Archive dans novembre 2023

Aujourd’hui encore, les femmes arrêtent massivement leur travail salarié pour s’occuper des enfants

Emilie, 37 ans, et son fils, Martin, 1 an et demi, dans leur appartement d’Issy-les-Moulineaux, le 20 octobre 2023.

Que personne ne vienne dire à Emilie, 37 ans, qu’elle ne travaille pas. La jeune mère est « tout sauf au chômage », martèle-t-elle, en tenant les épaules de son fils, de peur qu’il chute du canapé à force de sauter. Avant la naissance de Martin, 1 an et demi, elle était aide-soignante dans un hôpital de Tourcoing, près de Lille. « Aller à l’hôpital me prenait moins d’énergie que de m’occuper de lui et de la maison, c’est du vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept », constate-t-elle. Elle et son conjoint, Nicolas (ils n’ont pas souhaité donner leur nom), ont jugé qu’il était plus simple qu’elle prenne un congé parental de longue durée en raison de ses horaires de travail très tôt le matin et parfois même de nuit. « Nicolas est ingénieur naval dans l’armée, il est souvent en déplacement, alors on s’est dit que c’était la meilleure des options. »

L’égalité des genres progresse (un peu) en France, selon un rapport de l’Institut européen pour l’égalité entre les femmes et les hommes (EIGE) sorti le 24 octobre. Et pourtant, aujourd’hui encore, ce sont presque toujours les mères, comme Emilie, qui interrompent leur carrière pour s’occuper des enfants au-delà du congé de maternité légal de deux mois et demi.

Selon l’Insee en 2018, 96 % des personnes qui arrêtaient de travailler pour prendre soin d’un enfant (ou d’un parent) étaient des femmes. En 2020, la part des mères de 25 à 49 ans dites « inactives » selon l’Insee (c’est-à-dire sans emploi et qui n’en cherchent pas) passait ainsi de 12 % à 17,8 % à la naissance du premier enfant, à 25 % avec deux enfants dont au moins un de moins de 3 ans et même à 52,5 % avec plus de trois. A l’inverse, le taux d’« inactivité » des pères, lui, diminue. Il passe de 6,2 % à 5,3 % avec l’arrivée d’un bébé, et à 3,5 % seulement avec deux enfants.

« Les contraintes de conciliation entre les sphères domestique et professionnelle reposent d’abord sur les femmes », résume l’Insee dans une étude de 2022. L’incidence sur l’emploi dépend également du milieu socioprofessionnel. Ainsi, seules 77 % des ouvrières déclarant avoir des « responsabilités familiales » sont en emploi, contre 93 % des femmes cadres. Même lorsqu’elles gardent leur poste, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à réduire leur temps de travail : 30 % des mères sont ainsi à temps partiel (quel que soit le nombre d’enfants), contre seulement 4,8 % des pères, selon l’Insee.

« Sacrifier un emploi “féminin” coûte moins cher »

Ces écarts tiennent pour partie, encore, au poids des stéréotypes de genre et aux rôles dévolus dans les familles. « Le travail gratuit des femmes comme s’occuper des enfants est beaucoup plus évident traditionnellement », résume Marie Sautier, sociologue, doctorante à Sciences Po Paris et à l’université de Lausanne. L’EIGE rappelle qu’il est toujours attendu des femmes qu’elles assument la majeure partie des soins non rémunérés et des tâches domestiques. Toujours selon l’Insee, 69 % des mères à temps complet déclarent réaliser plus de sept heures de travaux ménagers par semaine, contre 35,3 % des pères à temps complet.

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Montpellier renforce sa place de centre névralgique des tournages de films et de séries

Tournage de la série « Tandem » dans les locaux du journal « Midi Libre », à Montpellier, le 26 juin 2017.

