Casino : un « accord de principe » a été trouvé entre la direction et les salariés sur les modalités du plan social

Magasin Casino à Ploubalay (Côtes-d’Armor), le 5 juillet 2023.

Après une première audience très animée au début de juin, le directeur général de Casino (Monoprix, Franprix, Cdiscount), Philippe Palazzi, a annoncé, jeudi 27 juin, un « accord de principe avec les partenaires sociaux » à la sortie de la cour d’appel de Paris. Il concerne les modalités du plan social en cours et ouvre la voie à davantage d’apaisement entre la direction et le personnel.

Cet « accord » porte notamment sur l’indemnisation dite supralégale et sur les congés de reclassement dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé à la fin d’avril et qui pourrait concerner de 1 300 à 3 200 postes. « Les discussions ont été âpres, mais cela s’est fait dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés », a souligné M. Palazzi, à la sortie de l’audience.

Le dirigeant, la directrice générale des enseignes Casino, les représentants du personnel, les administrateurs et mandataires judiciaires avaient été convoqués par la cour d’appel de Paris en raison de leur rôle pendant de longs mois dans le sort du distributeur en grande difficulté. Une première audience, très animée, s’était déjà tenue le 5 juin.

L’audience en appel a été renvoyée en septembre

Le comité social et économique central (CSEC) de Distribution Casino France (DCF), l’une des principales entités du groupe Casino, avait fait appel, en mars, du jugement du tribunal de commerce de Paris validant le plan de sauvegarde accéléré de la société. Ce sauvetage, provoqué par l’endettement devenu insoutenable du distributeur et au terme duquel le groupe est tombé dans l’escarcelle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, ne respectait pas « le droit des procédures collectives » ni « les intérêts des salariés », estimait le CSEC.

La cour d’appel avait considéré, le 5 juin, que les engagements sociaux de Casino et des repreneurs n’étaient « pas assez précis ». Elle suggérait la mise en place d’une médiation, rejetée en bloc par DCF et les repreneurs – Daniel Kretinsky et ses alliés, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds Attestor.

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Cependant, il pourrait y avoir une « volonté d’apaisement avec une renonciation réciproque à toute action » judiciaire au vu de l’accord trouvé, jeudi 27 juin, a expliqué Matthieu Boissavy, l’un des avocats des salariés. Il s’est réjoui de cet « accord concernant les mesures sociales en faveur des salariés, notamment sur l’indemnisation supralégale et les congés de reclassement ». L’audience en appel a été renvoyée, à la demande des salariés, et se tiendra le 25 septembre, afin de laisser le temps de « formaliser » l’accord ainsi trouvé.

« Soulager les salariés »

Pour Philippe Palazzi, l’accord va « soulager les salariés » encore dans l’attente. Il n’a pas souhaité en divulguer les détails, précisant simplement qu’il ne concernerait pas les quelque 15 800 salariés qui ont changé d’enseigne et d’employeur à la suite de la cession par Casino de l’essentiel de ses magasins « grand format » à ses concurrents Mousquetaires-Intermarché, Auchan et Carrefour.

« Il y a la portabilité en France des acquis sociaux ou des contrats prévue dans la loi pour quinze mois, ensuite ils intégreront les accords sociaux de chaque enseigne », a-t-il rappelé, en affirmant avoir « de très bons retours des salariés concernant Auchan et la façon dont les salariés ont été accueillis, avec beaucoup de formations, d’accueil et de bienveillance ».

Casino employait encore à la fin de 2022 quelque 200 000 personnes dans le monde, dont 50 000 en France, avant de multiplier les cessions. Ses effectifs sont passés sous les 30 000 salariés avant même le PSE en cours de négociation. L’ampleur de ce plan devrait être connue en détail au plus tard en septembre.

Le Monde avec AFP

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France Services : la Cour des comptes appelle à renforcer ces guichets de proximité, essentiels à la cohésion des territoires

Un espace France Services, à Ernée (Mayenne), le 16 novembre 2022.

