Archive dans octobre 2022

Accusations de travail dissimulé, harcèlement moral et fraude : chez MTArt, l’agent ne fait pas le bonheur

Marine Tanguy à Los Angeles, en 2014. Un plus tard, elle fondait l’agence MTArt.

Le monde de l’art se dit tolérant, ouvert, à l’avant-garde des questions de société. Derrière les paillettes et les bons sentiments, la réalité est parfois tout autre. A son échelle, l’affaire MTArt en offre un bon exemple. L’histoire débute par des « stories » publiées le 24 septembre sur #balancetonagency, un compte Instagram qui, depuis 2020, partage les témoignages anonymes de victimes présumées de harcèlement dans les agences de communication.

« Elle m’a dit que j’étais une pleurnicheuse, que les faibles ne pouvaient réussir dans sa boîte », lâche un post accusant MTArt, aujourd’hui effacé. « Elle », c’est Marine Tanguy, 33 ans, la patronne de MTArt Agency, une agence fondée en 2015 à Londres qui se présente comme une alternative aux galeries et sert d’intermédiaire entre les artistes, les collectivités et les marques. Classée en 2018 par Forbes parmi les « 30 Under 30 », le palmarès des trente jeunes entrepreneurs de moins de 30 ans, sa jeune fondatrice compte une vingtaine d’investisseurs, dont l’entrepreneur Frédéric Jousset, patron du groupe Beaux Arts & Cie.

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Aujourd’hui, ce sont les trois employées du bureau parisien de MTArt (qui disent ne pas être à l’origine des posts sur #balancetonagency), épaulées par treize artistes, qui comptent saisir en octobre le conseil de prud’hommes ainsi que le procureur de la République. Les chefs d’accusation sont graves : travail dissimulé (un délit passible de trois ans d’emprisonnement et de 225 000 euros d’amende pour l’entreprise coupable), fraude fiscale, fraude douanière et harcèlement moral.

Pressions et humiliations

Elise (tous les prénoms ont été modifiés) a été recrutée en septembre 2021 pour diriger le bureau parisien de MTArt. « Marine était chic, rapporte la jeune femme. Elle avait monté son business toute seule, j’étais impressionnée par la force de son engagement. » Si impressionnée qu’elle accepte de travailler sous le statut d’autoentrepreneuse, avec la promesse tacite d’une régularisation qui ne viendra jamais. Elise carbure si bien qu’en six mois elle engrange un chiffre d’affaires d’un demi-million d’euros. L’équipe grossit. En janvier 2022, Isabelle est engagée, puis Léa. Les trois ont envie de bien faire. Mais très vite elles déchantent.

« Est-ce que j’apporte quelque chose à la conversation ? Cela aura-t-il un impact positif sur notre cible ou notre audience ? Si la réponse est non, abstenez-vous » – extrait du règlement de MTArt Agency

Bien que travaillant en tant que prestataires de services en free-lance, elles doivent respecter, disent-elles, un règlement intérieur. MTArt peut ainsi leur refuser un congé parental si leur absence a un impact sur le business. Les rendez-vous médicaux doivent être pris hors des horaires de bureau, faute de quoi il faut rattraper les heures perdues. Plus surprenant, elles sont invitées à réfléchir à deux fois avant de prendre la parole. « Est-ce que j’apporte quelque chose à la conversation ? Quelque chose de nouveau ? Cela aura-t-il un impact positif sur notre cible ou notre audience ? Si la réponse est non, abstenez-vous », précise le règlement.

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Aux ex-fonderies du Poitou, la vie d’après

En désignant la dalle de béton fraîchement coulée au centre du rond-point qui mène aux fonderies du Poitou, Xavier Verger n’a pu réfréner une petite moue, plus ironique que désespérée. Les hommages postmortem ont quelque chose de doux-amer. Sur la dalle, donc, s’élèvera bientôt la silhouette en tôle découpée d’une femme brandissant une culasse. Cette pièce automobile en aluminium que ses collègues et lui ont fabriquée jusqu’en juillet.

