Hélène Langinier : « Au Luxembourg, des femmes issues des “minorités visibles” sont membres de comités exécutifs »

Hélène Langinier : « Au Luxembourg, des femmes issues des “minorités visibles” sont membres de comités exécutifs »

Dans des pays multiculturels comme le Luxembourg, les femmes d’origine africaine, arabe ou asiatique accèdent à des postes à responsabilité sans commune mesure avec ce que l’on observe en France.

Publié aujourd’hui à 13h23 Temps de Lecture 3 min.

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Tribune. La trop faible diversité des élites françaises est un sujet de préoccupation récurrent. Dans une période où le marché des cadres se tend (moins de 4 % de chômage actuellement), les entreprises françaises vont devoir, elles aussi, modifier leurs pratiques de recrutement et de promotion si elles veulent éviter de se priver de nombreux talents.

Notre recherche menée au Luxembourg montre que les diplômées de l’enseignement supérieur issues de minorités visibles accèdent à des responsabilités sans commune mesure avec ce que l’on peut observer en France (« Understanding shapers of success of female self-initiated expatriates from emerging countries », Hélène Langinier, Aline Pereira Pündrich et Akram Al-Ariss, communication à la conférence annuelle de l’European Academy of Management, 26-28 juin 2019). Dans les cabinets d’audit, par exemple, les postes d’associés ou de directeurs sont, en France, quasi monopolisés par des anciens élèves de quelques grandes écoles, hommes pour la plupart et Blancs pour l’immense majorité. Alors que l’on compte, par exemple, 27 % de femmes parmi les associés des filiales luxembourgeoises des Big 4 (les quatre plus grands cabinets d’audit mondiaux, tous américains) pour une moyenne mondiale de 19 %.

Au Luxembourg, le vivier local est insuffisant pour répondre aux besoins du secteur. Et il n’est pas rare que des femmes « de couleur », d’origine mauricienne ou philippine, par exemple, soient membres de comités exécutifs. Ce qui est impensable dans l’Hexagone.

La France pourrait s’inspirer de ce modèle

Dans des contextes multiculturels de ce type, nos recherches mettent en évidence que le genre, les caractéristiques ethniques et la nationalité comptent beaucoup moins dans le potentiel de réussite professionnelle que la maîtrise de plusieurs langues étrangères, l’aisance à se mouvoir hors de son milieu d’origine grâce au développement de compétences interculturelles et, bien sûr, le niveau d’expertise.

Dans de tels univers professionnels, de haut niveau et très internationalisés, les réseaux, si utiles aux carrières, apparaissent comme particulièrement diversifiés. Les femmes originaires de pays en développement, venues volontairement faire carrière au Luxembourg et ayant accédé à des postes de premier plan, ont une conscience claire qu’elles ont bénéficié de cette ouverture. Elles ont le sentiment de jouer à armes égales avec leurs homologues occidentaux et masculins.

Les freins traditionnels aux carrières féminines, le stéréotype de la mère de famille non investie à fond dans sa carrière, ont certes la vie dure, mais ces femmes « de couleur », issues de pays souvent assez machistes, montrent que ces obstacles peuvent être surmontés.

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LJD

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