Le conseiller aux Etats socialiste Pierre-Yves Maillard, après la victoire du oui à l’initiative populaire « Mieux vivre la retraite », à Bern (Suisse), le 3 mars 2024. FABRICE COFFRINI / AFP
A quelques semaines du scrutin, l’influent quotidien populaire zurichois Blick le qualifiait déjà d’homme « le plus puissant du pays », pressentant un authentique séisme politique dans un pays où le sismographe est habituellement plat, puisque la majorité (à droite) n’a jamais changé depuis 1848 et la fondation de l’Etat moderne.
Dimanche 3 mars, le Conseiller aux Etats (sénateur) socialiste Pierre-Yves Maillard, également président de l’Union syndicale suisse (USS), a en effet remporté l’une des plus âpres batailles politiques disputées dans le pays alpin ces dernières années. Avec 58 % de oui au niveau national et une majorité des cantons favorables à la proposition, les citoyens Suisses ont accepté l’initiative populaire « Mieux vivre la retraite », lancée par les syndicats et soutenue par le parti socialiste et les Verts, pourtant très largement minoritaires sur l’échiquier politique helvétique.
Le texte vise à renforcer la sécurité sociale, par le versement d’une treizième allocation mensuelle de retraite (appelée localement 13e rente), ce qui représente une hausse annuelle de 8,33 %. Le gouvernement fédéral de coalition recommandait de rejeter l’initiative, tout comme le patronat, qui a jeté toutes ses forces dans la bataille ces dernières semaines, brandissant l’argument d’une « faillite » prévisible de la caisse de retraite nationale, l’AVS (Assurance vieillesse), véritable institution suisse depuis sa fondation à la sortie de la seconde guerre mondiale.
« Changer le cap »
Modeste, Pierre-Yves Maillard s’est refusé à évoquer une victoire personnelle, malgré la personnalisation dont il a fait l’objet pendant la campagne. « En Suisse, le plus fort est toujours le peuple. Le résultat de la votation prouve que le pacte social fonctionne encore, a déclaré le sénateur vaudois, selon qui les autorités fédérales n’ayant donné aucune réponse à la crise du pouvoir d’achat, la population a saisi l’occasion qui lui était donnée de changer le cap. »
Même si la Suisse parvient, contre vents et marées, à s’en sortir toujours un peu mieux que ses voisins européens pendant les crises (elle n’a, par exemple, pas connu de récession en 2020 pendant la première année de la pandémie de Covid-19), une succession de hausses des prix ces trois dernières années a fini par essorer, ici comme ailleurs, la classe moyenne.
Coût du logement et primes d’assurance-maladie ont notamment connu des hausses très fortes, deux secteurs qui ne sont pas entièrement comptabilisés dans le calcul du taux d’inflation en Suisse. Aussi, ce dernier (2,1 % en 2023) est-il particulièrement trompeur en regard de la dégradation du budget réel des ménages. C’est sans doute ce qui a rendu possible cette étonnante victoire de la gauche dans un pays à droite depuis des temps immémoriaux.
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Deux agents Veolia remplissent un camion d’égout, à Narbonne (Aude), le 18 août 2022. VALENTINE CHAPUIS / AFP
Veolia a décidé de se séparer de sa filiale spécialisée dans la construction et la remise en état des réseaux d’eau, SADE-CGTH. Annoncée le 27 novembre 2023, la vente de la totalité de ses titres à l’un de ses concurrents directs, NGE, groupe indépendant de travaux publics, s’est concrétisée vendredi 1ᵉʳ mars, selon nos informations.
« Les activités de construction ne font plus partie du cœur de métier du groupe, qui a fait le choix de se focaliser sur les métiers de services il y a quelques années », explique Veolia au Monde. En novembre 2023, sa directrice générale, Estelle Brachlianoff, avait souligné que le groupe était « très satisfait de cette transaction »,qui s’effectuait « dans de très bonnes conditions, ce qui permettra à Veolia de renforcer sa capacité d’investissement sur ses activités stratégiques ». Le communiqué précisait que l’entreprise SADE-CGTH avait été valoriséeà 260 millions d’euros.
