Covid-19 : en Occitanie, la fronde syndicale contre la réouverture des usines

Covid-19 : en Occitanie, la fronde syndicale contre la réouverture des usines

L’entrée de l’usine Bosch d’Onet-le-Château (Aveyron), en janvier 2018.
L’entrée de l’usine Bosch d’Onet-le-Château (Aveyron), en janvier 2018. JOSE A. TORRES / AFP

La sécurité des salariés doit primer sur la continuité de l’activité. Pas question de tergiverser, alors que la pandémie due au coronavirus continue de se propager. C’est la position adoptée par l’intersyndicale CGT, SUD, CFE-CGC Bosch située à Onet-le-Château (Aveyron). « On ne veut pas redémarrer, tant que le pic de l’épidémie n’est pas atteint », déclare Yannick Anglarès, secrétaire CGT de l’usine spécialisée dans la fabrication d’injecteurs pour moteurs diesel, qui emploie 1 400 personnes, dont 900 ouvriers. « Nos produits ne sont pas vitaux, ils peuvent attendre un peu. »

La veille de la fermeture du site, décidée le 17 mars, « les salariés inquiets se sont rassemblés et ont fait savoir à la direction qu’ils ne voulaient pas travailler », raconte Jérôme Pouget, délégué SUD. « Les syndicats ont brandi la menace du droit de retrait imminent si elle ne faisait pas le nécessaire. »

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Depuis deux semaines, une équipe composée de salariés, de cadres et de responsables d’ateliers s’active sur place pour mettre en place des mesures de protection sur les chaînes de fabrication. Mais cela ne suffit pas à rassurer. « Il n’y a quasiment pas de masques et de gel hydroalcoolique, précise M. Pouget. Or, nous sommes amenés à transmettre les pièces de main à main, et tous les opérateurs touchent les surfaces par lesquelles le virus se propage. »

« La direction est responsable, pas nous »

« Tant qu’il y a des craintes, on freine des deux pieds et on ne valide pas les décisions. La direction est alors responsable, pas nous », prévient M. Anglarès. La reprise partielle de la production était actée pour le 25 mars, avant d’être repoussée au 30 mars, puis au lundi 6 avril.

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De son côté, la direction estime que « les besoins des clients justifient une ouverture progressive du site ». « Certains se sont manifestés, affirme Patrick Meillaud, directeur économique. Nous sommes confrontés à une situation inédite, extraordinaire. En tant qu’industriel, on s’adapte du mieux que l’on peut. »

« La riposte se coordonne et s’organise. C’est inédit dans le milieu », se félicite Gaëtan Gracia, délégué syndical

Aux Ateliers Haute-Garonne (AHG), entreprise de 250 salariés installée à Flourens (Haute-Garonne), la CGT a multiplié les recours afin que l’activité cesse. « J’ai déposé deux droits d’alerte, l’un pour danger grave et imminent, afin que les personnes fragiles puissent rentrer chez elles. Le second, en cas de risque grave sur la santé publique, explique Gaëtan Gracia, délégué syndical. J’ai effectué une tournée pour rencontrer les collègues, un à un. Je les ai motivés à exercer leur droit de retrait et à organiser collectivement un débrayage. Et, le soir [lundi 16 mars], on a monté un plan de bataille sur WhatsApp pour demander à la direction l’arrêt de l’activité. » Mardi 17 mars, la production de rivets pleins pour l’aéronautique est en pause. Dans quelle mesure la pression exercée par la CGT a-t-elle pesé dans cette décision ? AHG n’a pas souhaité nous répondre.

Quelques jours plus tard, l’activité reprenait a minima, avec la mise en place d’un plan de redémarrage progressif en trois phases.

Décision « monstrueuse », « criminelle et stupide »

La CGT de ce sous-traitant, qui regrette le choix du groupe « de faire reprendre le travail à marche forcée », ne baisse pas les bras. Le syndicat et 21 organisations syndicales de l’aéronautique ont signé, le 26 mars, un texte pour réclamer, « dans l’urgence, l’arrêt de toutes les productions non essentielles sur les sites » du secteur. « La riposte se coordonne et s’organise. C’est inédit dans le milieu », se félicite Gaëtan Gracia.

Une démarche à laquelle s’est associée la CGT Latécoère, qui qualifie la décision de la direction de reprendre la production de « monstrueuse », « criminelle et stupide ». Le 24 mars, une soixantaine de compagnons volontaires ont repris le travail dans trois usines de la branche aérostructures à Gimont (Gers), Toulouse et Montredon, en banlieue toulousaine. « On encourage les salariés à ne pas travailler », indique Florent Coste, délégué CGT. Consulté lors d’un comité social et économique la veille de la réouverture, le troisième syndicat a rendu un avis défavorable. La CFE-CGC, syndicat majoritaire, s’est abstenue.

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« Les mesures de protection sanitaires sont conformes aux besoins et adéquates à la reprise », souligne Thierry Ynglada, délégué CFE-CGC. « Le seul problème est les moyens : nous n’avons pas de stocks de masques et de gels pour tous les salariés », tempère-t-il. Le syndicat a aussi fait valoir un autre argument. « La santé de notre entreprise est loin d’être mirobolante. Si on ne livre pas, le groupe ne dispose pas de trésorerie. Alors, comment faire ? », s’interroge-t-il. « Contracter la maladie ou perdre notre travail ? On demande à nos actionnaires et à l’Etat d’assurer la pérennité de nos salaires. »

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LJD

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