Le burn-out reconnu comme maladie

Le symptôme qui retrace l’abattement professionnel lié au stress a rejoint la hiérarchie internationale de l’organisation.

Que le travail puisse rendre souffrant n’est pas une idée récente mais, pour la première fois, l’abattement professionnel lié au stress, le burn-out, est connu comme maladie par la classification internationale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Cette liste sert de fondement pour placer les dispositions et les statistiques sanitaires. Elle repose sur les fins d’experts de la santé dans le monde entier et a été adoptée par les Etats membres de l’OMS, réunis depuis le 20 mai, et jusqu’au 28 mai, à Genève dans le cadre de le rassemblement mondiale de l’organisation.

L’échelle des maladies de l’OMS procure un langage commun grâce auquel les professionnels de la santé dominent échangé des informations sanitaires universellement. Le burn-out fait son entrée dans la section employée aux « problèmes associés » à l’emploi ou au chômage.

Nouveau chapitre sur la médecine traditionnelle

Il y est retrace comme « un syndrome (…) consécutif d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès » et qui se définit par trois éléments : « un sentiment d’épuisement », « du cynisme ou des sentiments négatifs liés à son travail » et « une efficacité professionnelle réduite ». Le registre de l’OMS définit que le burn-out « fait précisément référence à des phénomènes relatifs au contexte professionnel et ne doit pas être utilisé pour décrire des expériences dans d’autres domaines de la vie ».

La nouvelle hiérarchie a été publiquement choisie au cours de cette 72e assemblée mondiale et pénétrera en vigueur le 1er janvier 2022. Le trouble du jeu vidéo a été additionné à la section sur les troubles de la dépendance. La nouvelle classification de l’OMS propose aussi un nouveau chapitre sur la médecine traditionnelle.

Les personnes transgenres sont cependant constamment considérées comme malades, l’« incongruence de genre » passant de la catégorie des troubles mentaux à un nouveau chapitre préposé à la santé sexuelle.

L’image des enseignants dans la société française

La Rochelle - Septembre 2016
La Rochelle – Septembre 2016 XAVIER LEOTY / AFP

Une grande partie d’enseignants dit subir d’une image dévaluée dans la société française. Enquête après enquête, les Français convoquent pourtant leur affection à la figure du professeur. Enquête sur ce paradoxe.

C’est l’histoire d’un trouble. Un désamour perçu par des générations d’enseignants, convaincus que les Français ne les aiment plus et ont une horrible image de leur métier. « Professeur des écoles n’est qu’un titre, sans prestige, désuet, illustre en quelques mots Gaël, un enseignant lyonnais. Nous sommes méprisés par l’opinion, qui ignore royalement la réalité du métier… » Un fait que les recherches auprès des Français sont pourtant loin de réaffirmer.

La question s’est exigée à l’agenda politique : le 25 avril, lors de la conférence de presse de clôture du grand débat national, Emmanuel Macron a protégé l’exigence de « revaloriser ce métier essentiel à la République et à la vie de la nation qu’est l’enseignant, le professeur, le maître ». Une réévaluation qui pourrait notamment passer par une hausse salariale. En février, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, appréciait, lui, que le besoin de reconnaissance des enseignants « est évident ». « On doit répéter, sans cesse, que la société française doit aimer ses professeurs », augmentait-il.

Exception européenne

Mais pour persuader les enseignants, le chantier promet d’être ardu. Cette dépréciation perçue des enseignants pour leur profession est en effet profonde. Elle est unique en Europe. Selon les chiffres de la recherche Talis de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) accomplie tous les cinq ans, 5 % des enseignants français pensent que leur métier est amélioré dans la société, contre 31 % en moyenne sur les trente-cinq pays participants. Seule la Slovaquie arrive derrière la France.

Cette autodépréciation française est confirmée par plusieurs enquêtes depuis les années 2000. Avec à chaque fois ce même constat : si les enseignants ont totalement une haute estime de leur métier, ils le jugent rarement « prestigieux » dans la société française. Une sensation qui se met en place avant même d’entamer la formation d’enseignant. Dans une étude du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) de 2016, un panel d’étudiants de troisième année de licence, dont la moitié envisageait de devenir professeur, classait la profession d’enseignant parmi les moins illustres d’une liste de quinze métiers, juste devant « styliste ». Tout en portant aux nues les métiers de« avocat », « magistrat », ou encore  « ingénieur »

Un projet de d’union entre Fiat Chrysler offert à Renault

Jean-Dominique Senard, président de Renault, à Yokohama, au Japon, en mars.
Jean-Dominique Senard, président de Renault, à Yokohama, au Japon, en mars. Kim Kyung Hoon / REUTERS

Des Maserati et des Clio, des Jeep et des Lada, de gros pick-up Ram et des Renault Espace… le fabricant italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA), qui recherchait incurablement un fiancé pour poursuivre son aventure industrielle, semble enfin avoir aperçu son partenaire idéal : le groupe Renault.

