En coopérative, la qualité de vie compense une moindre rémunération

Dans un de ces anciens passages couverts du cœur de Paris, entre boutiques et petits restaurants, du passage des Panoramas, derrière une grande baie vitrée, se détachent une grande table en bois, des fauteuils vintage et un plafond aux allures d’œuvre d’art fait d’un enchevêtrement de lattes de bois qui descendent sur les murs de Bearstech. Un énorme ours en peluche accueille le visiteur. A priori rien ne distingue cette entreprise d’une des nombreuses start-up installées dans ce quartier de la capitale. Rien, si ce n’est son statut puisqu’il s’agit d’une société coopérative (SCOP).

Spécialisée dans l’entreprise de services du numérique (ESN) logiciel libre (Cloud et DevOps), la SCOP de quatorze salariés réalise un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros. Ses clients sont aussi bien des grands groupes tels que BNP Paribas que des entreprises de taille plus modeste comme Armor-Lux ou Lagardère Plus.

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Tous les salariés sont associés et possèdent ensemble l’intégralité du capital. « Notre volonté a été de brider les pouvoirs de la gérance, explique Pierre Arlais, le directeur. Pour ce faire, nous avons trois cogérants ainsi qu’un comité de direction le « board », où tous les mois, l’ensemble des associés salariés aborde les sujets importants », tels que la définition des salaires (les augmentations sont exclusivement collectives, mais en montant fixe et non en pourcentage), les embauches, les orientations stratégiques, les investissements, etc. Les décisions s’y prennent à la majorité.

« Plus heureux »

Comme toute entreprise, « nous nous battons pour être rentable et dégager du profit », explique le directeur, mais tous les bénéfices sont redistribués aux salariés et investis dans l’entreprise. L’échelle des salaires varie de 1 à 1,8. Une mutuelle famille est prise en charge à 100 %, les chèques cadeaux et déjeuners sont au maximum légal. Dix salariés sur quatorze sont à 100 % en télétravail. Maurice Audin, administrateur système, a sauté le pas fin octobre 2019 et quitté Paris pour la Haute-Vienne.

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Les organisations participatives ont le vent en poupe. « Les gens sont plus heureux car leur travail a du sens. Ils ont rejoint un projet qui vise à la pérennité de l’activité et non au profit rapide », affirme Pierre Arlais. Les directions voient dans ces modèles un moyen d’accroître la réactivité de leur entreprise, tout en améliorant l’engagement des collaborateurs. Clément Ruffier, chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), confirme : « De nombreuses études ont démontré que faire participer les salariés avait un effet globalement positif sur la qualité de vie au travail, mais sous conditions, avertit-il. Ainsi les espaces participatifs peuvent être très déceptifs s’ils restent à la main de la hiérarchie. Gare à l’instrumentalisation ! »

Négociations salariales : accordons-nous sur nos désaccords

Chronique « Carnet de bureau ». 81 % des entreprises considèrent qu’elles payent bien leurs salariés, pourtant seuls 31 % des salariés s’estiment bien rémunérés. Ce paradoxe est confirmé par l’enquête annuelle du cabinet de recrutement Hays, qui devait paraître mercredi 15 janvier. Son étude sur les rémunérations de 2020 a identifié les malentendus entre salariés et employeurs sur les raisons d’accorder une augmentation.

La première justification pour un salarié comme pour l’employeur est la qualité du travail (71 % pour les salariés, 64 % pour les employeurs), suivie, à la marge, de la bonne santé financière de l’entreprise (26 % pour les salariés, 21 % pour les employeurs), indique l’étude Hays. Mais au-delà commence le règne du désaccord : si, pour l’employeur, le deuxième critère qui motive une hausse de salaire est une promotion (58 %) ou un changement de périmètre du poste (42 %), pour le salarié, c’est l’augmentation du coût de la vie (46 %) ou de la charge de travail (42 %).