Candice Renoir, Demain nous appartient, Un si grand soleil… Ces séries télévisées sont toutes tournées dans l’Hérault, en décors extérieurs et dans des studios que les chaînes ont créés sur place. D’ici deux ans, d’autres séries et films de cinéma pourraient les rejoindre, car l’offre départementale en matière de tournage va s’étoffer avec, d’une part, l’arrivée d’un investisseur privé et, d’autre part, un engagement renforcé de France Télévisions dans ses studios existants.

Côté privé, ce sont les groupes immobiliers locaux GGL et Spag qui se lancent dans l’aventure et investissent 200 millions d’euros dans la création de Pics Studios, à Saint-Gély-du-Fesc, dans la périphérie de Montpellier. Un permis de construire pour un pôle cinéma, sur près de 15 hectares, doit être déposé avant la fin de l’année. Il comprendra des plateaux de tournage et un centre de formation. « On a lancé l’idée il y a quatre ans, précise l’aménageur foncier Alain Guiraudon [l’un des “G” de GGL]. Nous investissons pour accueillir des tournages de films français et internationaux. C’est pour cela qu’en matière de sécurité, on a mis d’emblée en place des standards anglo-saxons. » Le site devrait être opérationnel en 2026 et pourrait générer 2 000 emplois directs.

Deuxième dossier : France.tv studio va investir 30 millions d’euros dans l’extension, prévue pour 2025, de 4 000 m2 de ses studios de Vendargues, à 17 kilomètres au nord-est de Montpellier. Pour l’instant, ceux-ci emploient plus de 200 personnes dans 60 métiers, mais en font travailler plus de 1 000 en comptant les intermittents, et sans même parler des emplois induits. Christophe Tardieu, secrétaire général du groupe France Télévisions, précise que son groupe produit déjà vingt minutes par jour à Vendargues : « C’est colossal. Nous avons besoin de cette extension pour nous et pour accueillir d’autres tournages. Et nous avons proposé aux trois plus gros producteurs français de cinéma, Gaumont, Pathé et UGC, de s’associer avec nous sur le site héraultais. »

Le groupe audiovisuel a par ailleurs racheté cet été deux sociétés montpelliéraines, qui complètent son offre : le studio d’animation Dwarf Animation et, plus récemment Les Tontons truqueurs, une entreprise spécialisée dans les effets spéciaux.

Ecosystème local favorable

L’Etat soutient les projets de GGL et de France Télévisions, qui ont été, au printemps, lauréats de « La grande fabrique de l’image », le volet du plan de relance France 2030 consacré aux studios de tournage, de production numérique et à la formation aux métiers de l’image.

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Pourquoi autant de jeunes journalistes quittent le métier au bout de sept ans ? Comprendre en trois minutes

D’après une étude publiée en 2017 par les Observatoires des métiers de l’audiovisuel et de la presse, 40 % des journalistes ayant obtenu leur carte de presse en 2008 ont quitté la profession au bout de sept ans seulement. Ils n’étaient que 28 % parmi ceux l’ayant obtenue en 1998. Ce phénomène ne cesse de s’accentuer, au point qu’on parle aujourd’hui d’une « spécificité générationnelle ».

Pour en comprendre les raisons, Le Monde retrace dans cette vidéo de trois minutes l’itinéraire des aspirants journalistes, de leurs études dans les écoles spécialisées jusqu’à la pratique du métier au sein des rédactions. Interviewé, Jean-Marie Charon, sociologue et auteur de l’enquête « Jeunes journalistes, l’heure du doute » (éditions Entremises, 2023), dresse le portrait d’une génération de professionnels pris en tenaille entre leur dévouement pour ce métier – qui attire toujours de nombreux candidats –, les contraintes économiques et les dérives managériales.

Pour en savoir plus sur le sujet, nous vous renvoyons au décryptage ci-dessous.

« Comprendre en trois minutes »

Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram ou Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.