Pour Veolia, NGE, qui compte dans ses spécialités les canalisations et réseaux souterrains, est « un industriel reconnu du secteur ». Il dispose d’un « projet robuste » et de « capacités d’investissement qui soutiennent le plan de développement de la SADE et garantissent le maintien de l’entité et des statuts sociaux », précise encore le groupe.
Les 6 900 salariés de la SADE vont garder leur nom, leur autonomie et leur entité, mais vont quitter le giron du géant du CAC 40, pour rejoindre les 16 000 salariés de NGE. Le 8 février, l’opération a reçu l’avis favorable de la majorité du comité social et économique central (CSEC) de la SADE (onze voix pour, quatre contre, une abstention).
Seule la CGT (minoritaire) a fait valoir son inquiétude sur le flou entourant cette cession. A commencer par la date à laquelle elle devait avoir lieu – d’abord prévue pour la fin mars, elle a ensuite été annoncée, lors du CSEC, pour le jeudi 29 février.
« On ne sait pas où on va »
Cependant, mercredi 28 février au soir, les salariés comme la direction de la SADE disaient ignorer la date exacte de la sortie de Veolia, ce choix étant « à l’initiative du vendeur ».Selon nos informations, la cession a finalement été confirmée aux salariés de SADE-CGTH par un communiqué jeudi en fin de journée. Effective depuis le 1ᵉʳ mars minuit, l’annonce doit être officialisée le lundi 4 mars.
A quelques jours du changement de mains, une cinquantaine de salariés en grève avaient manifesté devant le siège de la SADE, lundi 26 février, à l’appel de la CGT, pour obtenir des « garanties écrites ». « On veut des engagements sur le fait qu’il n’y aura pas de fusion ou de restructuration, de suppression d’effectifs, sur le long terme, indiquait alors Lyes Chouai, délégué central CGT à la SADE. Une partie des équipes font exactement les mêmes métiers. Que va-t-il se passer s’il y a des doublons ? Comment être sûr qu’on ne va pas contraindre les équipes SADE à la mobilité ? »
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Le premier ministre, Gabriel Attal, lors d’une visite de l’entreprise Numalliance, à Saint-Michel-sur-Meurthe (Vosges), le 1er mars 2024. SEBASTIEN BOZON / AFP
Gabriel Attal a retenu – au moins – une leçon de la brève période au cours de laquelle il fut ministre de l’éducation nationale, juste avant son arrivée à Matignon : la pédagogie est un art de la répétition. Vendredi 1er mars, lors d’un déplacement dans les Vosges, le chef du gouvernement a, une fois de plus, exprimé la volonté de transformer « notre modèle social » pour qu’il « incite toujours davantage au travail ». Son propos a été particulièrement musclé : « Cela nécessitera des décisions difficiles », a-t-il prévenu, sans livrer plus d’indications, mais en faisant clairement référence à la piste, évoquée à plusieurs reprises par l’exécutif depuis la fin de 2023, d’un nouveau durcissement des règles de l’assurance-chômage.
A travers cette visite, M. Attal entendait montrer combien il est « pour une France du travail ». Il a aussi manifesté toute son attention pour les classes moyennes, « qui gagnent un peu trop pour toucher des aides, mais certainement pas assez pour être à l’aise ». Un message pour les exhorter à ne pas céder, à trois mois des élections européennes, aux « sirènes » des extrêmes : le Rassemblement national n’a pas été nommé, mais M. Attal pensait, de toute évidence, à lui – en premier lieu.
En un peu moins de quatre heures, il s’est rendu dans trois lieux différents, distants de plusieurs kilomètres : une agence de France Travail, ex-Pôle emploi, un centre de formation de chauffeurs-routiers et une entreprise fabriquant des machines, Numalliance. Une itinérance menée tambour battant en compagnie de deux ministres, Catherine Vautrin (travail, santé et solidarités) et Roland Lescure (industrie et énergie).
« Nous ne lâcherons rien »
Le locataire de Matignon en a profité pour confirmer son intention de poursuivre la refonte de notre Etat-providence, avec des formules cinglantes. Le « système », selon lui, a fonctionné, durant des décennies, sur une « hypocrisie », qui consistait à « acheter la paix sociale à coups d’aides sociales ». Cela a entretenu « le chômage de masse », l’enfermement dans « l’inactivité » et le « ressentiment ». Il faut « mettre un terme » à cette situation et changer de « paradigme », a martelé le premier ministre, en soulignant que les décisions prises depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 s’inscrivaient déjà dans cette optique, notamment par le biais des réformes successives de l’assurance-chômage qui ont durci les conditions d’indemnisation.