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L’inflation ne rentre en ligne de compte que pour 27 % des employeurs interrogés par Hays. Dans la première phase des négociations salariales, qui consiste à fixer l’évolution du budget consacré aux augmentations, l’inflation est bien en discussion. « L’objectif des syndicats étant le net restant aux collaborateurs une fois l’inflation déduite de la hausse de salaire, explique Guillemette Gaullier, responsable du département rémunération du cabinet de conseils Korn Ferry. Ainsi, avec une augmentation de 1,9 % de l’enveloppe budgétaire prévue par nos clients pour 2020, le gain du pouvoir d’achat sera de 0,5 % pour les salariés. Mais, dans la deuxième phase où se décide qui est augmenté et à quel titre, le coût de la vie n’est plus du tout pris en compte par les RH. »

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L’augmentation de la charge de travail ne semble pas non plus vraiment prise en compte, selon Hays. A ce niveau, les employeurs regardent la performance du collaborateur, « ils comparent aussi le salaire à la médiane interne et à la médiane externe. Les évolutions du marché sur le salaire d’embauche par métier peuvent tirer la médiane des rémunérations vers le haut ou vers le bas », précise Guillaumette Gaullier. L’augmentation souhaitée par le salarié peut alors rester lettre morte, quelle que soit sa performance, si son niveau de salaire est devenu surévalué par rapport au marché.

« L’employeur raisonne sur un montant global et fait des choix pour garder des compétences, tandis que le salarié analyse sa situation particulière, parfois sans connaître ni le salaire ni les performances de ses collègues », rappelle Marlène Ribeiro, directrice exécutive du cabinet de recrutement Michael Page. Le manque de communication est source de malentendus. « Dans un système opaque, le salarié ne peut qu’imaginer les critères d’augmentation et, côté salarié, une hausse de charge de travail non exprimée peut ne pas être pas prise en compte. Par ailleurs, si cette charge est liée aux difficultés de l’entreprise et que les résultats du groupe ne sont pas à la hauteur de l’investissement du collaborateur, la hausse de salaire ne suivra pas », explique Mme Ribeiro.

Armand Hatchuel : « Carlos Ghosn incarne le césarisme d’entreprise »

Chronique«  Entreprise ». L’affaire Carlos Ghosn ne relève pas de la saga des grands manageurs. L’héroïsation du dirigeant, la personnalisation du pouvoir, la chute aussi vertigineuse qu’inattendue, tout y évoque un césarisme d’entreprise. L’ex-PDG le reconnaît lui-même, en affirmant qu’un complot juridico-industriel a été nécessaire à son éviction, alors qu’un limogeage suffit pour un patron « normal ».

Mais le groupe Renault-Nissan n’est pas le seul à avoir connu une telle dérive césariste, celle-ci est en cause dans plusieurs drames d’entreprises, qui étaient tout aussi impensables : le « dieselgate » chez Volkswagen, le harcèlement moral chez France Télécom, et la catastrophe du 737 MAX de Boeing.

Dans chaque cas, les enquêtes retrouvent le même scénario. Il débute par l’accès au sommet de responsables à qui l’on prête des succès hors norme. Ceux-ci s’empressent alors d’annoncer que la situation d’entreprise qu’ils ont trouvée exige un redressement fort et rapide. Suivent alors une gouvernance pyramidale et des objectifs démesurés, justifiés par l’urgence et par la stature du héros. La pression est mise sur les résultats à court terme et sur l’embellissement des bilans financiers.

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Toute opposition, toute critique interne sont progressivement muselées. Les conseils d’administration restent passifs, accréditant un dirigeant que les assemblées générales peuvent applaudir.

Cependant, en coulisses, des mécanismes vitaux de l’entreprise se détériorent (dialogue social, compétences techniques, contrôles de la qualité, coordination interne, etc.). Les indicateurs du succès deviennent pervers, car ils masquent cette perte d’efficacité et de cohésion.

L’entreprise devient incapable de réagir aux alertes internes, aux erreurs, aux dangers qui s’accumulent. In fine, la réalité ne fait retour que par une catastrophe ou un scandale, qui entraîne la chute du dirigeant et fait plonger l’entreprise. Ce fut la révélation sidérante d’un logiciel tricheur chez Volkswagen ; une terrible vague de suicides au travail chez France Télécom ; et enfin, chez Boeing, un avion dont la conception a privilégié les coûts au détriment de la sécurité !

De nombreux dirigeants ne cèdent pas à la dérive césariste mais, depuis l’affaire Enron en 2001, les règles du capitalisme actionnarial semblent avoir favorisé son expansion. L’héroïsation du dirigeant convient aux marchés financiers. Même pour une entreprise complexe, aux métiers exigeants, la vulgate financière veut croire aux patrons miraculeux, capables de « redresser » très vite une rentabilité insatisfaisante.

