Archive dans 2022

Pour les salariés, « le principal sujet reste le pouvoir d’achat »

Des ouvriers métallurgistes de Stellantis Hordain aux prud’hommes de Valenciennes (Nord) réclament le paiement de leurs heures de travail de nuit, le 15 septembre 2022.

La scène s’est répétée devant les hypermarchés Carrefour d’Antibes, Troyes, Limoges, Evreux, Alençon ou Toulon, samedi 24 septembre : les clients ont été accueillis par tracts, banderoles et salariés en grève.

Visiblement, ceux-ci ne sont pas convaincus par les dernières propositions faites par la direction, jeudi 22 septembre, à savoir 2,5 % d’augmentation, 100 euros de prime pouvoir d’achat et prolongation d’une remise sur achat. Et ce, après 1 % d’augmentation concédé en novembre 2021, 1,3 % en février 2022, 1,5 % en juillet ainsi que 1 350 euros environ en intéressement et participation.

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« C’est un vrai ras-le-bol ! Il y a un énorme turnover dans nos magasins. Nos conditions de travail ne cessent de se dégrader, témoigne, de son hypermarché d’Ollioules (Var), Nadia Ayad, déléguée centrale FO (majoritaire). Et on nous propose 100 euros de prime ? Mais on n’est pas des gueux ! On est la deuxième ligne ! » lance-t-elle, en référence à la désignation de ces travailleurs « essentiels » pendant les confinements liés au Covid-19.

Ce mouvement amorce une semaine capitale pour prendre le pouls du climat social. Après l’effervescence du premier semestre, où les conflits se sont multipliés dans les entreprises autour des salaires, sur fond d’inflation (5,9 % sur un an en août), la rentrée s’est jusqu’ici révélée plutôt calme, tandis que la gestion de la flambée des prix de l’énergie fait figure de nouveau front.

« De l’argent y’en a, dans les caisses de PSA ! »

Pour autant, qu’il s’agisse des salariés de la grande distribution, de l’automobile ou des assurances, tous s’accordent à dire que, pour eux, « le principal sujet reste le pouvoir d’achat ». « Tout le monde ne parle que de ça », résume Franck Théry, secrétaire général de la CGT chez Stellantis (ex-PSA) à Hordain (Nord).

C’est dans cette usine que s’est produit le premier soubresaut de mobilisation au sein du groupe automobile : le vendredi 16 septembre, plusieurs centaines d’ouvriers, selon la CGT (plusieurs dizaines, d’après la direction), se sont mis en grève. Une vidéo les montre quittant leur poste de travail et entonnant en chœur : « De l’argent y’en a, dans les caisses de PSA ! » Depuis, de courts débrayages ont eu lieu dans plusieurs usines du groupe.

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A l’hiver 2021, chez Stellantis, comme chez Renault ou Michelin, les syndicats avaient refusé de signer les propositions de la direction lors des négociations annuelles obligatoires (NAO), cadre légal de discussion sur les salaires. L’enveloppe globale de 3,2 %, dont 2,8 % d’augmentation générale pour les ouvriers, était jugée insuffisante, malgré 4 000 euros d’intéressement. Mais Stellantis pèse 8 milliards de bénéfices au premier semestre 2022, en hausse de 34 % sur un an.

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Pour Stuart, filiale de La Poste accusée de travail dissimulé, la procureure requiert la peine maximale

Livraison Stuart, à Paris, le 16 septembre 2022.

C’est le énième procès d’une plate-forme de livraison. Mais il a un parfum d’inédit car c’est la première fois qu’il met en cause une entreprise aujourd’hui détenue à 100 % par un groupe public. Devant le tribunal judiciaire de Paris, les 15, 16, 22 et 23 septembre, l’entreprise Stuart, filiale de La Poste implantée dans six pays et 125 villes, et son ancien dirigeant, Benjamin Chemla, devaient répondre des faits de travail dissimulé en France. Comparaissait également l’ex-associé de M. Chemla, Clément Benoît, fondateur de la plate-forme de livraison de repas Resto In, aujourd’hui disparue.

Stuart est soupçonnée d’avoir entretenu une relation de salariat avec ses coursiers alors qu’ils relevaient officiellement du statut indépendant d’autoentrepreneur. Les faits remontent à 2015 et 2016. A l’époque, M. Chemla lance Stuart avec l’espoir de « conquérir l’Europe » en proposant à de petits commerçants de livrer à leur clientèle des repas comme des colis, face à la concurrence féroce du géant Amazon. C’est en tout cas le récit que font les prévenus au tribunal.

