S’il salue l’action globale du gouvernement, le président de l’organisation patronale qui organise mercredi l’université d’été de son mouvement, estime que la crise sociale soulevée par les « gilets jaunes » persiste « en profondeur ».
A la tête du Medef depuis un an, Geoffroy Roux de Bézieux fait sa rentrée, mercredi 28 août, lors de l’université d’été de l’organisation patronale. Rebaptisé « La rencontre des entrepreneurs de France » (La REF), l’événement se tient cette année à l’hippodrome Paris-Longchamp sur deux jours et réunira, entre autres, la ministre du travail Muriel Pénicaud, l’ex-président de la République Nicolas Sarkozy, la fondatrice du magazine Causeur Elisabeth Lévy ou encore Jacline Mouraud, l’une des initiatrices des « gilets jaunes ».
Pourquoi un casting aussi hétéroclite ?
L’idée est de se préoccuper de sujets qui, certes, ne forment pas le quotidien de tous les patrons, mais qui un jour ou l’autre affecteront leur activité, comme la démographie, l’immigration, l’alimentation ou la pauvreté… La REF est le symbole d’un Medef plus ouvert aux débats de société et à la société elle-même. Notre volonté a été de renouer avec le débat démocratique en invitant des politiques, des artistes, des intellectuels qui ne pensent pas comme nous.
Regrettez-vous l’invitation, finalement annulée en juin, faite à Marion Maréchal ?
Non, cela s’inscrivait dans cette idée de débattre avec des gens avec lesquels nous ne sommes pas d’accord. Mais à partir du moment où elle a été vue comme une tribune offerte à Marion Maréchal, comme si c’était sa rentrée politique, ce n’était plus possible. Elle n’était qu’une invitée qui devait débattre avec d’autres du populisme.
Il est positif, même si les signaux économiques s’avèrent contradictoires, entre des indicateurs corrects en France et une inquiétude sur le plan international. Sur ce dernier point, je suis convaincu qu’une défaite de Donald Trump en 2020 ne changerait en rien la trajectoire de confrontation entre les Etats-Unis et la Chine pour le leadership mondial. Nous sommes entrés pour plusieurs années au cœur d’une guerre froide économique où le consensus pour soutenir la croissance mondiale a volé en éclats. L’Amérique pense qu’elle peut se suffire à elle-même grâce à une forte croissance domestique, tirée par des incitations fiscales. L’Europe est l’espace qui a le plus à souffrir de ce nouvel ordre mondial car elle reste la plus dépendante aux exportations, au moment où elle est déjà confrontée à la sortie du Royaume-Uni.
Pourtant la croissance française tient…
A court terme, oui. La France est moins exportatrice que l’Allemagne, par exemple, et nous bénéficions des efforts réalisés ces dernières années, entre le pacte de responsabilité de 2015 et les réformes du marché du travail en 2017. Le climat des affaires reste favorable, le gouvernement faisant globalement confiance aux chefs d’entreprise, même s’il a parfois des injonctions contradictoires. L’objectif de 7 % de taux de chômage apparaît désormais crédible. Certes, cela n’empêche pas les problèmes. Même si les inégalités réelles sont moindres en France qu’ailleurs à cause du système redistributif, le sentiment d’inégalité se révèle élevé, comme l’a prouvé le mouvement des « gilets jaunes ». La bonne nouvelle pour nous, c’est qu’il n’a pas remis en cause l’agenda de réformes du gouvernement.
Entrepreneur et militant associatif, Franck Renaudin accuse, dans une tribune au « Monde », les grandes sociétés de cacher sous le discours de la « responsabilité sociale » l’absence d’un véritable changement de modèle économique.
Publié aujourd’hui à 08h53Temps de Lecture 4 min.
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Tribune. Dans l’histoire de l’humanité, autant de responsabilités auront-elles jamais pesé sur les épaules de quelques hommes et femmes ? Ces épaules, ce sont celles des actionnaires et dirigeants de grandes entreprises : ils sont la courroie de transmission d’un système qui a atteint les limites de la biosphère terrestre. Mais ils ne donnent pas le sentiment d’avoir compris l’urgence de le réformer en profondeur.
Quand on les interroge sur leur compréhension des menaces qui pèsent sur notre planète, leurs discours sont toujours rassurants. Bien sûr, ils agissent pour un meilleur respect de l’environnement ! Bien sûr, leur entreprise est socialement responsable, et ils peuvent nous en donner maintes illustrations. Leurs pratiques sont plus transparentes, leurs fournisseurs sont passés au crible d’un cahier des charges exigeant, ils recrutent des personnes en situation de handicap ou en réinsertion, ils pratiquent la compensation carbone.