Après certains jours de pourparlers, FCA a envoyé, dans la nuit de dimanche 26 à lundi 27 mai, une lettre d’intention non contraignante à Renault, offrant une fusion à 50-50 des deux entreprises. Le but est de fonder le 3e groupe automobile mondial, avec 8,7 millions de voiture vendus annuellement et un chiffre d’affaires de 170 milliards d’euros, « doté d’un portefeuille de marques large et complémentaire offrant une couverture complète du marché, du luxe au grand public », déclare FCA dans un communiqué.

Cet arrangement pourrait même, dans le cadre de l’alliance cultivée par Renault avec Nissan et Mitsubishi, contribuer à former une entité à 15 millions de véhicules, soit, de très loin, le numéro un mondial de l’automobile, devant les groupes Volkswagen et Toyota, qui ont vendu, chacun, un peu plus de 10 millions de voitures en 2018. Les synergies attendues sont de 5 milliards d’euros pour les seuls Renault et FCA. Elles sauraient accéder 10 milliards dans le cadre de l’alliance.

Le conseil d’administration de Renault, invité lundi au matin, devait arrêter de considérer ou non la proposition de FCA. Le choix d’admettre la fusion sera pris lors d’un prochain conseil de Renault convoqué dans une dizaine de jours. En parallèle, FCA a annoncé Nissan (qui n’avait, jusqu’ici, pas été mis dans la confidence) de son intention. Un conseil de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, prévu mercredi 29 mai au Japon, sera l’occasion de tester la réaction des Japonais sur le sujet, même s’il n’est pas, pour le moment, inscrit à l’ordre du jour.

« Potentiel de constituer le premier constructeur mondial  »

Le projet envisage qu’une holding de tête sera créée aux Pays-Bas, détenue à 50 % par chacune des deux entreprises, les sièges des deux fondateurs restant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) et Turin, en Italie. L’exploitation boursière de FCA étant supérieure à celle de Renault, un dividende exceptionnel sera éprouvé aux actionnaires du groupe italo-américain afin de compenser le déséquilibre. Il sera évalué sur la base des valorisations moyennes des six derniers mois des deux sociétés : 15 milliards d’euros pour Renault et 17,5 milliards pour FCA.

Les actionnaires majoritaires de Renault-Fiat-Chrysler seront le groupe Exor (la holding de la famille Agnelli), qui est de 29 % actuellement  pour passer à 14,5 %, l’Etat français, qui ne disposera plus que 7,5 % du capital, contre 15 % actuellement (et perdrait, au passage, ses droits de vote double), et Nissan, qui passe aussi de 15 % à 7,5 %. Dans cette disposition, le président du conseil d’administration de la holding devrait être John Elkann, président d’Exor en tant qu’héritier de la famille Agnelli. Jean-Dominique Senard serait directeur général de la holding.

Cet arrangement pourrait même, dans le cadre de l’alliance accomplie par Renault avec Nissan et Mitsubishi, collaborer à aménager une entité à 15 millions de véhicules, soit, de très loin, le numéro un mondial de l’automobile

Le gouvernement français a été prévenu, vendredi 24 mai, que « des discussions se sont engagées entre les deux constructeurs depuis plusieurs semaines sur une possible association, déclare une source gouvernementale. Ces débats ont été menées par les entreprises sans que l’Etat n’y prenne part, afin de déterminer l’intérêt industriel d’un tel rapprochement ». Bercy « examinera cette proposition avec ouverture, pourchasse cette source, compte tenu de son intérêt industriel et du potentiel de constituer le premier constructeur mondial ».

Mais l’Etat ne validera pas d’accord sans quelques garanties. Il sera d’abord attentif sur les suites d’une fusion en termes d’emploi, de positionnement industrielle et sur ses intérêts patrimoniaux, donc sur le fait de rester un actionnaire en mesure de peser sur les conclusions stratégiques de l’entreprise. Ensuite, le gouvernement français, qui a tenu informés ses homologues japonais, souhaite que ce rapprochement se réalise dans le cadre de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, « dans le but d’en assurer la pérennité et de la renforcer », déclare-t-on du côté du ministère de l’économie.