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A l’audience, M. Chemla tient à se distinguer des plates-formes comme Deliveroo, condamnée en juillet pour des faits similaires de travail dissimulé. « Stuart n’a rien à voir avec ce genre de plate-forme », assure le trentenaire. Stuart est « différent », insiste-t-il, car c’est « un modèle français » et, à l’inverse des plates-formes qui mettent en relation un particulier et un livreur, Stuart met en relation « un donneur d’ordre qui n’est autre que Franprix ou encore Pizza Hut, et un professionnel qui souhaite se faire livrer ».

Un modèle « Free » mis à mal

Tout au long des débats, les prévenus ont tenté de défendre le caractère technologique de la plate-forme, « un outil informatique de transmission » qui garantit l’indépendance des livreurs grâce au mode « free » de l’application, qui laisse les autoentrepreneurs choisir leur zone de courses et leurs horaires.

Une démonstration qui n’a pas eu l’air de convaincre le tribunal. Au gré des témoignages de coursiers lus à l’audience, Stuart est en réalité apparue comme le donneur d’ordre principal des livreurs : rappel à l’ordre suite à des retards de livraison, désactivation de compte en cas de refus de course réitéré, sessions de formation dispensées en vue d’inculquer un « comportement » à adopter…

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L’un des livreurs, qui travaille toujours pour la plate-forme, est venu témoigner à l’audience. Il y a notamment évoqué des directives de circulation ou encore les annulations de courses imposées par la plate-forme. Son récit a mis à mal le modèle « free » derrière lequel s’est retranché M. Chemla : le coursier doit en réalité honorer les deux tiers des courses qui lui sont proposées sous peine de recevoir un avertissement, et d’être déconnecté du réseau après deux avertissements.

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Brice Teinturier : « Il y a un sentiment que l’équilibre entre les droits et les devoirs n’est pas maintenu »

Brice Teinturier est directeur général délégué d’Ipsos. Dans un entretien au Monde, il revient sur la critique qui monte dans l’opinion contre l’Etat providence.

Dans vos enquêtes, notez-vous une préoccupation particulière sur l’Etat providence et le système social ?

Il y a en France un très grand attachement à la protection sociale, mais également une montée en puissance de la critique d’un système qui ferait la part trop belle à certaines parties de la population. On est actuellement autour de 50 % de Français qui considèrent qu’il y a trop d’« assistanat » dans notre pays, une part équivalente estimant, en revanche, qu’il n’y a pas assez de solidarité envers les gens qui en ont besoin.

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L’incertitude accrue sur le pouvoir d’achat des Français – leur première préoccupation –, sur l’inflation ou la question des salaires aiguise cette tendance et un sentiment d’injustice entre une France qui se battrait pour travailler et une France qui recevrait indûment certaines allocations. Un sentiment et une frustration qui peuvent tourner au ressentiment. A fortiori dans un pays où l’idée prédomine maintenant que la menace a changé, que le chômage a considérablement régressé et que les entreprises n’arrivent plus à recruter.

Cette critique a-t-elle une coloration politique spécifique ?

Oui, la critique est nettement plus marquée chez les sympathisants du parti Les Républicains et ceux du Rassemblement national. Mais elle touche aussi plus de 40 % des sympathisants du Parti socialiste et des écologistes ! Dans l’électorat populaire et surtout de la classe moyenne inférieure, elle est aussi particulièrement répandue.

François Ruffin (LFI) et Fabien Roussel (PCF), qui revendiquent, de différentes manières, être d’une gauche du travail, ne sont donc pas en décalage avec leur électorat ?

C’est plutôt une autre partie de la gauche qui est en décalage avec cet électorat. On peut s’interroger sur la manière de dire les choses, mais si la gauche abandonne le terrain du travail et la question de la juste solidarité, elle rate quelque chose d’essentiel. L’idée que le travail est une valeur intrinsèquement de droite est un contresens historique et philosophique et le risque pour une gauche qui ne valoriserait que la baisse du travail est de se couper de pans entiers de la société. Et cela, Fabien Roussel et François Ruffin l’ont bien compris.

