Archive dans juin 2021

Emploi : « Pour voir les seniors comme des travailleurs expérimentés, il faut leur donner les mêmes armes qu’à n’importe quel travailleur »

Tribune. A partir de 45 ans en France, on est un senior, avec tout ce que cela véhicule et entraîne comme idées reçues. Ce terme signe la fin de votre carrière, le début des difficultés pour changer de job ou en retrouver un et un chômage prématuré autour de 55 ans avec la quasi-impossibilité d’en sortir avant sa retraite. En effet, si jusqu’à 55 ans le taux d’emploi se maintient à 81 %, c’est ensuite la chute libre : 72 % de 55 à 59 ans, 30 % après 60 ans.

Et si nous arrêtions d’appeler « seniors » les travailleurs de plus de 45 ans et que nous les nommions « travailleurs expérimentés » ?

Le plus étrange est qu’il n’existe aucune définition légale dans ce domaine : aucun texte de loi ne définit ou ne précise à quel âge on devient « senior ». Le curseur bouge d’une institution à l’autre. Selon l’Insee, les seniors sont les personnes âgées de plus de 65 ans. Quant à l’administration, elle considère qu’une personne devient senior à l’âge de 60 ou 65 ans (65 ans pour la retraite, 60 ans pour la Sécurité sociale).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La solution au problème du financement des retraites passe par une augmentation du taux d’emploi des seniors »

En effet, c’est à partir de cet âge que certaines aides réservées aux « personnes âgées » peuvent être demandées. Pôle emploi met les 50 ans et plus dans la catégorie des seniors. Pour le corps médical, l’on devient senior à partir de 70 ans. Tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu’une personne est senior à partir de ses 60 ans.

Un terme marketing

Le terme « senior » est, en réalité, un terme marketing qui apparaît dans les années 1990 pour ne plus stigmatiser les personnes de plus de 60 ans en tant que « vieux ». Aujourd’hui, on parle même de « silver » pour qualifier la catégorie des plus de 60 ans !

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les entreprises qui se séparent de leurs seniors, une spécificité française

Si l’Etat, les statistiques et la médecine considèrent qu’on n’est pas senior avant 65 ans, pourquoi en serait-il autrement dans les entreprises ?

Derrière le terme « senior » se cachent à la fois un travailleur expérimenté, un travailleur en fin de carrière, un jeune retraité et une personne proche du grand âge

Le mot senior vient, en fait, de l’anglais et veut dire « expérimenté ». A l’origine, d’ailleurs, on utilisait en France ce terme « senior » comme dans les pays anglo-saxons, c’est-à-dire pour qualifier la compétence du salarié et son niveau d’expérience. Ainsi les débutants étaient appelés des « juniors » par opposition aux salariés dotés d’une certaine expérience, dénommés « seniors ».

Il vous reste 42.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Forte baisse du nombre de demandeurs d’emplois en mai

Le reflux est spectaculaire. En mai, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a diminué de 134 100, pour redescendre à 3,73 millions sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), selon les données diffusées, vendredi 25 juin, par le ministère du travail. C’est la quatrième plus forte baisse jamais enregistrée depuis la création en 1996 de cette série statistique. Elle illustre le redémarrage de la croissance, qui se dessine à mesure que les restrictions sanitaires tombent.

« C’est une bonne nouvelle, qu’il faut toutefois relativiser », commente Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques. D’abord, ces chiffres font suite à une forte hausse du même indicateur en avril : les personnes répertoriées dans la catégorie A de Pôle emploi avaient, en effet, vu leurs effectifs s’accroître de 1,7 %, en raison du reconfinement décidé au début du printemps, qui avait joué en défaveur du carnet de commandes des entreprises. L’étau ayant commencé à être desserré en mai, les embauches ont repris, et avec vigueur : celles de plus d’un mois (hors intérim) ont même atteint un niveau sans précédent depuis 2006.

« La crainte d’un tsunami écartée »

Deuxième bémol : « Parmi ceux qui ont été recrutés le mois dernier, beaucoup ne travaillent que pour des durées limitées et continuent de se déclarer à la recherche d’un poste », explique Eric Heyer. Du coup, ils basculent de la catégorie A vers les catégories B et C – celles des demandeurs d’emplois dits « en activité réduite », dont le nombre progresse de 95 000 entre avril et mai (+ 4,4 %). Mises bout à bout, les catégories A, B et C maigrissent de 0,6 %, mais représentent tout de même un groupe de près de 6 millions d’hommes et de femmes.

