Une captation du CPF par les entreprises ?

2 476 euros, c’est le coup de pouce donné en moyenne par les entreprises aux salariés pour compléter le budget disponible sur leur compte personnel de formation (CPF). Cette dotation représente la moitié du coût pédagogique de leur formation. Ainsi, 250 millions d’euros ont été versés par les entreprises depuis 2020 pour abonder les CPF.

C’est ce que révèlent les chiffres d’une note de « Questions politiques sociales » de la Caisse des dépôts sur « Les dotations des employeurs sur les comptes personnels de formation » publiée le 18 juin. Le groupe chargé de la gestion du dispositif voit dans ce premier bilan un « intérêt croissant des entreprises pour le dispositif et [le] fort levier qu’il représente pour la formation de leurs salariés ».

« Il existe un encouragement fort du gouvernement pour développer le CPF comme outil de la coconstruction des parcours professionnels, de la fidélisation, de la reconversion, a expliqué Axel Rahola, le directeur adjoint des politiques sociales de la Caisse des dépôts, pour présenter ce bilan. Mais cette pratique de cofinancement encouragé ne remet pas en cause l’esprit du dispositif. »

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Dix ans après sa création, le CPF a séduit les actifs

La question mérite toutefois d’être posée. Le CPF a été créé en 2014 pour redonner la main aux salariés sur leur formation professionnelle. Initialement attaché à l’individu et non à l’entreprise, il a depuis été réorienté vers les employeurs, qui commencent à l’utiliser comme une brique complémentaire à leur plan de formation, surtout dans les entreprises de plus de 250 salariés, et dans le cadre de politiques de dotation très individualisées : pour l’année 2023, en moyenne 3,3 salariés sur 10 000 en ont bénéficié.

Les seniors restent sous les radars

Depuis le 5 septembre 2024, l’employeur a même la possibilité de flécher sa dotation sur une certification donnée. Responsabilité bancaire (conseil en clientèle, conseil patrimonial), test d’anglais (Toeic), « les formations les plus suivies [de 2020 à 2023] par les bénéficiaires d’une dotation employeur portent sur les métiers bancaires », indique Elise Kayser, coautrice de l’étude avec Marième Diagne, qui précise que « si l’on ne peut pas établir de lien de causalité entre formation et parcours professionnel, l’analyse des bénéficiaires ayant fini leur formation en 2022 indique que 79 % d’entre eux travaillent toujours dans la même entreprise ».

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« Trump découvre que le pays ne se gouverne pas comme une entreprise »

Au-delà des outrances provocatrices et des effets de manche du président Trump, la politique Make America Great Again (MAGA) pose au monde occidental une question de fond : dans un capitalisme spéculatif globalisé, les Etats conservent-ils encore un réel pouvoir de politique économique ?

Car c’est en défenseur des intérêts nationaux que Donald Trump se pose lorsqu’il exige l’allégeance des géants du numérique ou lorsqu’il brandit la menace de droits de douane pour forcer la relocalisation de la production aux Etats-Unis. Relocaliser, c’est en effet réaligner l’espace économique, celui des producteurs et des consommateurs, sur l’espace politique des électeurs.

Dans le même mouvement, constatant que la croissance de la dette de l’Etat américain (120 % du PIB) rogne ses marges de manœuvre, le MAGA s’attaque à la structure même de l’Etat fédéral, accusé par certains penseurs libertariens de constituer un « Etat profond », c’est-à-dire un réseau d’agences voué à maintenir la paix sociale en distribuant subsides et prestations, au prix d’un endettement public abyssal.

La méthode, brutale et disruptive, de la politique MAGA suscite de nombreuses réserves. Elles ne doivent pas, néanmoins, faire oublier son enjeu central : un Etat dispose-t-il encore des forces nécessaires pour encadrer un capitalisme mondialisé dont la logique échappe aux intérêts nationaux ? La réponse autoritaire à cette question caractérise le capitalisme chinois, érigé par l’administration Trump en rival mimétique, précisément parce qu’il a le souci de conjuguer la puissance économique à la souveraineté politique.

