Archive dans juin 2024

Législatives 2024 : « Nous, dirigeants d’entreprise, devons avoir le courage de tenir le cap des valeurs de l’entrepreneuriat responsable »

Depuis sa création en 1938, le Centre des jeunes dirigeants (CJD) accompagne des patrons d’entreprises résolument humanistes, qui s’engagent pour une société plus juste, plus durable, plus équitable, au sein du mouvement comme dans leurs entreprises. Ces dirigeants agissent aujourd’hui au quotidien pour une transformation de l’économie au service du vivant.

En 1953, nous avons milité pour la création d’une assurance-chômage ; bien avant la mise en place de l’alternance, nos entreprises étaient déjà des lieux de partage et de transmission pour la jeunesse. Nous restons fidèles à notre mission historique et nous refusons de céder aux discours de haine et d’exclusion qui se propagent.

Dès le 11 juin, nous l’avons souligné : la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République nous plonge dans une situation périlleuse, menaçant nos institutions démocratiques, notre tissu économique et la cohésion de notre société. Face à la montée d’idées autoritaires portées par l’extrême droite, les entrepreneurs responsables sont inquiets pour notre place en Europe et dans le marché unique, et pour la réponse au défi de la transition écologique. Il nous faut aujourd’hui avoir le courage de tenir le cap des valeurs de l’entrepreneuriat responsable.

La responsabilité, d’abord. Notion-clé pour tout dirigeant, elle doit s’étendre à la cité. Etre responsable, c’est assurer l’avenir des générations futures dans une société respectueuse des droits de chacun, chacune. C’est utiliser son pouvoir d’agir, son pouvoir de décision, pour aider à construire un monde pacifié et durable, loin des idées réactionnaires et autoritaires.

Le respect de la dignité humaine, ensuite, comme cadre éthique. Les dirigeants responsables partagent le souci constant de l’égalité de traitement. C’est pourquoi l’écoute et la tolérance sont au cœur du projet de notre mouvement, qui s’incarne notamment dans le rejet de toute forme de discrimination.

La solidarité est une valeur organique de notre mouvement, elle érige en principe cardinal de l’entrepreneuriat responsable l’accueil des différences et le vivre-ensemble. N’est-ce pas lorsque nos sociétés sont solidaires qu’elles sont résilientes et peuvent faire face aux défis et aux crises ? N’est-ce pas lorsque nous agissons collectivement dans toute notre diversité et unis autour d’un projet de société désirable, que nous sommes plus forts ?

L’économie doit profiter au plus grand nombre

La loyauté, enfin, à l’égard de toutes et tous comme envers les valeurs qui permettent le progrès économique, social et environnemental. Dans une société marquée par l’incertitude et la tension, nous devons tenir loyalement sur nos valeurs.

Il vous reste 38.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Un guide d’usage de l’intelligence artificielle dans la fonction publique d’Etat

A l’instar des entreprises, la fonction publique d’Etat se prépare à intégrer l’intelligence artificielle (IA) dans la gestion des ressources humaines (GRH). Des expérimentations vont bientôt démarrer dans les ministères se portant volontaires. Il est plus que temps : en 2019, un rapport de l’OCDE estimait qu’il serait bientôt possible de libérer près d’un tiers du temps des fonctionnaires, qui passeraient dans ce scénario optimiste de « tâches banales à un travail à haute valeur ajoutée ».

L’Etat, qui s’était vu reprocher il y a quelques années le retard français dans la numérisation des services publics, entend cette fois intégrer au plus vite l’IA dans ses processus RH, tout en se prémunissant contre d’éventuelles dérives. ​« La prise en compte du risque en termes de responsabilité sociétale est plus forte dans la fonction publique, qui exige plus de transparence sur le fonctionnement de l’IA. Mais ça n’est pas simple, s’agissant de produits prépackagés par des entreprises de la tech », souligne Karim Chérif, associé du cabinet Magellan qui accompagne les employeurs sur ce sujet.

D’où la publication en ligne, le 4 juin 2024, d’un guide pour encadrer l’usage de l’IA sous les auspices de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Partant du constat que l’immixtion de l’IA dans la GRH de l’administration d’Etat (ministères, établissements publics à caractère administratif) recèle à la fois des opportunités (gain de temps, productivité) et des risques (mésusage des données personnelles, déshumanisation…), la DGAFP répertorie dans son guide 26 cas d’usages potentiels de l’IA en GRH.