La sculpture devait célébrer la reprise des deux fonderies d’Ingrandes (Vienne) par le groupe anglo-indien Liberty House, en 2019. Le temps que le projet artistique se concrétise, les deux usines ont fermé et près de 600 salariés ont été licenciés, ceux de la fonte à l’été 2021, ceux de l’aluminium à l’été 2022.

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Ce matin de la mi-septembre, il y a pourtant encore des voitures garées devant l’ancien local syndical couvert d’appels à la mobilisation délavés par le temps. Stigmates des luttes passées. Les ex-salariés ont entamé la phase d’après.

A l’intérieur, Géry Bégeault et Jean-Philippe Juin, ex-délégués CGT, s’affairent, le premier face à une liasse de feuilles A4, l’autre devant un ordinateur, relié à son smartphone. « Partage de connexion ! On devait nous laisser Internet et l’électricité. Mais on n’a déjà plus Internet ! », soupire Jean-Philippe Juin. « T’as reçu tes identifiants Pôle emploi ? », lance-t-il au collègue qui vient de les rejoindre dans la pièce. « J’ai essayé de créer mon compte, mais ça ne marche pas… » « Mais t’as ton mot de passe ? » Un peu perdu, l’homme préfère en rire : « On découvre les joies de l’administration française ! »

Conserver le lien fraternel

Depuis la fermeture, les anciens fondeurs ont créé une association. Elle tient là une permanence trois matins par semaine. Pour conserver ce lien fraternel qu’ils ont construit à l’usine. Mais pas seulement.

Les salariés licenciés ont bien droit à l’aide d’un conseiller au reclassement pendant un an dans le cadre d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP). « Mais, eux, ils t’accompagnent sur le volet recherche d’emploi, reconversion. Il y avait le besoin d’une aide très concrète pour les démarches administratives. Par exemple, tout le monde n’est pas à l’aise avec l’informatique, explique Jean-Philippe Juin. Or, désormais, si tu n’as pas ton espace sur le site de Pôle emploi, tu ne touches pas tes droits ! »

Lui-même se rend compte de la complexité des choses. « J’ai été formé à affronter un redressement judiciaire ou à négocier un plan de sauvegarde de l’emploi. Mais gérer la suite de la liquidation, tu découvres ça par toi-même ! », dit-il, en souriant.

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Réforme des retraites : les syndicats agitent la menace d’un mouvement social

Il y aura des grèves et des manifestations si l’exécutif maintient son intention de repousser à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite. Cette mise en garde est adressée par huit organisations de salariés et cinq mouvements de défense de la jeunesse, dans un communiqué commun diffusé mardi 4 octobre. Leur prise de position a été rendue publique 24 heures avant le début d’une « concertation » que le ministre du travail, Olivier Dussopt, va conduire sur la transformation des régimes de pension, une première rencontre étant prévue mercredi après-midi avec les partenaires sociaux. Avant même l’ouverture des discussions, l’intersyndicale cherche à afficher sa combativité et sa cohésion contre l’un des axes majeurs de la réforme promise par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle.

Le texte dévoilé mardi fait suite à une réunion qui avait eu lieu, la veille, au siège de l’UNSA à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Y avaient participé les cinq confédérations représentatives à l’échelon interprofessionnel (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, Force ouvrière) ainsi que la FSU, Solidaires, l’UNSA et des organisations représentant les étudiants et les lycéens (FAGE, FIDL, MNL, UNEF, Voix lycéenne).

Le message des coalisés est clair : ils « n’hésiteront pas à construire tous les moyens d’actions nécessaires si le gouvernement demeurait arc-bouté sur son projet ». Les formes que prendrait la mobilisation ne sont pas précisées mais l’ensemble des protagonistes songent évidemment aux arrêts de travail et aux démonstrations de protestation dans la rue.

