Les deux offres de reprise de Camaïeu divisent les salariés

Les deux offres de reprise de Camaïeu divisent les salariés

Le siège de Camaïeu, à Roubaix (Nord), le 27 mai.

L’avenir de Camaïeu divise ses salariés. Une cinquantaine d’entre eux se sont rassemblés, vendredi 24 juillet, devant le tribunal de commerce de la métropole de Lille, à Tourcoing, alors que les juges examinaient les sept offres de reprise de l’entreprise placée en redressement judiciaire fin mai. Les deux principales offres font débat au sein de l’entreprise de Roubaix, qui emploie 3 134 salariés.

La première émane de la Financière immobilière bordelaise. Elle porterait sur la reprise de 511 magasins et environ 2 700 salariés, selon la CGT. Interrogée par Le Monde sur son projet, la société fondée par Michel Ohayon, à Bordeaux, a décliné toute communication en assurant « ne vouloir faire aucun commentaire à ce jour ». Toutefois, cette offre bénéficie du soutien de l’intersyndicale de l’entreprise. « Car elle maintient l’emploi au sein du siège de Roubaix. Et la Financière immobilière bordelaise s’engage à reprendre davantage de magasins » que celle de son rival, explique Thierry Siwik, délégué CGT.

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La seconde offre est, elle, présentée par trois des cinq actionnaires de l’entreprise détenue en leveraged buy-out (LBO, achat avec effet de levier) : les fonds américains Farallon et Golden Tree et le luxembourgeois CVC Credit Partners. Les créanciers de l’entreprise, devenus actionnaires de Camaïeu, en 2018, lors de la conversion de leurs dettes en capital, entendent reprendre l’entreprise aux côtés de l’équipe actuelle de direction : Joannes Soënen, son président depuis août 2019, et Robert Bensoussan, président du comité de gouvernance. Ils se partageraient à parité le capital de l’enseigne de prêt-à-porter féminin.

« Un projet plus abouti »

Pour l’emporter, les candidats ont amélioré leur première offre en s’alliant à deux autres repreneurs locaux. Grain de Malice, enseigne détenue par l’association familiale Mulliez, reprendrait 43 de ses points de vente. Log’S, société de logistique installée à Lesquin (Nord), s’est, lui, engagé à reprendre l’entrepôt Camaïeu et ses 153 salariés.

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En tout, ce consortium s’est dit prêt à poursuivre l’activité de 446 des 632 magasins français de l’enseigne et à reprendre 2 520 de ses 3 134 salariés. L’ensemble mettrait la main sur l’enseigne née en 1984 pour un montant de l’ordre de 2 millions d’euros. Il s’est, par ailleurs, engagé à apporter 30 millions d’euros de fonds propres et à contracter un emprunt de 45 millions d’euros garanti par l’Etat, dont « la validation est en cours », assure un porte-parole. La direction de l’enseigne promet désormais une révolution au sein de l’entreprise connue pour ses vêtements fabriqués en grande série à l’étranger et vendus à petits prix. Camaïeu pourrait désormais vendre davantage de tenues fabriquées en France et dans le bassin méditerranéen, assure-t-elle.

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Bien que ce projet de reprise déboucherait sur près de 800 licenciements, contre environ 600 au sein de l’offre de la Financière immobilière bordelaise, ce dossier bénéficie du soutien de l’UPAE, syndicat autonome au sein de l’entreprise. « Le projet des anciens actionnaires porté par notre management actuel est beaucoup plus abouti et construit dans une vision qui assurera la pérennité de Camaïeu sur le long terme », a estimé dans un communiqué l’UPAE, jeudi 23 juillet. A l’inverse, l’intersyndicale de Camaïeu s’inquiète de ce projet qui aboutirait sur « un plan social » et permettrait aux actionnaires de « supprimer la dette de l’entreprise », selon Thiery Siwik. « Réduire les effectifs de Camaïeu » serait nécessaire, affirme un porte-parole du consortium.

Baisse de la consommation

Le tribunal de commerce devrait rendre son jugement le 17 août. Le dossier est suivi de près au ministère de l’économie par Bruno Le Maire et par le Comité interministériel de restructuration industrielle. Il est aussi de nouveau à l’agenda de Xavier Bertrand. En 2016, le président de la région Hauts-de-France était déjà intervenu auprès de BNP Paribas pour éviter une crise de trésorerie à Camaïeu. Et, aujourd’hui, il s’inquiète des conséquences de ce nouveau plan social dans sa région, au sein de cette figure de l’économie nordiste. Camaïeu a connu des années folles, notamment sous la houlette de son ancien PDG, Jean-François Duprez, peu après son entrée en Bourse, en 2000.

Malgré la concurrence de Zara et H&M, l’enseigne était parvenue à se hisser au premier rang des distributeurs de mode féminine en France. Cela s’est fait notamment au prix d’une expansion tous azimuts, partout dans l’Hexagone, dictée, à partir de 2005, par des fonds d’investissement désireux d’augmenter le chiffre d’affaires de l’entreprise pour qu’elle leur rembourse sa dette. La baisse de la consommation, en France, depuis douze ans a eu raison de ce modèle.

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LJD

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