Des usages souhaitables et d’autres à proscrire

Cinq usages considérés comme particulièrement souhaitables seront a priori les premiers à être testés : l’analyse des résultats d’enquêtes internes, des recommandations contextuelles de formation, l’apprentissage personnalisé, la rédaction de fiches de poste et l’identification des compétences émergentes.

A l’inverse, la DGAFP identifie dans son guide quatre cas d’usages « à proscrire ». L’IA ne saurait ainsi être pertinente pour la détection précoce des problèmes de santé mentale, l’analyse des relations entre collègues, pour faire passer des entretiens vidéo automatisés avec les candidats, ou instaurer des systèmes de reconnaissance et de récompense.

Entre ces deux extrêmes, on recense 17 usages de l’IA « envisageables » sous réserve. Ainsi en va-t-il du parcours d’onboarding (intégration du nouveau salarié) ou de carrière personnalisé, de l’évaluation des compétences, du feedback en temps réel des formations suivies, de la formation des équipes interdisciplinaires…

Il vous reste 38.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les allocations-chômage revalorisées de 1,2 % au 1ᵉʳ juillet, « trop faible » pour les syndicats

Une femme entre dans une agence France Travail à Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne), le 23 avril 2024.

Les allocations d’assurance-chômage vont être revalorisées de 1,2 % le 1er juillet, a déclaré jeudi 27 juin l’Unédic, la CGT dénonçant « l’extrême faiblesse de cette revalorisation » et la CFDT exprimant une « déception amère ».

Cette revalorisation « concernerait environ 2 millions de demandeurs d’emploi indemnisés » sur quelque 2,7 millions au total, selon un communiqué de l’organisme géré paritairement par les organisations syndicales et patronales. Certains allocataires de moins de six mois ne sont pas concernés. La décision a été prise lors d’un conseil d’administration de l’Unédic, composé de représentants des salariés et des employeurs, et a été votée « à la majorité des suffrages exprimés », ajoute l’organisme.

L’Unédic fait valoir qu’elle « tient compte à la fois du contexte économique et de l’équilibre financier du régime d’assurance-chômage » et rappelle que cette revalorisation « intervient après deux autres en 2023 (+ 1,9 % au 1er avril, puis + 1,9 % au 1er juillet) ». En moyenne, la revalorisation annuelle a été de 1,68 % au cours des cinq dernières années.

« Le gouvernement comme le patronat continuent de cibler les allocataires de l’assurance-chômage »

« Pour 2024, le montant de la revalorisation s’élèverait à 150 millions d’euros pour le régime d’assurance-chômage et, pour 2025, à 210 millions d’euros », précise-t-elle dans son communiqué. Un allocataire n’ayant pas travaillé dans le mois et bénéficiant de l’allocation minimale passera ainsi de 979,29 euros brut à 991,07 euros brut, détaille l’Unédic.

La CFDT, qui « regrette avec amertume la décision patronale d’une revalorisation trop faible des allocations-chômage », précise dans un communiqué que « le patronat a fait une première proposition de revalorisation à hauteur de 1 % et n’a accordé que 1,2 % après une suspension de séance ».

« A quelques jours des législatives, le gouvernement comme le patronat continuent de cibler les allocataires de l’assurance-chômage », dénonce de son côté la CGT, rappelant que le gouvernement s’apprête à publier le décret mettant en œuvre la nouvelle réforme controversée de l’assurance-chômage à compter du 1er décembre.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

« Par des procédés pour le moins discutables, l’Urssaf cherche par tous les moyens à remettre en cause les aides Covid aux entreprises »

Si les contraintes imposées à la population par la pandémie mondiale du Covid sont encore dans toutes les mémoires, ce n’est pas le cas des aides versées aux entreprises pour survivre lors de cette période. Pourtant l’Etat avait su se montrer très généreux, accordant largement allègements financiers, exonérations de cotisations sociales et aides au paiement, le tout administré par l’Urssaf.

