Archive dans 2024

Comment les bas salaires de nombreuses branches professionnelles se sont fait rattraper par le smic

Comment mieux rémunérer les travailleurs ? Pour Emmanuel Macron, une des solutions est d’encourager « des négociations dans certaines branches pour que la dynamique salariale soit au rendez-vous ». Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, le président a déploré l’existence de branches professionnelles qui « continuent de payer sous le smic ». En réalité, il est illégal de rémunérer un salarié à un montant inférieur à celui du smic (salaire minimum interprofessionnel de croissance), qui a grimpé de 212,34 euros brut en trois ans pour tenir compte de l’inflation et s’élève désormais à 1 766,92 euros brut mensuel pour 35 heures hebdomadaires de travail.

Cette revalorisation entraîne de fait une hausse de la rémunération perçue par les travailleurs payés au salaire minimum, qui représentaient 17 % des salariés au 1er janvier 2023, contre 12 % il y a trois ans). Mais comme le mécanisme d’indexation des salaires sur l’inflation a été abandonné en 1983, de nombreux salariés, même expérimentés, qui étaient payés un peu plus que le smic, voient leur salaire de base bloqué et « rattrapé » par le niveau du salaire minimum. Cette situation résulte du tassement des grilles salariales prévues par les conventions collectives, ces accords établis par les syndicats et les organisations d’employeurs exerçant dans le même secteur.

Pour éclairer ce mécanisme, nous avons pris l’exemple fictif d’Hélène, employée comme hôtesse d’accueil. Elle arpente les salons d’Ile-de-France et peut être envoyée dans une entreprise pour accueillir les clients en anglais et en français. Pour fixer son salaire de base (qui peut différer de son salaire brut, car il n’inclut pas un certain nombre d’avantages et de primes), son employeur s’est appuyé sur sa convention collective, celle des prestataires de services, dans le domaine du secteur tertiaire. A son entrée dans l’entreprise, en 2020, elle est embauchée à un niveau sur la grille, le coefficient 160, qui lui permet de gagner 28 euros brut de plus que le smic. Au fil des mois, ce salaire minimal conventionnel est dépassé à plusieurs reprises par les revalorisations automatiques du smic.

Le graphique ci-dessous détaille la « course » entre les augmentations de sa branche et du smic.

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Le secteur des prestataires de services n’est pas une exception : depuis 2020, les minima de nombreuses conventions collectives ont été rattrapés par les hausses du smic. Si bien que le rythme des négociations s’est accéléré : « la durée entre deux accords était d’un peu plus de cinq trimestres entre 2014 et 2021 ; cette durée n’était plus que deux à trois trimestres en 2022 et 2023 », peut-on lire dans le dernier rapport du groupe d’experts sur le smic, paru fin 2023.

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« La loi “asile et immigration” réduit les personnes étrangères au statut d’une force de travail »

Mars 2020, 20 heures, les applaudissements aux balcons saluent l’engagement professionnel de femmes et d’hommes qui œuvrent pour que perdure la vie : soin, ravitaillement, hygiène, parfois même éducation… Le pays découvrait ces personnes indispensables à la solidité et au fonctionnement de notre société, à nos communs. Mais l’applaudimètre n’a pas signifié une reconnaissance sociale, et encore moins financière. Une fois cette parenthèse passée, le monde n’a pas changé : les invisibles ont été ramenés à leur ancienne invisibilité.

Ces femmes et ces hommes nettoient les rues, les bureaux ou livrent des repas. Leur réalité est marquée par des horaires de travail fragmentés, rendant leur temps libre pratiquement inutilisable. Pour la plupart, ils appartiennent à ces minorités visibles, indépendamment de leur nationalité. En 2021, selon l’Insee, 14 % des immigrés en emploi ont le statut d’indépendant. Les jeunes hommes qui livrent des repas à domicile sont dans des conditions de travail extrêmement précaires. La contractualisation à travers des plates-formes électroniques et les discriminations à l’embauche les rendent particulièrement vulnérables.

