L’argot de bureau : le « blurring » ou la journée qui ne s’arrête jamais

L’argot de bureau : le « blurring » ou la journée qui ne s’arrête jamais

8 heures du matin : devant votre petit-déjeuner, vous vérifiez les e-mails sur votre téléphone. 11 heures : vous profitez d’un creux dans le travail pour prendre rendez-vous chez le coiffeur. 15 heures : vous vous perdez sur le site du Monde. 21 heures : un SMS du patron ! Vous répondez immédiatement. Vous vous êtes reconnu dans cette situation ? Sachez que vous êtes victime de blurring, en bon jargon managérial.

Le blur, en anglais, c’est le flou, ce qui est brouillé : d’aucuns savent que le blurring est une technique de maquillage qui consiste à camoufler les imperfections de la peau. En management, il s’agit aussi de camouflage : le blurring désigne l’effacement de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Puisqu’il est question d’interférences, nous parlerons en français de « brouillage professionnel ».

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A la base, il y a une dizaine d’années, le blurring devait être une opportunité, une preuve d’ouverture d’esprit de la part de l’employeur, pour rendre raison à Socrate : « La liberté consiste à travailler quand on veut, et à ne pas travailler quand on ne veut pas. » Moins de flicage, moins de présentéisme des salariés, et plus de travail en autonomie. Que demande le peuple ? Le blurring, c’était déculpabiliser les petites pauses prises pour gérer des affaires personnelles, ou ces moments où l’on glisse distraitement sur les réseaux sociaux ou des sites d’achat en ligne. Vous voulez finir de lire ce dossier plus tard, car votre banquier vous appelle ? Pas de soucis, on vous fait confiance ! Faites-le dans les transports en rentrant chez vous ! Ou même après…

Un état de veille permanent

Mais c’est là que le bât blesse : s’il n’y a plus d’emploi du temps, tout devient possible. Regarder ses 178 e-mails non lus à 3 heures du matin sur le smartphone fourni par la boîte, être joignable depuis son transat au beau milieu du mois d’août… C’est la consécration d’un état de veille permanent, pour des salariés hyperconnectés.

Cette habitude peut vite tourner à l’addiction, simplement pour être bien vu de sa hiérarchie. Voire en une sorte de servitude volontaire : La Boétie nous met pourtant en garde depuis 1574, et il n’a jamais eu de smartphone (Discours de la servitude volontaire).

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Pourquoi ces réflexes ? Serait-ce la peur de rater quelque chose (ce que les anglophones appellent « FOMO », ou fear of missing out), de perdre le contrôle ?

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LJD

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