« Il faut bien sûr voir dans quelles conditions cela va s’accomplir. Il faut qu’elles soient adéquates au développement économique et industriel de Renault et à ses salariés », a déclaré lundi Sibeth Ndiaye sur BFM-TV, la porte-parole du gouvernement. Elle a également estimé qu’un tel projet était susceptible de répondre aux enjeux de souveraineté économique européenne et française. « Des géants se sont construits en dehors de L’Europe, nous avons besoin de géants en Europe », a ajouté la porte-parole.

Nissan verra-t-il d’un bon œil cette décision ?

Car c’est bien là qu’habite le sujet délicat. Le fabriquant français est déjà marié à ses deux associés nippons. Renault détient 43 % de Nissan, lequel possède 15 % de Renault et 34 % de Mitsubishi. Mais cette union bat de l’aile. L’alliance est en crise depuis l’arrestation de Carlos Ghosn au Japon, le 19 novembre 2018, pour malversations financières. Après une phase de soulagement, qui a suivi la nomination de M. Senard en janvier, les relations se sont de nouveau rigides depuis que les Français ont proposé, à la fin d’avril, une fusion capitalistique avec Nissan, dont les Japonais, concentrés sur la rectification de leur groupe, ne veulent pas entendre parler.

Nissan verra-t-il d’un bon œil cette décision de son attisé partenaire ? D’un côté, cela peut adoucir les tensions en dévoyant Renault de son projet initial de resserrement des liens avec Nissan. « Les institutionnels japonais ont pris la nouvelle positivement », déclare un bon connaisseur du dossier. Mais les Japonais ont été complètement mis en dehors du projet FCA et sauraient voir dans ce cavalier seul une marque de défiance.

Malgré cela, tous les témoins semblent d’accord pour reconnaître que l’ensemble de l’industrie a besoin de joindre ses forces pour réaliser l’effort financier colossal rendu essentiel par les évolutions de l’automobile – on parle de 250 milliards d’euros les sept prochaines années. Du côté du gouvernement français, on souligne d’ailleurs sur le fait que, grâce à l’effet de taille du nouvel ensemble, les partenaires seraient « à même de réaliser les investissements étendus rendus nécessaires par le développement de la voiture électrique, des véhicules autonomes et ajustés et des nouveaux usages de l’automobile ».

 

Il faut prévenir les utilisateurs du “coût social” des biens et services offerts

« On pourrait plutôt concevoir une application mobile qui fournirait instantanément le coût social de n’importe quel produit ou service proposé au grand public » (Bouteille avec le logo nutritionnel Nutri-score, système de ­notation des aliments, selon sa qualité nutritionnelle).
« On pourrait plutôt concevoir une application mobile qui fournirait instantanément le coût social de n’importe quel produit ou service proposé au grand public » (Bouteille avec le logo nutritionnel Nutri-score, système de ­notation des aliments, selon sa qualité nutritionnelle). Philippe Turpin / Photononstop

Pour encourager les sociétés à diminuer les inégalités de rémunérations au long de la chaîne de production, un « coût social » pourrait figurer sur l’étiquette à côté du prix d’achat, propose Brian Hill, professeur à HEC.

La différence nous importe. Outre sa place dans l’imaginaire collectif, plusieurs études exposent notre répulsion vis-à-vis de l’inégalité, même au plus jeune âge. Nous sommes même d’ailleurs souvent prêts à payer pour la diminuer. D’où cette énigme : avec de si bonnes actionnions, pourquoi existe-t-il autant de différences dans le monde ?

Bien des raisons ont été présentés pour développer l’abondance des différences et leur accroissement au fil des ans. Bien d’autres choses encore ont été dites concernant leur importance et les dangers potentiels qu’elles exposent. Mais on faillisse souvent l’écart entre le niveau de différence et nos bonnes intentions. Il met pourtant en exergue deux points essentiels.

Clarté du « coût social »

Tout d’abord, si ces différences nous commercent, elles ne sont pas prises en compte dans les prix de marché. C’est ce que les économistes nomment une externalité. De la même façon que certaines firmes salissent sans avoir à reverser de contrepartie, quelques entreprises font de la « pollution sociale » en toute impunité. Un traitement économique classique à cette situation est d’assigner des prix à l’externalité. Une manière simple et proportionnellement peu étudiée d’y parvenir pourrait être d’informer les clients de façon parfaitement transparente du « coût social » des biens et services proposés, afin qu’ils puissent arrêter s’ils acceptent de le payer ou non.