Quand Paul Lafargue publie son Droit à la paresse [1883], il ne faut pas oublier qu’il est le gendre de Karl Marx et qu’il a parfaitement compris, au-delà de sa critique du travail comme aliénation, la fascination de Marx pour celui-ci. Il y a une tradition de gauche qui fait du travail une valeur émancipatrice, cardinale. Ce qui donne sa valeur au prolétariat, c’est qu’il travaille alors que la bourgeoisie est parasite. Vous retrouvez cela dans la dialectique du maître et de l’esclave chez [le philosophe allemand] Hegel.

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France Travail : un guichet unique pour l’emploi à la fin 2023

Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, à Paris, le 30 août 2022.

Le flou qui entoure la création de France Travail se dissipe peu à peu. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, a donné le coup d’envoi de la réforme, jeudi 22 septembre, lors d’un déplacement à Lyon, accompagné du haut-commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy, chargé de la mission de préfiguration lancée le 12 septembre. Tous deux ont également reçu, vendredi, tous les acteurs concernés par le dossier pour un « comité des parties prenantes », au ministère du travail.

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Pour le gouvernement, France Travail est l’un des huit chantiers – avec la réforme de l’assurance-chômage, la réforme des retraites, les assises du travail… – qui doivent permettre d’aller vers son objectif de plein-emploi d’ici à la fin du quinquennat. Le but de la nouvelle structure est d’améliorer à la fois l’accompagnement des entreprises et celui des personnes vers l’emploi. Le calendrier est désormais connu dans les grandes lignes. Durant trois mois, dix groupes de travail devront établir un diagnostic et définir des principes d’action et rendront leurs avis en décembre. Début 2023, seront déployées des expérimentations territoriales dans dix bassins d’emploi, lors desquelles seront testées plusieurs évolutions envisagées. Le gouvernement souhaite ensuite lancer officiellement France Travail fin 2023, début 2024.

Un guichet unique, physique et numérique

Redoutée par beaucoup de monde, une fusion des différents organismes (Pôle emploi, missions locales, associations, etc.) ne devrait cependant pas être l’option retenue. L’idée est plutôt de créer un guichet unique, physique et numérique, pour les demandeurs d’emploi, quel que soit leur profil, qui seraient ensuite réorientés vers les différentes structures. Avec l’objectif, aussi, de mieux coordonner tous ces acteurs. Car aujourd’hui, de nombreux chômeurs ou allocataires du revenu de solidarité active (RSA) sont mal pris en charge.

Par exemple, en Corrèze, aucun bénéficiaire du RSA n’est orienté vers Pôle emploi, selon un document du comité des parties prenantes que Le Monde s’est procuré. De même, d’après le document, moins de 60 % des personnes au RSA ont un contrat d’engagement réciproque, qui définit normalement les règles d’accompagnement. Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé une réforme du RSA visant à conditionner ce dernier à quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire. Celle-ci se fera en même temps que France Travail et sera expérimentée dans les mêmes bassins d’emploi.

Reste que pour améliorer cette coordination, il faut que toutes les entités participant au projet veuillent aller dans le même sens. Si les régions ont donné un avis clair et défendent leur « capacité à orchestrer France Travail au niveau de son territoire », les départements ne veulent pas finir avec un rôle de sous-traitant. « On veut coconstruire les choses avec le gouvernement, explique François Sauvadet, président de l’Assemblée des départements de France. On ne veut pas recevoir simplement des injonctions. Mais les premiers signes de dialogue sont très positifs. »

« Il faut remercier François Ruffin et Fabien Roussel d’avoir remis le travail au cœur du débat à gauche »

La place du travail dans la société et dans le projet que la gauche doit proposer aux Français ne devrait pas faire polémique. Au-delà des slogans et des petites phrases qui ont été échangées par les uns et les autres, François Ruffin (député La France insoumise) et Fabien Roussel (député du Nord et secrétaire national du Parti communiste français) ont rappelé que les aspirations de nos concitoyens ne sont pas celles d’une société post-travail, mais celles d’une société qui puisse apporter à chacun un travail digne et vecteur d’émancipation.

Commençons par rappeler une évidence : il n’y a pas de société sans travail. Cela est vrai pour tout système économique, qu’il soit capitaliste ou non. De fait, le travail, qu’il soit salarié, indépendant, familial ou produit bénévolement pour une association, est la seule source de richesse pour la communauté.