Aujourd’hui, M. Attal veut aller encore plus loin, mais sans dire comment. Il s’est borné à annoncer une augmentation – spectaculaire – du nombre de contrôles sur les demandeurs d’emploi : le but est d’en réaliser 1,5 million à la fin du quinquennat, soit environ trois fois plus qu’en 2023, tout en les ciblant sur les personnes susceptibles d’être embauchées dans les secteurs cherchant de la main-d’œuvre.
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Dans son discours de politique générale, le 30 janvier, [le premier ministre] Gabriel Attal a insisté sur la nécessité d’enrayer le phénomène de « smicardisation ». Si 17 % des salariés se trouvent aujourd’hui au niveau du smic, rappelons que ce phénomène n’est pas nouveau et il s’explique de manière mécanique par l’indexation du smic sur l’inflation, ce qui permet un relatif maintien du pouvoir d’achat du smic. En revanche, selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques [Dares] du ministère du travail, les évolutions du salaire réel mensuel de base montrent une baisse du pouvoir d’achat des salariés au-dessus du smic, de l’ordre de 3 % depuis début 2021. Comment expliquer une telle situation ?
Il convient de lire les évolutions récentes au regard des politiques de flexibilisation et de précarisation du travail déployées par les entreprises depuis plusieurs décennies. A cela s’ajoute un mouvement de diversification et de complexification des pratiques salariales qui se manifeste, à partir des années 1980, par la montée de l’individualisation puis, à partir des années 2000, par l’expansion des dispositifs d’épargne salariale, aujourd’hui rebaptisés « partage de la valeur » dans le débat public (intéressement, participation et plan d’épargne entreprise).
L’ensemble de ces évolutions a en réalité affaibli la capacité des syndicats à obtenir des augmentations significatives de salaire lors des négociations collectives d’entreprise, quand ces dernières ont effectivement lieu. D’après la Dares, seulement 10,6 % des entreprises de dix salariés ou plus, qui emploient 51 % des salariés, ont engagé des négociations sur les salaires et les primes en 2021, et un accord a été conclu dans moins de sept cas sur dix. L’absence de négociations est par ailleurs fréquemment justifiée par l’application directe d’un accord de branche.
Effets d’aubaine
Alors que les pouvoirs publics excluent toute possibilité d’indexation des salaires sur l’inflation, l’alternative privilégiée, fréquemment mobilisée par le passé, consiste à encourager les employeurs à verser des primes exonérées partiellement ou totalement de cotisations sociales pour maintenir au moins temporairement le pouvoir d’achat. C’est ainsi que le gouvernement a instauré, durant l’été 2022, la « prime de partage de la valeur », qui a remplacé la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », dite « prime Macron », créée fin 2018 en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».
Fin 2022, le gouvernement a incité les organisations patronales et syndicales à négocier un accord national interprofessionnel sur « le partage de la valeur dans les entreprises ». Signé en février 2023 par les acteurs patronaux et syndicaux, à l’exception de la CGT, et transposé dans la loi fin novembre 2023, ce texte vise, entre autres, à généraliser les dispositifs d’épargne salariale dès 2024. La participation n’était jusqu’alors pas obligatoire dans les petites entreprises, sauf si elles optaient pour la prime de partage de la valeur.
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La saignée est impressionnante. Entre 2015 et 2021, l’inspection du travail a perdu 16 % de ses effectifs. Elle éprouve par ailleurs de plus en plus de mal à recruter. Dans un rapport rendu public mercredi 28 février, la Cour des comptes lance, discrètement, un message d’alerte sur les difficultés rencontrées par cette administration qui joue un rôle essentiel de gardien de la loi dans les entreprises.
La baisse du nombre de fonctionnaires dans ce service s’inscrit dans un mouvement plus large qui obéit au désir de tailler dans la masse salariale. C’est aussi, parfois, le résultat de transferts d’agents d’un secteur de l’Etat à un autre.