« Aucune économie »

L’avertissement est logique car les signataires du communiqué sont hostiles « à tout recul de l’âge légal de départ en retraite et à une augmentation de la durée de cotisation ». A l’appui de leur discours, ils soulignent que la moitié des salariés ne travaillent plus quand ils réclament le versement de leur pension – étant soit au chômage, soit en invalidité, soit bénéficiaires d’un minimum social. De telles situations de précarité risquent de s’allonger si la loi diffère le moment où la retraite peut être prise. En outre, une mesure d’âge « ne générerait (…) aucune économie » puisque notre système de protection sociale devrait prendre en charge plus longtemps ces personnes restant dans l’inactivité.

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Les treize organisations concernées tiennent aussi à signifier qu’elles ne se posent pas uniquement comme une force d’obstruction. Dès les premières lignes du texte, elles « se disent ouvertes aux concertations » proposées par le pouvoir en place, en souhaitant que celles-ci soient « loyales », « transparentes » et qu’elles renforcent la « justice sociale ». A leurs yeux, il faut que les échanges permettent d’aborder plusieurs thèmes : emploi des seniors, pénibilité, carrières longues, transition emploi-retraite, fins de parcours professionnels, financement, égalité femme/homme… Une liste très proche de celle qui avait été exposée par la première ministre, Elisabeth Borne, quand elle avait annoncé, le 29 septembre, le lancement de consultations.

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Prix du livre RH 2022 : une invitation à redéfinir le travail

« Un ouvrage qui force la pensée », « Qui va lire ce livre ?  », « Dommage qu’il soit à charge pour les entreprises », « Une grande richesse théorique » : autant de réactions des responsables des ressources humaines exprimées à la lecture des quatre livres nommés pour l’édition 2022 du Prix du livre RH.

Créé en 2000 par la fédération Syntec Recrutement (aujourd’hui Syntec Conseil) en partenariat avec Le Monde et Sciences Po, ce prix récompense chaque année le meilleur ouvrage de management de l’année précédente. Le nom de la lauréate devait être annoncé mercredi 5 octobre lors de la cérémonie organisée à Paris, dans les locaux du Monde.

Les étudiants du master « organisations et management des ressources humaines » de Sciences Po ont pour programme de lire et de débattre d’un an de production éditoriale en ouvrages sur le travail. Plus précisément, une cinquantaine de livres publiés en 2021 et présélectionnés par Sciences Po, Le Monde et les éditeurs. Le choix des étudiants apporte un éclairage sur ce qui interpelle les futurs professionnels du management dans le monde de l’entreprise d’aujourd’hui.

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Quant au choix du lauréat, il croise les préoccupations des futurs responsables des ressources humaines avec celles des DRH confrontés chaque jour aux réalités du terrain. Réorganisations incessantes, difficultés de recrutement, nouvelles aspirations des salariés, polyvalence des profils, hausse de l’inflation, productivité en baisse… Depuis plus de deux ans, les DRH font leurs gammes en management de l’incertitude. Mais quelle est désormais la place du travail dans la société ?

En 2020 les ouvrages du Prix du livre RH ont décrit les « nouveaux monstres » du monde du travail produits par l’avènement de l’intelligence artificielle et par la déshumanisation de l’emploi. En 2021, les essais sélectionnés ont analysé les remèdes contre les dégâts de la révolution technologique dans l’entreprise. Les livres nommés de 2022 poursuivent cette recherche de solution en questionnant très largement le concept de travail, notamment à partir de l’observation des conséquences du management sur la santé des salariés.

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L’Association pour l’emploi des cadres, qui a interrogé les cadres du secteur privé en août, a révélé que plus d’un cadre sur deux (54 %) serait en situation d’épuisement professionnel. Les essais nommés 2022 analysent, bien au-delà du contexte Covid, les tendances de fond de l’évolution du travail dans la société.