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Aux Etats-Unis, les salariés syndiqués et les Etats du Sud, grands vainqueurs de la grève de l’automobile

Le président de l’United Auto Workers, Shawn Fain, le poing levé, aux côtés du révérend Jesse Jackson (en bas au centre), à l’occasion d’un rassemblement pour les grévistes, à Chicago (Illinois), le 7 octobre 2023.

Nul ne le conteste : les cols-bleus de Detroit, ces ouvriers syndiqués de l’automobile, sont les incontestables gagnants de la grève historique des usines de voitures américaines. Les travailleurs de Ford, General Motors et Stellantis vont bénéficier d’une hausse salariale de 25 % environ sur quatre ans, selon les accords qui ont mis fin au mouvement. Le salaire ouvrier maximal va monter à 42 dollars (39,50 euros) de l’heure. Un opérateur gagnera désormais plus de 80 000 dollars par an, hors heures supplémentaires.

Lire aussi le reportage : Article réservé à nos abonnés Grève automobile aux Etats-Unis : « Tout augmente, sauf notre fiche de paie »

L’automobile est sur le point de retrouver le temps de sa splendeur salariale : selon une enquête du Washington Post, avec cet accord, le salaire horaire, aujourd’hui de 32 dollars, va retrouver le niveau qui prévalait, ajusté de l’inflation, en 1990, soit environ 42 dollars. A l’époque, les ouvriers automobiles gagnaient 80 % de plus que les autres salariés du privé.

Avec la faillite des constructeurs de Detroit, en 2009, et l’implantation des groupes étrangers dans le Sud non syndiqué, cet écart s’était réduit pour atteindre 14 % aujourd’hui. Il repart à la hausse. L’incarnation de ce succès est le progressiste Shawn Fain, un ancien électricien de Chrysler (désormais intégré à Stellantis), élu au printemps à la tête du syndicat United Auto Workers (UAW), et qui a mené une grève déterminée contre les trois constructeurs, une première depuis les années 1930.

Le gagnant politique de l’affaire est Joe Biden, qui s’était déplacé sur un piquet de grève pendant le conflit, une première pour un président des Etats-Unis. Le démocrate a absolument besoin de remporter l’Etat du Michigan, où se trouve Detroit, et qui avait fait la victoire de Donald Trump en 2016, avec la Pennsylvanie et le Wisconsin.

La transition électrique pâtit du conflit

Logiquement, les perdants sont les constructeurs de Detroit, les « Big Three », frappés par une hausse des coûts, alors qu’ils doivent prendre le virage du véhicule électrique. « Dans le passé, l’UAW a toujours eu un respect réaliste pour les besoins d’un constructeur automobile pour rester compétitif. Cette fois, ils ne l’ont pas fait », a déploré Bob Lutz, ancien président de Chrysler. Ford a chiffré cette hausse entre 850 et 900 dollars par véhicule. Le prix de vente moyen d’un véhicule neuf atteint 48 000 dollars aux Etats-Unis et il n’existe pas de modèle en dessous de 20 000 dollars.

Les actionnaires font grise mine, même si les titres des constructeurs ont légèrement rebondi avec l’annonce de la reprise du travail. Wall Street s’était entiché du renouveau de Detroit en janvier 2021, prêt à se lancer dans la bataille du véhicule électrique. Depuis, l’action Ford a retrouvé son niveau de l’époque, sous les 10 dollars, contre 25 dollars en janvier 2022. General Motors est au plus bas depuis 2016, si l’on excepte le trou d’air du début de la crise due au Covid-19, et vaut deux fois moins qu’il y a un an. Ford et General Motors valent respectivement 39 milliards et 37 milliards de dollars, seize fois moins que Tesla (628 milliards de dollars), dont le cours a pourtant été divisé par deux en deux ans.

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« WeWork a été engloutie dans le trou noir des dures réalités capitalistes »

Un espace de partage de bureaux WeWork, à Los Angeles, aux Etats-Unis, le 8 août 2023.