L’Etat social s’est ainsi construit

Karl Marx (1818-1883) lui-même, théoricien de la valeur travail, n’a jamais nié son importance. Lorsqu’il développe au milieu du XIXe siècle ses réflexions et ses écrits sur le système capitaliste, il dénonce l’aliénation par le travail du prolétaire dépossédé de son individualité et de sa contribution personnelle.

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Le prolétaire est celui qui ne possède que sa force de travail, qu’il vend contre un subside de misère. L’idée commune du XIXe siècle, chez tous les philosophes et acteurs d’un mouvement socialiste en construction, c’est que l’émancipation des travailleurs doit passer par leur association, leur rendant ainsi la maîtrise de l’outil de travail et le bénéfice de son produit.

Face au travail exploité incarné par le salariat, le socialisme rêvait d’un travail émancipé, organisé collectivement par les travailleurs eux-mêmes. Mais le salariat s’est étendu, tant et si bien qu’au début du XXe siècle, les conditions d’organisation de la production et de nos sociétés en ont fait le vecteur principal de distribution des revenus, notamment par la création de la Sécurité sociale.

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De son côté, le droit social est venu protéger le salarié, améliorer ses conditions de travail et défendre l’expression syndicale au sein des entreprises.

L’Etat social s’est ainsi construit patiemment, comme le rappelle l’économiste Christophe Ramaux dans son dernier ouvrage, Pour une économie républicaine. Une alternative au néolibéralisme (De Boeck, 336 pages, 21,90 euros). L’une de ses applications concrètes fut d’attacher au statut de salarié un cadre légal visant à sortir de l’arbitraire capitaliste.

Une même logique d’aliénation

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Le débat sur l’« assistanat » fait son retour à la faveur de la crise économique

Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics et Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, à la Fête de « L’Humanité », à Brétigny-sur-Orge (Essonne), le 9 septembre 2022.

C’est une musique ancienne qui résonne fortement depuis cet été. Une partition que joue par cœur le patronat, à la faveur d’un contexte de fortes pénuries de main-d’œuvre, et sur laquelle s’appuie le gouvernement pour lancer dès cet automne un vaste programme de réformes du travail : puisque de nombreux emplois sont non pourvus mais que le chômage stagne autour de 7,5 % de la population active, cela signifierait que les demandeurs d’emploi se satisfont d’une situation jugée confortable.

Dès juillet, le président de la République, Emmanuel Macron, s’était montré offensif à propos des travailleurs qui refuseraient de prendre certains postes qu’ils ne jugent pas assez attractifs. « S’ils peuvent trouver et aller vers un autre métier, je l’entends très bien. Si, derrière, la réponse, c’est “je vais bénéficier de la solidarité nationale pour réfléchir à ma vie”, j’ai du mal à l’entendre. Parce que cette solidarité nationale, c’est ceux qui bossent qui la payent, et une nation, c’est un tout organique », avait lancé le chef de l’Etat lors de son entretien du 14-Juillet.

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Depuis, ministres et députés de la majorité le répètent à l’unisson : il faut inciter plus vivement les chômeurs à prendre les emplois non pourvus. « Il est insupportable de voir que notre taux de chômage ne baisse pas alors que tous les chefs d’entreprise font face à des problèmes de recrutement », assurait, début septembre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, pour justifier la réforme de l’assurance-chômage.

Mesures moins impopulaires

Mais outre l’antienne attendue des chefs d’entreprise, les députés macronistes font inlassablement état de l’incompréhension d’une partie grandissante de la population vis-à-vis de cette situation. « Pas une journée ne passe sans qu’on me parle de ça en circonscription, confie ainsi la députée Renaissance du Nord Charlotte Parmentier-Lecocq. On entend régulièrement les Français se plaindre qu’il y a “trop d’assistés”. Cela peut même devenir un sujet de tension sociale entre ceux qui bossent et ceux qui sont au chômage, c’est un vrai risque. » « C’est le vieux conflit entre smicard et rmiste qui revient. Notre boulot c’est de créer un différentiel de revenu en faveur de celui qui travaille », ajoute son homologue de la Vienne Sacha Houlié.