Les dangers de la circulation, les conditions météorologiques difficiles et la baisse de revenus de 10 % à 30 % actuellement constatée par les livreurs des plates-formes accentuent encore leur vulnérabilité. Les livreurs doivent couvrir des distances de plus en plus grandes pour tenter de maintenir leurs revenus. Dans ce contexte, le faible coût de livraison imposé par les plates-formes place les personnes consommatrices dans la position d’être servies presque instantanément, leur permettant d’employer de fait une domesticité systématiquement « invisibilisée ».

Plancher collant

Quant aux femmes, elles occupent une part significative des emplois liés au secteur des soins à la personne, le « care » : d’après une étude de la Dares, en 2021, 13 % des femmes immigrées en emploi travaillent comme agentes d’entretien. Ce chiffre est plus élevé que celui des femmes non immigrées en emploi, qui est de 6 %. Les femmes immigrées représentent par ailleurs 6 % des aides à domicile et aides ménagères et 9 % des aides-soignantes et assistantes maternelles.

En utilisant comme base de l’octroi aux sans-papiers du titre de séjour « métiers en tension » la liste de ces métiers par région publiée au Journal officiel, la loi « asile et immigration » votée le 20 décembre 2023 réduit les personnes étrangères au statut d’une force de travail. Anonymes et réinvisibilisés, déchus de cette fugace reconnaissance nationale, ces femmes et ces hommes ne sont considérés que comme des bras et des corps dévolus à l’économie. Ils vivent de plus en plus souvent l’injonction à rejoindre un auto-entrepreneuriat aux allures de salariat déguisé pour les hommes, ou les métiers de service à la personne mal considérés et mal rémunérés pour les femmes immigrées, qui, au lieu de connaître le plafond de verre, butent sur un plancher collant.

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« Une grande cohérence d’objectifs caractérise le train de réformes du marché du travail »

De nombreuses réformes ont été engagées sur le marché du travail ces dernières années. Plusieurs visent à augmenter le taux d’emploi, relativement bas en France comparé à d’autres pays. Une telle augmentation peut être une source d’élévation du niveau de vie moyen et de rentrées fiscales et sociales qui permettront le financement de la transition climatique, du désendettement public et d’autres réformes structurelles, par exemple dans l’éducation ou la santé.

Ces réformes ont pour objet d’augmenter le taux d’emploi des seniors pour celle des retraites, des jeunes pour celle de l’apprentissage, des peu qualifiés pour celle du RSA, et de l’ensemble des personnes d’âge actif pour celle de France Travail. Par ailleurs, la barémisation des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse permet de lever des incertitudes, sources de freins à l’embauche, en particulier pour les PME.

Une grande cohérence d’objectifs caractérise donc ce train de réformes, qui, pour certaines, ont déjà contribué au dynamisme de l’emploi en France sur les dernières années. Ces réformes pourront être ajustées en fonction des éclairages qui seront apportés par leurs évaluations. Certaines demandent d’ailleurs à être davantage précisées. Par exemple, la gouvernance à terme de France Travail demeure assez floue. D’autres ajustements paraissent souhaitables, par exemple un rapprochement des délais de contestation d’un licenciement, particulièrement longs en France, de ceux observés dans les autres pays avancés, ou bien la mise en cohérence de l’indemnisation chômage des seniors avec la réforme des retraites.

Approche technocratique

Une réforme d’une autre nature a été portée par les ordonnances travail de septembre 2017 et la loi Pénicaud de mars 2018. Elles visent à élargir l’espace du droit conventionnel résultant de la négociation collective de branche et d’entreprise au détriment du droit du travail réglementaire, par nature homogène sur l’ensemble du tissu économique et social. Le droit conventionnel permet d’adapter les normes à chaque contexte, à chaque objectif, ce qui permet une meilleure conciliation que le droit réglementaire entre efficacité économique, garantie par la signature de l’accord collectif par le chef d’entreprise, et protection des travailleurs, garantie par la signature des représentants des travailleurs légitimés par les élections professionnelles. Par cette réforme de la hiérarchie des normes, l’autonomie du tissu conventionnel est devenue effective dans les limites de ce qui relève de l’ordre public.