Adam Neumann restera sans doute l’une de ces étoiles filantes qui remplissent la galaxie des start-up américaines depuis une bonne décennie, scintillant de mille feux avant d’être englouties dans le trou noir des dures réalités capitalistes. Début 2019, le fondateur de la société de location d’espaces de travail partagés WeWork était encore à la tête d’une entreprise valorisée 47 milliards de dollars (44 milliards d’euros) ; sa capitalisation a fondu de 99 % en un an et elle ne vaut plus que 57 millions de dollars. Dans quelques jours, assure le Wall Street Journal, elle devrait se placer sous le « chapitre 11 » de la loi sur les faillites, qui permet à une entreprise de se restructurer pour continuer son activité.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés WeWork : l’agonie annoncée d’un géant du bureau partagé

Le dernier coup est venu, mercredi 1er novembre, de l’agence de notation Standard & Poor’s, qui a placé WeWork « aux abois » dans la catégorie « défaut partiel ». Le groupe a en effet annoncé son incapacité à honorer, début octobre puis début novembre, une tranche de paiement des intérêts sur sa dette de 2,9 milliards de dollars.

En août, il avait déjà prévenu la Securities and Exchange Commission, le gendarme boursier américain, qu’« il existe un doute substantiel sur la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités », remaniant son conseil d’administration pour y faire entrer quatre spécialistes des restructurations financières.

Accumulation de locaux vacants

Créé en 2010 et naguère au firmament des start-up, WeWork avait levé des fonds, notamment auprès de SoftBank, son premier actionnaire. Mais avant de remettre 8 milliards de dollars au pot, en 2019, le groupe japonais avait évincé M. Neumann : l’homme avait vu trop gros et ses frasques comptables avaient effrayé les investisseurs. Le patron fondateur de Softbank, Masayoshi Son, n’en restait pas moins « convaincu que le monde du travail est en train de changer radicalement » et que « WeWork est à l’avant-garde de cette révolution ». Un optimisme inoxydable jusqu’à ce que la crise due au Covid-19 vide les bureaux.

Lire aussi (2019) : Article réservé à nos abonnés La descente aux enfers d’Adam Neumann, l’omnipotent PDG de WeWork

Le modèle économique de la société, qui dispose de 777 sites dans 39 pays, n’a pas fait ses preuves : signer des baux à long terme, notamment dans des centres d’affaires comme New York, Londres, Paris ou Tokyo, avant de louer les espaces aménagés aux entreprises dans le cadre de contrats flexibles, plus faciles à résilier, expose WeWork au risque d’une accumulation de locaux vacants. Or, le coworking n’a pas séduit autant que les dirigeants de WeWork l’escomptaient. En France, par exemple, il ne concerne que 7 % des actifs, l’écrasante majorité ayant un fort besoin de relations sociales au bureau, indique l’enquête 2023 de l’observatoire Actineo.

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Immigration : entre le Maroc et la France, le ballet des saisonniers agricoles

A Fès, il travaillait dans un hôtel cinq étoiles et servait les touristes, français et chinois pour la plupart. Il était payé 100 dirhams par jour, soit moins de 10 euros. En France, dit-il, il gagnera 100 euros par jour. Alors Imad (les personnes citées par leur seul prénom ont requis l’anonymat) n’hésite pas. Bientôt, il rejoindra une exploitation agricole dans la région de Nîmes, où il récoltera des navets. Ce matin d’octobre, le jeune homme de 34 ans est venu passer une visite médicale dans les locaux marocains de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), à Casablanca. Un médecin doit vérifier son aptitude physique avant qu’un visa lui soit remis.

Imad va bientôt partir pour Nîmes, où il récoltera des navets. Ici le 11 octobre 2023, à Casablanca, au Maroc.