La réforme des retraites au défi de l’emploi des seniors

C’est un sujet central pour la réforme des retraites sur lequel l’exécutif se penche tardivement. Dix jours avant la présentation en conseil des ministres du projet de loi instituant un système universel de pensions, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, devait recevoir, mardi 14 janvier, un rapport visant à « favoriser » l’activité professionnelle des personnes en fin de carrière. Le chef du gouvernement, Edouard Philippe, avait annoncé, le 12 septembre 2019, qu’il confiait cette mission de réflexion à Sophie Bellon, présidente du conseil d’administration de Sodexo, Olivier Mériaux, ancien directeur général adjoint de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), et Jean-Manuel Soussan, directeur des ressources humaines de Bouygues Construction. Dans un document d’une centaine de pages très denses, ces trois personnalités formulent une quarantaine de propositions destinées à développer le « maintien en emploi des seniors ».

La problématique étudiée est cruciale, au moment où l’exécutif veut encourager les hommes et les femmes à travailler « un peu plus longtemps » : il s’agit de tout faire pour que les assurés soient encore en poste, lorsqu’ils réclament le versement de leurs pensions. « Résoudre ce problème de société est urgent, mais cela ne pourra se faire sur le temps court », préviennent d’emblée les auteurs du rapport. A leurs yeux, la mise en œuvre de solutions ne peut pas intervenir uniquement à l’occasion du débat sur le futur régime universel : il faudra agir de « manière plus structurelle », pour que « l’ensemble de notre société » s’engage, sur la durée, à modifier ses « pratiques » et ses « représentations » à l’égard des « travailleurs expérimentés ».

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Le constat est connu de longue date. La proportion de seniors en emploi s’est nettement relevée ces vingt dernières années. Un phénomène imputable, notamment, aux réformes prises pour retarder l’âge de départ en retraite et aux mesures restreignant les dispositifs de cessation anticipée d’activité (les préretraites, en particulier). Mais la situation demeure disparate, selon les tranches d’âge : alors que le taux d’emploi des personnes ayant de 50 à 54 ans s’établit, en 2018, à 80,5 % (soit presque au même niveau que pour les 25-49 ans), celui des 55-59 ans se limite à 72,1 %. Le résultat est encore plus faible pour les 60-64 ans (31 %), ce qui place la France en queue de peloton des pays de l’Union européenne (44,4 % pour cette même catégorie d’âge) et à l’échelon de l’Organisation de coopération et de développement économiques (51,4 %).

D’anciens cadres réclament à Méridien le paiement de leur retraite

Un hôtel du groupe Méridien à Londres.
Un hôtel du groupe Méridien à Londres. Toby Melville / REUTERS

L’âge pivot, la réforme des retraites, ils sont « loin de tout ça… », comme le dit Gérard, 65 ans, qui, de 1987 à 2002, a été directeur d’hôtels Méridien en Asie, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Son problème, et celui de quarante-sept de ses anciens collègues expatriés, c’est qu’ils ne pourront jamais profiter d’une pension pour ces périodes de travail chez Méridien, qui vont de six à plusieurs dizaines d’années.

L’ancienne filiale d’Air France n’a en effet pas assez, voire pas du tout, versé de cotisations aux caisses de retraite en France. Agés de 64 à 83 ans, ces cadres réclament donc le paiement des pensions qu’ils auraient dû ou devraient percevoir ainsi que la reconnaissance d’un préjudice moral. L’affaire est pendante devant la cour d’appel de Paris. Ils ont médiatisé leurs dossiers en créant la pétition « Pour que Marriott paye leur retraite à ses salariés », diffusée sur le site change.org/marriottgate.

C’est la seconde vague de dossiers de ce type. Dans la première, quarante-neuf autres expatriés de Méridien ont obtenu gain de cause, ce qui représente un total de 15,8 millions d’euros payés par la chaîne. Une décision confirmée par la Cour de cassation le 14 avril 2010. Pour autant, Méridien, propriété de l’américain Marriott depuis 2016, continue de prétendre que ces personnels n’étaient pas ses propres salariés mais ceux des compagnies propriétaires des hôtels à l’étranger.

« Attendre 2022 pour avoir une décision définitive »

Méridien avait, selon les intéressés, recruté ces personnels hautement qualifiés pour les mettre à la disposition d’hôtels partout dans le monde par le biais d’un contrat de gestion et de conseil (en management, en restauration, etc.). Ces entités pouvaient alors porter l’enseigne Méridien. Une activité qui relève de la convention collective Syntec (bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils), laquelle prévoit notamment le versement de cotisations aux régimes de retraite général et complémentaires français.