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Droit du travail : « Les trois victimes des ordonnances Macron »

Ne cherchez pas le terme « pénibilité » dans le document d’orientation transmis fin novembre par le ministère du travail aux partenaires sociaux, en vue de la négociation sur l’amélioration de l’emploi des seniors et la prévention de l’usure professionnelle. Depuis 2017, le président de la République a souhaité bannir ce mot du vocabulaire macroniste, estimant, lors d’un déplacement, le 3 octobre 2019, à Rodez, qu’il « donne le sentiment que le travail serait pénible ».

Au-delà des considérations sémantiques, Emmanuel Macron a joint le geste à la parole et a fait une première victime avec les ordonnances travail, au tout début du premier quinquennat. Celles-ci ont largement amoindri la portée du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) mis en place par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en 2015.

Le compte professionnel de prévention (C2P) qui l’a supplanté a éliminé quatre des six critères d’exposition qui ouvraient droit précédemment à un départ anticipé en retraite ou à un travail à temps partiel en fin de carrière, ou encore à une reconversion professionnelle. Et pas des moindres : port de charges lourdes, postures pénibles, produits chimiques dangereux et vibrations mécaniques.

De plus, comme l’a constaté un rapport de la Cour des comptes, la logique du C3P était aussi d’« inciter les employeurs à réduire l’exposition de leurs salariés à la pénibilité en faisant peser sur eux une cotisation spécifique. Or cette ambition a été abandonnée dès 2017 : le dispositif n’a donc plus aucune vertu de prévention. (…) Le compte professionnel de prévention (C2P) dans ses modalités actuelles n’est pas à la hauteur des objectifs qui lui étaient assignés, dans un contexte où l’âge de départ en retraite recule par ailleurs. » (« Les politiques publiques de prévention en santé au travail dans les entreprises », décembre 2022).

Résultat affligeant

Le résultat est catastrophique du point de vue des médecins du travail, qui s’arrachent les cheveux pour gérer les inaptitudes médicales des salariés usés et les tentatives d’aménagement de poste pour éviter leur licenciement. Malheureusement souvent sans succès. Même s’il n’existe pas de statistique officielle quant au nombre de licenciements pour inaptitude médicale, un rapport aux ministres du travail et des affaires sociales avance le chiffre de 95 % de salariés licenciés chez les inaptes (rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail », mai 2015). La situation aurait mérité que cette question de la pénibilité du travail et de ses conséquences sur la santé, l’employabilité et l’espérance de vie sans incapacité des travailleurs vieillissants soit correctement traitée avant même la dernière réforme des retraites. Il n’en a rien été.

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Sophie Binet, Judith Krivine et Kim Reuflet : « Les réformes du droit du travail, au motif de le “simplifier”, le font disparaître »

Depuis 2008, les différents gouvernements, unanimement, se sont appliqués à mener des réformes du droit du travail qui, au motif de le « simplifier », le font disparaître. Encore en décembre, le ministre de l’économie annonçait qu’il fallait raccourcir à deux mois le délai de contestation d’un licenciement, car « il faut des mesures drastiques de simplification pour les entreprises ». Qu’un salarié dispose de droits et se défende lorsque ceux-ci sont bafoués est traité comme un facteur de « complexité », comme s’il s’agissait d’une formalité administrative !

La vie des entreprises s’est déjà fortement « simplifiée » depuis 2008, ainsi qu’en témoigne la diminution continue du contentieux prud’homal. Différents rapports (notamment « Les affaires prud’homales dans la chaîne judiciaire de 2004 à 2018 », Evelyne Serverin, 2019) démontrent que les réformes successives ont déjà eu pour effet de décourager et d’entraver l’action des salariés devant la juridiction prud’homale.