A côté de lui, d’autres travailleurs saisonniers défilent. Qui pour emballer des poireaux, qui pour récolter des noisettes, qui pour tailler la vigne, principalement dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, la Haute-Corse ou encore le Lot-et-Garonne. Bouchra Mazouz, 42 ans, va travailler pendant six mois dans une exploitation viticole près de Montpellier. « C’est la première fois que je pars en Europe », nous confie cette mère de quatre garçons, originaire de Larache, dans le nord du pays. Elle n’a pas dormi depuis trois jours, toute à l’urgence de réunir les documents nécessaires à la validation de sa demande de visa.

Les bureaux de l’OFII sont installés dans des bâtiments qui servaient, avant l’indépendance, de lieu de casernement pour les soldats marocains qui combattaient au côté de la France. Les bidasses ont été remplacés par des travailleurs depuis 1963 et la signature d’un accord de main-d’œuvre entre les deux pays.

Les locaux de l’antenne de l’Office français de l’immigration et de l’intégration à Casablanca (Maroc), le 12 octobre 2023.
Dans le bureau de l’Office français de l’immigration et de l’intégration en charge des dossiers de regroupement familial, à Casablanca, le 12 octobre 2023.

Seuls les étudiants et les titulaires de passeports talents (un titre de séjour destiné aux profils très qualifiés) s’adressent directement au consulat de France. Tous les autres – travailleurs permanents, saisonniers, candidats au regroupement familial – font étape à l’OFII. Casablanca abrite la plus grosse antenne de l’établissement à l’étranger.

« C’est pas les Français qui feraient ce travail »

Depuis la pandémie de Covid-19, les flux de travailleurs saisonniers ont considérablement augmenté. En 2022, près de 17 000 d’entre eux ont ainsi été recrutés au Maroc, contre un peu plus de 8 000 en 2019 et moins de 5 000 en 2013. En 2023, les chiffres devraient tourner autour de 15 000 saisonniers, originaires pour la majorité d’entre eux des régions de Fès-Meknès et de l’Oriental. Parmi eux, 95 % sont des hommes et des ouvriers agricoles, payés au smic de la profession. Dans un contexte d’augmentation des besoins de recrutement, la France – premier producteur agricole européen – recourt plus que jamais à ces migrants temporaires, dont les contrats durent entre trois et six mois maximum. Le restant est employé dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. « Je reçois deux fois plus d’autorisations de travail que je n’ai de créneaux pour déposer les demandes de visas pour cette catégorie de salariés », rapporte Ahmed Chtaibat, le directeur de l’OFII à Casablanca, incapable de satisfaire la demande d’immigration professionnelle qui lui arrive d’employeurs en France, friands d’une main-d’œuvre peu chère et tenue par la promesse d’un titre de séjour. « Le traitement de ces dossiers est loin d’être satisfaisant », poursuit-il.

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Canada : l’entreprise québécoise Groupe TVA licencie près d’un tiers de ses effectifs

Pierre Karl Péladeau, président de Groupe TVA, lors d’un conseil d’administration, à Montréal, le 10 mai 2010.

En proie à de graves difficultés financières, le géant canadien des médias Québecor poursuit sa politique de licenciements. « La situation déficitaire dans laquelle se trouve Groupe TVA n’est tout simplement plus viable », a déclaré, jeudi 2 novembre, Pierre Karl Péladeau, président du groupe et de sa société mère, Québecor, dans un communiqué.

L’entreprise a cumulé un déficit de près de 13 millions de dollars canadiens (8,9 millions d’euros) pour son secteur de télédiffusion, contre un déficit de 1,6 million lors du précédent exercice. La restructuration de ses activités au Québec se traduira par la suppression de 547 emplois et l’arrêt de la production interne de contenus de divertissement. Le groupe avait déjà annoncé la suppression de 140 emplois au début de l’année.