« Pour la seule catégorie A, souligne Eric Heyer, les chiffres sont supérieurs de 200 000 à ceux qui avaient été relevés en décembre 2019. Il y a certes une amélioration par rapport à la poussée du chômage du printemps 2020, mais il faut se garder de tout triomphalisme. D’autant que les difficultés peuvent être masquées par le recours au chômage partiel, qui demeure important avec quelque 2,3 millions de salariés concernés. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Etat-providence percuté de plein fouet par la crise du Covid-19

Professeur associé à l’université d’Aix-Marseille, Gilbert Cette considère, pour sa part, que « la crainte d’un tsunami de faillites et donc d’une augmentation soutenue du chômage est désormais écartée ». « Comme au troisième trimestre 2020, où le rebond avait surpris par sa force, notre économie bénéficie d’une dynamique qui jouera à plein, dès que les pouvoirs publics auront complètement levé le pied sur les contraintes sanitaires », poursuit-il. Désormais, il redoute surtout d’assister à des pénuries croissantes de main-d’œuvre « qui brideraient la reprise » : « Là, le risque est réel », note-t-il.

Réforme de l’assurance-chômage : l’exécutif veut reprendre l’initiative

Emmanuel Macron et le gouvernement n’ont nullement envie de temporiser sur la réforme de l’assurance-chômage, malgré la gifle qu’ils viennent d’essuyer dans ce dossier. Invitée sur BFM-TV, la ministre du travail, Elisabeth Borne, a confirmé, jeudi 24 juin, qu’elle prendra très prochainement des initiatives afin de parvenir à une « application rapide » des dispositions qui viennent d’être suspendues par le Conseil d’État. « On se donne quelques jours pour examiner la façon dont on va pouvoir revenir devant [la plus haute juridiction administrative] », a-t-elle indiqué, sans donner de détails sur la manière de procéder et le calendrier.

Lire aussi Des écarts de 1 à 47 selon les bénéficiaires : la réforme de l’assurance-chômage en six questions

Les propos de Mme Borne retiennent l’attention car ils laissent entrapercevoir un scénario plutôt inattendu. Pour mieux comprendre leur portée, un petit retour en arrière s’impose. Mardi 22 juin, à la suite d’un recours de plusieurs syndicats, le Conseil d’État a ordonné la suspension du mode de calcul de l’allocation-chômage, fixé par un décret du 30 mars qui devait entrer en vigueur le 1er juillet. Cette décision est motivée par le fait que les incertitudes sur le contexte économique empêchent la mise en place, dès le début de cet été, des nouvelles règles, dont le but est de favoriser la stabilité de l’emploi en diminuant l’indemnisation mensuelle des chômeurs « abonnés » aux contrats courts.

« Rassurer sur la situation du marché de l’emploi »

Pour la juge des référés, on ne sait pas comment la crise sanitaire va évoluer et ses incidences sont difficiles à apprécier, s’agissant des entreprises qui embauchent beaucoup de main-d’œuvre sur une base temporaire – dans le commerce et l’hôtellerie-restauration, notamment. Or les paramètres prévus par le décret du 30 mars « pénaliseront de manière significative les salariés de ces secteurs », comme l’a rappelé le Conseil d’État, dans un communiqué. Estimant que ces mesures pourraient être entachées d’une « erreur manifeste d’appréciation » de nature à créer un « doute sérieux sur [leur] légalité », la haute juridiction a considéré qu’elles devaient être gelées. Les magistrats du Palais Royal doivent maintenant procéder à un examen au fond du décret, pour déterminer si celui-ci respecte le droit. Un passage au tamis programmé dans quelques mois – « avant la fin de l’année », assure une source bien placée.