Le délai dont dispose un salarié pour contester son licenciement est passé en quelques années de trente à cinq ans (2008), à deux ans (2013), puis à douze mois (2017). Avec cette réduction des prescriptions, associée à la mise en place de la rupture conventionnelle, en 2008, du barème plafonnant drastiquement l’indemnisation des salariés licenciés abusivement, depuis 2017, et de la complexification de la procédure de saisine(2016), le nombre de saisines est passé de 176 687 en 2009 à 99 147 en 2018, puis à 88 958 en 2021. De 2009 à 2018, le contentieux a donc diminué de 44 % et a continué de diminuer de 10 % de 2018 à 2021. Et les femmes restent toujours minoritaires à faire respecter leurs droits vis-à-vis de leurs employeurs (40,3 % des saisines en 2018).

Insécurité du chômage

La baisse du contentieux affecte plus lourdement les salariés non-cadres. Entre 2017 et 2021, le contentieux devant la section encadrement a diminué de 4 %, contre – 22 % et – 21 % devant les sections commerce et industrie (salariés non-cadres). Le contentieux s’est également concentré devant les conseils de prud’hommes des gros bassins d’emploi, marquant un recul de l’accès au juge dans les zones rurales. Les salariés les plus jeunes recourent également de moins en moins à la justice : les plus de 50 ans représentaient 32,5 % des demandeurs en 2018, contre 25,2 % en 2009.

L’accès au juge est donc devenu un privilège. A l’égard des plus pauvres, l’employeur peut en revanche affirmer sa toute-puissance de manière discrétionnaire, sans contrôle ni sanction. Cette diminution du contentieux n’est pas un indicateur de bonne santé de la société, mais plutôt de la création de zones de non-droit au bénéfice de l’employeur. C’est ce que le gouvernement appelle « simplifier le droit du travail ».

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« L’Autre moitié du monde » : pourquoi la gauche doit se réapproprier le sens et la valeur du travail

Le Belge francophone Paul Magnette cultive décidément sa double image d’acteur politique et de penseur. Dans son pays, certains évoqueront plutôt son ambiguïté, tant y est rare cette capacité à assumer de front un rôle politique de premier plan − il est maire de Charleroi, dirige le Parti socialiste et ne cache plus son ambition d’être premier ministre − et un autre de réflexion − il est professeur à l’Université libre de Bruxelles (ULB).

Du cinéaste italien marxiste Pier Paolo Pasolini à la citoyenneté européenne en passant par l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne CETA, de l’analyse des régimes politiques à un manifeste « écosocialiste » en 2022 : en une vingtaine d’années, l’ancien directeur de l’Institut d’études européennes de l’ULB a accumulé une douzaine d’ouvrages, auxquels on peut ajouter le récit, plus modeste, d’une découverte à vélo de sa région ou un traité sur l’une de ses passions, le pain…

Cette fois, c’est sur le sens et la valeur du travail que se penche le Wallon. L’Autre Moitié du monde, c’est, selon lui, celle qui souffre et subit les conséquences de la financiarisation de l’économie, de la mondialisation, des restructurations et de la dégradation des conditions de travail. Celle qui pourrait être tentée de céder aux sirènes des mouvements autoritaires qui instrumentalisent la peur du déclassement pour renforcer leur poids. Celle qui est, en tout cas, persuadée que la critique de l’« assistanat » dont bénéficieraient un bon nombre de ses congénères est justifiée.

En 2007, se souvient l’auteur, Nicolas Sarkozy flattait « le salarié qui voit l’assisté s’en tirer mieux que lui pour boucler ses fins de mois sans rien faire ». Mais, en 2022, Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français, enchaînait, affirmant que « la gauche doit défendre le travail, et ne pas être la gauche des allocations et des minima sociaux ». Voilà donc consacrée « l’hégémonie culturelle de la droite, qui n’en espérait pas tant », déplore Paul Magnette.