Certes, il était attendu que, dans un second temps, l’Urssaf tienne à s’assurer que les aides aient été octroyées aux sociétés effectivement éligibles, mais l’attitude adoptée par cette institution à partir de 2023 a été particulièrement surprenante. Par des procédés pour le moins discutables et sur la base de raisonnements souvent hasardeux, l’Urssaf a cherché en effet par tous les moyens à remettre en cause les aides accordées.

Cette démarche n’est pas passée inaperçue, obligeant le Conseil national de l’ordre des experts-comptables à se fendre d’un communiqué à l’été 2023, tout en proposant un argumentaire juridique visant à aider les entreprises touchées à se défendre. La BPI est également intervenue afin de relayer la même position de défense.

Le sujet est loin d’être clos : des centaines de contentieux sont déjà en cours contre l’Urssaf, sans parler des milliers de procédures menées par l’Urssaf et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une contestation. L’ampleur du phénomène est cependant difficile à chiffrer, l’Urssaf étant bien silencieuse sur le sujet, et aucune statistique officielle n’existant à ce jour. Seule une remontée du terrain constatée par les experts-comptables auprès de leurs clients, ainsi que par les professionnels du droit, a permis de sonner l’alarme auprès des entreprises concernées.

Les aides pendant le Covid

L’enjeu pour l’Urssaf est très conséquent, des millions d’euros étant susceptibles d’être récupérés. Mais l’enjeu pour les entreprises concernées est encore plus important, confrontées à la nécessité de devoir rembourser des dizaines, voir des centaines de milliers d’euros du jour au lendemain.

L’angle d’attaque utilisé par l’Urssaf pour remettre en question l’éligibilité aux aides Covid est le code NAF/APE. Ce code attribué à une entreprise représente une classification administrative de son activité principale. Or, le bénéfice de ces aides nécessite d’appartenir à des secteurs d’activité bien précis.

La stratégie choisie par l’Urssaf est claire : dès lors que le code NAF/APE d’une entreprise n’appartenait pas à un secteur d’activité éligible aux aides, il était automatiquement réclamé un remboursement intégral des aides perçues pendant la crise sanitaire. Mais, si le code permet d’avoir une idée de l’activité d’une société, il est très courant en pratique de constater que l’activité réelle de ladite société est bien différente de son activité présumée.

Il vous reste 46.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La France tente de combler son retard dans les biomédicaments

Des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, en octobre 2021, à Strasbourg.

Vaccins, anticorps monoclonaux, thérapies géniques ou cellulaires, antibiotiques… Les biomédicaments, ces produits dont les substances actives sont issues du vivant (cellules d’origine animale ou humaine, micro-organismes), et qui se distinguent des médicaments obtenus par synthèse chimique, sont en plein essor. Capables d’agir sur des cibles spécifiques, ces traitements de pointe ont déjà permis d’améliorer les pronostics de certains cancers ces dernières années, voire de guérir des maladies rares. Mais la France a raté le virage de ces innovations il y a plusieurs années et peine, depuis, à rattraper le retard accumulé.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Alès, LFB double sa production de biomédicaments

L’Hexagone n’en produisait sur le sol national que huit en 2022 sur les soixante-seize autorisés à la commercialisation en Europe, notamment grâce à deux entreprises tricolores, Sanofi et le laboratoire public LFB, ainsi qu’au suisse Novartis. L’enjeu est pourtant loin d’être négligeable : 59 % des médicaments actuellement en développement dans le monde concernent des biothérapies.

« En 2020, les ventes mondiales représentaient 300 milliards de dollars [280 milliards d’euros] sur un marché du médicament évalué à plus de 1 100 milliards de dollars. Et les projections indiquent qu’ils pèseront le double en 2030. C’est un relais de croissance énorme pour l’industrie pharmaceutique », observe Laurent Lafferrère, directeur général de France Biolead, qui fédère les acteurs du secteur en France. Sans compter l’enjeu de souveraineté nationale : 95 % des biomédicaments consommés dans l’Hexagone sont aujourd’hui importés.

Favoriser les synergies

Lancée sous l’impulsion de l’Etat, en décembre 2022, l’association, qui rassemble sous sa bannière plus d’une cinquantaine de membres qui interviennent sur tous les maillons de la chaîne du biomédicament, de la recherche à la production, s’attelle, depuis sa création, à structurer la filière, qui avançait jusqu’ici en ordre dispersé. Avec un objectif : faire de la France un futur champion européen.