En première instance, la plupart des cadres de la seconde vague ont été déboutés par le conseil des prud’hommes de Paris, le 5 avril 2018. Ils ont interjeté appel. Tout comme l’a fait Méridien-Marriott dans le cas inverse. « Il faudra encore attendre 2022 pour avoir une décision définitive », déplore Marc, 64 ans, qui a dirigé la restauration d’hôtels de 1989 à 1995. « D’ici là, combien seront décédés parmi nous ? » Cinq le sont déjà.

Suppression nette de 517 emplois chez Auchan, malmené par la crise de l’hypermarché

C’est la fin du suspense : le groupe de distribution Auchan a annoncé, mardi 14 janvier, un plan de départs volontaires qui doit aboutir à la suppression nette de 517 emplois en France, à la fois au siège d’Auchan Retail et dans les services d’appui de l’organisation commerciale dans le Nord de la France.

Quelque 677 postes seront, dans les faits, supprimés, dont 652 actuellement occupés. En parallèle, 135 postes doivent être créés, notamment dans les fonctions numériques, la conception et le développement de produits exclusifs. « Ce n’est pas les 1 000 postes qu’on avait attendus, donc c’est moins pire » que prévu, a réagi auprès de l’AFP Guy Laplatine, délégué CFDT, mais « on est inquiet ».

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« De fait, on est environ à 20 % d’emplois qui disparaissent par rapport au nombre de postes occupés sur le périmètre global, et notamment sur la partie française », a-t-il précisé. Pour atténuer les effets de ce plan, son syndicat a réclamé, pour l’instant en vain, des passerelles entre les enseignes de la famille Mulliez, afin de préserver un maximum d’emplois. Son collègue Bruno Delaye, délégué syndical Retail d’Auchan France (CFTC), a, lui, qualifié le projet de « brutal », qui nécessite des « éclaircissements », lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, le 28 janvier.

Evolutions radicales de la consommation

Pour Auchan, il s’agit de répondre à l’urgence. Cette réorganisation interne vise « à transformer le fonctionnement de l’entreprise pour la rendre plus en phase avec les exigences de réactivité et de souplesse du marché actuel ». Depuis 2017, il s’agit du troisième plan de réduction de postes, qui ont déjà entraîné la suppression de près d’un millier d’emplois, dont 400 dans les magasins et 400 dans la centrale d’achat et les fonctions administratives. Désormais, Auchan Retail France emploie quelque 3 000 personnes au siège et 72 500 en magasin.

Auchan est confronté aux évolutions radicales de la consommation, entre la demande de produits bio et sains et l’essor du numérique

Arrivé en octobre 2018, après avoir redressé Kiabi, une autre enseigne de la famille Mulliez, le nouveau président d’Auchan Retail, Edgard Bonte, s’attelle à restructurer radicalement l’entreprise. Il a nommé un nouvel état-major : après avoir promu, mi-2019, Jean-Denis Deweine à la direction des activités françaises, il a recruté Cyril Olivier, au sein de Kiabi, afin de prendre la direction de l’e-commerce en France, selon le magazine LSA.

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Car, comme tous ses concurrents, Auchan est confronté aux évolutions radicales de la consommation, entre la demande de produits bio et sains et l’essor du numérique. Or, jusqu’à présent, l’enseigne a mis du temps à s’adapter à cette nouvelle donne, ce qui met à mal son modèle historique.

1 milliard d’euros de pertes en 2018

Après des pertes de près de 1 milliard d’euros en 2018, le distributeur a annoncé, en mars 2019, mettre l’accent sur son retour à l’équilibre, avec « un cadre financier strict » et « une priorité donnée au redressement d’Auchan Retail ». D’ores et déjà, la vente de ses filiales au Vietnam et en Italie et la cession de vingt et un points de vente (supermarchés, hypermarchés, drives…), « sans perspective réaliste de retour à la rentabilité et ce, malgré les investissements réalisés », ont été décidés.

L’entreprise a, par ailleurs, mis en place son plan de relance, afin d’améliorer un taux de marge dans les standards du marché, en adaptant son modèle, son offre et son organisation aux nouvelles attentes des consommateurs. Depuis fin 2018, l’enseigne a lancé une réorganisation de son circuit de magasins par « zones de vie ».