Durcissement des règles d’indemnisation de l’assurance-chômage, conditionnement du revenu de solidarité active (RSA) à une quinzaine d’heures d’activité par semaine… L’exécutif entend profiter de ce cadre qu’il estime favorable pour pousser des mesures qui auraient pu s’avérer impopulaires en d’autres temps, afin d’atteindre l’objectif du plein-emploi – autour de 5 % de chômage – fixé par le président de la République, Emmanuel Macron, pour son second quinquennat. « On nous dit qu’il va falloir réduire les droits des chômeurs pour parvenir au plein-emploi ? Ce n’est pas vrai », tempérait le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger dans Le Monde, fin août, rappelant que le problème vient aussi d’un manque d’attractivité des métiers en tension.

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Des livreurs Uber Eats sans-papiers réclament leur régularisation

Ils sont là, juchés sur leur vélo, appuyés sur leur scooter. Et ils attendent. Quelques minutes ou bien des heures, la notification sur leur téléphone qui leur signifiera qu’une commande a été passée dans un des fast-foods qui les entourent et attend d’être livrée. Nous sommes place de Clichy, dans le 17e arrondissement de Paris, un des lieux de la capitale où se regroupent des livreurs en deux-roues.

Ceux-là travaillent pour la plate-forme américaine Uber Eats. Amidou, un Ivoirien de 37 ans, en France depuis 2019, a d’abord « bossé un peu dans le bâtiment ». « Je montais des échafaudages mais le mec ne payait pas alors j’ai rejoint des potes qui faisaient de la livraison. » Toutes les courses qu’il a réalisées ont été enregistrées sur l’application Uber Eats. Il nous montre à quoi ressemble une « bonne semaine » : plus de soixante-dix heures travaillées, payées 500 euros. Une autre semaine, il a cumulé « seulement » cinquante heures pour 263 euros, soit un peu plus de 5 euros de l’heure. Son collègue Aboubakar, un Guinéen de 25 ans, affiche pas moins de 12 000 courses depuis qu’il a rejoint la plate-forme en juin 2020, pour un revenu moyen de 400 euros par semaine.

Place de Clichy, dans le 17e arrondissement de Paris, plusieurs hommes âgés de 20 à 40 ans, Ivoiriens, Guinéens, Afghans ou Algériens, attendent de partir livrer pour des plates-formes de livraison de repas comme Uber Eats. Ici, le 22 septembre 2022.

Ce jour-là, tous ceux croisés place de Clichy sont sans-papiers. « Si t’as les papiers français, tu ne vas pas faire livreur », assure Aboubakar. « Des livreurs français, je n’en connais pas », abonde Amidou.

« Dégradation des conditions de travail »

Difficile de jauger la part des sans-papiers qui font tourner les plates-formes comme Uber Eats. Pour intégrer les flottes, ils utilisent parfois le compte qu’un compatriote en règle leur loue pour une centaine d’euros par semaine, ou font valoir des documents d’identité falsifiés.

Des pratiques qui ont amené Uber Eats à désactiver récemment plus de 2 500 comptes de travailleurs identifiés comme frauduleux, sur un total de 60 000 comptes actifs. En protestation, le 12 septembre, plusieurs centaines de livreurs sans-papiers ont défilé dans Paris (350 selon la police, 750 selon les organisateurs), et se sont rendus devant le siège français d’Uber Eats. D’habitude cantonnés à la discrétion en raison de leur situation administrative irrégulière, ces livreurs ont décidé de sortir de l’ombre pour réclamer leur régularisation.

Doctorant en sociologie au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et auteur d’une thèse sur les travailleurs de plates-formes de livraison de repas, Arthur Jan rappelle qu’au lancement des plates-formes, « il y avait beaucoup d’étudiants ou de jeunes peu diplômés, attirés par une promesse de flexibilité, d’indépendance et la pratique du vélo ». « Mais les rémunérations ont chuté et, au fur et à mesure de la dégradation des conditions de travail, on a vu de plus en plus de travailleurs issus de l’immigration, relate-t-il. Depuis deux ans, on observe une population massivement composée d’étrangers arrivés il y a moins de cinq ans et, pour beaucoup, sans-papiers. »

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Dans l’Eure, la reconversion verte de la « vallée de chou pourri »

Le site VPK Packaging d’Alizay (Eure), en 2015.