Réaction violente des marchés

Or l’incertitude quant à la réussite de la stratégie MAGA ne tient pas seulement à la manière dont elle est conduite. De fait, le capitalisme spéculatif a dissous peu à peu la puissance publique, à travers trois mécanismes : la financiarisation, qui a aligné les revenus de millions de citoyens sur les profits des grandes entreprises cotées ; la digitalisation, qui a fait du secteur numérique mondialisé l’architecte des économies ; la sociétalisation, qui a dépouillé les institutions de l’expression politique légitime pour la transférer aux plateformes et aux réseaux. Malgré les slogans, aucun des présidents américains récents n’a pu s’opposer à cette transformation qui a redessiné notre système économique, mais aussi social et politique.

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Cession des magasins du groupe Colruyt : près d’un millier d’emplois menacés

Un supermarché Colruyt à Binche (Belgique), en octobre 2022.

Près d’un millier d’emplois sont encore en jeu dans la cession des 104 magasins français du distributeur belge Colruyt, implanté depuis 1998 en France – essentiellement dans le quart nord-est du pays – et qui y emploie près de 2 300 salariés.

Le groupe de distribution Les Mousquetaires (Intermarché, Netto…) s’est engagé à acquérir 81 de ces magasins pour un montant total d’environ 215 millions d’euros. Ce projet de reprise, présenté lundi 23 juin au Comité social et économique (CSE) de Colruyt, « implique le transfert automatique de 1 319 salariés », a déclaré le groupe belge dans un communiqué.

Mais quelque 24 autres magasins (dont un n’est pas ouvert) « ne seraient pas repris », ajoute Colruyt, qui assure mener « une recherche active de repreneurs complémentaires pour les sites non repris » et que « plusieurs marques d’intérêt (…) ont été reçues ».

« Au total, cela impliquerait la suppression de 950 postes », a précisé le groupe belge à l’Agence France-Presse (AFP). Parmi ceux-là, « le nombre maximum de salariés susceptibles d’être licenciés pour motif économique serait de 889 », selon le communiqué.

Un plan de sauvegarde de l’emploi en préparation

Le siège, situé à Rochefort-sur-Nenon (Jura), ne fait pas non plus partie du projet de reprise du groupement Mousquetaires, troisième acteur du secteur en France.

« Un plan de sauvegarde de l’emploi est en cours de préparation avec les partenaires sociaux », a ajouté l’enseigne belge.

Les élus du Comité social et économique (CSE) de Colruyt ont dénoncé une « décision jugée incompréhensible et socialement destructrice », dans un communiqué consulté par l’Agence France-Presse. D’après ce même document, les suppressions de postes « sont envisagées d’ici le premier trimestre 2026 » et « la réunion officielle de lancement de la procédure est programmée pour le 4 juillet à 9 heures », au siège jurassien.

En avril, Colruyt Retail France évoquait des « conditions difficiles sur le marché français très concurrentiel de la distribution alimentaire », soulignant que « malgré d’importants efforts sur la rentabilité de ses activités françaises, les résultats escomptés n’[avaient] pas été atteints ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les plans sociaux se multiplient dans les enseignes du commerce

Le Monde avec AFP

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Employeurs et salariés face aux fortes chaleurs au travail : « J’aimerais savoir à partir de quelle température il y a danger ? »

Des travailleurs sur un chantier à Paris, le 18 juin 2025.