Dans ce schéma, les hypermarchés jouent un rôle de plate-forme de fourniture de produits et de services pour les autres formats de magasins du même périmètre (traiteur, plats préparés, boulangerie…). Les premiers tests seront menés cette année à Lille, où les hypermarchés de l’agglomération alimenteront des drives piétons, des casiers de livraison et des Auchan Minute – son magasin sans personnels, actuellement testé au siège par ses employés – que le groupe souhaite installer.

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Un secteur qui perd des emplois

Carrefour

Un plan de départs volontaires au siège du groupe, signé en avril 2018, a conduit 2 400 personnes à quitter l’entreprise. En parallèle, le groupe s’est séparé de quelque 1 700 employés de son ancien réseau Dia.

Castorama

En 2018, Kingfisher a annoncé la suppression de 409 postes en France. En mars 2019, 826 salariés de quinze magasins de son enseigne Castorama en Europe sont également menacés.

Conforama

Le 1er juillet 2019, le groupe annoncé la suppression de 1 900 postes en France en 2020, sur les 9 000 employés dans l’Hexagone, avec la fermeture de 42 établissements en France.

Les syndicats sauront-ils se féminiser ?

« Sociologiquement, la place des femmes dans le monde du travail ne facilite pas leur prise de responsabilité syndicale. » Photo: Réunion le 19 décembre 2019 à Matignon avec Edouard Philippe et les partenaires sociaux.
« Sociologiquement, la place des femmes dans le monde du travail ne facilite pas leur prise de responsabilité syndicale. » Photo: Réunion le 19 décembre 2019 à Matignon avec Edouard Philippe et les partenaires sociaux. Benoit Tessier / REUTERS

Lorsque les partenaires sociaux rencontrent le premier ministre Edouard Philippe à Matignon, le 19 décembre, la photo du tour de table est une caricature. Pas une femme ne participe aux débats. Le cliché fait le tour des réseaux sociaux sur le thème : les syndicats connaissent-ils la parité ? De plus en plus investies dans la fonction syndicale depuis le début des années 2000, les femmes occupent rarement les places dirigeantes et doivent apprendre à jouer des coudes pour s’imposer.

« Faire sa place dans le monde des moustachus reste encore difficile pour les femmes », tranche la sociologue Amandine Mathivet en introduction du premier épisode d’« Au Turbin ! » de l’année. La productrice et réalisatrice du podcast mensuel sur la vie au travail a tendu le micro à Clara, 50 ans, militante CGT depuis vingt-trois ans et Marie-Claude, syndiquée CFDT depuis dix ans.

L’une comme l’autre sont fières de leur syndicat, de leurs actions et de leurs camarades, mais moins du sexisme ordinaire vécu au quotidien. Elles racontent les prises de paroles interrompues, voire pire ignorées, le déni de responsabilité, les attaques personnelles. « Ils s’autorisent plus à mal parler qu’avec un homme. Et plus les postes sont à responsabilité plus c’est dur, car la parole est plus libre dans les attaques », dit Clara. Leurs témoignages attestent de la difficulté persistante des femmes engagées à faire leur place dans le monde syndical, jusqu’à aujourd’hui.

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« T’as le potentiel, tu vas y arriver, c’est ce qu’on dit à la CGT, surtout aux femmes », raconte Clara. C’est ce qu’on lui a dit lorsqu’elle a rejoint le syndicat. « J’étais dans un rapport de dettes : ils m’avaient fait embaucher. Ce n’est pas rien un CDI. Ils m’ont envoyée dans les commissions, puis à un congrès de section () J’étais flattée ». Mais c’était davantage pour le travail à réaliser que pour la prise de responsabilités. En effet, lorsque ces mêmes salariées veulent prendre des postes de « pouvoir », la situation se complique.

Culturellement, les syndicats ont encore du chemin à faire

Sociologiquement, la place des femmes dans le monde du travail ne facilite pas leur prise de responsabilité syndicale. Elles sont plus nombreuses dans les entreprises de moins de 50 salariés où il y a moins de représentation syndicale et sur des contrats à temps partiel et horaires atypiques. Sauf, dans certains secteurs comme la santé ou l’Education nationale, où elles sont nombreuses et sur des emplois stables.