On pourrait amoindrir le ratio entre le salaire horaire le plus bas et le plus augmenté de toutes les personnes engagées dans la production, le financement, la gestion, le transport, le marketing et la vente du produit ou du service

Ultérieurement, même quand les informations sur ces différences relèvent du domaine public, les clients les sollicitent quelquefois avant de passer en caisse. Les économistes ont prouvé qu’au moment de prendre des décisions, nous avons tendance à nous laisser influencer par la présentation des options et des informations qui les conduisent (Système1/Système2 : Les deux vitesses de la pensée, D. Kahneman, Flammarion, 2012). Si davantage de données sur les différences nous étaient fournies lors de l’achat, peut-être consommerions-nous autrement ?

Uber : les conditions de travail des chauffeurs

« Nous avons souhaité aller plus loin et donner l’opportunité à tous de s’exprimer en lançant une consultation nationale des chauffeurs sur les sujets qui leur tiennent à coeur et sans tabou. »
« Nous avons souhaité aller plus loin et donner l’opportunité à tous de s’exprimer en lançant une consultation nationale des chauffeurs sur les sujets qui leur tiennent à coeur et sans tabou. » Philippe Turpin / Photononstop

Le directeur général d’Uber en France, Steve Salom, présente de bâtir un nouveau modèle de dialogue social avec les indépendants œuvrant avec la plate-forme.

Avant, nous n’avons pas constamment assez écouté les chauffeurs et nous avons parfois pris des conclusions rapides qui ont pu être mal vécues. Bien que les 28 000 chauffeurs qui utilisent l’application Uber puissent s’y assembler si, quand et où ils le convoitent, sans exclusivité et pour la durée qu’ils estiment, nous savons que les conclusions prises par Uber peuvent avoir un impact sur leur quotidien.

C’est ainsi depuis deux ans, nous modifions habituellement et dans toute la France avec les chauffeurs. Nous discutons également avec les associations ou syndicats qui nous le demandent dans l’ensemble des villes en France où nous sommes présents.

62 % des chauffeurs désirent se formuler via des tables rondes ou des consultations en ligne, 23 % sont captivés par une reproduction via des chauffeurs utilisant Uber et 7 % par des associations

Cette année, nous avons désiré aller plus loin et donner l’occasion à tous de se dire en lançant une consultation nationale des chauffeurs sur les sujets qui leur tiennent à cœur et sans tabou : leur activité au quotidien, les revenus, leurs problèmes, la protection sociale. Sept mille chauffeurs ont reparti en ligne à une série de questions, et cent quatre-vingts chauffeurs ont collaboré à des tables rondes menées dans leur ville par des adjoints de l’équipe Uber pour aller plus en profondeur sur les sujets.

Ces échanges ne doivent pas demeurer sans suite. C’est la raison pour laquelle, comme première étape, j’ai présenté à un groupe de chauffeurs le 22 mai les résultats de la consultation, résultats que nous avons rendus publics le 23 mai dans un rapport inoccupée en ligne. Nous voulons aussi construire sur le fondement de ces échanges en annonçant des actions concrètes et des reconnaissances parmi lesquels : revoir les tarifs de certains types de courses, lutter plus activement encore contre la fraude, introduire plus de transparence et d’humain dans notre fonctionnement, ou encore mieux accompagner les chauffeurs dans leurs contestables locales (accès aux gares et aux aéroports, amendes, etc.).

Arranger l’humain au cœur de la relation

Comment mieux cloîtrer les chauffeurs dans nos conclusions, tout en tenant en compte la différence de leurs situations individuelles et leur indépendance ? Quelles instances créer pour modifier avec des chauffeurs qui s’organisent plus par groupe Whatsapp ou Facebook qu’en réunion de section ?

Qui sont ces micro-travailleurs « invisibles » ?

Les chercheurs estiment à 260 000 le nombre de micro-travailleurs en France.
Les chercheurs estiment à 260 000 le nombre de micro-travailleurs en France. 
Accomplir une recherche sur le Web. Légender une photo. Transcrire une phrase. Répondre à un questionnaire. Détourer une image… Ces tâches, qui ne sollicitent qu’une poignée de secondes ou de minutes, réalisées sur ordinateur ou smartphone, apportent quelques centimes, voire quelques euros à ceux qui les réalisent. Eux, ce sont les « micro-travailleurs », selon la terminologie utilisée par les créateurs de la première grande étude française à leur être employée, diffusée vendredi 24 mai.