La domination patronale se réinvente

Premier constat, le bonheur au travail est devenu une injonction, et c’est un risque nouveau pour les salariés. Les « savoir-faire ne seraient que secondaires face aux talents cachés » des collaborateurs, susceptibles d’être révélés par l’entreprise. Les responsables des ressources humaines favorisent alors le management des subjectivités, des émotions, des humeurs. Les Servitudes du bien-être au travail. Impacts sur la santé, écrit sous la direction de la sociologue Sophie Le Garrec (Erès, 296 pages, 25 euros), dénonce dans la prescription au bonheur le masque qui cache « un délitement des conditions de travail ».

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Harcèlement : épauler les salariés en souffrance

« Parce que le savoir, c’est le pouvoir. » En s’appropriant ce célèbre aphorisme, Elise Fabing résume les raisons qui l’ont poussée à écrire son Manuel contre le harcèlement au travail (Hachette Pratique, 2021) : vulgariser le droit du travail, pour accompagner des salariés en souffrance.

« Manuel contre le harcèlement au travail », d’Elise Fabing. Hachette Pratique, 2021, 240 pages, 17,95 euros.

Spécialiste du harcèlement (moral, sexuel) et des discriminations au travail, cette avocate a notamment prodigué des conseils en vidéo sur les comptes Instagram « Balance ta start-up » et « Balance ton agency », qui ont révélé depuis 2020 le harcèlement systémique dans plusieurs entreprises. En résulte un constat sans appel : la majorité des salariés qui l’ont interpellée ne savaient pas comment se défendre, car l’accès au droit demeure trop complexe.

En préambule, le manuel prend donc le temps de définir cette catégorie très large du droit social et d’insister sur le rôle des preuves (notamment écrites), indispensables pour faire reconnaître les faits de harcèlement. Il est enrichi par les éclairages réguliers de spécialistes (psychiatre, DRH, spécialiste en recrutement, etc.).

Conclusion militante

Très accessible, ce guide aborde point par point les différentes étapes, à la manière d’une boîte à outils : des procédures en interne jusqu’au procès aux prud’hommes, en passant par les bonnes personnes à alerter. Sa dimension purement pratique se prouve encore par la présence en annexe de modèles vierges de dépôt de plainte ou de lettre d’alerte à l’inspection du travail.

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Si elle s’adresse avant tout aux salariés, l’avocate invite les manageurs ou les RH à faire plus sur la prévention et sur la prise en compte des risques psychosociaux liés aux faits de harcèlement. Elle dénonce enfin, dans une conclusion qu’elle assume militante, les dysfonctionnements d’une justice qui tend à décourager les victimes de faire reconnaître la nature des faits subis.

« Manuel contre le harcèlement au travail », d’Elise Fabing. Hachette Pratique, 2021, 240 pages, 17,95 euros.

Entreprises : « L’augmentation des délais de paiement procède d’un comportement délibéré »

La priorité donnée à la réduction des coûts et à l’amélioration de la trésorerie, observée au sein de nombreuses entreprises depuis la crise du Covid-19, a amené la plupart des directions des achats à remettre en cause les évolutions observées ces dernières années, qui avaient jusqu’alors favorisé des relations plus équilibrées, collaboratives et partenariales avec les fournisseurs.

Si elles s’avèrent améliorer effectivement à court terme la situation financière des « donneurs d’ordre » – triste expression à la vie dure – , cet infléchissement, au-delà de son caractère éthique discutable, a toutes les chances de se révéler perdant à long terme.

Difficultés de trésorerie

De 2005 à 2018, les délais de paiement avaient connu, en France comme dans le reste de l’Europe, une diminution constante. Quelques mois avant la pandémie de Covid-19, toutefois, les entreprises françaises avaient commencé à creuser l’écart sur ce point avec leurs homologues européennes, car les retards de paiement avaient en effet commencé à y augmenter.