Ces derniers jours, courriels et appels se multiplient à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), organisme spécialisé dans la prévention des risques professionnels. « Chaque année, les questions des employeurs comme des salariés n’arrivent que lorsqu’il commence vraiment à faire très chaud, constate Jennifer Shettle, responsable du pôle information juridique à l’INRS. Or, le principal message qu’on cherche à faire passer, c’est justement qu’il faut anticiper et agir en amont. »

Les questions viennent de tous les secteurs : BTP, restauration, petits commerces, spas, jardineries… « Dans les métiers où les personnes doivent protéger leurs mains, garder un masque, ou porter des vêtements longs pour leur sécurité, ça n’est pas toujours adapté avec la chaleur, il peut ainsi y avoir des conflits d’intérêts, explique Mme Shettle. Il faut alors trouver d’autres moyens et agir sur l’organisation du travail, par exemple, en adaptant les horaires, le rythme… »

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Comment sont imposées les actions gratuites ?

Question à un expert

Je compte vendre des actions gratuites qui m’avaient été attribuées par mon employeur, quelle fiscalité s’appliquera ?

Les actions gratuites permettent au salarié de devenir actionnaire de son entreprise sans coût initial. Leur octroi est soumis à des conditions de performance ou de présence dans l’entreprise durant une durée déterminée.

Le salarié n’en devient propriétaire qu’au terme d’une « période d’acquisition », et ne peut les vendre qu’après une « période de conservation ». Leurs durées sont fixées, dans certaines limites, par l’entreprise.

Fiscalement, il faut distinguer deux types de gains, qui seront tous deux imposés quand le salarié vendra les actions.

Cinq taux de taxation

Le gain d’acquisition est la différence entre la valeur des actions lors de leur attribution définitive (à la fin de leur période d’acquisition) et leur prix d’achat – zéro euro puisque l’action est gratuite. Le gain de cession correspond à la valeur des actions quand le salarié les vend, minorée de leur valeur à l’acquisition définitive.

La plus-value d’acquisition est imposée dans la catégorie des traitements et salaires, selon un régime dérogatoire dépendant de la date d’attribution des actions. Cinq taux de taxation existent, de 39,7 % à 68,7 %.

Depuis la loi de finances pour 2025, le gain de cession constaté sur les actions gratuites est aussi soumis au régime des traitements et salaires, au taux de 59 %.

Explications | Article réservé à nos abonnés Budget 2025 : ce qui change finalement en matière de fiscalité

Toutefois, sous un certain seuil, le gain de cession reste imposé comme une plus-value – de nombreux plans devraient être concernés. Ce gain sera alors soumis au prélèvement forfaitaire unique (12,8 %) ou, sur option, au barème de l’impôt sur le revenu, et aux prélèvements sociaux (17,2 %).

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« Travail, genre et sociétés » décortique les discriminations à l’embauche

La revue des revues. Depuis quelques années, la tornade #MeToo a un peu éclipsé le combat pour l’égalité économique et sociale dans le monde du travail. Les discriminations à l’embauche continuent pourtant à ralentir l’accès des femmes à certaines professions. Ce sont ces barrières invisibles qu’a choisi d’explorer, dans son numéro d’avril, la revue Travail, genre et sociétés : elle tente, résument les chercheuses Reguina Hatzipetrou-Andronikou et Hyacinthe Ravet, de comprendre comment fonctionnent les « mécanismes différenciés de recrutement ».

Lire l’analyse (2024) | Article réservé à nos abonnés « Les hommes et l’égalité professionnelle : qu’est-ce qui coince encore ? »

Pour ce faire, la revue passe nombre de procédures au scalpel en s’intéressant aussi bien aux orchestres symphoniques qu’aux instituts régionaux d’administration, au monde du rap qu’à la garde d’enfants à domicile, à la sécurité privée qu’à la restauration. Ce travail d’enquête, concluent les deux chercheuses, « déconstruit à tout le moins » l’idée que le recrutement est un processus neutre du point de vue du genre : l’évaluation des « compétences » masque bien souvent des discriminations envers les femmes.

Le monde du rap est ainsi régi par des collaborations entre indépendants qui se reconfigurent sans cesse en fonction des projets – et qui se révèlent puissamment discriminantes : de 1990 à 2018, le nombre d’albums de rap a explosé, mais la part des femmes n’a jamais dépassé 7,4 %, constate le chercheur Karim Hammou dans la revue. Cette « ségrégation sexuelle » est liée, analyse-t-il, à l’injonction contradictoire adressée aux rappeuses : elles doivent à la fois exprimer les valeurs d’énergie et de détermination qui imprègnent le rap, tout en « restant féminines ».