Sous la direction d’Antonio Casilli et Paola Tubaro, au même temps chercheurs à Télécom ParisTech et au CNRS, cette recherche dresse le profil d’une activité professionnelle encore méconnue, « moins visible que les chauffeurs Uber ou les livreurs de Deliveroo » et pourtant grandissante.

Des micro-tâches pendant le footing

Ni freelances ni travailleurs « uberisés », ces laborieux du clic, comme on les appelle parfois, se branchent à des plates-formes spécialisées dans le micro-travail, qui leur fournissent des tâches à accomplir, arrangées par un client. Ils seraient, selon les auteurs de cette étude, plus de 260 000 en France, plus ou moins actifs – un chiffre jugé excessif par d’autres chercheurs.

Quel est leur profil ? Des femmes, en plupart : 56,1 %, selon un questionnaire auquel ont répondu un millier de micro-travailleurs de la plate-forme Foule Factory. Une partie élevée a entre 25 et 44 ans (63,4 %), alors que les moins de 25 ans sont assez peu présents. Le micro-travail « semble propre à une population en âge actif, qui a fini ses études », décarent les chercheurs. « Il est étonnant de constater la part importante de micro-travailleurs qui ont un emploi stable en parallèle », ajoutent-il. « 40 % des personnes enquêtées sur la plate-forme Foule Factory ont un CDI, et 71 % d’entre elles travaillent à temps plein ». 51 % des personnes consultées appartiennent aux catégories populaires (selon la définition de l’Observatoire des inégalités) et 22 % vivent sous le seuil de pauvreté.

Les buts et les pratiques diffèrent d’un micro-travailleur à l’autre. Les chercheurs rappellent l’exemple d’une femme micro-travaillant le soir devant la télévision ou pendant sa pause déjeuner au travail, pour prévoir toucher jusqu’à 100 euros les bons mois (les chercheurs évoquent une « triple journée » pour les femmes qui œuvrent, micro-travaillent et s’occupent des tâches ménagères).

Ou celui d’un homme en situation de handicap, en nullité professionnelle, qui complète ainsi sa pension. Un autre homme raconte quant à lui effectuer ces micro-tâches dans le but de financer une allant à son enfant. Lui trouve le temps de les faire pendant son footing : les plates-formes demandent parfois de se rendre dans un commerce précis, pour prendre des produits en photo par exemple. Les missions qui lui sont octroyées influent sur le parcours de sa course.

Combien de temps cela leur prend-il ? La moitié des personnes consultées consacrent moins de 3 heures par semaine au micro-travail. Mais cela peut élever à 20, voire 60 heures par semaine pour d’autres, ce qui développe l’énorme disparité des revenus mensuels : « entre quelques centimes et, dans des cas vraiment exceptionnels, 2 000 euros ». La moyenne demeure seulement très faible avec 21 euros par mois.

Demande sur l’éthique de certaines tâches

Les clauses entourant ce travail n’ont rien à voir avec celles d’un emploi traditionnel, développent les auteurs de l’étude :

« Le micro-travail au caractère d’être, de façon générale, invisible, accompli à la maison, et dirigé par des formes de contrats diverses : un simple “accord de participation”, voire la seule adhésion aux conditions générales d’utilisation de la plate-forme peuvent faire office de contrat. »

Le tout, dans une grande opacité : en général, les laborieux ne savent pas pour le compte de qui ils travaillent, ni même quelle est la fin des micro-tâches qu’ils accomplissent. « Ceux-ci s’interrogent parfois sur l’éthique de certaines tâches qu’ils effectuent. » L’étude donne l’exemple d’une tâche étonnante citée par plusieurs micro-travailleurs interrogés, consistant à jouer à une sorte de jeu vidéo :

« Dans ce jeu, les micro-travailleurs nécessitent s’orienter “vers les personnages aux prénoms d’origine FRANÇAISE en appuyant sur la touche AVANCER” et s’éloigner de ceux “aux prénoms d’origine MAGHREBINE en appuyant sur la touche RECULER” (sic). La tâche se présente comme une étude universitaire, mais excite la méfiance de certains travailleurs : est-ce une expérience psychologique pour mesurer les préjugés des Français, ou bien la simulation d’un jeu vidéo de propagande anti-immigrés ? »

D’autre part, même si elles ne sont pas continuellement présentées comme telles, beaucoup de micro-tâches contribuent en fait à améliorer des systèmes d’intelligence artificielle (IA). Car pour fonctionner, ces technologies doivent être « nourries » par d’énormes bases de données engendrées par des humains, à partir desquelles elles « apprennent ».