Mais l’exécutif ne veut pas attendre aussi longtemps, comme l’a clairement dit Mme Borne, jeudi. Dès lors, quels sont ses moyens d’agir ? L’entourage de la ministre ne souhaite, à ce stade, livrer aucun détail sur la « stratégie » en cours d’élaboration. Dans l’absolu, le gouvernement a la possibilité de « revenir devant la juge des référés pour lui demander, en invoquant des éléments nouveaux, de revoir sa décision de suspension », explique, de son côté, un fin connaisseur de la justice administrative. « Mais je doute qu’une telle démarche soit admise, complète cette même source, à moins d’une amélioration très très sensible de la situation économique. »

Il vous reste 48.11% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Des conseillers Pôle emploi débarquent sur TikTok

« Ce mariage inattendu, entre l’opérateur public et le réseau social qui rassemble plus de 100 millions d’utilisateurs actifs chaque mois rien qu’en Europe, repose sur des intérêts biens compris. »

« Vous envoyez des CV toute la journée et votre boîte mail est encore vide ? Je vais vous donner trois “tips” [conseils] pour optimiser votre CV ! » Dans cette vidéo sur TikTok, Bouchra, une jeune femme en tenue décontractée, délivre ses conseils pour aider les membres de sa communauté à peaufiner leur candidature.

Format ultracourt, musique rythmée, graphisme percutant… Tous les codes des millénials sont repris dans cette vidéo, qui a recueilli plus de 8 700 « j’aime » sur la nouvelle plate-forme à la mode chez les 13-25 ans. Un style capable de retenir l’attention réputée volatile de ce public, loin du conformisme habituel des agents de Pôle emploi.

Pourtant, Bouchra est bien une conseillère de l’opérateur public, au même titre qu’Alexis ou Camille, de jeunes agents qui alimentent en vidéos le hashtag #missionemploi lancé le 4 juin par l’opérateur sur la plate-forme à l’occasion de la Semaine pour l’emploi.

« Innovant et utile »

Sous ce hashtag, pas de petites annonces, mais des vidéos officielles diffusées par Pôle emploi et ses partenaires, ainsi que des conseils de la communauté des utilisateurs de TikTok pour aider les jeunes dans leur recherche d’emploi ou de formation.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment attirer l’attention des jeunes sur Tiktok, sans se décrédibiliser ? Le dilemme des entreprises

Entre deux tutoriels de maquillage et autres contenus axés sur le divertissement, les utilisateurs de TikTok auront désormais la possibilité de visionner des vidéos sur les secteurs qui recrutent le plus, les aides à l’embauche pour les moins de 26 ans ou encore la promotion de l’alternance.

Ce mariage inattendu, entre l’opérateur public et le réseau social qui rassemble plus de 100 millions d’utilisateurs actifs chaque mois rien qu’en Europe, repose sur des intérêts biens compris. « Ce partenariat avec TikTok, qui est depuis quelque temps la plate-forme créative de référence des jeunes, est à la fois innovant et utile alors que de nombreux jeunes arrivent actuellement sur le marché du travail », fait valoir Misoo Yoon, directrice générale adjointe chargée de l’offre de service chez Pôle emploi, dans un communiqué relatif au lancement de cette campagne.

Lire aussi : TikTok, la déferlante de 2020

Une manière aussi, pour l’opérateur public, de moderniser son image. Sur l’application, le logo de Pôle emploi se fait plutôt discret. Son compte officiel a été créé sous la dénomination @onestlapourvous. Et pour cause : les comptes parodiques dénommés « Pôle Emploi » pullulent déjà sur TikTok… En tout cas, cette opération de séduction orchestrée par l’opérateur fonctionne : le hashtag #missionemploi a déjà occasionné près de 19 millions de vues.

Il vous reste 41.24% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« La solution au problème du financement des retraites passe par une augmentation du taux d’emploi des seniors »

Au Salon pour l'emploi des cadres, à Nantes, en 2013.

Tribune. La France est l’un des derniers pays à maintenir le niveau de vie des retraités par rapport à leur situation en vie active, objectif fixé aux régimes de retraites dans les années 1970 et réalisé depuis la fin des années 1990.

Faut-il renoncer à cet objectif ? C’est ce qu’ont fait la plupart des autres pays européens avec les réformes qu’ils ont introduites, dans les années 1980 en Grande-Bretagne, en 1998 en Suède ou en 2001 en Allemagne. Ces réformes ont renforcé le lien entre durée et montant des cotisations et montant des pensions (contributivité accrue) et retardé l’âge légal de départ à la retraite (fixé à 67 ans ou plus). Elles ont eu pour conséquences une baisse rapide des taux de remplacement (niveau de la pension par rapport au dernier salaire) des retraites publiques obligatoires et un retour de la pauvreté chez les personnes âgées.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Retraites : la piste du recul de l’âge légal étudiée par le gouvernement

En réaction, ces pays ne sont pas revenus sur leur réforme, mais ont, d’une part, amélioré ou mis en place des minimums vieillesse, d’autre part proposé à ceux qui souhaitaient maintenir leur niveau de vie à la retraite d’épargner dans des fonds de pension largement subventionnés par des exemptions fiscales. Mais ce sont surtout les plus aisés qui épargnent pour leur retraite ou ceux qui travaillent dans les grandes entreprises où ont été mis en place des fonds de pension collectifs de groupes ou de branches.