Audition à l’aveugle

Passionnante est l’analyse du « paravent » utilisé pour éviter les discriminations, lors des auditions de candidats à des orchestres symphoniques. Dans le passé, ce système a permis d’ouvrir les orchestres aux pionnières, constatent cinq chercheuses, mais, aujourd’hui, il ne sert plus à grand-chose – sauf lorsque les candidats jouent d’un instrument « non conforme » à leur sexe. Les hommes qui ont choisi la flûte ou la harpe, et, surtout, les femmes qui ont opté pour les cuivres ou les percussions, bousculent tellement les normes de genre qu’ils sont souvent écartés. Dans ce cas, la procédure à l’aveugle retrouve toutes ses vertus.

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« C’est un métier ! » : l’IA s’invite comme une aide à la conception dans le secteur du jeu vidéo

« L’IA, c’est un peu la goutte d’eau dans le milieu du jeu vidéo », observe Matheo Hingray. Si ce level designer, un poste créatif qui conceptualise les niveaux d’un jeu vidéo, ne s’inquiète pas pour son métier, il voit plusieurs de ses collègues se détourner du milieu, par peur de l’avenir.

Il est vrai que le contexte économique est morose. Les effectifs, entre 10 000 et 15 000 salariés, ont cessé de croître. « On n’a jamais eu aussi peu d’offres d’emploi depuis qu’on enregistre les statistiques, en 2010, note Emmanuel Forsans, directeur général de l’Agence française pour le jeu vidéo. On avait 600 offres d’emploi en France à l’époque, contre une moyenne à 350, et aujourd’hui on est à 120. »

Si les chefs d’entreprise et associations professionnelles assurent que l’intelligence artificielle (IA) n’a aucun rapport avec ce mouvement, force est de constater que les cas d’usage se multiplient en parallèle. « Quasiment aucun studio ne publie une annonce dans laquelle il mentionne l’IA, car c’est vu comme le mal. Les salariés sont vent debout collectivement. Individuellement, c’est plus nuancé, car certains l’utilisent. Pas un programmeur ne l’utilise pas », témoigne M. Forsans.

« On ne va pas générer des choses qu’on utilise telles quelles, décrit Matheo Hingray. Pour les développeurs, ça va être utilisé comme une recherche Google, face à un bug notamment. Moi, ça me permet de trouver des idées plus vite. »

Narration potentiellement infinie

Au niveau créatif, la start-up X & Immersion propose à des studios de générer automatiquement des lignes de texte pour des personnages, de générer leur voix et d’assurer la synchronisation labiale, soit animer le mouvement des personnages en 3D. Des tâches répétitives, selon son cofondateur Côme Demarigny : « Avec notre outil, sur le remake du jeu L’Amerzone, le studio Microids a pu obtenir 140 000 lignes de dialogue en dix minutes, avec trois jours de retravail derrière. »

Selon lui, on peut également imaginer à l’avenir des jeux qui utilisent l’IA comme « mécanique principale d’interaction », avec une narration potentiellement infinie, et des personnages à qui l’on pourrait presque s’adresser comme à des chatbots, qui auraient quasiment réponse à tout, dans la limite du contexte du jeu.

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Territoires zéro chômeur de longue durée : un rapport souligne l’utilité d’un dispositif « innovant »

Un salarié de La Boîte d’à côté, une « entreprise à but d’emploi », dans le cimetière de Bléré (Indre-et-Loire), le 26 mai 2025.

La Cour des comptes salue l’utilité de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, en souhaitant même sa généralisation, mais recommande d’évaluer son financement réel et de renforcer son pilotage. Dans un rapport qui sera rendu public, vendredi 20 juin, la haute juridiction analyse le fonctionnement de ce dispositif – mis en place en 2016, prolongé en 2020 et qui doit prendre fin en juin 2026 –, afin d’évaluer dans quel cadre il pourrait être poursuivi ou généralisé.