« [Les micro-travailleurs ] apprennent aux dispositifs de reconnaissance vocale ou visuelle à interpréter des sons et des images. Ils nettoient les données et les enrichissent pour qu’elles puissent être utilisées dans l’apprentissage profond. Ils retranscrivent des textes à partir d’images floues ou de mauvaise qualité. »

Les auteurs du rapport précisent que dans certains cas, il arrive même que des humains soient payés… pour se faire passer pour un système d’intelligence artificielle. Des entreprises proposant par exemple des IA censées effectuer des prises de rendez-vous emploient en fait des humains pour faire ce travail, et ainsi nourrir des bases de données, afin qu’une machine soit par la suite capable de les imiter.

Des laborieux isolés

S’ils peignent « un atout essentiel pour innover », ces travailleurs sont souvent « invisibles pour les clients, pour la plate-forme et bien souvent pour les autres micro-travailleurs », développent les chercheurs. Ils sont habituellement dans l’incapacité de communiquer avec les clients pour qui ils effectuent les tâches, et sont parfois sanctionnés sans éclaircissement. Par exemple, si un client ne valide pas la micro-tâche, le laborieux n’est pas rémunéré, et ne peut pas démentir. D’autres se voient bannis sans justification.

Les micro-travailleurs sont aussi mis en compétition les uns avec les autres, poussés à se jeter les premiers sur une tâche rentable avant que les autres ne s’en enlèvent, et souvent comparés sur les plates-formes par un score. Par ailleurs, ces laborieux sont souvent isolés. Si certaines plates-formes proposent des lieux d’échange, proportionnellement limités, ce n’est pas le cas de toutes. Or, développent les chercheurs, « l’isolement empêche, entre autres choses, le partage d’expériences communes, ainsi qu’une réflexion conjointe sur ce qui pourrait, ou devrait être, le micro-travail : l’individu n’a aucune prise sur son environnement de travail ».

Les auteurs encouragent donc les pouvoirs publics, les syndicats et les entreprises à se pencher sur le micro-travail, et « son système de rétribution peu ou pas normé et contrôlé ».

« Comment réguler cette nouvelle force de travail et affermir sa protection sociale parfois inexistante ? (…) La protection de l’emploi est une caractéristique des politiques publiques françaises et s’inscrit dans une tradition de longue date. A à rebours de ces dispositifs qui protègent les salariés, le micro-travail se situe à la marge de l’emploi formel, alors même qu’il est au cœur des processus d’innovation dans de nombreuses industries et secteurs d’activités. »

Plafonnement des dédommagements prud’homales

Des antagonistes à l’augmentation des dommages-intérêts en cas de licenciement abusif se sont formulés devant la cour d’appel de Paris, jeudi. Pour la première fois, le ministère public a fait saisir sa voix.

Jusqu’à présent, la rébellion avait été réservée dans l’enceinte de conseils de prud’hommes. Elle vient d’encaisser en clarté en s’invitant, pour la première fois, devant une cour d’appel – celle de Paris, en l’occurrence. C’est, en effet, devant cette juridiction que se sont formulés, jeudi 23 mai, plusieurs ennemis à une mesure emblématique des ordonnances Macron sur le code du travail : le plafonnement des dommages-intérêts en cas de licenciement excessif. Un instrument auquel le chef de l’Etat tient beaucoup puisqu’il avait déjà cherché à le mettre en œuvre quand il était ministre de l’économie, sous la préalable législature.

L’assistance de jeudi était d’autant plus inédite que le ministère public a fait comprendre sa voix, ce qui ne s’était pas encore produit depuis le début de la fronde. Sans étonnement, l’avocat général, Antoine Pietri, a montré que la disposition incriminée est bien conforme aux engagements internationaux de la France, prenant ainsi le contre-pied de ceux qui veulent obtenir son abrogation. La position du parquetier ne met toutefois pas un point final à la polémique, synonyme de caillou dans la chaussure pour le pouvoir exécutif.

Les débats de jeudi, face à la cour d’appel, se consignent dans un feuilleton judiciaire qui a connu de multiples rebondissements. Tout a débuté le 13 décembre 2018, aux prud’hommes de Troyes : dans plusieurs affaires, ce tribunal a conclu que l’instauration, en septembre 2017, d’un dédommagement maximum pour un salarié arbitrairement licencié contrevient à des règles internationales.