Ils ont littéralement explosé au moment du premier confinement, comme dans toute l’Europe, avant un retour assez rapide à la normale. Sauf en France, où une nouvelle « normalité » a vu les entreprises procéder à un retour en arrière d’une dizaine d’années, retrouvant les délais de paiement moyens des années 2010. C’est ce que révèle la dernière édition de l’Observatoire des délais de paiement de la Banque de France, qui souligne également des différences sectorielles marquées.

Par exemple, dans l’hôtellerie et la restauration, alors que les flux de clientèle se sont taris brusquement, les paiements des fournisseurs ont été massivement décalés en réponse aux difficultés de trésorerie rencontrées.

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A l’été 2020, les PME de moins de deux cents salariés décalaient leurs paiements de quatorze jours, tandis que les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de moins de mille salariés les décalaient de seize jours et les grandes entreprises, de plus de mille salariés, au-delà de dix-huit jours. L’écart se réduisait fin 2020, mais, dès 2019, donc avant le Covid-19, les grands groupes retardaient en moyenne leurs paiements de 1,3 jour par rapport à l’année précédente.

« La probabilité de défaillance des entreprises impactées augmente de 25 %, et même de 40 %, quand les retards de paiement dépassent un mois »

Les effets de la loi de modernisation de l’économie de 2009, qui visait entre autres la réduction des délais et des retards de paiement, avaient déjà commencé à se dissiper. Le Covid-19 les a réduits à néant. L’étude de la Banque de France souligne que l’augmentation des délais de paiement procède d’un comportement délibéré : les entreprises aux « pratiques les moins vertueuses » ne consacrent clairement pas les mêmes efforts à faire payer leurs clients qu’à payer leurs propres fournisseurs, cherchant à améliorer leur trésorerie au détriment de celle de leurs fournisseurs.

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Camaïeu : le soupçon des ex-salariés sur la gestion de leur entreprise

Les salariés de Camaïeu, mardi 4 octobre, réunis à l’appel de la CGT, devant le siège de l’enseigne à Roubaix (Nord).

A Roubaix (Nord), la colère monte. Une centaine de salariés de Camaïeu se sont rassemblés, mardi 4 octobre, à l’appel de la CGT, devant le siège de l’enseigne liquidée le 28 septembre. Deux ans après sa reprise par la Financière immobilière bordelaise (FIB), société de l’homme d’affaires bordelais, Michel Ohayon, l’ensemble des 511 magasins Camaïeu ont fermé leurs portes samedi 1er octobre. « Ce qu’on nous avait promis à la reprise en 2020, ce n’était que des beaux discours », enrage Thierry Siwik, délégué syndical CGT.

Le syndicat entend engager une procédure en responsabilité civile à l’encontre de M. Ohayon et de la direction de l’entreprise. Avec l’appui de l’avocat Fiodor Rilov, la CGT va d’abord tenter d’obtenir tous les documents comptables « de Camaïeu, comme des autres entités du groupe FIB », explique Me Rilov. Ce dernier admet qu’une procédure en responsabilité « ne permettra pas de retrouver votre emploi mais il faut aller en justice pour obtenir de vraies indemnités », a-t-il dit aux salariés. En fin de journée, une cinquantaine d’entre eux lui ont donné mandat, précise Me Rilov.

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Mobiliser les 2 126 salariés concernés par la liquidation, après le départ des employés en CDD, ne sera pas facile. La plupart ne résident pas dans le Nord. La CGT de Roubaix le sait. « Camaïeu, c’est chez vous ! Il faut squatter ! Il faut de la colère et pas des larmes ! », s’est emporté l’un de ses représentants, en haranguant les manifestants, peu avant qu’une cinquantaine d’entre eux n’arrache les grilles de l’établissement et l’occupe un temps.