Lire l’entretien : Raymond Soubie : « Reculer l’âge de départ à la retraite est plus une réforme de début de quinquennat que de fin »

Ainsi, partout en Europe, les réformes des retraites ont fait baisser le niveau de vie général des retraités, tout en permettant aux plus riches de tirer leur épingle du jeu, sans pour autant améliorer le sort des femmes, aux carrières plus souvent incomplètes.

Effets délétères

Les nombreuses réformes lancées dans notre pays depuis 1993 ont, elles aussi, accru progressivement la contributivité de notre système de retraites. A partir de 2018, les taux de remplacement ont commencé à baisser (de 3 %). Les projections du Conseil d’orientation des retraites montrent qu’ils vont continuer à baisser. Comme ailleurs, les gouvernements français annoncent une garantie de minimum de pension pour les revenus les plus bas et incitent les plus hauts revenus à épargner (avec des exemptions fiscales plus généreuses qu’ailleurs, sans quasiment de plafonds, ce qui bénéficie surtout aux plus aisés).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La réforme des retraites, une équation insoluble pour le gouvernement

La baisse de revenus des retraités et l’accroissement des inégalités entre eux et entre hommes et femmes auraient été accélérés par la mise en place d’un système à point généralisé sans compensations pour les plus précaires, aux carrières incomplètes. Le gouvernement semble avoir abandonné ce projet, n’envisageant plus que de retarder l’âge de départ à la retraite. Mais cette seule mesure aura, elle aussi, des effets délétères sur les retraites et les inégalités !

Il vous reste 50.02% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Responsabilité sociale et environnementale : repenser le modèle de l’entreprise pour s’adapter au nouveaux enjeux

Par

Publié aujourd’hui à 08h03

Mercredi 26 mai, l’assemblée générale des actionnaires d’ExxonMobil a imposé au conseil d’administration du géant pétrolier trois administrateurs représentant un fonds activiste, Engine No. 1, engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’usage… du pétrole. Et ce malgré l’opposition farouche de la direction, mais grâce à l’appui de fonds de pension et gérants d’actifs tout aussi gigantesques, tels Calpers, BlackRock, Vanguard, etc.

Pour les plus optimistes, cet événement serait, parmi d’autres, la preuve de l’émergence d’un capitalisme « responsable », qui engagerait enfin dans la voie du « bien commun » le monde de la finance et des grandes entreprises, si souvent accusées de majorer leurs profits au bénéfice des actionnaires et aux dépens des équilibres naturels et sociaux. C’est en tout cas le signe qu’au plus haut sommet du capitalisme occidental, la question de savoir si les entreprises peuvent ou non accorder leur stratégie de développement avec les limites d’un modèle d’expansion permanente est clairement posée.

Au XIXe siècle, le socialisme utopique

A vrai dire, la quête d’harmonie entre activité de l’entreprise et besoins de la société n’est pas nouvelle, comme l’observe Frédéric Panni, conservateur du patrimoine au Familistère de Guise (Aisne). Dans la première moitié du XIXe siècle, les pères du socialisme utopique, Saint-Simon, Charles Fourier, Robert Owen, Etienne Cabet, proposaient un monde où la technique et le travail permettent de produire l’abondance de biens qui rendra l’humanité heureuse, mais où le collectif de travail laisserait s’exprimer la créativité et les talents de chaque individu.

Saint-Simon (1760-1825) n’est pas un entrepreneur, mais ses émules, les frères Pereire ou Ferdinand de Lesseps, mèneront sous le Second Empire leurs investissements dans les voies ferrées et les canaux, au nom de la vision sincère d’un monde où relier les hommes et faire circuler les biens assurerait la paix et le bonheur de l’humanité. Robert Owen (1771-1858), lui, est un entrepreneur : il reprend en 1800 en Ecosse la filature de New Lanark et la transforme en coopérative ouvrière. Puis il fonde, aux Etats-Unis, en 1825, la communauté de New Harmony (Indiana), où il n’y a ni salaire ni propriété privée, mais une égalité « parfaite »… sous l’autorité de son leader charismatique, qui publie en 1847 Le Livre du nouveau monde moral, où il expose sa vision de la société future.