Le ministère du travail, comme d’autres, a réduit la voilure, avec 15 % de postes en moins en 2021 par rapport à 2015. Toutefois, c’est l’inspection du travail qui a le plus contribué à ces « économies d’emplois » en subissant une ponction sur ses effectifs de près de « 740 équivalent temps plein », selon la Cour des comptes.
Deux candidats pour un emploi à attribuer
Cet étiolement se double de gros problèmes pour renouveler les équipes. Comme l’ensemble de la fonction publique, l’inspection du travail peine à embaucher, mais le phénomène semble particulièrement marqué en son sein. Ce « déficit d’attractivité » est mis en évidence par le nombre de personnes qui passent le concours d’inspecteur : de 2015 à 2019, il a baissé de 47 %. Ensuite il s’est redressé, mais comme le nombre de postes ouverts a également progressé dans le même temps, la « sélectivité » des épreuves s’est effondrée : en 2022, il y avait deux candidats pour un emploi à attribuer, contre douze pour un en 2015. « Il est probable que, dans ces conditions, le jury ne puisse pas pourvoir tous les postes, sauf à sélectionner des [personnes] dont les compétences sont insuffisantes au regard des exigences du concours », souligne la Cour des comptes.
Ce manque d’attrait finit par engendrer d’importants dysfonctionnements : le taux de vacance (c’est-à-dire de postes inoccupés) dans les « sections » de l’inspection a atteint 18 % en 2022, soit cinq points supplémentaires comparativement à 2018. Un « plan d’action » a, certes, été mis en place afin d’inverser la tendance : amélioration du déroulement de carrière, opération de communication, élargissement du « vivier de recrutement », etc. Ces mesures se sont pourtant avérées peu efficaces pour le moment.
Les solutions suggérées par la Cour des comptes pour résoudre cette crise à bas bruit prendront du temps à produire leurs effets. Elles passent notamment par une ouverture encore plus grande de l’inspection du travail à des profils nouveaux et par des « avancées sur le plan de la rémunération ». La direction des ressources humaines, qui s’occupe des ministères sociaux, est également invitée à « poursuivre sa mue comme “service au service des services” », notamment en s’inscrivant « dans une logique partenariale » avec les autres administrations qui ont leur mot à dire sur la gestion des équipes (Bercy, direction générale de la fonction publique, etc.).
Le plein-emploi est un objectif réaffirmé par Emmanuel Macron. Sans nul doute, le chômage a bien baissé depuis plusieurs années et a atteint un plancher d’environ 7 %. Cependant, on est encore loin d’un plein-emploi tel que le définissent des économistes, autour de 4 %. Désormais, la France est confrontée aux menaces de stagnation et à un début de remontée du chômage.
Comment inverser la dynamique actuelle et reprendre le chemin vers le plein-emploi ? Faut-il remettre en question la politique économique centrée sur la seule offre ? Il faut avoir en tête le constat majeur de la hausse importante de la part des profits dans les revenus depuis les « trente glorieuses », dans toutes les économies avancées, alors qu’en parallèle la croissance économique n’a cessé de fortement ralentir, voire de stagner, depuis plusieurs décennies, comme l’illustre à l’extrême le Japon.
En outre, il est démontré que la croissance de l’emploi est maximale pour une répartition de 2/3 pour les salaires et de 1/3 pour les profits, soit une part moyenne des profits plus limitée qu’actuellement. Il existe en effet une incitation à créer des emplois lorsque la part des profits est inférieure à 1/3, mais à en détruire dans le cas contraire. Cette observation est confirmée par l’analyse de dix-sept économies avancées sur les six dernières décennies. La politique de l’offre, prééminente sur cette période, ne fonctionne avec succès que si elle suscite un supplément de demande, autrement dit s’il y a une réaction en chaîne entre les accroissements de l’offre et de la demande, comme l’a théorisé, en 1972, l’économiste britannique Nicholas Kaldor (1908-1986).
Effort d’investissement
La France a suivi l’évolution générale avec une part du profit se hissant de 27 % à 36 % jusqu’à la crise financière de 2008. Contrairement à la plupart des autres économies développées, la part du profit a régressé ensuite pour revenir à une valeur proche de 33 %, soit la répartition « idéale » selon le modèle théorique que nous prônons. Cette meilleure répartition a sûrement favorisé la création d’emplois et la réduction du chômage durant ces dernières années.