Dans les années 1970, un célèbre hebdomadaire satirique avait baptisé ce petit coin traversé par la Seine, entre les boucles de Val-de-Reuil et d’Elbeuf, la « vallée de chou pourri ». Allusion limpide, à défaut d’être poétique, aux nuisances olfactives qui empestaient la vie des habitants du village voisin d’Alizay (Eure) et même au-delà, et qui provenaient de l’usine de pâte textile, puis de papier, installée là depuis 1951.

En 2022, l’eau a coulé sous les ponts de la Seine, et le site a bien changé. Les émanations pestilentielles ont disparu, chassées par le vent mauvais de la désindustrialisation, emportant avec elles, en 1980, la Société industrielle de cellulose d’Alizay, son usine, sa haute cheminée et ses emplois. En contrebas du village d’Alizay, reconnaissable à sa magnifique mairie normande recouverte de colombages, le site industriel est en pleine mue, après des décennies de difficultés.

A l’image de ce qui s’est passé sur le site d’une autre papeterie emblématique, la Chapelle-Darblay, installée à une vingtaine de kilomètres de là, plusieurs repreneurs sont venus au fil des années, ont tenté de relancer la production et sont repartis. Dernier en date, le papetier thaïlandais Double A, qui produisait des ramettes pour nourrir les imprimantes de bureau. Un papier blanc comme neige, fabriqué à partir d’un matériau rien moins que durable : du bois venu de plantations d’eucalyptus du Brésil ou d’Asie du Sud-Est et acheminé en Europe. Le télétravail et le tout-numérique ont eu raison du business model du thaïlandais.

En accordéon

De nouveau en difficulté, le site a été racheté en 2021 par VPK Packaging, un groupe familial belge, créé en 1935 et devenu un géant européen de l’emballage, affichant un chiffre d’affaires de 1,75 milliard d’euros et comptant quelque soixante-dix usines dans vingt pays. L’entreprise, qui s’est engagée à préserver les 180 emplois menacés, arrive avec un projet bien dans l’air du temps : elle va fabriquer, à Alizay, du « papier pour ondulé », le matériau de base qui sert à fabriquer ensuite les cartons indispensables à la grande distribution ou aux géants du commerce en ligne. L’usine normande sera la tête de pont pour la fabrication des cartons innovants : grâce à leur conception en accordéon, ils permettent par exemple d’optimiser la taille et le poids des colis et de supprimer les produits de calage évitant que le contenu ne soit endommagé. Un marché qui, contrairement au papier bureautique, est en croissance continue et offre de belles perspectives.

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Chaussures : l’enseigne San Marina placée en redressement judiciaire

L’enseigne de chaussures San Marina, anciennement détenue par le groupe Vivarte qui avait demandé, mardi, son placement en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille a obtenu satisfaction, jeudi 22 septembre. San Marina emploie 680 personnes dans 163 magasins en France.

La demande avait été examinée jeudi matin à huis clos par le tribunal de commerce de Marseille, le siège de l’enseigne étant à Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône. Le redressement judiciaire de la société est prononcé jusqu’au 22 mars 2023, a annoncé France 3 Provence, information confirmée à l’Agence France-Presse par l’avocat de la société, Me Bernard Bouquet.

Le tribunal de commerce n’était pas joignable en soirée pour confirmer cette information, un des représentants du CSE indiquant pour sa part ne pas être au courant de la décision prononcée.

Les commerçants « non essentiels » contraints à payer leurs loyers

San Marina avait affirmé mardi subir le contrecoup de l’arrêt de la Cour de cassation qui a contraint, en juin, les commerçants dits non essentiels, et qui avaient dû garder porte close lors du confinement du printemps 2020, à payer leurs loyers.

L’entreprise, qui avait été cédée début 2020 par Vivarte à Stéphane Collaert, avait déjà annoncé au printemps 2022 un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) « portant sur 152 postes sur 680 » et « l’adaptation de son parc de magasins ». Au moment de l’entrée en négociations avec Vivarte, il était question de 230 magasins, l’enseigne en revendiquait 163 mardi.

La direction, qui a informé mardi le comité social et économique (CSE) de l’enseigne de cette demande de redressement judiciaire, précise que le PSE devrait être « suspendu temporairement » lors de la période d’observation faisant suite à la mise en redressement judiciaire.