Depuis dix-huit mois, elle s’est ainsi employée, entre autres, à répertorier les différents acteurs de l’écosystème en France pour rendre la filière plus lisible et favoriser les synergies, et s’apprête, le 5 juillet, à inaugurer une journée nationale destinée à promouvoir, dans toute la France, la filière auprès du grand public. Car le secteur, en plein développement, recrute. Il ambitionne de doubler ses effectifs d’ici à 2030, pour atteindre 20 000 emplois.

En parallèle, l’association a lancé des travaux afin d’identifier les réponses à apporter aux grands enjeux du secteur, notamment en matière de simplification réglementaire pour encourager la compétitivité de l’industrie tricolore, ou sur les innovations technologiques dans les procédés de fabrication. « Nous devons nous assurer que ces biomédicaments, qui sont aujourd’hui très chers, auront un coût soutenable pour notre système de santé. Il faut pour cela améliorer les rendements pour produire plus, mieux et à moindre coût », explique M. Lafferrère. France Biolead travaille à la mise en place de consortiums pour mutualiser les efforts des industriels.

Il vous reste 40% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En entreprise, « la redistribution des richesses ne suffit pas, il faut redistribuer les pouvoirs »

Thomas Coutrot est chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales.

Chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) et auteur du « Bras long du travail » (Document de travail de l’IRES), Thomas Coutrot a mis en évidence des corrélations entre conditions de travail, vote et abstention.

On trouve nombre de travaux de recherche sur les liens entre vote et territoires, mais, étonnamment, il semble y avoir très peu de données sur le lien entre vote et expérience du travail, alors que c’est pourtant central dans le quotidien des gens…

L’idée que le travail puisse être déterminant des comportements électoraux n’est en effet pas du tout courante dans la littérature classique en science politique. C’est pourtant assez évident quand on y pense. Mais l’obstacle intellectuel vient du principe de subordination qui régit la relation salariale. C’est bien sûr revendiqué à droite, mais pas tellement contesté à gauche, on ne remet pas en cause ce rapport de subordination, comme si c’était dans la nature des choses que les gens acceptent d’obéir à des ordres et de laisser leur libre arbitre entre parenthèses pour que l’entreprise fonctionne. On ne réfléchit pas aux conséquences démocratiques de cet état de fait.

Pourtant, trois grandes expériences façonnent l’ethos politique, c’est-à-dire les valeurs, la conception que les gens se font des rapports entre les êtres humains : la famille, l’école et l’entreprise. Même Adam Smith, qui est un auteur libéral, mais qui avait une vision assez aiguë des enjeux moraux de l’économie, a évoqué l’impact négatif du travail répétitif sur l’intelligence ouvrière. Mais celle qui a été le plus loin sur le sujet est Carole Pateman, la théoricienne de la démocratie participative.

C’est elle qui théorise le « spill-over », ce débordement du travail sur le hors-travail…

Elle théorise bien la façon dont les rapports humains à l’intérieur d’une entreprise sont bien des rapports politiques, des rapports de commandement, de subordination, où certains décident pour les autres ce qu’ils vont devoir faire. Et ces rapports politiques ont des conséquences sur les représentations que les uns et les autres ont de leurs droits et de leurs devoirs dans la sphère publique.

Est-ce cette théorie que vous avez voulu mettre en évidence ?

L’idée m’est venue en écoutant l’économiste Daniel Cohen, qui présentait une étude du Cepremap [Centre pour la recherche économique et ses applications] sur le lien entre bien-être et vote. Il montrait que les électeurs du RN [Rassemblement national] étaient en moyenne plus malheureux que les autres. Je me suis dit : « Puisqu’on sait qu’un déterminant majeur du bien-être psychologique, c’est le travail, pourquoi ne pas regarder le lien entre les conditions de travail et le vote ? » J’ai construit des modèles économétriques à partir des données des enquêtes « conditions de travail » de la Dares [service des statistiques du ministère du travail] et de résultats électoraux communaux. C’était un pari, j’ai été très surpris de voir la force des résultats qui sont extrêmement significatifs.

