« Touche pas à mes tresses ! »
Droit social. Le 23 novembre, la Cour de cassation a mis fin à une décennie de procédure lancée par un steward d’Air France. Ce dernier revendiquait le droit de porter des tresses africaines nouées en chignon, lesquelles n’étaient pas autorisées par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. Les hôtesses de l’air pouvant adopter cette coiffure, la Cour a jugé en faveur du steward au motif que de le lui interdire constitue une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe.
En outre, selon la Cour, la perception sociale de l’apparence des genres masculins et féminins ne peut constituer une exigence professionnelle justifiant une différence de traitement, l’exigence professionnelle renvoyant à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause.
Cette décision peut paraître assez anecdotique, mais en y regardant de plus près, cela soulève certaines questions intéressantes dans le cadre des discussions devenues désormais quotidiennes sur la lutte contre les stéréotypes et sur l’identité et l’expression de genre dans notre société. Quel est, dans ce contexte, le pouvoir de l’employeur pour imposer des restrictions sur l’apparence de ses salariés ?
Interdiction du port de pantalon
Si le cadre juridique est clair, son application peut poser des difficultés. Les salariés peuvent, a priori, se vêtir librement. Cependant, cette liberté n’est pas une liberté fondamentale, contrairement, par exemple, à la liberté d’expression, à la liberté religieuse ou au respect de la vie privée. L’employeur peut y apporter des restrictions dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (article L. 1121-1 du code du travail).
Par exemple, outre les considérations d’hygiène et de sécurité, le souhait de l’employeur de maîtriser son image de marque auprès de sa clientèle peut justifier l’interdiction ou l’imposition de certaines règles vestimentaires ou d’apparence (port d’uniformes, interdiction de signes religieux, etc.).
En revanche, comme vient le rappeler cette décision, encore faut-il que ces restrictions ne soient pas discriminatoires (article L. 1321-3 3° du code du travail). Le fait de permettre aux femmes d’avoir les cheveux longs et non aux hommes ne serait donc plus permis.
Or, est-ce que cela signifie qu’il ne sera plus possible de permettre aux hommes le port du pantalon et non aux femmes, pratique qui existe encore, comme le démontre la mobilisation récente des salariées de McDonald’s France en 2020 ? Le port de la jupe obligatoire était d’usage dans les restaurants du groupe, mais la direction a fini par abolir cette pratique. Pour rappel, jusqu’au 31 janvier 2013, les Parisiennes avaient officiellement l’interdiction du port de pantalon, sauf si elles tenaient « par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d’un cheval », en raison d’une ordonnance du préfet de police Dubois du 16 brumaire an IX qui n’avait jamais été abrogée !
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