A l’appui de son analyse, il a produit la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et la Charte sociale européenne. Deux textes qui prédisent qu’une juridiction nationale doit être en capacité d’ordonner la rétribution d’une « réparation appropriée » à une personne congédiée sans motif réel et sérieux. Or, la grille de dommages-intérêts inscrite dans les ordonnances Macron (qui oscille entre un et vingt mois de salaires) ne remplit pas cette condition, aux yeux des juges troyens. Ils l’ont donc écartée – en raison de son « inconventionnalité » – et ont agréé des montants supérieurs à ceux qu’elle fixe.

« Insécurité juridique »

Le gouvernement a, tout d’abord, présenté ne pas s’en alarmer, en faisant valoir que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat avaient, dans deux décisions distinctes, confirmé le dispositif. Mais plusieurs conseils de prud’hommes ont rendu des procès similaires à ceux de Troyes : Amiens, Lyon, Grenoble… Il y en aurait une quinzaine, à ce jour, d’après la chancellerie. Ce qui alimente une certaine confusion, car d’autres juges prud’homaux sont allés dans la direction inverse et ont utilisé les ordonnances Macron.

Crise des travailleurs de General Electric à Belfort

 « Découragés », ayant « perdu le sens » de leur travail, les salariés du site français de General Electric, repris par le groupe américain en 2015 s’alarment pour l’avenir de leur usine. Entre 800 et 1 000 emplois sont tourmentés dans la branche turbines.

L’affiche est parue partout en ville, fin avril, en l’espace d’une nuit. Avec les photos en négatif de deux directeurs de General Electric (GE) Belfort, Catherine Letang et Antoine Peyratout, leurs noms et une double inscription en lettres rouge sang : « Ils vont tuer Belfort. Ils vont supprimer des centaines d’emplois ». Les captivés n’ont pas du tout goûté la publicité offerte par un collectif créé sur Facebook sous la bannière Belfort Resistance. « Ils ont envoyé un courriel en interne pour dire que c’était inadmissible, qu’ils n’allaient pas en rester là », déclare Marius (les prénoms ont été modifiés), magasinier dans la branche Power de GE. Voilà qui ne risque pas d’améliorer les relations sociales dans cette entreprise du Territoire de Belfort (4 300 salariés sur deux sites) – rachetée en totalité par le géant américain en 2015 – où un plan social, latent depuis fin 2017, doit être dévoilé après les élections européennes.

Plus qu’un canal, un séisme : on parle de 800 à 1 000 cessions de postes dans la division gaz. C’est la moitié des effectifs. La direction justifie cette hémorragie par la baisse durable des commandes mondiales. Un rapport contesté par Alexis Sesmat, délégué syndical SUD. « Le marché des turbines à gaz est cyclique, rappelle-t-il. Maintenant, on est en bas de cycle, mais l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit que le gaz sera la première source dans le mix énergétique d’ici vingt ans. » La raison est technique : « S’il faut développer les énergies renouvelables pour diminuer notre empreinte carbone, celles-ci n’apportent pas d’inertie sur le réseau. Elles sont par essence intermittentes. »

GE compte dans le monde deux usines, jumelles, pour ce type de turbines : à Belfort et à Greenville (Caroline du Sud, Etats-Unis). L’une et l’autre sont mesurées à une baisse de charge. Le groupe, qui a déjà transféré outre-Atlantique la fabrication de deux modèles de 50 Hz (une puissance historiquement dévolue à Belfort), est-il en train de mettre en pratique le slogan trumpien « America first » ?

Une atmosphère électrique

Actuellement, chez GE, « on ne sait pas où on va, ajoute Marius. On a perdu le sens de notre travail. Depuis deux ans, la désorganisation est totale. Avant, je connaissais mon plan de travail plusieurs mois à l’avance. Tout était carré. A présent, je bosse au jour le jour. On peut me solliciter de préparer une commande de pièces, puis de tout stopper subitement, sans la moindre justification, pour faire autre chose en urgence. » Il est aux premières loges pour en attester : « Les fournisseurs ont perdu confiance. » L’atmosphère est, quant à elle, électrique. « A la moindre contrariété, il y a des empoignades entre collègues. Ce n’est pas encore arrivé chez nous, mais, sur le site de Chonas-l’Amballan, dans l’Isère, deux travailleurs en sont venus aux mains. » L’un a été licencié.

La société Rallye se place en action de préservation

Cette initiative doit admettre à Rallye, qui tombe sous une dette de 2,9 milliards d’euros, de renégocier les conditions de paiement.

La société Rallye, maison mère du géant de la grande distribution Casino, a éclairci, jeudi 23 mai, s’être placée en action de sauvegarde, ce qui va lui admettre de renégocier les conditions de rétribution de sa dette.