Pillage
Mais, rarement, ils remettent en cause leur cœur de métier et leur modèle économique, quand bien même ceux-ci contribuent au pillage des ressources de notre planète.
Sur la question des approvisionnements, les entreprises s’abritent derrière des certifications dites responsables, qui n’ont de responsable que le nom ! Elles donnent bonne conscience aux acteurs qui disposent des moyens d’en financer le surcoût, et ne règlent en rien le problème majeur : cette pression croissante sur des écosystèmes à bout de souffle.
L’heure n’est plus à la conquête de parts de marché
Que d’industriels ou de start-up font l’éloge d’avancées technologiques qui permettent de proposer, à moindre coût, des produits plus performants et accessibles à tous. Quitte à générer ainsi une demande exponentielle impactant négativement ces écosystèmes !
On continue à nous vendre du rêve, du superflu, de l’obsolescence programmée. Ces acteurs de l’économie ont-ils compris qu’il n’y a qu’un seul combat qui vaille : celui de la survie de l’humanité tout entière, unie contre la destruction d’une grande partie des espèces vivantes ? L’heure n’est plus à la conquête de parts de marché. Elle est à la remise en cause profonde et immédiate de notre modèle économique !
Un premier pas, trop isolé
Si ces dirigeants et actionnaires étaient conscients de l’urgence de sortir de cette boulimie prédatrice, et sincères dans cette quête d’un monde durable, ils seraient les premiers à incarner une meilleure répartition des richesses. Or en 2018, les patrons du CAC 40 ont gagné en moyenne 306 fois le smic, triste record…
L’avocat, dans une tribune au « Monde », rappelle que la maximisation de la valeur actionnariale, fruit d’une idéologie économique, n’a jamais été inscrite dans le droit des sociétés, ni aux Etats-Unis ni en France.
Publié aujourd’hui à 06h30Temps de Lecture 4 min.
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Tribune. Des dirigeants d’entreprises membres de la Business Round Table (BRT),qui réunit près de 200 sociétés dont le chiffre d’affaires combiné atteint 7 000 milliards dedollars (6 317 milliards d’euros), ont signé le 19 août une « Déclaration sur les fins de l’entreprise » dans laquelle ils s’engagent à fournir de la « valeur à leurs clients », à « investir dans leurs salariés », à « traiter éthiquement et de façon juste leurs fournisseurs », à « soutenir les communautés dans lesquelles elles travaillent » et à « protéger l’environnement et générer de la valeur à long terme pour les actionnaires ». Cela ne mange pas (trop) de pain, et on supposera généreusement qu’il fallait faire basique pour rassembler.
Cette déclaration intervient alors que les disparités de revenus n’ont jamais été aussi élevées et que le bouleversement climatique fait partie de notre réalité quotidienne. Face aux nuages qui s’accumulent, aux menaces de régulations brandies par les démocrates, et à une probable récession dans les mois à venir, le moment était probablement venu de changer de religion : le revirement est majeur pour la BRT, puisque sa « déclaration sur la gouvernance d’entreprise » de 1997 préconisait au contraire de maximiser la richesse des actionnaires.
Encore plus en loin en arrière dans le temps !
Pourtant, cette déclaration ne fait rien d’autre que nous ramener encore plus en loin en arrière dans le temps ! La BRT a procédé à de nombreuses consultations pendant près d’un an. Elle aurait mieux fait de consulter ses archives. En 1981, elle avait publié une brochure de 14 pages intitulée « Déclaration sur la responsabilité d’entreprise » dont le paragraphe conclusif affirmait que « les responsabilités d’une entreprise mettent en jeu la manière avec laquelle elle est gérée au quotidien. Il faut qu’elle se comporte en institution réfléchie qui s’élève au-dessus des considérations de rentabilité pour prendre en compte l’impact de son action sur tous, des actionnaires à la société dans son ensemble. Ses activités entrepreneuriales doivent avoir un sens social tout comme ses activités sociales doivent avoir un sens économique ».
La Cour de justice de l’Union européenne a condamné une compagnie aérienne à dédommager deux voyageurs qui avaient subi des retenues sur salaire à la suite du retard d’un avion.
Alors que les vacanciers se pressent dans les halls d’embarquement des aéroports pour reprendre le travail, voilà une nouvelle qui pourra les intéresser. Dans un arrêt récent, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné une compagnie aérienne à indemniser deux de ses passagers, non seulement en raison du retard de leur vol, mais aussi pour la perte de salaire qu’ils ont subie à la suite de jours de travail manqués.