De « zéro dette » au redressement judiciaire

L’opération de la CGT tient du coup de poing, à la veille de l’ouverture des négociations du plan social. Elle pourrait cependant gagner en ampleur. Car, partout en France, les salariés Camaïeu ne comprennent pas comment l’entreprise reprise par la FIB en août 2020 « avec zéro dette » s’est retrouvée en redressement judiciaire à l’été 2022 et liquidée le 27 septembre faute de trésorerie, entraînant le licenciement de 2 600 personnes.

Les explications avancées par Wilhelm Hubner, président d’Hermione People & Brands (HPB), division distribution de la FIB, ne « tiennent pas », avance un employé. Cet ancien patron d’Auchan en France a toujours évoqué le Covid-19, la crise et une cyberattaque qui lui aurait coûté 40 millions d’euros. Beaucoup estiment que « ça n’explique pas les 250 millions d’euros de dettes contractées en deux ans » et surtout les pertes de 146 millions d’euros à fin juin 2022. D’autant que l’enseigne aux 228 millions d’euros de chiffre d’affaires ne payait ni ses loyers ni ses marchandises.

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Climat social, partage de la valeur, énergie : les priorités de rentrée des DRH

« L’actualité RH est extrêmement dense, avec des sujets conjoncturels mais aussi structurels », résume Benoît Serre, vice-président délégué de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Durant le mois de septembre, l’ANDRH a pris le pouls de ses quelque 5 000 adhérents, en menant une enquête de rentrée auprès de 462 DRH d’entreprises de tous les secteurs et de tailles différentes.

En cette rentrée, les pénuries de main-d’œuvre demeurent en tête des préoccupations : 88 % des entreprises sondées rencontrent des difficultés de recrutement. Pour limiter ces dernières, les trois quarts des DRH disent faire appel à un cabinet de recrutement, et 72 % affirment travailler sur leur « marque employeur » pour donner davantage envie aux candidats potentiels de les rejoindre.

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Pour ce qui est des salariés présents dans l’entreprise, les responsables des ressources humaines s’inquiètent du climat social, dans un contexte d’inflation, de réforme des retraites et de pérennisation du travail hybride. 39 % des répondants anticipent une dégradation des relations sociales dans leur entité, tout en sachant qu’un quart d’entre eux ne se prononce pas sur le sujet. « Il y a une grande incertitude sur le climat social, cela va dépendre de l’actualité chargée, juge Audrey Richard, la présidente de l’ANDRH. On est plutôt en veille. »

Succès de la prime exceptionnelle de partage de la valeur

L’actualité passe d’abord par la question des salaires : à ce sujet, les DRH interrogés alertent presque tous sur la difficulté de revaloriser les salaires au vu du contexte inflationniste. « La pression est montée en septembre, parfois avec des clauses de revoyure des accords signés, mais il n’y a pas d’avancement massif du calendrier des prochaines NAO (négociations annuelles obligatoires) », a indiqué Benoît Serre. Plus précisément, seuls 18 % des DRH indiquent avoir modifié leur calendrier cette année (par exemple de deux mois, en octobre plutôt qu’en décembre).

L’association a, en revanche, évoqué le succès de la prime exceptionnelle de partage de la valeur, « un outil apprécié qui permet de répondre aux attentes et compenser un sujet d’inflation, sans pour autant alourdir les charges », selon Benoît Serre. 43 % des employeurs l’ont versée en 2021, 40 % la versent en 2022.

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Les autres outils de rémunération connaissent un succès variable : 52 % des entreprises ont mis en place l’intéressement, mais 75 % n’envisagent pas de système d’actionnariat salarié. Sur le rachat des RTT, rendu possible cet été, le vice-président délégué invite à la prudence : « les DRH nous disent qu’il faut faire attention, car certains salariés vont les accumuler pour percevoir une somme importante… Il faut veiller à ne pas payer ça avec un déséquilibre entre vie professionnelle et vie privée. »

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