5 indicateurs majeurs. Trois d’entre eux sont « offensifs » – ils mesurent la contribution de l’entreprise à l’augmentation de la puissance économique française : ce sont la force d’innovation technologique (moyens affectés à la R&D, dépôts de brevets, préservation et développement des savoir-faire), la capacité à améliorer ses positions dans les chaînes de valeur stratégiques (conquêtes de marché, acquisitions d’entreprises étrangères, rang mondial sur une activité critique, capacité d’investissement) et, enfin, le rayonnement de la France (réputation à l’international, promotion de la langue française, sponsoring et partenariats).

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Un quatrième est « défensif » – il mesure la capacité de l’entreprise à protéger son indépendance vis-à-vis de l’étranger (géographie de la détention du capital, nationalité du top management, capacité de résistance aux OPA, localisation des activités critiques et des solutions d’hébergement des données).

Le cinquième est « contributif » – il mesure la contribution à la vitalité économique des territoires en France et à la solidarité nationale (création d’emplois, rapports avec les sous-traitants, action sociale). Ainsi, une entreprise sera pénalisée dans le classement si elle diminue ou délocalise ses dépenses de R&D, cède une activité critique à un acheteur étranger, voit sa réputation ternie, augmente la part des dirigeants étrangers à son conseil d’administration ou à son comité exécutif, laisse croître la part de son capital flottant, confie ses données à un hébergeur étranger, diminue la part de ses effectifs en France…

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En Creuse, département le plus âgé de France, le pari du repeuplement

Sur les rives de l’étang des Landes, à Lussat (Creuse), le 20 juillet 2019.

Loin des métropoles et des littoraux surpeuplés, la Creuse se vide petit à petit. Elle compte aujourd’hui 115 700 habitants, dont 30 % affichent plus de 65 printemps, ce qui lui confère le titre peu envié de département le plus âgé de France. Les moins de 25 ans ne forment que 20 % de la population. Beaucoup partent pour faire leurs études, mais peu reviennent ensuite, malgré une qualité de vie vantée par les locaux : des forêts à perte de vue, des lacs, un riche patrimoine historique, et des prix de l’immobilier très attractifs.

La Creuse est le département le moins cher de France, devant l’Indre, selon le courtier Meilleurs Agents. On peut s’y offrir une maison pour 856 euros le mètre carré − à condition d’apprécier le « dans son jus » et de ne pas être trop regardant sur l’isolation, se murmure-t-il. « Le Covid a eu un petit effet, beaucoup de gens sont venus s’installer dans leurs résidences secondaires, note la préfète, Anne Frackowiak-Jacobs. Mais peu sont restés… » Et les prévisions ne sont guère optimistes : en 2040, le département ne comptera plus que 104 000 habitants, selon les projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

C’est qu’attirer une population nouvelle sur un territoire, capable de relancer la natalité et d’inverser la courbe démographique, n’est pas qu’une question de prix de l’immobilier. Il faut aussi des emplois, des écoles, des transports rapides et fiables, une offre de loisirs… Or, en matière de transport, la Creuse n’a pas bénéficié de l’« effet TGV » qui a boosté d’autres départements. La ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), qui dessert seulement La Souterraine, est même réputée pour ses retards dus à un matériel roulant vétuste. La SNCF a promis une amélioration, mais pas avant 2026…

Le recrutement, un exercice de haute voltige

Côté emploi, le tableau n’est guère plus reluisant. Entre 2009 et 2019, le département a perdu 2 700 postes (− 0,6 %), à rebours de la tendance de la région Nouvelle-Aquitaine (+ 0,7 % par an), selon les données de l’Insee. A La Souterraine, le sous-traitant automobile GM&S, longtemps l’un des principaux employeurs du département, a été repris par le groupe GMD, avec moitié moins de salariés. Plus loin dans le temps, l’usine Philips Eclairage à Aubusson a fermé ses portes en 1988, alors qu’elle faisait vivre une bonne partie de la ville, avec ses 570 salariés. Moyennant quoi le secteur public au sens large (administrations, hôpitaux, médico-social…) est devenu le premier employeur local. « Les métiers liés à la formation, à l’éducation sont en baisse, alors que ce qui relève du social et de la santé progresse, décrypte Arnaud Brennetot, professeur de géographie politique à l’université Rouen-Normandie. Le vieillissement génère une activité économique en soi. »

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Sciences Po cherche désespérément la bonne direction

Depuis le décès de Richard Descoings, en 2012, l’école traverse une crise de gouvernance. Les deux derniers dirigeants ont été emportés par des scandales et l’établissement est accusé d’être le terreau d’une prétendue culture « woke » après les mobilisations en faveur de la Palestine. Des troubles qui ont dissuadé plusieurs candidats au poste de directeur, dont la désignation doit être officialisée le 20 septembre.