Le secteur du petit électroménager en grande difficulté

A la Bourse de New York, en juillet 2018.
A la Bourse de New York, en juillet 2018. Brendan McDermid / REUTERS

A Courbevoie (Hauts-de-Seine), mercredi 8 janvier, la grève n’a pas fait les gros titres des journaux. Malgré l’huissier venu constater un éventuel débordement, à la demande de l’entreprise. Malgré les rondes, gyrophare allumé, de la police nationale. Un dispositif pour faire face à la colère de… 22 salariés des marques de petit électroménager Remington (lisseurs, brosses coiffantes, rasoirs…) et Russell Hobbs (bouilloires, grille-pain, centrifugeuses…). Réunis en piquet de grève avec banderole et mégaphone, ils manifestaient contre les conditions de leur plan social, qui prévoit le licenciement des 16 commerciaux.

Tout a commencé en juin 2019, lorsque la multinationale américaine Spectrum Brands a annoncé aux représentants du personnel qu’elle allait fermer le département force de vente de la société RRH France, qui gère les marques Remington, Russell Hobbs et George Foreman dans l’Hexagone. Une petite équipe de commerciaux de 16 personnes, mais plus de la moitié des effectifs de son antenne française.

Répartie sur l’ensemble du territoire, elle est chargée de visiter les grandes surfaces (Auchan, Carrefour, Leclerc, Casino, Darty…), de signaler les produits manquants aux chefs de rayon, de montrer les nouveautés, de vérifier la bonne installation des promotions et leur mise en avant dans les catalogues… En somme, d’entretenir la relation avec les circuits de distribution pour qu’ils commandent et mettent en valeur les produits que le groupe fait fabriquer en Chine pour le monde entier.

Evolution du marché et des circuits de distribution

Or sur les 16 salariés concernés, onze ont plus de 50 ans et sept dépassent même les 55 ans. Avec plus de quinze ans d’ancienneté pour certains. « On autorise les groupes qui font des bénéfices à licencier des seniors et cela va être Pôle emploi qui financera le plan de sauvegarde de l’emploi », jugeait Mélinda Zeisset, déléguée syndicale CFE-CGC, avant l’ultime réunion de négociation avec la direction, mercredi 8 janvier.

Pour l’entreprise, le responsable est l’évolution du marché et des circuits de distribution. Pour justifier sa décision, elle raconte être confrontée à une baisse significative du secteur du petit électroménager en France, depuis plusieurs mois, conjuguée à une explosion de la concurrence des marques de distributeurs dans les grandes surfaces, qui font baisser ses ventes et tirent les prix vers le bas.

A cela s’ajoute le mouvement de concentration à l’achat dans la distribution et une accélération des demandes de remises promotionnelles qui affecte la rentabilité de ses marques. L’entreprise dit souffrir aussi de la volonté des acteurs de la grande distribution de se recentrer sur l’alimentaire, diminuant les espaces consacrés en magasin aux produits comme les siens.

« Les entreprises ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité si elles violent une promesse de contribuer au bien commun »

Tribune. La montée en puissance de la responsabilité sociétale de l’entreprise se confirme de jour en jour sous l’impulsion de parties prenantes (collaborateurs et clients notamment) dont l’exigence sur ces questions est particulièrement marquée au sein des générations les plus jeunes.

Dans le droit-fil de la recommandation n° 11 du rapport Notat-Senard, la loi Pacte du 22 mars 2019 a consacré la possibilité pour une société d’inscrire une « raison d’être » dans ses statuts. Dès les premiers mois d’application, cette option a rencontré un succès réel qui devrait se confirmer une fois que le flou sur la portée juridique de l’expression de cette « raison d’être » sera dissipé.

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Ce flou résulte en effet d’une formule du rapport Notat-Senard, reprise dans l’exposé des motifs de la loi Pacte, suggérant que cette stipulation ne serait qu’« une indication qui mérite d’être explicitée, sans pour autant que des effets juridiques précis y soient attachés ».

Or cette vision est contestée par la doctrine juridique dominante, qui estime que la méconnaissance par un dirigeant d’une clause statutaire sur la raison d’être est de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la société et des associés, et à justifier sa révocation.

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Au regard de la rédaction des articles 1850 du code civil et L. 225-251 du code de commerce, qui énoncent que « les dirigeants sont responsables individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, [… ] de la violation des statuts […] » et de l’introduction par la loi Pacte elle-même d’une disposition imposant expressément au conseil d’administration ou au directoire des sociétés anonymes de prendre en considération la raison d’être lorsque celle-ci est définie dans les statuts (art. L 225-35 et L 225-64), la possibilité pour les associés d’une société de mettre en cause les dirigeants au titre d’une méconnaissance de la raison d’être statutaire ne fait guère de doute.