La procédure de sauvegarde, qui défend les entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements, a pour objectif de leur laisser le temps de réaménager leur obligation et de garantir leur pérennité.

Rallye, qui cède sous une dette de 2,9 milliards d’euros, et les autres holdings la chapeautant ont sollicité et obtenu, par procès jeudi, l’ouverture d’actions de sauvegarde pour une période de six mois, écrit le groupe dans un communiqué. Le paiement de ces dettes est donc gelé pour cette période.

« Attaques spéculatives »

Casino est examiné, par cette cascade de holdings, par l’homme d’affaires Jean-Charles Naouri. Casino et Go Sport ne sont, pour leur part, pas touchés par ces procédures, est-il ajouté.

Deux administrateurs judiciaires, Me Hélène Bourbouloux et Me Frédéric Abitbol, ont été désignés par le tribunal.

Cette conclusion intervient après que la cotation des actions Casino et Rallye a été arrêtée, à la requête de leurs responsables, jeudi à la Bourse de Paris, après une forte chute des titres. « Dans un contexte persistant d’attaques spéculatives et massives dont les titres du groupe font l’objet, les sociétés en sauvegarde discernent assurer dans le cadre de ces procédures l’intégrité du groupe et consolider leur situation financière dans un environnement stabilisé », déclare Rallye.

La société, ses succursales et ses sociétés mères exposent une dette financière évaluée fin décembre à presque 3,3 milliards d’euros.

Depuis des mois, des fonds d’investissement spécialisés dans la vente à découvert se montrent très agressifs vis-à-vis du distributeur Casino et de Rallye, évalués pour leur fort endettement.

De son côté, Casino, dans le rouge en 2018 avec une perte nette de 54 millions d’euros, avait déclenché, en juin 2018, un plan de cession d’actifs non stratégiques, dont des murs de magasins. Premièrement fixé à 1,5 milliard d’euros, ce plan a été abondant à au moins 2,5 milliards d’euros d’ici au premier trimestre 2020.

 

 

 

 

 

 

Vivarte face à une autre crise

Un magasin La Halle, à Paris, en septembre 2017.
Un magasin La Halle, à Paris, en septembre 2017. ERIC PIERMONT / AFP

Le directeur de La Halle, qui conduisait depuis 2016 la primordiale enseigne du groupe français, quitte ses fonctions.

Vivarte fait danser ses dirigeants. Le répartiteur d’habillement a ainsi raconté, jeudi 23 mai, le départ de Philippe Thirache, président de La Halle, son essentielle succursale. Celui qui dirigeait l’enseigne depuis 2016 a immédiatement quitté ses fonctions. M. Thirache, ancien dirigeant de Kiabi, sera remplacé par Stéphane Roche, DGde Vivarte depuis deux mois. Ce départ ne serait pas « soudain », mais « réfléchi », assure le groupe, évoquant « un désaccord sur les orientations stratégiques » et « les méthodes » que désire M. Roche au sein de La Halle pour la relancer.

Ce réaménagement intervient alors que Patrick Puy, président de Vivarte depuis 2016, doit encore en diminuer le périmètre. Le spécialiste de la restructuration d’entreprise doit céder Minelli et San Marina. Vivarte, qui comptait 16 enseignes et marques il y a trois ans, se condenserait alors à deux enseignes : La Halle et ses 871 magasins, qui représentent 873 millions d’euros de chiffre d’affaires, et Caroll, chaîne de mode féminine aux 500 points de vente partout dans le monde.

Ces retenions doivent accorder de l’air au groupe plombé par son dette contracté lors d’une cascade de rachats par des fonds d’investissement en leverage buy-out (« rachat avec effet de levier ») depuis 2000. La prochaine échéance s’annonce à l’automne. Le groupe doit payer 100 millions d’euros de dettes, explique la direction.

« Chiffres catastrophiques »

Fin de l’année dernière, quatre mois après avoir attaché un exercice avec 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires, M. Puy avait assuré que l’entreprise se voyait « dans une situation normale ». Sa dette se plaçait alors à 302 millions d’euros, après une série de cessions et de conversions de dettes en actions. En 2014, ce montant avait atteint 2,8 milliards d’euros.

Néanmoins, au niveau interne, les élus du personnel s’effrayent du sort du groupe, dont l’activité dépend aussitôt de ses magasins La Halle. Fin janvier, dans un communiqué, l’administration du groupe affirmait pourtant : « La relance confirmée de La Halle en 2018 et les performances solides des derniers mois attestent de la pertinence de [sa] stratégie. »