Lire aussi (archive de 2005) : Robert Owen, socialiste européen

C’est également aux Etats-Unis que des disciples de Fourier, Owen et Cabet fonderont des communautés agricoles ou industrielles qui appliqueront avec plus ou moins d’ardeur les principes du phalanstère imaginé par Fourier (1772-1837).

Il vous reste 88.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Liquidation de la fonderie MBF Aluminium : une enquête ouverte après des « mouvements de fonds suspects »

Des travailleurs en grève protestent contre un plan social à l’entrée de l’usine de fonderie d’aluminium MBF à Saint-Claude, dans le Jura, le 10 juin 2021.

Une enquête pour « abus de biens sociaux » a été ouverte dans le cadre de la liquidation judiciaire de la fonderie automobile MBF Aluminium, en raison notamment « de mouvements de fonds suspects », a annoncé, jeudi 24 juin, le procureur de la République de Lons-le-Saunier, Lionel Pascal.

« A l’occasion de la procédure devant le tribunal de commerce, il était fait état de mouvements de fonds suspects de la société MBF vers d’autres entités économiques ainsi que de rémunérations non proportionnées aux résultats de l’entreprise et bénéficiant au dirigeant ou à ses proches », a précisé M. Pascal dans un communiqué. Le journal Le Progrès, qui a révélé l’affaire, évoque la somme de 10 millions d’euros piochés dans les caisses de MBF.

Le parquet de Lons-le-Saunier avait ouvert cette enquête dès le mois d’avril, a fait savoir le procureur. « Nous en sommes au niveau des vérifications. » Par rapport aux mouvements de fonds suspects, il faut notamment voir « d’où ils viennent, où ils vont et s’ils ont une raison d’y aller », a-t-il ajouté. Par ailleurs, « une des parties à la procédure a fait état de niveaux de rémunération du dirigeant et de ses proches non proportionnés au résultat de l’entreprise, nous vérifions également », a-t-il poursuivi.

Créée dans l’immédiat après-guerre, la fonderie MBF Aluminium, qui fabrique des carters de moteurs et des pièces de boîte de vitesses, avait été placée en redressement judiciaire au début de novembre, faute de pouvoir rembourser ses dettes. Le tribunal de commerce de Dijon a prononcé, mardi, la liquidation de cette entreprise jurassienne, qui employait 270 salariés.

Lire aussi Dans le Jura, la fonderie MBF Aluminium placée en liquidation judiciaire

« On ne savait pas où l’argent allait »

Sa direction, représentant les actionnaires – le britannique CMV et un entrepreneur italien –, avait été écartée par le tribunal de commerce durant le redressement, avec nomination d’un administrateur judiciaire.

« Des fonds sont partis sous forme de prestations de services dans une holding basée en Angleterre », a déclaré Nail Yalcin, délégué de la Confédération générale du travail (CGT). « On ne savait pas où l’argent allait. Des choses ont été faites, mais on ne sait pas si c’est dans la légalité ou l’illégalité », ajoute-t-il, précisant qu’« il y a déjà eu plusieurs audits réalisés par des cabinets mandatés par le gouvernement ».

M. Yalcin a annoncé que les salariés avaient l’intention de faire appel de la décision de liquidation de l’entreprise. « On va contester la décision de mardi devant la cour d’appel de Dijon et, en parallèle, on travaille à un projet de reprise de la fonderie par les salariés », a-t-il déclaré. Ils ont jusqu’au 4 juillet pour déposer leur recours.