Les espaces France Services, conçus pour répondre au sentiment de relégation exprimé lors de la crise des « gilets jaunes » dans les territoires confrontés au repli des services publics dans un contexte d’accélération de la digitalisation des démarches, ont-ils tenu la promesse alors formulée par Emmanuel Macron d’offrir à tous les concitoyens « un endroit où trouver réponse à [leurs] démarches de la vie quotidienne » ? Disposent-ils pour ce faire de moyens suffisants et pérennes ? C’est sur ces deux questions que s’est penchée la Cour des comptes dans un rapport évaluatif (2020-2023), rendu public mercredi 4 septembre.

Désormais au nombre de 2 840 en France (antennes comprises), ces lieux d’accueil de proximité proposent, au sein d’un guichet unique tenu par au moins deux agents polyvalents, une aide pour diverses démarches administratives (impôts, retraite, immatriculation de véhicules, prédemandes de titres…). Soit une sorte de « couteau suisse de services », associant désormais onze partenaires nationaux (France Titres, France Travail, La Poste, Caisse nationale d’allocations familiales, Caisse nationale d’assurance-vieillesse, Mutualité sociale agricole, Agence nationale de l’habitat…). A cette offre minimale, dite « socle », peuvent s’ajouter des partenariats locaux propres à chaque structure.

Piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, le dispositif repose sur un réseau de porteurs locaux (collectivités territoriales, La Poste, associations, etc.). Dans le détail, 58 % des usagers ont plus de 55 ans et la majorité d’entre eux sont des femmes (56 %). Les jeunes sont faiblement représentés. Enfin, 82 % des demandes sont traitées sur place.

Maillage renforcé (doublement du nombre de structures), fréquentation accrue (quoique hétérogène selon les espaces), demandes traitées en augmentation continue (1,17 million en 2020, 9 millions fin 2023), écoute et accompagnement personnalisé… La juridiction de la Rue Cambon salue d’abord un programme qui « satisfait une majorité d’usagers » (plus de 90 %) en même temps qu’il « contribue à la cohésion sociale des territoires ».

« Lieux de sociabilité »

Près de 100 % des espaces se situent à moins de trente minutes de transport, conformément à l’engagement présidentiel. Ils sont majoritairement implantés en milieu rural (63 %) – 18 % sont en quartiers prioritaires de la ville. La Cour salue aussi des résultats supérieurs à l’expérience précédente des Maisons de services au public.

« Les usagers trouvent en France Services une relation de services “humanisée et humanisante” », salue la juridiction, ce qui allège « le fardeau administratif », notamment pour les personnes les plus éloignées du numérique. Par ailleurs, ces espaces sont perçus par nombre d’usagers « comme des lieux de sociabilité », dépassant les ambitions de départ. France Services « a une influence sur le sentiment individuel d’abandon », estime la Cour, ce qui « participe incontestablement à la réduction des fractures territoriales ».

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Patronat et syndicats relancent les discussions, après des mois de tensions

Lors du débat entre la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, et le président du Medef, Patrick Martin, à la fête de « L’Humanité », à Brétigny-sur-Orge (Essonne), le 14 septembre 2024.

Les prises de contact s’enchaînent pour retisser des liens qui s’étaient distendus. Depuis la rentrée scolaire, le patronat et les syndicats ont eu plusieurs entretiens apaisés, dans le souci manifeste de se montrer constructifs. Après les tensions engendrées par l’échec, en avril, de la négociation sur l’emploi des seniors, les deux camps semblent, à nouveau, désireux de se parler en composant avec leurs antagonismes.

L’une de leurs principales préoccupations est d’apporter la preuve qu’ils sont des acteurs responsables, aptes au compromis – à la différence, selon eux, des formations politiques, plus promptes à s’entredéchirer qu’à rechercher l’intérêt général. Autant d’initiatives enclenchées au moment où des collaborateurs du premier ministre, Michel Barnier, reçoivent, à partir de lundi 16 septembre et à tour de rôle, les organisations de salariés et d’employeurs.

La relance des discussions entre les partenaires sociaux vient de s’illustrer dans une scène très inhabituelle : la participation du Medef à la Fête de L’Humanité, qui s’est tenue, de vendredi 13 à dimanche 15 septembre, à Brétigny-sur-Orge (Essonne). Samedi après-midi, Patrick Martin, le numéro un du mouvement patronal, a débattu, pendant presque une heure trois quarts, avec Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT. La confrontation s’est déroulée sous un chapiteau plein à craquer, avec une assistance ultramajoritairement acquise à la syndicaliste et, la plupart du temps, respectueuse à l’égard du président du Medef, abstraction faite de quelques courtes huées.