Convaincre les jeunes générations

A quelques mois d’élections générales en Belgique, au cours desquelles il combattra à la fois la droite libérale et la gauche radicale – le Parti du travail de Belgique –, le dirigeant de ce qui fut naguère le Parti ouvrier belge soutient que « l’enjeu de notre temps consiste à réaffirmer le sens et la valeur du travail ».

Un but ambitieux à l’issue d’une pandémie qui a introduit une rupture dans le rapport au travail et modifié, durablement peut-être, les attentes des jeunes générations. A priori, il ne sera pas évident de les convaincre non seulement que le labeur n’est pas qu’un fardeau, mais, en outre, qu’il est possible d’abolir les rapports de domination qui le structurent encore souvent.

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La Cour européenne des droits de l’homme contraint la France à indemniser une femme condamnée pour avoir dénoncé un cas de harcèlement sexuel

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a contraint jeudi 18 janvier la France à verser 12 750 euros à Vanessa Allée, une femme condamnée pour avoir dénoncé un cas de harcèlement sexuel dans le cadre de son travail.

Mme Allée avait été sanctionnée en appel en 2018 par une amende de 500 euros pour diffamation publique à l’encontre de son supérieur hiérarchique. La sentence avait été confirmée en 2019 par la Cour de cassation, qui avait ordonné le versement de 2 500 euros au titre des frais de procédure.

En 2016, la victime, secrétaire dans une association d’enseignement confessionnel, avait dénoncé, dans un courriel adressé à six personnes, dont l’inspecteur du travail, une « agression sexuelle » ainsi qu’un « harcèlement sexuel et moral » de la part du vice-président exécutif de l’association, rappelle la CEDH dans un communiqué.

La justice française estimait que les accusations d’agression sexuelle formulées par cette habitante de la région parisienne, née en 1978, n’étaient pas démontrées.

Méconnaissance de la Convention européenne des droits de l’homme

Dans son arrêt, la CEDH fait valoir que les Etats signataires de la Convention européenne des droits de l’homme doivent « apporter la protection appropriée aux personnes dénonçant les faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes ».

Elle note que « les faits dénoncés ont été commis sans témoins, et que l’absence de plainte relativement à de tels agissements ne saurait conduire à caractériser [la] mauvaise foi » de la plaignante. La justice nationale a ainsi « fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle apporte la preuve des faits qu’elle entendait dénoncer », remarque la cour.

Le courriel litigieux, quant à lui, était un texte « envoyé à un nombre limité de personnes, n’ayant pas vocation à être diffusé au public, mais dont le seul but était d’alerter les intéressés sur la situation de la requérante afin de trouver une solution permettant d’y mettre fin ».

Ce texte « n’a entraîné, en tant que tel, que des effets limités sur la réputation de son prétendu agresseur », observent les sept juges chargés de trancher.

Ils estiment en outre donc que la France a méconnu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit la liberté d’expression.

Le Monde avec AFP

Habillement : l’enseigne Pimkie durcit son plan de restructuration

Le siège social de Pimkie à Villeneuve d’Ascq, en 2018.

Pimkie taille dans ses effectifs plus rapidement que prévu. L’enseigne d’habillement féminin a annoncé la fermeture de 74 de ses 196 boutiques dès 2024, lors d’une réunion d’information auprès du comité social et économique, jeudi 18 janvier. En juin 2023, la direction avait mis en place un plan d’économies qui prévoyait la fin de l’exploitation de 63 boutiques. Déjà 23 ont cessé leur activité au 31 décembre, les 38 autres – promises à la fermeture d’ici à 2027 – vont finalement baisser le rideau dès cette année. En plus de l’accélération du calendrier, la direction a rajouté à sa liste 36 autres succursales qui disparaîtront également en 2024.