Groupe TVA a également annoncé l’optimisation de son parc immobilier : l’entreprise dit être en « réflexion quant à la prochaine vocation du bâtiment de son siège social ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le Canada, un test pour Meta contre les législations contraignantes

« Concurrence féroce » et « surenchère »

Pour expliquer sa situation, le groupe évoque une diminution « de l’auditoire, des abonnements, des revenus publicitaires », mais aussi la « concurrence féroce et la surenchère » dans le domaine du divertissement et des droits sportifs. « Les plates-formes étrangères affectent également les médias sur le plan de l’information en profitant de leurs contenus journalistiques sans leur payer une juste part », explique l’entreprise.

Depuis le 1er août, Meta − propriétaire de Facebook et d’Instagram − bloque l’accès aux contenus d’actualité de médias sur ses plates-formes, en riposte à une loi relative à l’information en ligne votée en juin par le gouvernement canadien. Inspirée de ce qu’avait fait l’Australie en 2021, la nouvelle loi canadienne vise pour l’instant Google et Meta, et devrait permettre aux entreprises de presse de toucher jusqu’à 230 millions de dollars canadiens (158 millions d’euros), selon Ottawa.

Le gouvernement fédéral souhaite ainsi freiner l’érosion de la presse au Canada au profit des géants du numérique, vers lesquels les revenus publicitaires ont migré depuis ces dernières années.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les médias canadiens de plus en plus inquiets du blocage de Meta

Le Monde avec AFP

Au Bangladesh, des ouvriers du textile érigent des barricades pour réclamer des salaires plus élevés

Manifestation d’ouvriers du textile à Dacca, au Bangladesh, mardi 31 octobre 2023.

« Nous voulons un salaire décent. » Après plusieurs jours de manifestations au Bangladesh et des heurts qui ont causé la mort d’au moins deux personnes, des milliers d’ouvriers ont érigé des barricades sur des avenues de la capitale, Dacca, mercredi 1er novembre. Ils réclament des hausses de rémunérations aux usines de textile qui fournissent de grandes marques occidentales.

Selon la police, au moins 5 000 ouvriers du textile ont dressé des barrages routiers dans le quartier de Mirpur dans la capitale. Mais selon un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) sur place, le nombre de manifestants pourrait être nettement plus élevé.

Le commissaire adjoint de la police métropolitaine de Dacca, Omar Faruq, a déclaré qu’« aucune violence » n’avait été signalée mercredi. Cependant, environ 1 500 manifestants ont jeté des pierres sur plusieurs usines de la ville industrielle de Gazipur, a déclaré le chef régional de l’unité de police industrielle, Sarwar Alam. « Nous avons tiré des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser les manifestants », a-t-il expliqué.

Usines fournissant Gap, H&M ou encore Levi Strauss

Les ouvriers exigent un salaire mensuel minimum de 23 000 takas (190 euros), soit près de trois fois plus que les 8 300 takas (70 euros) actuels. Sabina B., une couturière de 22 ans, a dit s’être jointe aux manifestations, car elle est lasse de « lutter pour assurer la subsistance » de sa famille. « Comment pouvons-nous passer un mois avec à peine 8 300 takas quand nous devons déjà débourser de 5 000 à 6 000 takas juste pour le loyer d’une maison d’une pièce ? », interroge-t-elle.

Selon les syndicats, les conditions de salaires et de travail sont désastreuses pour une grande part des quatre millions de travailleurs du secteur. Le Bangladesh est l’un des plus grands exportateurs de vêtements au monde, avec une industrie textile forte de quelque 3 500 usines qui fournissent des marques occidentales comme Gap, H&M et Levi Strauss et représentent 85 % des 55 milliards de dollars d’exportations annuelles de ce pays d’Asie du Sud.