« Dialogue franc »

Si M. Martin s’est jeté dans la gueule du loup, c’est au nom de la « conviction profonde » que les représentants des travailleurs et des chefs d’entreprise doivent parlementer, « en assumant leurs désaccords », mais sans se livrer au « jeu dangereux de l’anathème, de l’insulte et de la fracturation », a-t-il dit peu après la fin de la joute. Mme Binet, elle, a remercié son contradicteur d’accepter un moment de « dialogue franc ». « J’ai bien entendu votre appel à la réouverture de la négociation », a-t-elle ajouté, faisant allusion au souhait de M. Martin, exprimé le 26 août, de reprendre les tractations sur l’emploi des seniors qui avaient capoté en avril. Et d’observer : « Je pense que votre présence ici s’inscrit dans ce cadre-là. »

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D’humeur moqueuse, la cheffe de la CGT a proposé au leader patronal d’engager immédiatement les pourparlers, à la Fête de L’Huma : « J’ai un stylo, donc c’est bon. J’espère que vous avez le chéquier et tout va bien se passer », a-t-elle lancé devant un auditoire hilare. Un zeste d’humour pour égayer des échanges que les deux protagonistes avaient visiblement préparés avec beaucoup de sérieux, au vu de la précision de leurs argumentaires respectifs.

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Le média féministe « Causette », en liquidation judiciaire, cherche un repreneur

Le média féministe Causette, qui a cessé la publication de son mensuel papier à l’automne dernier, pour devenir 100 % numérique, a été placé « en liquidation judiciaire le jeudi 6 juin » par le tribunal de commerce de Paris « sans poursuite d’activité » ; il « cherche un repreneur » pour « renaître au plus vite », a-t-il annoncé lundi 10 juin, confirmant une information de L’Informé. « Depuis cette date, le site n’est donc plus mis à jour, et le travail des salarié[e]s a pris fin », poursuit-il, déplorant « une mise en veille » brutale.

Fondé en 2009 par Grégory Lassus-Debat, le magazine avait été repris en 2018, après une première liquidation judiciaire, par le groupe Hildegarde, qui « avait déposé le bilan de Causette média le 22 mai, espérant un redressement judiciaire », lequel n’a pas été accordé, détaille le communiqué. Hildegarde est également propriétaire des publications spécialisées Le Film français et Première.

Impertinence, progressisme, féminisme

« Nous sommes persuadé[es] que Causette est indispensable dans le paysage médiatique français de par son impertinence, son progressisme, son féminisme (…), d’autant plus au moment où l’extrême droite réalise des scores historiques aux élections et s’impose toujours plus dans le champ médiatique », est-il écrit au lendemain de la large victoire du Rassemblement national aux européennes et de la dissolution de l’Assemblée nationale.

« C’est pourquoi Causette va se battre pour trouver » un repreneur ou une repreneuse « pour s’engager à ses côtés et renaître au plus vite », précise le média, qui compte mettre l’ensemble de son site en libre accès « dans les prochains jours ».

Le magazine féministe avait annoncé à la fin de septembre qu’il devenait un média 100 % en ligne pour « faire face à l’augmentation des coûts » et au changement des habitudes de lecture. « Le titre a pu, en huit mois, se déployer numériquement, entraînant un enthousiasme renouvelé sur son site comme sur ses réseaux sociaux », assure-t-il lundi, regrettant « d’avoir manqué de temps et de moyens pour pérenniser les choses ».

Le Monde avec AFP

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Législatives 2024 : la réforme de l’assurance-chômage suspendue, après l’échec du camp Macron

Paris, France le 30 juin 2024 - Le Premier ministre, Gabriel Attal, prend la parole dans la cour de l’Hôtel de Matignon après l’annonce des résultats du premier tour des élections législatives.

Quelques heures à peine après le résultat du premier tour des élections législatives, le premier ministre Gabriel Attal a décidé « de suspendre la mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage », a indiqué son entourage à l’AFP, dimanche 30 juin au soir. Un renoncement qui marque l’échec du gouvernement alors que la coalition présidentielle Ensemble est arrivée troisième du scrutin, loin derrière le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire. « Première victoire des électeurs RN ! Quand le peuple vote, le peuple gagne ! », a aussitôt réagi Marine Le Pen, dimanche soir.