Début août, une autre enseigne du prêt-à-porter français, Camaïeu, avait demandé sa mise en redressement judiciaire en évoquant « les conséquences » de l’arrêt de la Cour de cassation.

Le secteur de la distribution textile, notamment de milieu de gamme, est en souffrance depuis des années en France. L’activité reste compliquée cette année dans le contexte des inquiétudes pour le pouvoir d’achat, qui poussent de nombreux consommateurs à différer leurs achats de vêtements, jugés moins prioritaires que l’alimentaire ou l’équipement des enfants par exemple.

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Le Monde avec AFP

JO 2024 : face au manque d’agents de sécurité privée, le ministère de l’intérieur veut faciliter les recrutements

Au Stade de France à Saint-Denis, le 3 juin 2022.

La sécurité sera l’un des gros défis lors des Jeux olympiques en 2024 à Paris. Le fiasco des forces de l’ordre lors de la finale de la Ligue des champions de football au Stade de France le 28 mai est venu jeter le doute sur la capacité des autorités françaises à prendre en charge un événement qui attirera encore plus de public. Surtout, la France doit faire face à un manque criant de main-d’œuvre dans ce secteur alors que la sécurité durant les Jeux olympiques devra être partagée entre forces de l’ordre et sociétés privées.

« Il faut environ 25 000 agents de sécurité privée en plus pour les JO », soit « 20 % du total de la profession, qui compte 130 000 personnes », a expliqué le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dans un entretien aux Echos, jeudi 22 septembre.

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Pour préparer au mieux cette échéance des JO, M. Darmanin annonce qu’une « direction des entreprises » va être créée au ministère de l’intérieur pour faire notamment « l’interface avec les sociétés de la sécurité privée ».

Il explique que des discussions sont en cours avec le comité d’organisation des JO « pour accroître l’attractivité économique des marchés » à venir pour les sociétés de sécurité privée, « en tenant notamment mieux compte de l’inflation ». « Pour fidéliser les agents de sécurité, il faut que la filière puisse proposer des salaires plus élevés », avance-t-il.

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Le ministre veut également créer un « titre spécifique provisoire », à destination des étudiants notamment. « Nombre d’entre eux veulent travailler pendant l’événement et, moyennant une formation, il n’y a pas de raison qu’ils ne puissent pas devenir agents privés de sécurité », détaille le ministre. « Pour assurer la sécurité d’un stade, certains postes » sont « plus accessibles », assure-t-il, estimant par exemple que « gérer une épreuve de water-polo, ce n’est pas la même chose qu’une finale de la Ligue des champions ».

Gérald Darmanin dit avoir aussi « demandé aux préfectures, en lien avec Pôle emploi, d’appeler les dizaines de milliers de personnes en France qui ont une carte professionnelle mais sont inscrites au chômage pour les motiver à venir retravailler dans le secteur ».

L’Etat va, par ailleurs, financer, pour un coût de 13 millions d’euros, la formation continue « de 64 000 agents » dans les deux ans à venir, alors qu’il leur reste une « marche à gravir » dans la « montée en compétences », assure le ministre, évoquant notamment la nécessité de « parler anglais ».

« Les chantiers sont dans les temps », selon le comité d’organisation

Le calendrier des chantiers des Jeux olympiques de Paris 2024, dont le coup d’envoi officiel sera donné dans 673 jours (le 26 juillet 2024) est tenu. C’est ce qu’a assuré, jeudi 22 septembre, Tony Estanguet, le président du comité d’organisation des Jeux. « Les chantiers sont dans les temps. C’est le défi capital pour tenir le budget de maintenir les délais de travaux. Et on peut annoncer ce matin que les travaux sont toujours dans les temps », a-t-il déclaré au micro de France Info.

Les principaux chantiers figurent en Seine-Saint-Denis : le village olympique/paralympique, entre Saint-Ouen, Saint-Denis et l’Ile-Saint-Denis, le village des médias, à Dugny, ou encore le centre aquatique olympique à Saint-Denis. Paris a aussi son chantier avec l’Arena porte de la Chapelle.

Nicolas Ferrand, le directeur général de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) avait déclaré fin juillet que « l’engagement pris auprès de Paris-2024 est de tout livrer le 31 décembre 2023 », sauf l’Arena, qui devrait être livrée avant, et le Centre aquatique, qui sera prêt en avril 2024.

Le Monde avec AFP