Mais, derrière cette moyenne apparemment idéale, se cachent de grandes disparités entre les entreprises, grandes et petites. Celles du CAC 40 ont une part des profits très élevée, 44 % de la valeur ajoutée, tandis qu’elles détruisent des emplois. Au contraire, dans les PME [petites et moyennes entreprises] et les ETI [entreprises de taille intermédiaire], la part des profits est inférieure à la valeur optimale, et elles sont créatrices d’emplois. Il faut modifier cette déformation liée à la taille des entreprises, ce qui n’est pas simple a priori. Le plus efficace serait d’accroître les investissements d’avenir, ce qui permettrait la création d’emplois et à terme le rééquilibrage de la répartition. Pour cela, il faut réatteindre un taux d’investissement de 24 % du PIB, soit 2 points de plus qu’aujourd’hui, afin de retrouver une croissance moyenne, proche de celle de la France entre 1994 et 2008.
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Un magasin Galeries Lafayette, à Libourne (Gironde), le 12 janvier 2024. PHILIPPE LOPEZ / AFP
Michel Ohayon demeure dans la tempête. Alors que l’homologation du plan de sauvegarde des 26 grands magasins Galeries Lafayette qu’il détient devrait être prononcée par les juges du tribunal de commerce de Bordeaux, le 20 mars, l’AFP a révélé, jeudi 29 février, que le domicile de l’homme d’affaires bordelais et son bureau ont fait l’objet de perquisitions diligentées par la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), début février.
Au début de l’année, une instruction judiciaire a été ouvertesur « les faits susceptibles d’être qualifiés d’escroquerie en bande organisée, blanchiment aggravé par concours habituel à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit, banqueroute par détournement ou dissimulation de tout ou partie de l’actif, et abus des biens ou du crédit d’une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles », détaille la Junalco, jeudi. Des perquisitions ont été diligentées, en février, au domicile parisien de Michel Ohayon, d’après l’AFP.
D’après nos informations, le domicile de son fils aîné, Charles-David Ohayon, qui notamment gère les hôtels Trianon Palace à Versailles, Sheraton à Roissy, dans le Val-d’Oise, et Intercontinental à Bordeaux, rachetés grâce à 201 millions d’euros d’emprunts contractés auprès de la Bank of China et non remboursés à ce jour, a également fait l’objet de perquisitions. Sollicité par Le Monde, l’un des avocats de l’entrepreneur bordelais n’a pas répondu.
L’entrepreneur bordelais, qui, grâce à sa société Financière immobilière bordelaise (FIB), a fait fortune dans l’immobilier en Nouvelle-Aquitaine et dans l’hôtellerie de luxe, avait repris les trois enseignes d’habillement à la faveur de procédures collectives ou de cession pour 1 euro symbolique.
Il demeure à la tête des 26 Galeries Lafayette, dont 22 ont été rachetées, en 2018, pour un montant de 150 millions d’euros et quatre autres pour 1 euro en 2022, d’après nos informations. Cet ensemble fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ouverte en février 2023 et qui doit se clore le 20 mars avec l’homologation du plan de M. Ohayon, présenté et avalisé par la majorité des parties prenantes, y compris le parquet, le 21 février. Au grand dam de ses 1 100 salariés. Les représentants du personnel se sont prononcés contre ce plan. La plupart disent ne plus avoir « du tout confiance » envers l’entrepreneur qui exploite ces magasins en franchise.
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L’essor des reconversions professionnelles est désormais porté par les transitions écologiques et numériques, les aspirations des salariés à de meilleures conditions de travail, à un équilibre entre vie professionnelle et personnelle ou à un métier porteur de sens, pointent les chercheurs du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), dans un recueil collectif publié le 15 février. Intitulé « Le temps des mobilités et des reconversions professionnelles », il a été coordonné par Florence Lefresne et Eric Verdier.
Cette dynamique nouvelle s’inscrit dans un contexte conjoncturel favorable aux reconversions depuis plusieurs années. D’abord la crise sanitaire en mettant les carrières entre parenthèses a amené plus d’actifs à s’interroger sur leur devenir professionnel. Ensuite, à l’issue des confinements, la reprise de l’activité, en faisant reculer le chômage, a incité des employeurs à mieux accompagner des parcours de reconversion pour se constituer un vivier de candidats.