La réforme de l’assurance-chômage, critiquée par les syndicats et de nombreuses forces politiques – de la gauche au RN en passant par le centre droit –, devait initialement faire l’objet d’un décret publié au Journal officiel avant le dimanche 30 juin, date à laquelle les règles d’indemnisation actuelles arrivent à échéance. Vendredi 28 juin, le ministère du travail avait annoncé que ce ne serait finalement pas le cas avant le 1er juillet.

Pour éviter un vide juridique, les dispositions actuelles de l’assurance-chômage n’étant en vigueur que jusqu’à ce dimanche, un « décret de jointure », prolongeant ces règles, va être publié lundi 1er juillet au Journal officiel, précisent Matignon et le ministère du travail.

Machine arrière

Cette décision met fin à un mois d’atermoiements de la part de l’exécutif. Pressé de retirer sa réforme depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le gouvernement s’était refusé à faire machine arrière. Le 13 juin, le locataire de Matignon avait ainsi affirmé qu’« un décret sera[it] pris d’ici au 1er juillet » pour mettre en œuvre ce projet. La veille, Emmanuel Macron avait été plus flou, lors d’une conférence de presse, laissant entrevoir une réflexion sur le sujet, pour prendre en compte le « temps électoral » : « Ça doit se reprendre après. Est-ce que ça doit passer par l’Assemblée ? Est-ce que ça doit passer par un décret ? On le verra le lendemain [du scrutin]. »

La réforme en question devait fortement durcir, à partir du 1er décembre, les conditions dans lesquelles les demandeurs d’emploi peuvent bénéficier de l’assurance-chômage. Le texte faisait passer la durée de travail nécessaire pour toucher une allocation à huit mois sur les vingt derniers (contre six sur vingt-quatre, aujourd’hui, pour ceux qui ne sont pas considérés comme des seniors). La période d’indemnisation était, elle, raccourcie de dix-huit mois à quinze mois (les personnes d’au moins 57 ans étant soumises à un système plus favorable). La mesure devait permettre au gouvernement de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économies par an.

US Steel : « la sidérurgie a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté »

Une partie de l’usine Edgar Thomson d’US Steel est visible à Braddock, en Pennsylvanie, le lundi 18 décembre 2023.

Le poison de la division n’épargne aucun secteur de la vie américaine. De la musique à la production d’électricité, à l’heure de la polarisation politique, il faut choisir son camp. Il reste pourtant deux sujets qui transcendent les choix partisans : la peur de la Chine et… l’opposition au rachat d’US Steel par son concurrent japonais Nippon Steel.

En visite électorale en Pennsylvanie, la candidate démocrate à la présidentielle, Kamala Harris, a affirmé que le sidérurgiste américain devait être « dirigé par des Américains et possédé par des Américains ». Ce faisant, elle n’a fait qu’inscrire ses pas dans ceux de son mentor, le président Joe Biden. Du côté républicain, Donald Trump a aussi confirmé qu’il bloquerait ce rachat dès son arrivée au pouvoir.

La sidérurgie, comme les compagnies aériennes, a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté par les pays. La puissance d’une nation se mesurait à la hauteur et au nombre de ses hauts-fourneaux. US Steel est depuis un siècle au cœur de l’aventure capitaliste américaine. Mais comme ce fut le cas en Europe, la production d’acier s’est banalisée avec l’ouverture des marchés et la montée en puissance des grands clients tels que l’automobile et la construction. De restructuration en restructuration, US Steel est devenu un acteur marginal sur le plan mondial et troisième aux Etats-Unis.

Syndicat influent

Nippon Steel promet d’investir 2,7 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) pour moderniser l’entreprise. Mais cela ne suffit pas au syndicat United Steelworkers (USW), qui représente 11 000 employés d’US Steel (sur 83 000). Il craint des licenciements dans les bastions traditionnels et s’est ouvertement prononcé pour l’acquisition par le concurrent de l’Ohio, Cleveland-Cliffs. USW, qui s’est diversifié dans l’enseignement et la santé, est très influent. Son président, David McCall, est un soutien et ami de Joe Biden. Et la Pennsylvanie, un Etat-clé pour la prochaine élection.