Obligation de conformité

Certains auteurs estiment, sur la base de la jurisprudence financière, que les sociétés offrant leurs titres au public encourent également un risque de sanction administrative pour information mensongère. Enfin, la société elle-même pourrait se voir opposer judiciairement par des tiers une obligation de conformité à la vision exprimée dans ses statuts.

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Face à une possible mise en cause de leur responsabilité, les dirigeants des sociétés françaises décidant d’adopter une raison d’être peuvent être tentés de s’en tenir à une formulation générique et abstraite, donnant peu de prises à ceux qui voudraient se prévaloir devant les tribunaux ou les autorités d’une absence d’alignement entre la vision exprimée et les actes. Cela semble être l’approche de bon nombre d’entreprises, y compris celles du CAC 40 ayant choisi une raison d’être. Carrefour a, par exemple, inscrit l’enjeu de « la transition alimentaire pour tous » dans ses statuts. Atos a complété son objet social comme suit : « Chez Atos, notre mission est de contribuer à façonner l’espace informationnel. Avec nos compétences et nos services, nous supportons le développement de la connaissance, de l’éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribuons au développement de l’excellence scientifique et technologique. Partout dans le monde, nous permettons à nos clients et à nos collaborateurs, et plus généralement au plus grand nombre, de vivre, travailler et progresser durablement et en toute confiance dans l’espace informationnel ».

Arjowiggins : le projet des anciens salariés pour relancer leur usine

L’usine du papetier Arjowiggins, de Bessé-sur-Braye, le 27 mars 2019, au moment de la liquidation.
L’usine du papetier Arjowiggins, de Bessé-sur-Braye, le 27 mars 2019, au moment de la liquidation. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Liquidée en mars 2019, l’usine du papetier Arjowiggins de Bessé-sur-Braye (Sarthe) est en quête de repreneurs. Fin 2019, une partie des 568 anciens salariés ont imaginé un projet qui tourne notamment autour d’un papier permettant de remplacer le plastique dans la fabrication de vaisselle jetable. Le projet industriel est jugé sérieux et rentable par une société d’expertise.

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La fin des plastiques jetables depuis le 1er janvier est peut-être la meilleure nouvelle qui soit pour l’usine Arjowiggins fermée au printemps 2019. Cette interdiction, qui contraint, notamment, les professionnels de la restauration rapide à opter pour un nouveau type de vaisselle, a forcé l’imagination des anciens salariés du service de recherche et développement de l’usine sarthoise. Ils ont mis au point un papier pouvant être utilisé par les industriels.

« Nous avons réorienté notre portefeuille sur des produits de grande valeur ajoutée et, notamment, un produit phare de papier barrière », explique Christophe Garcia, ancien délégué CFE-CGC. « Il se fait déjà de la vaisselle avec une base de papier sur laquelle il est apposé une couche de polyéthylène. Nous, nous sommes en mesure de produire cette base de papier et de remplacer le polyéthylène par un couchage de produit recyclé. »

« C’est un papier qui résiste à la matière grasse, à la chaleur, à l’eau »

« C’est un papier qui résiste à la matière grasse, à la chaleur, à l’eau », précise Pascal Trudel (CGT), et qui peut être utilisé pour « fabriquer des gobelets, des pailles, des tubes de crème ou même des pots de rillettes », sourit l’ancien d’Arjowiggins en faisant un clin d’œil au patrimoine culinaire sarthois.

Une étude financée par l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC), l’Etat et la région des Pays de la Loire, et menée par la société d’expertise Secafi, a permis, fin décembre 2019, de confirmer la pertinence du projet.

Reste à trouver l’industriel
prêt à reprendre le site

« L’objectif du groupe de travail était de trouver un projet viable et pérenne », explique-t-on chez Secafi. « Nous avons regardé le papier qui permettait de gagner de l’argent. Le papier transfert, le papier de cartes à jouer ou de poster sont des produits très bien valorisés. Des produits sur lesquels Arjowiggins est leader. Et puis il y a le papier barrière qu’ils ont réussi à développer. Là, il y a vraiment quelque chose à faire. Avec la loi qui est passée, c’est un vrai enjeu. Le produit a été développé par la R&D et on estime qu’il faut environ dix-huit mois pour le lancer. Mais c’est là où il y a le plus grand potentiel », assure la société d’expertise.