Enfin, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et le plan d’investissement dans les compétences (PIC) ont conforté cette tendance. Un phénomène davantage subi que choisi par les moins qualifiés, à en croire l’enquête Defis menée par le Céreq auprès de 16 000 salariés de 2015 à 2019 et analysée dans le recueil d’études des chercheurs (« Le temps des mobilités et des reconversions professionnelles »).
Une reconversion moins aisée pour les employés non qualifiés
Ainsi 33 % des salariés, toutes catégories confondues, déclaraient en 2015 vouloir changer de métier. Ce chiffre grimpait à 45 % chez les employés non qualifiés, notamment ceux occupant des postes administratifs en entreprise, de caissier et d’employé dans la grande distribution, dans le secteur du nettoyage, de l’hôtellerie-restauration ou de l’aide à domicile.
Mais parce qu’il ne suffit pas de vouloir, le Céreq constate qu’entre 2015 et 2019 seulement 32 % des employés non qualifiés sont parvenus à leurs fins. La raison de ce décalage ? « Ils œuvrent souvent dans des secteurs où la demande est forte mais où les conditions de travail peuvent être pénibles », remarquent Camille Stephanus et Josiane Véro, chargés d’études au département formation et certification (DFC) du Céreq. Leurs employeurs n’ont pas intérêt à les encourager dans leur projet de mobilité, car ils ont besoin d’eux à leur poste.
Par ailleurs, dans de nombreux métiers en tension exercés dans de très petites entreprises de la restauration, par exemple, l’accès à l’information sur les dispositifs de reconversion est moins aisé pour ces employés non qualifiés. A l’opposé de ces salariés empêchés de bouger, le Céreq relève d’autres catégories qui subissent le changement. Seulement 34 % des ouvriers non qualifiés aspiraient à une reconversion en 2015, mais 54 % en ont opéré une quatre ans plus tard.
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A chaque premier jour du mois son lot de changements affectant les finances des ménages. Mars n’échappe pas à la tradition.
Réforme du label ISR, acte I
C’est ce vendredi 1er mars qu’entre en vigueur la refonte du label ISR (investissement socialement responsable), un « tampon » créé en 2016 par le ministère de l’économie et dont bénéficient actuellement 1 229 fonds d’investissement, totalisant 780 milliards d’euros d’encours (chiffres du ministère à fin janvier 2024).
Parmi les nouveautés : le label affiche désormais des « exclusions », ce qui signifie que les fonds doivent s’interdire certains domaines d’activité (totalement ou presque, selon les cas).
Il leur est, notamment, désormais demandé de s’abstenir d’investir dans les entreprises développant de nouveaux projets liés aux énergies fossiles (exploration, extraction, raffinage ou transport), mais aussi dans les entreprises dont l’activité est liée à l’exploitation du charbon et du pétrole ou du gaz non conventionnels (gaz de schiste, pétrole issu des sables bitumineux, ressources fossiles de l’Arctique, etc.).
« Les exclusions sont loin d’être la seule nouveauté mais c’est une clarification importante pour l’épargnant, le grand public ne s’attend pas à trouver un acteur comme TotalEnergies dans les investissements ISR, or c’était parfois le cas avec l’ancien référentiel du label », note Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l’investissement responsable.
L’entrée en vigueur de la réforme ne touche pour l’heure que les nouveaux fonds labellisés à partir de mars, « les anciens fonds, déjà labélisés, ont jusqu’à la fin de l’année 2024 pour se mettre en conformité », souligne Michèle Pappalardo, présidente du comité du label ISR.
Fin des « méga-promos » sur les produits d’hygiène, d’entretien, de beauté
Les promotions étaient déjà plafonnés à 34 % (du prix de vente) pour les produits alimentaires, à partir du 1er mars ce plafonnement est élargi aux « produits de grande consommation » en général. En pratique sont surtout concernés les produits d’entretien (lessive, etc.), d’hygiène (dentifrice, savon, couches…) et de beauté (maquillage, etc.). La mesure est issue de la loi dite EGalim 3 ou Descrozaille du 30 mars 2023.
Le RSA conditionné à 15 heures d’activité dans 47 départements
A compter de mars, le conditionnement du revenu de solidarité active (RSA) à au moins quinze heures d’activité hebdomadaire sera expérimenté dans quarante-sept départements, contre dix-huit aujourd’hui, explique le site Service-public.fr. Le ministère du travail, de la santé et des solidarités n’a pas encore communiqué le nom des nouveaux territoires participant.