« Nous réclamons justice, nous voulons un salaire décent », a déclaré Nurul I., ouvrier du textile âgé de 25 ans, accusant les partisans du parti au pouvoir d’avoir attaqué les manifestants. La police n’a pas pu confirmer une telle attaque. Mais selon le journal Prothom Alo, citant des témoins oculaires, des militants du parti au pouvoir avaient fait usage d’armes à feu. « Les hommes du parti au pouvoir ont attaqué notre peuple hier », a déclaré l’ouvrier. « Les propriétaires [d’usine] ne veulent pas augmenter nos salaires. Devons-nous mourir de faim et d’injustice ? »

De grandes marques, dont Adidas, Hugo Boss, ou encore Puma, ont écrit au début du mois à la première ministre, Sheikh Hasina, ayant « remarqué » que les salaires nets mensuels moyens n’avaient « pas été ajustés depuis 2019 alors que l’inflation a considérablement augmenté au cours de cette période ».

Annonce d’augmentation, sans précision

Selon les syndicats, la colère des ouvriers a explosé quand la puissante association des fabricants a proposé une augmentation de 25 %, ignorant leurs revendications.

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Les manifestations ont commencé au début de la semaine dernière, mais la contestation a tourné à la violence lundi avec le débrayage de dizaines de milliers d’ouvriers à Gazipur où une usine de six étages a été incendiée, entraînant la mort d’un ouvrier. Au moins un deuxième ouvrier a été tué, mortellement blessé dans des heurts opposant la police aux manifestants et décédé alors qu’il était transporté à l’hôpital.

Le gouvernement de Mme Hasina a instauré cette année un comité chargé de fixer un nouveau salaire minimum. Mardi, Faruque Hassan, président de l’Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA), a promis qu’ils augmenteraient le salaire minimum à partir du mois prochain, mais sans préciser le montant de la hausse.

Ces manifestations ouvrières surviennent au moment où le Bangladesh est secoué par de violents rassemblements antigouvernementaux dans plusieurs villes, les partisans des partis d’opposition exigeant la démission de Sheikh Hasina avant les élections prévues à la fin de janvier. Deux militants de l’opposition ont péri dans des circonstances non éclaircies, selon les autorités de Kuliarchar, au nord de Dacca.

Le Monde avec AFP

Fichage à Force ouvrière : une opération « pensée, voulue et organisée » par son ex-leader

 Le secrétaire confédéral du syndicat Force ouvrière, Pascal Pavageau, lors du deuxième jour de la réunion d’été de l’association patronale Medef à Jouy-en-Josas, le 29 août 2018.

Ses dénégations n’ont absolument pas convaincu les magistrats. Mardi 31 octobre, l’ancien secrétaire général de Force ouvrière (FO), Pascal Pavageau, a été condamné par la 17chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris pour avoir entrepris le fichage « clandestin » de 127 cadres de l’organisation, avant son élection, en avril 2018. Une opération de basse police qui avait fait scandale et l’avait forcé à quitter ses fonctions, un peu moins de six mois après avoir pris les commandes de la confédération.

Les motivations de la décision, que Le Monde a pu consulter, sont sobres mais implacables : la collecte « illicite » de données personnelles « a été pensée, voulue et organisée » par l’ex-leader syndical, « de concert » avec celle qui était sa directrice du cabinet et sa compagne au moment de la révélation des faits, Cécile Potters.

Les deux prévenus devront payer une amende, respectivement de 4 000 et de 2 000 euros. Leur complice, Justine Braesch, qui était chef de cabinet de M. Pavageau quand l’affaire a éclaté, a été sanctionnée de la même manière, mais pour un montant inférieur (1 500 euros), sa responsabilité étant « moindre » aux yeux du tribunal.

Lors du procès, qui s’est tenu le 13 septembre, la représentante du parquet, Marion Adam, avait requis des peines plus lourdes : six mois de prison avec sursis à l’encontre de Pascal Pavageau et trois mois d’incarcération avec sursis pour Justine Braesch et Cécile Potters. Partie civile dans le dossier, FO a obtenu, au titre du « préjudice » qu’elle a subi, 1 euro de dommages-intérêts, qui seront payés « solidairement » par les trois prévenus. Ceux-ci devront également verser au syndicat 1 000 euros pour les frais de procédure.

