« Coopérer », d’Anne-Catherine Wagner : les SCOP, une réalité plurielle

« Coopérer », d’Anne-Catherine Wagner : les SCOP, une réalité plurielle

Livre. Lorsque Anne-Catherine Wagner réalise, pour son enquête, un entretien avec le président du conseil d’administration de la coopérative SCOP TI, celui-ci se déroule dans le bureau de la direction, sous… le portrait de Che Guevara. Le responsable du site était auparavant secrétaire du comité d’entreprise. Et son bureau est également celui de la CGT.

L’entreprise est devenue un symbole. Celui de la reprise militante d’une société (Fralib) menacée de délocalisation par un grand groupe (Unilever). Sa transformation en société coopérative et participative (SCOP) au terme d’une lutte de mille trois cent trente-six jours a marqué les esprits. Un symbole mais aussi, d’une certaine façon, un leurre. Car si ces reprises d’entreprises en difficulté par leurs salariés ont une place importante dans l’imaginaire collectif, elles ne représentent qu’une faible part des créations de coopératives (12,5 % en 2019).

A travers son ouvrage, Coopérer. Les SCOP et la fabrique de l’intérêt collectif (CNRS Editions), Mme Wagner, professeur de sociologie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, se propose justement de mettre en perspective ce monde des coopératives et d’en décrire toute la complexité. De fait, ce secteur en plein développement (3 611 sociétés coopératives en 2020, contre 522 en 1970) se révèle être d’une grande diversité.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés En coopérative, la qualité de vie compense une moindre rémunération

Si certaines SCOP naissent à la faveur de luttes sociales, beaucoup d’autres sont le fruit d’une transformation d’association en coopérative, d’une transmission d’entreprise « saine » ou sont créées ex nihilo. Les entités industrielles sont minoritaires : deux tiers de ces sociétés relèvent du secteur des services. Parmi elles, beaucoup sont des entreprises « engagées » (pour une alimentation saine par exemple), portées par des coopérateurs en « quête de sens » et majoritairement issus des classes moyennes diplômées.

« Une usine bourrée d’injustices »

Les SCOP constituent ainsi une réalité plurielle où diffère le sens de la propriété collective : une reprise en main des moyens de production face à l’éloignement des centres de décision pour certaines coopératives ouvrières, un engagement commun dans un projet de société pour des SCOP des services… Les rétributions symboliques mises en avant pour compléter les rémunérations monétaires varient aussi, tout comme le degré d’autonomie de ces sociétés par rapport à leur environnement ou les limites rencontrées, en interne, dans l’exercice de la « démocratie d’entreprise ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Responsabilité sociale et environnementale : repenser le modèle de l’entreprise pour s’adapter aux nouveaux enjeux

L’autrice souligne par ailleurs que « les SCOP ne sont pas des bulles dans lesquelles disparaîtraient comme par magie les contraintes sociales, la valeur de l’argent et des diplômes ou les formes d’intériorisation de sentiments d’incompétence ». Elle y relève aussi des « formes de reproduction des inégalités, en fonction de l’expérience militante, de la qualification ou du genre ».

Il vous reste 29.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.