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La loi pour le « plein-emploi » a transformé Pôle emploi en France Travail. DENIS CHARLET / AFP
Le « plein-emploi » est le mot d’ordre d’Emmanuel Macron, qui a promis d’atteindre 5 % de chômage en 2027. C’est aussi l’intitulé de la loi votée en décembre qui modifie l’accompagnement des chômeurs et impose des heures d’activité aux allocataires du RSA, suscitant la colère des syndicats. Atteindre le plein-emploi assure pour l’Etat des milliards d’euros de recettes supplémentaires : plus de cotisations des salariés, moins d’allocations-chômage versées.
L’Insee a annoncé jeudi 29 février que l’emploi salarié n’avait pas évolué (0 %) au quatrième trimestre 2003, avec une hausse de 0,6 % sur un an, alors que le taux de chômage se stabilise aussi à 7,5 % de la population active sur le même trimestre, après avoir atteint un plus bas niveau à 7,1 % mi-2023. Des indicateurs stables, mais loin des objectifs fixés par le président de la République.
Quelles sont les différences entre ces indicateurs pour mesurer l’état de santé de l’emploi ? Pourquoi fixer une cible à 5 % de chômage ? Quels sont les enjeux politiques de chacune de ces statistiques ? Explications
Quels indicateurs pour déterminer le plein-emploi ?
Les économistes parlent de plein-emploi quand les individus qui souhaitent travailler n’éprouvent pas de difficultés à trouver un poste. Pour définir ce terme, ils restreignent la population aux actifs, c’est-à-dire les personnes qui ont l’âge de travailler (entre 15 ans et 64 ans, dans la majorité des comparaisons internationales), qui exercent une activité ou qui cherchent un emploi. Cela exclut les personnes au foyer sans activité professionnelle, mais aussi les enfants, les étudiants et les retraités.
Ensuite, les économistes ne sont pas tous d’accord sur la métrique à retenir : le taux d’activité, d’emploi ou de chômage ? Ce sont trois indicateurs différents, ayant chacun son mode de calcul :
Le taux d’activité est mesuré en rapportant le nombre de personnes en âge de travailler, les actifs (occupés et chômeurs), à l’ensemble de la population de 15 ans à 64 ans ;
Le taux d’emploi décompte les actifs occupés, rapportés à l’ensemble de la population ;
Le taux de chômage, enfin, correspond au nombre de chômeurs rapporté à l’ensemble des actifs.
Actuellement, le chômage reste la norme pour définir le plein-emploi. En mai 2023, avec un taux frôlant les 7 %, le président de la République se félicitait : « Cela fait quarante ans que le niveau du chômage n’avait pas été si bas. Objectif plein-emploi ! » Mais de quel chômage parle-t-on ? L’Organisation internationale du travail distingue cinq types de chômage :
le chômage cyclique, dépendant d’une reprise économique ;
le chômage de longue durée (temporaire aussi mais plus long), également conjoncturel ;
le chômage structurel, lié à une inadéquation entre les compétences des chômeurs et la demande du marché du travail ;
le chômage frictionnel ou transitionnel, quand une personne veut trouver un nouvel emploi ;
le chômage spécifique, concentré dans certains groupes de personnes ou certaines zones géographiques.
Le taux de chômage frictionnel est celui qui définit le plein-emploi : un seuil en dessous duquel on ne pourra pas descendre. Il correspond aux délais pour qu’un travailleur trouve un emploi ou pour qu’un employeur recrute. « On peut toujours essayer de le réduire en améliorant la diffusion de l’information sur les offres d’emploi, les processus de recrutement, mais c’est difficile »,explique l’économiste Christine Erhel, directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail.
Actuellement, les économistes s’accordent sur un taux de chômage frictionnel entre 4,5 % et 5 % pour la France. Mais les calculs peuvent varier en fonction des hypothèses faites pour le mesurer, de la période et de la zone géographique retenues. Dans les années 2000, l’économiste Jean Pisani-Ferry, en retenant une durée moyenne de recherche d’un nouvel emploi de trois mois pour les personnes ayant déjà travaillé, et de six mois pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, estimait le taux de chômage frictionnel à 3,4 %, et le « chômage d’étape » pour y parvenir à 5 %. En Allemagne, la chancelière Angela Merkel promettait pour son dernier mandat de ramener le chômage à son minimum incompressible, le chiffrant alors à 3 %.