Il vous reste 50.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« A la recherche de la décision » : quand les sciences sociales travaillent à la déconstruction du mythe du dirigeant tranchant en solitaire

Livre. C’est un mythe qui résiste au temps. La figure du décideur unique, « rationnel, charismatique et impartial » reste aujourd’hui largement valorisée, comme en témoigne l’abondante littérature sur le leadership, constate Henri Bergeron, directeur de recherche au CNRS. Au point de faire, parfois, des leaders de véritables « héros modernes ».

Les sciences sociales travaillent aujourd’hui à la déconstruction de ce modèle, mettant en lumière, derrière l’image du dirigeant tranchant en solitaire, des collectifs œuvrant à la construction d’une décision. Leurs orientations ne sont pas totalement rationnelles, « leurs préférences évolue[nt] », ils « n’ont guère toutes les informations en leur possession » et « sont encastrés dans des structures de relations de pouvoir qui limitent leur capacité autonome (…) de décision », poursuit M. Bergeron.

C’est cette image complexe de la prise de décision, plurielle, parfois incertaine, fluctuante, voire sous influence, qu’analyse un ouvrage paru sous la direction de Patrick Castel, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, et Marie-Emmanuelle Chessel, directrice de recherche au CNRS. A la recherche de la décision (Presses universitaires du Septentrion, 264 pages, 23 euros) propose une succession d’études de cas concrets, au cœur de différentes organisations, où médecins, juges, DRH, dirigeants, mais aussi salariés soupèsent, cheminent et, surtout, échangent.

Lire l’analyse de Laurent Cappelletti pour le projet du Liepp : Article réservé à nos abonnés « Le management de proximité, fondé sur le potentiel humain, est un facteur de satisfaction sociale au travail et de productivité durable »

Si la responsabilité individuelle du décideur prime souvent in fine, l’ouvrage montre combien sa prise de décision est la résultante d’une dynamique collective. Elle doit permettre d’acquérir les ressources nécessaires à l’établissement d’un choix. C’est le cas par exemple au sein du tribunal de commerce de Paris, l’un des terrains d’enquête. Ses acteurs intègrent progressivement les ressorts de la prise de décision sous l’influence de certains juges considérés comme des « leaders d’opinion ». Ce faisant, ils « apprennent à produire des jugements acceptables par le groupe et anticipent donc les attentes de leurs pairs ».

En quête d’échanges

Les décideurs sont d’ailleurs fréquemment en quête d’échanges, dans le but d’alimenter leur réflexion. L’ouvrage souligne ainsi « le rôle fondamental de la circulation d’informations entre collègues » dans le cadre d’un plan de départs volontaires, afin de permettre aux salariés de faire un choix éclairé. De même, les auteurs montrent l’intérêt qu’avaient, dans les années 1960, les patrons chrétiens du Nord à « échanger avec leurs pairs autour de décisions jugées difficiles ».

Il vous reste 36.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Il y a des matins, je me demande si je suis encore utile à quelque chose » : comment le mal-être au travail pèse sur les choix électoraux

De son propre aveu, Eliane (prénom d’emprunt), 52 ans, n’avait « jamais été très politisée ». « Jusqu’à ce qu’on soit vendus de cette manière brutale », explique-t-elle. En redressement judiciaire, son entreprise, La Halle, a été rachetée en 2021 par le Groupe Beaumanoir. Préparatrice de commandes dans l’Indre, elle fait partie de ceux qui ont conservé leur poste. « Vingt ans de nuit ! Ce n’est pas de ça que je me plains. C’est de la façon dont on traite les salariés, résume-t-elle. Une entreprise, c’est normal qu’elle veuille gagner de l’argent, mais il y a des façons de faire ! »

Elle évoque ces actionnaires n’ayant « pensé qu’à eux », et pas aux 294 collègues qui, dans l’Indre, ont perdu leur emploi. Le décalage entre la réalité de l’organisation du travail et les discours quotidiens sur la bienveillance, « le mot à la mode ». « C’est tout en façade. Ce qu’ils veulent, c’est de la productivité, même si la sécurité n’est pas là », dit-elle, profondément indignée. Evoquant aussi comment une machine, le « trieur », a réduit toute initiative à son poste de travail. Autant de signes d’un « manque de respect » qui s’incarne aussi dans le fait de n’être « jamais informée à temps » de ce qui se passe dans l’entreprise. « Il y a peu de temps collectifs. »

Cette rage accumulée lui a fait, dit-elle, changer sa façon de voter. Pour la première fois, en 2022, au second tour, elle a choisi la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen. Contre Emmanuel Macron. Pour le premier tour des élections législatives, le 30 juin, et systématiquement désormais, affirme-t-elle, elle votera « à gauche au premier tour, puis, s’il le faut, contre Macron ».

