« Le Travail à vif » : le huis clos des consultations de salariés en souffrance

« Le Travail à vif » : le huis clos des consultations de salariés en souffrance

Le livre. Lorsque le sociologue et clinicien Thomas Périlleux voit arriver de nouveaux patients en consultation, ceux-ci mettent souvent un symptôme en avant : « Je ne dors plus, j’ai une oppression à la poitrine, j’ai une boule au ventre ; ou dans les termes d’une pathologie du travail : je suis stressé, je fais un burn-out, je subis un harcèlement…  » Face à ces travailleurs en difficulté professionnelle, il va alors engager un lent travail d’écoute, de questionnement, pour aller au cœur des problématiques qui les touchent.

C’est ce cheminement complexe qu’il nous présente dans son nouvel ouvrage, Le Travail à vif. Souffrances professionnelles, consulter pour quoi ? (Erès). En retranscrivant ses consultations menées à Liège et à Namur, en Belgique, il nous propose « d’entrer dans la cuisine d’une pratique peu étudiée jusqu’ici en tant que telle », convaincu que « les colères et les interpellations que des travailleurs m’ont adressées ne doivent pas rester dans le huis clos [où elles ont été exprimées] ».

Ce faisant, l’auteur nous propose un panorama saisissant des douleurs qui frappent aujourd’hui les salariés. Ils viennent avant tout à lui parce qu’ils sont « dans le brouillard », dans une situation de travail « devenue illisible ». Ils ne « trouv[ent] plus les moyens, ni en [eux] ni dans les instances collectives, pour lutter contre les injustices, faire barrage aux humiliations, surmonter sa honte, retrouver le goût de ce qu’[ils font], défendre la dignité de [leur] travail ».

L’auteur nous détaille l’histoire de Sébastien, technicien dans l’industrie, qui, face à des contraintes de plus en plus dures, a dû faire – et faire faire à son équipe – du travail bâclé. Le détachement dans lequel il s’était drapé n’a duré qu’un temps : le corps a, un jour, lâché et Sébastien a été mis en arrêt de travail.

Management par les chiffres

Virginie est, elle aussi, en arrêt. Intervenante psychosociale, elle travaillait dans une institution prenant en charge des adolescents subissant des violences intrafamiliales. Elle a été victime d’un burn-out, envahie par un sentiment d’impuissance face aux maltraitances constatées, sidérée par l’immobilisme et les défaillances de son organisation.

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Derrière les douleurs des patients et les liens psychologiques pouvant être établis avec leur histoire familiale, au-delà des réflexions en séance sur les valeurs et la normalité en entreprise, M. Périlleux met en lumière – et dénonce – les dysfonctionnements qui touchent aujourd’hui les organisations. « Une critique du travail reste possible à partir même des corps vivants singuliers qui protestent par leur malaise contre la condition qui leur est faite », indique-t-il. Un travail qu’il décrit « en piteux état. Il doit être soigné », assure l’auteur.

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LJD

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