Détail du calcul du chômage frictionnel dans le rapport « Plein-emploi » de l’économiste Jean Pisani-Ferry, publié en 2000.
Le taux d’emploi est-il plus fiable ?
Selon certains économistes, il faudrait cesser de définir le plein-emploi en comptant les chômeurs mais braquer plutôt le projecteur sur les personnes qui travaillent. En mars 2000, les chefs d’Etat européens réunis à Lisbonne avaient adopté un objectif de plein-emploi qui, contrairement à sa conception traditionnelle, n’était pas donné « sous la forme d’un taux de chômage (que l’on viserait à ramener à un minimum jugé incompressible), mais sous celle d’un taux d’emploi que l’on se propose d’augmenter », rappelait l’économiste Jacques Freyssinet dans une publication de 2004.
Pour avoir de la croissance, il faut un fort taux d’emploi qui génère des richesses. Or, on peut avoir un taux de chômage en baisse sans que le taux d’emploi augmente, si le taux d’activité recule en même temps, avec des personnes qui quittent le marché du travail, par découragement, pour des problèmes de santé ou pour prendre leur retraite. « On a très bien vu ce phénomène aux Etats-Unis après la “grande récession” [2007-2008],détaille Christine Erhel.Le chômage a baissé, mais, dans le même temps, le taux d’emploi a baissé également du fait de nombreux retraits du marché du travail, donc on ne pouvait pas en réalité parler d’un retour au plein-emploi, la situation est restée très longtemps en dessous du niveau d’avant crise. »
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Mais ni le taux d’emploi ni le taux d’activité ne rendent compte du sous-emploi, c’est-à-dire les personnes qui travaillent moins que ce qu’elles souhaitent, pour cause de temps partiel subi ou de chômage partiel. Un pays peut se rapprocher du plein-emploi en laissant se développer des contrats précaires, avec un niveau de sous-emploi élevé. Pour éviter ce biais de surévaluation, M. Freyssinet suggère plutôt de calculer un taux d’emploi en équivalent plein-temps.
Quelle stratégie politique derrière ces chiffres ?
Alors que la réalité du travail devient de plus en plus complexe avec l’apparition de nombreuses situations intermédiaires et le développement de formes d’emploi atypiques (contrats très courts, temps partiel subi, travail indépendant…), la majorité des économistes s’accordent sur l’importance de cumuler plusieurs indicateurs pour bien cerner les contours du plein-emploi.
Les hésitations dans le choix des indicateurs se retrouvent aussi du côté du gouvernement. Ainsi, Emmanuel Macron a annoncé en avril 2023, son ambition de parvenir « au plein-emploi des seniors » en avançant un objectif de taux d’emploi de 65 % pour les 60 ans à 64 ans « à l’horizon 2030 », alors qu’il n’était que de 36,2 % en 2022.
Ce choix peut aussi être perçu comme une ruse de communicant : avec le recul de l’âge de la retraite, le taux de chômage qui affecte cette tranche d’âge va grossir dans un premier temps puisque le nombre d’actifs (le dénominateur) sera augmenté mécaniquement, avant que le taux d’emploi ne rebondisse.
Par ailleurs, se focaliser uniquement sur une baisse très forte du taux de chômage peut avoir comme effet de bord d’alimenter la surchauffe des prix. C’est d’ailleurs pour cela que le taux de chômage structurel (chômage frictionnel auquel on ajoute le chômage lié aux rigidités du marché du travail) est aussi appelé en anglais« Nairu », pour non-accelerating inflation rate of unemployment, taux de chômage en dessous duquel l’inflation risque d’accélérer.
La cible de 5 % de chômage incompressible doit être considérée « comme un objectif, qui traduit l’ambition de faire baisser le chômage de façon assez historique », explique Alexandra Roulet, professeure d’économie à l’Institut européen d’administration des affaires et ancienne conseillère macroéconomie à l’Elysée. Pour elle, une baisse en dessous de 7 % serait déjà « une belle victoire ».