Pour le symbole industriel et les calculs électoraux, il faut donc s’opposer à l’offensive nippone. Quitte à se fâcher avec son principal allié en Asie et au risque de faire grimper les prix à coups de barrières tarifaires, ce qui pénalisera le reste de l’économie. Le Wall Street Journal a attribué à cette opposition la palme de « l’idée économique la plus stupide de la campagne présidentielle ».

En France, à l’époque de l’OPA de l’indien Mittal sur Arcelor en 2006, on parlait de « grammaire des affaires » pour fustiger l’opération. La bataille de l’acier a changé de vocabulaire, mais pas de sensibilité politique.

Le collectif Vignobles Gabriel & Co assure la défense de vignerons bordelais face aux puissants négociants

Jean-François Réaud, vigneron et président-fondateur du collectif Vignobles Gabriel & Co, à Saint-Aubin-de-Blaye (Gironde), le 3 mars 2021.

Ils ont choisi de se regrouper pour mieux se défendre. Avant même que la crise des ventes de vin ne frappe le Bordelais, ils avaient dressé leurs cuvées en ordre de bataille. Et, aujourd’hui, il y a comme un parfum de victoire, avec une douzaine de références sélectionnées pour les foires aux vins d’automne. Eux, ce sont les Vignobles Gabriel & Co, un nom qui réunit une trentaine de vignerons bordelais sur la rive droite de la Garonne. Grâce à cette structure atypique, ce collectif à la croisée du négoce, de la coopération et de la viticulture indépendante écoule environ 6 millions de bouteilles chaque année, à prix sages (7 euros en moyenne).

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« Ce modèle hybride permet de mutualiser idées et moyens techniques, de valoriser l’identité de chaque vigneron, de bâtir une force commerciale, et aussi de favoriser un engagement éthique et environnemental », assure Jean-François Réaud, 63 ans, président et fondateur de cette entreprise. Le modèle est vertueux : les deux tiers des producteurs travaillent désormais en agriculture biologique et les bouteilles affichent toutes le logo Fair for Life, un label attribué par Ecocert, attestant de pratiques commercialement équitables.

Certes, Jean-François Réaud, lui-même vigneron propriétaire des Châteaux Le Grand Moulin, Les Aubiers et Haut Sociondo, dans l’appellation blaye-côtes-de-bordeaux, ne nie pas le contexte maussade du marché bordelais, soit une baisse de 7,1 % des ventes depuis un an dans le pays. Mais le créateur de Vignobles Gabriel & Co veut croire aux atouts de son projet, qui a grandi en marge de la « place de Bordeaux », le système de négoce qui régit la mise en marché de plus de 70 % des vins de la région.

L’histoire du collectif est d’abord la sienne. Quand, au début des années 1980, il récupère la ferme familiale du Grand Moulin, dans le nord de la Gironde, avec ses 7 hectares de vignes subsistantes, il veut s’affranchir du système consensuel du négoce girondin. « Je trouvais que ce modèle nous privait du ressenti du consommateur », justifie Jean-François Réaud. Mais le jeune vigneron a beau s’échiner à faire connaître lui-même ses vins, ses ventes patinent. « La banque menaçait de me lâcher, il me fallait trouver un marché de gros volume. »

Du bricolage à la maîtrise

Plutôt que de vendre en vrac au négoce, il tente alors de pénétrer la grande distribution : « Un acheteur de chez Carrefour, qui aimait bien mon vin, m’a fait comprendre que si je voulais contourner la “place de Bordeaux”, il fallait que je devienne moi-même négociant pour sécuriser une qualité et un volume constants. »

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Radio France : la « déloyauté répétée » de Guillaume Meurice lui vaut son licenciement

Guillaume Meurice à Paris le 13 mars 2024.

Si la présidence de Radio France comptait sur les suites agitées du scrutin européen de dimanche pour détourner l’attention et mettre une sourdine sur le chambard du licenciement de Guillaume Meurice, elle n’aura pas tout à fait réussi. Révélée par l’humoriste lui-même, mardi 11 juin en fin de matinée, cette annonce est au contraire venue ajouter au climat fébrile provoqué par la dissolution de l’Assemblée nationale décrétée par Emmanuel Macron dimanche 9 juin.