Mardi, le tribunal n’a pas retenu l’unique offre de reprise, portée par l’entrepreneur français Michaël Azoulay, qui prévoyait la reprise d’un peu plus de 200 salariés. Les syndicats ont dénoncé la « passivité » de Renault et PSA (Stellantis), qui étaient les plus gros clients de MBF, et de l’Etat, dont ils espéraient une aide au sauvetage de plusieurs millions d’euros.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Grèves de la faim, blocages, menaces : la situation se tend dans les fonderies automobiles, mobilisées pour leur survie

Le Monde avec AFP

« La polarisation sur le temps court alimente les radicalités et favorise parfois le populisme »

Tribune. La rapidité de l’information permet une plus grande transparence de la vie politique et une plus grande réactivité. En même temps, elle bouscule la démocratie, qui a besoin de temps long. Cette confrontation entre ces deux temps est vitale pour irriguer la démocratie. Le temps long est celui de la prospective, du débat sur les projets ; le temps court, celui de la vie quotidienne des gens, qui ne se programme pas et nécessite des réponses précises et souvent immédiates. Appréhender la complexité de la réalité est encore plus difficile dans une période où le temps court a tendance à ostraciser le temps long.

Le temps court, celui de l’émotion, paraît plus empathique alors que le temps long, plus prospectif, apparaît souvent comme froid et distant. Le temps court permet de se focaliser sur un événement, un sujet d’actualité, d’en décrire la substance, et de créer des dynamiques collectives plus ou moins radicales sur des sujets spécifiques.

Lire aussi l’entretien : Nicole Aubert : « Nos sociétés ont créé des individus à flux tendus »

Le temps long permet d’identifier les contradictions entre les différents sujets qui ont un impact sur la vie en société, et de les appréhender dans toute leur complexité. Les conclusions qui en sont tirées peuvent sembler éloignées des préoccupations immédiates. Elles sont très souvent moins radicales et peuvent sembler un peu molles.

Une polarisation sur le temps court génère une concurrence des causes, alimente des radicalités, et favorise parfois le populisme. A l’inverse, une polarisation sur le temps long peut aussi éloigner du réel et favoriser une autre radicalité, celle d’un monde meilleur fantasmé, dans lequel les contradictions auraient disparu derrière la pureté de l’analyse et un projet bien construit. Toutes les questions qui se posent à nos sociétés – sécurité, santé, retraite, emploi, transition écologique… – sont percutées par ce conflit entre temps court et temps long.

Jusqu’à la caricature

Les politiques dans leur ensemble, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, n’accordent que très peu d’intérêt aux travaux que peuvent réaliser des institutions sur un certain nombre de ces questions, et notamment celles qui réunissent en leur sein la société civile organisée : le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, ou le Conseil d’orientation des retraites.

A la différence de certains rapports émanant de spécialistes, les travaux de ces institutions sont des constructions collectives. Malgré leurs défauts, ils permettent d’appréhender et de penser l’articulation entre temps court et temps long. Ils peuvent être des supports pour associer une plus grande partie de la société aux transformations nécessaires. Pourtant, le réflexe des responsables politiques au pouvoir n’est pas de s’appuyer sur ces travaux et encore moins sur les acteurs qui y ont contribué. Le dossier retraites en a été un bon exemple, jusqu’à la caricature.

Il vous reste 53% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Voyage en utopies économiques

Le livre« C’est lorsque la mer se retire qu’on découvre ceux qui se baignent nus », selon la célèbre formule attribuée à Warren Buffet. Le Covid-19 a enclenché une des pires crises de l’histoire moderne, désarçonnant les grands avocats d’une mondialisation économique permettant une croissance sans fin.

Ce virus n’est « finalement pas grand-chose à côté d’autres virus qui expliquent l’ampleur de la contagion et surtout ses conséquences terribles », estime Jean-Joseph Boillot, qualifiant de virus la mondialisation outrancière dans son modèle de production et de consommation ainsi que le prélèvement excessif sur les ressources de la planète.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Commerce : « Pourquoi la “fatigue de la mondialisation” a saisi les peuples »

Alors que la civilisation industrielle est en crise et que la mondialisation est devenue chaotique, quels modèles économiques peuvent nous aider à penser et pratiquer une nouvelle sagesse pour le XXIe siècle ? s’interroge l’économiste dans Utopies made in monde.

L’ouvrage explore des pistes de renouvellement de la discipline économique « dont il faut dire qu’elle a autant de mal à s’ouvrir à l’hétérodoxie qu’à reconnaître la diversité des trajectoires de développement suivies par chaque pays. » Le livre retient une dizaine d’économistes, « peut-être pas assez connus ou pas assez au centre des débats économiques », ayant proposé un cadre théorique, des concepts, des modèles, qui peuvent fonder une sagesse économique pour l’avenir. « Tous ont en commun de l’avoir expérimentée, d’avoir mouillé leurs chemises, critère ultime de la sagesse pratique. »

La force de l’utopie

Malgré le « caractère parfois un peu ardu des raisonnements », il peut être utile de mieux connaître leurs solutions et leurs modèles pour bâtir une économie de la sagesse. On redécouvre alors Keynes à travers Perspectives économiques pour nos petits-enfants. Dans cet ouvrage, l’économiste expose sa vision d’une économie prospère où les humains, débarrassés des soucis économiques du quotidien, pourraient enfin envisager un art de vivre dans une société de loisirs et d’abondance relative.