« Une attente de justice démocratique dans le travail »

Les raisons d’un vote ou d’une abstention ne s’ancrent pas seulement dans un territoire ou dans des difficultés de pouvoir d’achat. Comme Eliane, nombre des Français rencontrés ces dernières années, que Le Monde a recontactés depuis le 9 juin, estiment que leur mal-être au travail a pesé sur leur choix. « Les gens ont une attente de justice démocratique au travail, ils veulent avoir leur mot à dire sur ce qui les concerne, notamment sur l’organisation ou la répartition des profits. Tout cela mobilise leur conception de ce qui est juste et injuste. C’est une expérience politique plus forte que celle d’aller voter une fois tous les cinq ans, souligne Isabelle Ferreras, professeure à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et chercheuse associée au Center for Labor and a Just Economy à l’université Harvard (Etats-Unis). Comment imaginer que le fait de ne pas se sentir respecté au quotidien dans son travail n’ait pas d’impact sur les comportements électoraux ? »

Il vous reste 82.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La reconversion professionnelle séduit de plus en plus les entreprises et les salariés

Lorsque le club de remise en forme où elle travaillait comme esthéticienne a brusquement fermé ses portes, Emilie Cornette, titulaire d’un CAP d’esthétique, a décidé de changer d’orientation. Après deux ans comme hôtesse d’accueil dans une société de recherche médicale, elle répond à une annonce pour un poste d’« office manager ». « Je ne savais pas ce que cela voulait dire, mais j’avais envie d’évoluer, de faire des choses nouvelles », avoue-t-elle. Les entretiens se passent très bien et, en décembre 2009, la voilà recrutée en CDI chez Michel & Augustin.

Par la suite assistante des dirigeants, Emilie est devenue responsable des services généraux et chargée des projets en ressources humaines de la société, qui a bien grandi. Outre le CAP de pâtissier – un passage obligé pour les employés de Michel & Augustin –, elle a suivi plusieurs formations pour assumer ses nouvelles responsabilités.

La reconversion ne concerne plus seulement des changements radicaux de filière, comme l’ouverture d’une chambre d’hôtes par un ex-banquier, qui faisaient sourire ou inquiétaient l’entourage. Elle se banalise pour le bonheur de ceux qui choisissent cette voie, et pour celui des entreprises, qui tentent d’attirer ces candidats au changement vers les métiers les plus en tension, et assument de les former. « A la quête de sens, à la recherche de nouveaux équilibres entre les vies privée et professionnelle qui ont suivi la pandémie liée au Covid-19, se sont ajoutées les transitions numérique, écologique et générationnelle. Cela a relancé la reconversion », explique Catherine Beauvois, directrice du projet Compétences 4.0 de France Travail (ex-Pôle emploi).

Selon le baromètre 2024 de la formation et de l’emploi de Centre Inffo, une association de service public sous tutelle du ministère du travail, la moitié des actifs préparent (21 %) ou envisagent (28 %) une reconversion, un chiffre élevé, mais qui demeure stable depuis 2021. Les moins de 35 ans et les personnes sans emploi sont de loin les profils les plus attirés par la reconversion.

Pas de regrets

Dans le numérique, le besoin de recruter massivement au cours des prochaines années a multiplié les écoles et les associations comme M2i, 42, Simplon, Diversidays, Wild Code School, qui proposent des formations rapides, aident au montage du financement et affichent des taux d’insertion professionnelle en moyenne de 80 %. Mais le parcours est loin d’être facile. Isabelle Dauchel s’est ainsi vu refuser sa demande de financement par Pôle emploi au prétexte que, titulaire d’un bac + 5, elle n’était pas prioritaire.

Il vous reste 57.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.