Un travail d’une centaine de pages qui intervient au moment où une proposition de loi transpartisane, visant justement à « pérenniser et étendre progressivement » cette expérimentation, a commencé à être discutée − les débats reprendront après l’été − à l’Assemblée nationale.

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Emploi : mettre fin à la discrimination liée à l’âge

Travailler plus longtemps ? Encore faut-il en avoir la possibilité. Les injonctions à repousser l’âge de départ à la retraite se multiplient pour s’adapter à l’évolution démographique et maintenir la soutenabilité du financement du système par répartition. Mais, si les réformes successives ont permis d’améliorer mécaniquement le taux d’emploi des 55-64 ans, elles sont loin d’avoir résolu le sujet du maintien dans l’emploi jusqu’à l’âge légal de départ.

De nombreux salariés âgés sont confrontés à ce paradoxe : alors qu’ils doivent prendre leur retraite de plus en plus tard, les plus de 50 ans continuent à subir une discrimination à l’embauche et beaucoup d’entre eux peinent à rester sur le marché du travail jusqu’au moment où ils pourront toucher leur pension à taux plein.

Le vieillissement de la population française doit pousser à faire évoluer la place des seniors au sein de l’entreprise. Au-delà de la gestion des fins de carrière et de l’accompagnement de la pénibilité se pose également la question des salariés qui sont sortis du marché du travail dans la dernière partie de leur carrière et qui doivent affronter les réticences des entreprises à les recruter au profit de plus jeunes.

De nombreux a priori

Après un licenciement ou l’échec d’une réorientation de carrière, comme une création d’entreprise, les salariés de plus de 50 ans se heurtent à un mur du recrutement du simple fait de leur âge. Le phénomène freine les envies de mobilité professionnelle, mais surtout, pour ceux qui perdent leur emploi, cette discrimination est souvent synonyme de précarité. Trop jeunes pour être à la retraite, mais trop âgés pour être employables, ils sont obligés de basculer vers le chômage, voire les minima sociaux.

Une employée de l’usine de tricot Saint-James, dans la Manche, le 22 mai 2025.

Comme l’indique le « Baromètre Landoy de la France qui vieillit », réalisé avec l’Ifop et publié en novembre 2024, l’emploi des seniors fait encore l’objet de nombreux a priori. Ils seraient réticents aux changements, moins aptes à s’adapter aux outils numériques, plus facilement fatigables et, pour les employeurs, ils coûtent trop cher. Bref, les clichés ont la vie dure, à tel point que l’âge est perçu comme la plus importante source de discrimination par les Français, plus que le handicap ou la nationalité.

Ce ressenti découle directement des pratiques des entreprises, qui sont favorables au report de l’âge de la retraite, mais qui préfèrent embaucher des jeunes. Les recrutements se font de plus en plus par le biais d’algorithmes programmés pour repérer les critères qui trahissent l’âge, conduisant à filtrer les candidats les plus jeunes. Même s’ils arrivent à passer ce premier obstacle, les seniors doivent ensuite surmonter les réticences des services de ressources humaines qui reproduisent la même grille de sélection.

Ces pratiques sont incohérentes avec la logique consistant à repousser l’âge de départ. Si l’on veut que les Français travaillent plus longtemps, il est indispensable de lever les barrières à l’embauche que rencontrent les seniors en corrigeant les biais introduits dans les algorithmes de recrutement, voire en instaurant des quotas en fonction de l’âge.

Les mentalités vis-à-vis des seniors ne doivent pas changer par principe, mais par nécessité. Dans dix ans, la majorité de la main-d’œuvre sera constituée par les plus de 45 ans, et la baisse du nombre de jeunes diplômés va provoquer une pénurie de talents. Se priver de l’expérience est un luxe dont nous n’avons plus les moyens.

Le Monde

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