L’ouvrage pointe les paradoxes de la globalisation libérale avec l’universitaire turc Dani Rodrik ; on suit le parcours du mathématicien d’origine roumaine Nicholas Georgescu-Roegen, fondateur de la bioéconomie ; et on s’intéresse à l’indice de développement humain imaginé par le philosophe indien Amartya Sen.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La Feuille de paye et le Caddie » : la mondialisation heureuse est-elle possible ?

De l’agroécologie indienne à l’esprit coopératif africain en passant par les montagnes sacrées chinoises jusqu’à son petit village normand, Jean-Joseph Boillot nous entraîne dans sa traversée intellectuelle et géographique. A l’échelle mondiale, l’alternative n’est ni le capitalisme ni le socialisme, mais la réduction ou non des inégalités de développement. « Et cela nécessite clairement de diviser par quatre l’empreinte écologique des pays riches pour permettre un rattrapage des pays pauvres pendant leur transition vers une prospérité neutre au sens bio économique du terme. »

Il vous reste 22.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’éolien en mer commence à créer de nombreux emplois

Fécamp (Seine-Maritime), Le Havre, Cherbourg (Manche), Saint-Brieuc, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)… Les énergies marines renouvelables (éolien, hydrolien…) ont généré 4 859 emplois en France en 2020 et devraient poursuivre sur cette lancée, indique l’Observatoire des énergies de la mer dans son cinquième rapport, mis en ligne mardi 22 juin.

« En 2020, le démarrage des travaux pour la construction des parcs de Saint-Brieuc et de Fécamp s’est additionné à ceux entamés en 2019 pour le parc de Saint-Nazaire, explique l’Observatoire. (…) L’amplification des opérations en mer ainsi que le début des travaux pour le parc de Courseulles-sur-Mer (Calvados) confirmeront cette dynamique en 2021 », année durant laquelle 1 500 emplois devraient être créés.

La plupart de ces postes ont été ouverts chez les industriels fabriquant les équipements, notamment dans les Pays de la Loire, en Normandie et en Ile-de-France. La courbe des investissements est elle aussi ascendante : 1,5 milliard d’euros ont été investis (contre environ 500 millions en 2019) dans une filière qui assure avoir très peu souffert de la crise sanitaire.

« Changement d’échelle » en 2020

« La majorité de la valeur et des emplois issus des projets français sont bien ancrés dans notre pays », se félicite Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster maritime français, à l’origine de la création de l’Observatoire, en 2016, avec le soutien de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Et 29 % de l’activité a été tournée vers l’exportation. Des responsables du secteur redoutaient, en effet, que l’industrie ne suive pas, et que le développement de l’éolien au large des côtes françaises ne profite d’abord à des entreprises produisant hors de l’Hexagone.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La vague de l’éolien en mer renverse la transition énergétique

L’année 2020 marque, selon M. Moncany de Saint-Aignan, « un changement d’échelle ». Cela demande à la filière, dit-il, de « recourir plus encore aux services maritimes et, au-delà, à l’ensemble des entreprises françaises ayant des compétences à proposer ». Aux grands électriciens (EDF, Engie, Iberdrola…) s’ajoutent de puissants industriels (General Electric, Siemens Gamesa…) et des géants des travaux publics, comme Bouygues, ou du naval (Chantiers de l’Atlantique). Mais aussi tout un tissu de PME.

Le secteur mise aussi sur le développement, à partir de 2023, des éoliennes flottantes, notamment en Méditerranée. L’horizon est pourtant loin d’être dégagé. L’éolien terrestre et maritime ne recueille pas l’unanimité, le Rassemblement national ayant même fait du combat contre cette source d’énergie un thème de sa campagne aux dernières régionales. Les responsables de la filière s’en sont inquiétés, mardi, lors des 7es Assises nationales des énergies marines renouvelables.

Il vous reste 35.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.