Le plan de restructuration de l’enseigne qui emploie actuellement 1 375 salariés implique, un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) portant sur la suppression de 239 postes de travail. Il concerne les magasins (197 postes) et le siège social de l’entreprise située à Villleneuve-d’Ascq, dans le Nord, (42 de ses 143 postes). Au total, entre 2023 et 2024, l’enseigne aura réduit ses effectifs de 496 postes, précise au Monde, Salih Halassi, PDG de l’enseigne depuis septembre 2023. Soit 30 % de personnel en moins sur deux ans.

L’accélération de cette restructuration intervient onze mois après la cession de l’entreprise qui, depuis sa création en 1971, relevait des actifs de l’Association familiale Mulliez. L’actionnaire d’Auchan et Leroy-Merlin s’était résolu à vendre cette chaîne après avoir échoué à la redresser, malgré la suppression de 200 postes en 2010 et de 300 en 2018.

Collections à prix modique

Les nouveaux actionnaires, Lee Cooper, à hauteur de 70 %, Ibisler Tekstil, l’un de ses fournisseurs, à hauteur de 15 % du capital, et la holding de M. Halassi, à hauteur de 15 %, ont obtenu une enveloppe de « 154 millions d’euros » de l’Association familiale Mulliez pour éponger ses futures pertes d’exploitation et financer cette restructuration et le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), précise au Monde Salih Halassi, le PDG.

« Environ deux tiers des 196 succursales Pimkie sont déficitaires », explique ce dernier. La fermeture des 74 points de vente dès 2024 doit permettre de « réduire les pertes d’exploitation de l’entreprise à 6 millions d’euros à l’horizon 2025, contre 40 millions d’euros en 2023 », estime M. Halassi. A cette date, toujours en ciblant les 18-25 ans grâce à des collections à prix modique, l’enseigne table sur 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre environ 200 millions d’euros en 2023, selon le dirigeant.

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« Règles plus sévères » pour les chômeurs : Macron accusé de « stigmatisation »

Conférence de presse d’Emmanuel Macron à Paris, le 16 janvier 2024.

Pour la quatrième fois depuis son arrivée à l’Elysée, en 2017, Emmanuel Macron veut modifier les droits et devoirs des chômeurs. Lors de la conférence de presse qu’il a donnée, mardi 16 janvier, le président de la République a annoncé, pour « le printemps prochain », une réforme du marché du travail. Elle s’inscrira dans deux axes : d’un côté, « des règles plus sévères quand des offres d’emploi sont refusées » ; de l’autre, « un meilleur accompagnement » des personnes privées d’activité. Les syndicats redoutent que cette initiative se traduise, une fois de plus, par un tour de vis au détriment des femmes et des hommes en quête d’un poste.

Le plus souvent, les conditions d’indemnisation applicables aux demandeurs d’emploi sont fixées dans des « conventions » issues d’accords entre les partenaires sociaux, ceux-ci étant les gestionnaires de l’assurance-chômage. Mais si les organisations de salariés et d’employeurs n’arrivent pas à s’entendre, le gouvernement reprend la main : c’est ce qui s’est produit en 2019, avec une série de décrets, étalés sur deux ans, ayant pour effet de durcir les règles (allongement de la durée de cotisation pour être éligible à une allocation, etc.). Un gouvernement peut également, de sa propre initiative, remodeler les normes imposées aux chômeurs. Ce fut le cas, avec la loi de septembre 2018 (refonte du barème de sanctions infligées aux demandeurs d’emploi manquant à leurs obligations) et avec la loi de décembre 2022 (fermeture de l’assurance-chômage pour les salariés en CDD repoussant, à deux reprises, une offre en CDI).

