L’effet boomerang d’une gestion individualisée des performances

L’effet boomerang d’une gestion individualisée des performances

Gouvernance. Les données sur l’emploi mettent clairement en évidence le phénomène de « grande démission » (« La France vit-elle une “grande démission” ? », Dares, août 2022). Comme ailleurs dans le monde, notre marché du travail connaît, depuis la fin de l’année 2021, un accroissement exceptionnel des démissions de salariés comparable à celui des années 2008 et 1974.

Un tel mouvement présage de fortes turbulences économiques et sociales, comme le suggèrent ses précédents historiques. Les démissions touchent aujourd’hui tous les secteurs et créent dans les entreprises de fortes tensions pour recruter (Insee, note de conjoncture, septembre 2022).

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L’analyse macroéconomique interprète la « grande démission » comme un effet d’aubaine : les salariés profitent de la reprise post-Covid pour mettre les employeurs en concurrence. Il en résulte un intense débauchage interentreprises qui favorise l’augmentation des rémunérations et… encourage les démissions. Malgré un chômage de 7 %, il n’y a pas « d’armée de réserve de chômeurs » pour calmer le jeu, car toutes les compétences sont concernées par la tentation de jouer sur l’opportunité de gagner davantage.

Affaiblissement de la dimension communautaire

Une analyse microéconomique s’impose néanmoins si on veut comprendre pourquoi les collaborateurs ne préfèrent pas rester dans leur entreprise, quitte à y négocier des avantages puisque, finalement, ceux-ci devraient être accordés à ceux qui les remplaceraient. Pourquoi ce phénomène de démission ?

Un élément de réponse peut être suggéré par l’affaiblissement de la dimension communautaire de l’entreprise. Comme les analyses de terrain l’ont montré (L’Entreprise comme communauté, par Florence Palpacuer, Laurent Taskin et al., Nouvelle Cité, 256 pages, 20 euros), les bonnes conditions de travail ne se réduisent pas à des avantages financiers.

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La qualité des relations humaines et hiérarchiques favorise ou non l’existence de collectifs qui procurent à chaque collaborateur des ressources précieuses en matière d’entraide et de solidarité. S’inscrire dans des collectifs chaleureux allège le poids des efforts, si bien que, à revenus comparables, les conditions de travail paraissent bien meilleures.

Or, ces collectifs ont été malmenés durant les dernières décennies par une gestion individualisée des performances : on a encouragé les compétences et l’excellence personnelles, la fluidité des emplois et des changements de métier. Même les politiques dites « de qualité de vie au travail » ont visé l’individu, son bien-être voire son « bonheur ».

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LJD

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