La « fin du faux suspense », tel que Guillaume Meurice qualifiait lui-même le clair-obscur qui entourait l’attente de cette décision, a pris la forme d’un e-mail, reçu mardi, doublé d’une lettre recommandée avec accusé de réception lui indiquant la « rupture anticipée de [son] contrat pour faute grave ».

Après avoir reçu un avertissement, début novembre, pour avoir comparé le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à une « sorte de nazi, mais sans prépuce », M. Meurice avait été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, puis à une commission de discipline après avoir répété cette formule sur l’antenne de France Inter le 28 avril. Il se félicitait alors que la justice ait prononcé, quelques jours plus tôt, un classement sans suite des plaintes déposées contre lui pour « provocation à la violence et à la haine antisémite » et « injures publiques à caractère antisémite ».

Des démissions par solidarité

Ce faisant, explique Sibyle Veil, directrice de Radio France, dans un courrier envoyé aux salariés de Radio France : « Il ne nous a pas laissé d’autre choix que de tirer les conséquences de son obstination et de sa déloyauté répétée. » « Ni la liberté d’expression ni l’humour n’ont jamais été menacés à Radio France », insiste-t-elle, reprochant au chroniqueur du « Grand Dimanche soir » d’avoir mis en doute « l’indépendance et l’impartialité de notre travail. Au mépris de l’intérêt du collectif, il a nourri les arguments les plus infondés de nos détracteurs. »

Par solidarité envers leur collègue et ami, l’humoriste Aymeric Lompret, la chansonnière Giedré et la linguiste Laëlia Véron ont rapidement annoncé sur X mettre un terme à leurs interventions sur France Inter, rejoignant ainsi le comique Djamil Le Schlag, démissionnaire dès le 5 mai.

« Quel choix faites-vous là ? », a demandé à Sibyle Veil le syndicat SUD, estimant qu’« alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir (…),  [votre] décision fragilise considérablement l’ensemble de notre entreprise ». La Société des producteurices de France Inter, présidée par Charline Vanhoenacker, a employé des mots quasi identiques pour dire « [sa] consternation et son désaccord » envers cette sanction : « Notre inquiétude et notre incompréhension sont immenses au moment où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, et l’avenir de Radio France plus incertain que jamais », a-t-elle écrit dans un communiqué.

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Législatives 2024 : l’hôtellerie-restauration, au cœur de l’enjeu de l’immigration

C’est la grande gueule du restaurant Les Philosophes qui accueille les clients de sa voix énergique d’ancien comédien de théâtre. En chemise blanche, veston et tablier, plateau rond sous le bras, Khaled, Algérien de 47 ans, virevolte entre les tables de cette brasserie parisienne du quartier du Marais, dans le 4e arrondissement. « Profitez bien de moi, car, avec ce qui se passe, bientôt je ne serai plus là ! Vous m’escorterez jusqu’à l’aéroport Charles-de-Gaulle ! », lance-t-il, gouailleur, à une cliente attablée en terrasse. En fond sonore, un musicien de rue joue Les Champs-Elysées à la clarinette.

Arrivé sans papiers en France en 2000, Khaled a d’abord travaillé « au black » sur les marchés parisiens, puis comme préparateur de palettes chez un producteur de fruits et légumes des Yvelines. Il a tenté d’obtenir, en vain, un titre de séjour, jusqu’à recevoir une obligation de quitter le territoire en 2005. Il est resté et doit sa régularisation à son mariage avec une Française, avec qui il a eu deux filles. Il travaille dans la restauration depuis sept ans. « Ici, on peut sortir 700 couverts par jour, c’est physique. On doit gérer des gens stressés, des gens qui font la queue. Faut être solide. Peu de Français veulent faire ces métiers ! », commente-t-il.

De fait, au restaurant Les Philosophes, des Français, comme le dit le patron Xavier Denamur, il n’y en a presque pas. Pour préparer les cuisses de canard confites ou servir le filet de bœuf d’Aubrac, toute la planète est de la partie : on croise des Sri-Lankais, un Erythréen, un Russo-Ukrainien, un Angolais, un Belge, un Cap-Verdien, un Sénégalais… « Quand je passe une annonce pour recruter, il n’y a que des immigrés qui postulent. Ce sont des boulots où il faut accepter de travailler les week-ends, les soirs jusqu’à tard. A Paris, sans les étrangers, les restaurants, ils ne tournent pas ! », lance Xavier Denamur.