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En faisant part de sa volonté d’engager une nouvelle réforme, M. Macron a suscité des réactions de diverse nature chez les partenaires sociaux. La perplexité, tout d’abord : « Nous aimerions avoir davantage d’explications car les propos du chef de l’Etat peuvent signifier plusieurs choses », souligne Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Le but est-il de renforcer les sanctions à l’encontre des chômeurs qui s’affranchissent de leurs devoirs ? S’agit-il de changer les paramètres de l’indemnisation ?

Si c’est la deuxième option qui tient la corde, elle est susceptible de créer des difficultés car les organisations d’employeurs et de salariés (à l’exception de la CGT et de la CFE-CGC) ont récemment signé un accord qui révise les critères d’attribution d’une allocation. Ficelé en novembre 2023, ce compromis a débouché sur une « convention » qui n’attend plus que le feu vert du gouvernement pour entrer en vigueur. Mais l’intention affichée, mardi soir, par M. Macron risque de tout remettre en cause, selon Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO : « L’accord que les acteurs sociaux ont conclu à l’automne 2023 vient d’être enterré par le président de la République, puisqu’il a annoncé à peu près tout le contraire de ce qui avait été décidé par les syndicats et le patronat », déplore-t-il.

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« Le Travail à vif » : le huis clos des consultations de salariés en souffrance

Le livre. Lorsque le sociologue et clinicien Thomas Périlleux voit arriver de nouveaux patients en consultation, ceux-ci mettent souvent un symptôme en avant : « Je ne dors plus, j’ai une oppression à la poitrine, j’ai une boule au ventre ; ou dans les termes d’une pathologie du travail : je suis stressé, je fais un burn-out, je subis un harcèlement…  » Face à ces travailleurs en difficulté professionnelle, il va alors engager un lent travail d’écoute, de questionnement, pour aller au cœur des problématiques qui les touchent.

C’est ce cheminement complexe qu’il nous présente dans son nouvel ouvrage, Le Travail à vif. Souffrances professionnelles, consulter pour quoi ? (Erès). En retranscrivant ses consultations menées à Liège et à Namur, en Belgique, il nous propose « d’entrer dans la cuisine d’une pratique peu étudiée jusqu’ici en tant que telle », convaincu que « les colères et les interpellations que des travailleurs m’ont adressées ne doivent pas rester dans le huis clos [où elles ont été exprimées] ».

Ce faisant, l’auteur nous propose un panorama saisissant des douleurs qui frappent aujourd’hui les salariés. Ils viennent avant tout à lui parce qu’ils sont « dans le brouillard », dans une situation de travail « devenue illisible ». Ils ne « trouv[ent] plus les moyens, ni en [eux] ni dans les instances collectives, pour lutter contre les injustices, faire barrage aux humiliations, surmonter sa honte, retrouver le goût de ce qu’[ils font], défendre la dignité de [leur] travail ».

L’auteur nous détaille l’histoire de Sébastien, technicien dans l’industrie, qui, face à des contraintes de plus en plus dures, a dû faire – et faire faire à son équipe – du travail bâclé. Le détachement dans lequel il s’était drapé n’a duré qu’un temps : le corps a, un jour, lâché et Sébastien a été mis en arrêt de travail.

Management par les chiffres

Virginie est, elle aussi, en arrêt. Intervenante psychosociale, elle travaillait dans une institution prenant en charge des adolescents subissant des violences intrafamiliales. Elle a été victime d’un burn-out, envahie par un sentiment d’impuissance face aux maltraitances constatées, sidérée par l’immobilisme et les défaillances de son organisation.

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Derrière les douleurs des patients et les liens psychologiques pouvant être établis avec leur histoire familiale, au-delà des réflexions en séance sur les valeurs et la normalité en entreprise, M. Périlleux met en lumière – et dénonce – les dysfonctionnements qui touchent aujourd’hui les organisations. « Une critique du travail reste possible à partir même des corps vivants singuliers qui protestent par leur malaise contre la condition qui leur est faite », indique-t-il. Un travail qu’il décrit « en piteux état. Il doit être soigné », assure l’auteur.

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