Deux listes de 127 dirigeants du syndicat

Le scandale avait été déballé sur la place publique dans un article du Canard enchaîné publié le 10 octobre 2018. L’hebdomadaire avait mis au grand jour l’existence de deux listes de 127 dirigeants de FO, avec, pour chacun d’eux, des informations diverses – dont certaines relevaient de leur « intimité », comme le souligne le tribunal (orientation sexuelle, état de santé). Les « opinions politiques ou philosophiques » étaient bien souvent mentionnées. Dans certains cas, les appréciations étaient assorties d’injures ou d’accusations (« ordure », « mafieux », « voleur de portefeuille », « détourne des fonds », etc.). Elaborés avant que M. Pavageau soit propulsé à la tête de FO, en avril 2018, ces documents cataloguaient aussi les personnes en fonction de leur proximité avec le secrétaire général et de leur positionnement dans le syndicat. Autant d’éléments recueillis et conservés sans le consentement des intéressés – donc en violation complète avec la loi.

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En Californie, l’intelligence artificielle générative fait revenir les start-up à San Francisco

Hackathon, capital-risqueur, café, tels sont les trois ingrédients magiques qui ont permis à San Francisco (Etats-Unis) de survivre à l’épidémie de Covid-19 et de prétendre au titre de capitale mondiale de l’intelligence artificielle (AI). Les hackathons, réunions créatives de développeurs, se sont en effet multipliés ces derniers mois dans la Silicon Valley. Les capital-risqueurs rouvrent leurs carnets de chèques, surtout lorsqu’ils entendent la sérénade de l’IA. Et les cafés sont remplis de clients passionnés.

Ce n’était pourtant pas gagné. A San Francisco, cette année, on a souvent évoqué la fin de l’âge d’or. La formule hybride, savant mélange de travail chez soi et dans l’entreprise, fait que 40 % des surfaces de bureaux n’ont plus lieu d’être. De nombreux bureaux, installés dans le bas de la ville (downtown), ont définitivement fermé. La moitié des magasins ont baissé leur rideau de fer dans le quartier d’Union Square. Finalement, 50 000 personnes, effrayées par les loyers chers, ont quitté la ville et leurs bureaux pendant la pandémie.

Et pourtant, San Francisco revit. Un bon nombre d’anciens reviennent et les nouveaux venus se pressent au portillon. « Nous avions d’abord pensé nous installer à New York, avoue Antoni Rosinol, un diplômé de l’université MIT sur la Côte est, cofondateur de Stack AI, une plate-forme permettant d’organiser le flux des travaux dans l’entreprise. New York était plus proche de nos clients en Europe. »

Mais San Francisco l’a emporté grâce au subtil mélange de l’IA et de son esprit d’entreprise. L’équipe de Stack AI y est parvenue en janvier 2023. Et ce fut une « épiphanie ». Dans les hackathons, assure le créateur d’entreprise, « on a rencontré l’un de nos premiers investisseurs, on a trouvé des clients et l’on a discuté avec des collègues. Cela peut être des concurrents, reconnaît-il. Mais ils n’ont pas l’esprit du gagnant qui rafle toute la mise. On échange sur les meilleures façons de faire ».

Des accords de plus en plus nombreux

Thomas Piani, directeur produits chez Brex, un expert dans les services financiers, vante de même la qualité des relations humaines de la baie de San Francisco. Pendant la pandémie, Brex a fermé ses bureaux. Mais ils ont depuis rouvert pour une centaine d’employés qui y viennent deux ou trois fois par semaine pour parler de leurs projets, échanger avec leurs manageurs.

Et surtout rencontrer d’autres talents en ville. M. Piani apprécie ses interactions avec les salariés des start-up et des géants de la high-tech. Il aime discuter à bâtons rompus avec des collègues de domaines annexes qui « se posent les mêmes questions ». « Ici, j’ai le sentiment d’être à la pointe de l’innovation, dit-il. Il n’y a pas une ou deux start-up intéressantes. Il y en a cent. »

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