Dans la cuisine du restaurant Les Philosophes, Sri-Lankais, Cap-Verdien, Belge... travaillent ensemble. A Paris, dans le quartier du Marais, le 27 juin 2024.
Xavier Denamur, dans l'un de ses restaurants, dans le quartier du Marais, à Paris, le 1er juillet 2024.

« On a besoin de l’immigration ! »

En Ile-de-France, en particulier, ce secteur est très dépendant de la main-d’œuvre immigrée : 40 % des employés de l’hôtellerie et de la restauration sont étrangers et 50 % des cuisiniers, selon l’Insee. Sur l’ensemble de la France, ils représentent respectivement 19,3 % et 22 % de ces métiers, selon la Dares.

Que deviendrait ce secteur en cas de durcissement de la politique migratoire, élément-clé du programme du Rassemblement national (RN) ? La suppression du droit du sol, la restriction du regroupement familial, la suspension des régularisations des étrangers en situation irrégulière, comme évoqué par Jordan Bardella dans la présentation de son programme, auraient des conséquences majeures – comme sur tous les secteurs qui emploient de nombreux étrangers, tels le bâtiment ou le nettoyage. Selon la Dares et l’Insee, ils représentent ainsi 27 % des ouvriers non qualifiés du BTP en France – et même 60 % en Ile-de-France – et 38,8 % des employés de maison (61,4 % en Ile-de-France).

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L’union anticasse des Duralex

Le modèle Picardie à la sortie du four, dans l’usine Duralex, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

Le directeur général de Duralex, François Marciano, 59 ans, physique massif et débonnaire, a une drôle de manie. En pleine discussion, il balance son verre par terre. Avant de lâcher, dans un grand éclat de rire : « C’est pour vous prouver qu’il est incassable. » Le verre, un Duralex évidemment, reste intact. Mais c’est l’entreprise entière qui a failli finir en miettes. Il a fallu une union sacrée entre ouvriers et direction, collectivités locales de bords politiques opposés, Etat et banques pour sauver in extremis ce fleuron industriel français employant deux cent vingt-huit salariés et placé en redressement judiciaire fin avril.

Ensemble, ils ont imaginé sa transformation en société coopérative ouvrière de production (SCOP) ; les salariés sont, depuis le 1er août, les actionnaires majoritaires de leur entreprise. Le 2 septembre, c’est en leur nom que François Marciano, ancien et nouveau directeur, a présenté son projet pour la marque, en s’affichant notamment au côté de Guillaume Gibault, patron du Slip français, lors d’une opération de promotion du « made in France ».

Inventeur du verre trempé, obtenu par un chaud-froid brutal appliqué à la pâte, Saint-Gobain dépose le nom Duralex en 1945, inspiré par la devise latine Dura lex, sed lex (« la loi est dure, mais c’est la loi »), pour vanter, déjà, la solidité de sa vaisselle. Verres, gobelets et assiettes sont produits dans une verrerie installée à La Chapelle-Saint-Mesmin, dans la banlieue d’Orléans (Loiret). Le succès est fulgurant : le gobelet Gigogne (1946) puis le Picardie (1954)
s’invitent sur les tables et envahissent les cantines. Entre le poisson pané et la purée, des générations d’écoliers se lancent « T’as quel âge ? » en scrutant le fond de leur verre, rajeunissant ou vieillissant selon le chiffre inscrit. En réalité, le numéro du moule dont chaque verre est issu.

Francois Marciano, le directeur general de Duralex, à l’entrée de son bureau de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 28 août 2024.

La marque devient emblématique. Les verres s’exportent dans le monde entier. Aujourd’hui encore, les ventes à l’étranger représentent plus de 80 % du chiffre d’affaires. Mais, dès les années 1990, la concurrence chinoise et la succession de repreneurs aux gestions hasardeuses, voire frauduleuses – Sinan Solmaz, éphémère propriétaire (2005-2008), a été condamné pour abus de biens sociaux et banqueroute par détournement ou dissimulation pour être parti avec la caisse –, menacent régulièrement l’usine. Le dernier en date (depuis 2021), La Maison française du verre, qui détient aussi Pyrex, a justifié devoir jeter l’éponge en arguant de l’envolée des prix de l’énergie.

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