De nationalité roumaine, ces voyageurs avaient réservé deux billets d’avion en septembre 2016 auprès de la compagnie Blue Air pour rejoindre Londres, où ils travaillent. A l’aéroport, ils apprennent que leur embarquement est annulé, faute de sièges disponibles. Les deux passagers ont été réacheminés sur un autre vol assuré par Blue Air seulement quatre jours après, alors qu’ils devaient reprendre le travail bien avant.
En guise de compensation, Blue Air leur a offert une indemnité de 400 euros par personne, conformément au droit européen. En effet, le règlement n° 261/2004 prévoit que les passagers d’un vol au départ ou à destination d’un aéroport européen ont droit à une indemnisation en cas de vol annulé ou retardé allant de 250 à 600 euros selon la distance, sauf en cas de circonstance exceptionnelle (conditions météorologiques, attentat…).
Mais les requérants ont estimé que leur préjudice dépassait largement le montant de cette compensation. En effet, ils n’ont pas pu honorer leurs engagements professionnels à la suite de leur retard, ce qui leur a occasionné des retenues de salaire. Une procédure de licenciement, qui s’est finalement soldée par un blâme, a même été ouverte à l’encontre de l’un d’entre eux.
Les deux passagers ont alors saisi la justice roumaine, mais le tribunal de première instance de Bacău a rejeté leur demande d’indemnisation complémentaire au titre du préjudice professionnel. Le couple a fait appel devant le tribunal de grande instance, qui a décidé de s’en remettre à la Cour européenne de justice.
Obligation d’information
La plus haute juridiction de l’Union européenne en matière de droit a finalement donné raison aux deux passagers. « Une telle perte de salaire doit être considérée comme un préjudice pouvant faire l’objet de l’indemnisation complémentaire [elle s’ajoute à l’indemnité forfaitaire dont peuvent bénéficier tous les passagers victimes d’un retard de vol ]», a tranché la CJUE.
« Un pompier qui rentre en disant : “Aujourd’hui, je ne me suis pas fait insulter”, ça n’existe plus. » Comme la plupart de ses collègues, Sébastien Delavoux, pompier et membre de la Confédération générale du travail (CGT) des services départementaux d’incendie et de secours, en a ras le bol. En grève depuis le 26 juin (mais tenus d’assurer un service minimal), les soldats du feu veulent attirer l’attention sur le manque de moyens et la hausse des agressions à leur encontre. Entre 2008 et 2017, le taux d’agressions déclarées a en effet augmenté de 213 % d’après l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales ; un chiffre impressionnant qui ne différencie cependant pas les crachats des coups de couteau. « Les violences sont de plus en plus déclarées » à la police, ce qui les rend plus visibles, tempère Quentin de Veylder, pompier professionnel à Roubaix et membre de la CGT, deuxième syndicat chez les sapeurs-pompiers. Pour autant, les pompiers que nous avons interrogés sont unanimes : ces attaques sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes.
« Il y a dix ans, les violences étaient limitées aux zones urbaines sensibles, mais aujourd’hui il y en a même en Lozère ! »
« Un jour, on est intervenus sur un feu de voiture et des personnes nous ont balancé une machine à laver du 10 ou 11e étage ! », rapporte à titre d’exemple M. Veylder. L’agression n’a fait aucun blessé car les soldats du feu étaient à l’affût, habitués à des violences dans certains quartiers et dans certaines circonstances difficiles, comme lors d’émeutes urbaines. Mais ces situations se généralisent. « Il y a dix ans, les violences étaient limitées aux zones urbaines sensibles mais aujourd’hui il y en a même en Lozère ! », s’indigne à son tour André Goretti, président de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers de France, premier syndicat de la profession.
L’adjudant-chef Jérôme Cailleau, pompier professionnel dans l’Essonne depuis 1997 confirme : « Les violences existaient mais elles prennent de l’ampleur. Récemment, je me suis surpris à remercier les gens qui agissent normalement. C’est là qu’on voit qu’il y a un vrai problème. » En novembre 2018, il part en intervention pour un feu de voiture dans un parking aérien. Alors qu’ils évacuent des personnes, un homme les insulte et leur crache au visage. « J’ai essayé de le calmer, mais ça n’a pas marché. Il s’est baissé et m’a mis un coup de boule dans la pommette, juste sous le casque », relate-t-il. Victime d’une névralgie et d’une infection, Jérôme Cailleau fait un malaise chez lui le lendemain.
Pour les pompiers interrogés, cette hausse des violences est la conséquence de plusieurs dysfonctionnements. « Le système est essoufflé parce qu’on doit assumer des missions qui ne sont pas les nôtres. Il faut trouver quelqu’un et ce quelqu’un, c’est systématiquement les pompiers », dit en soupirant Sébastien Delavoux.
Avec seulement 16 % de professionnels, les pompiers sont logiquement moins touchés par les économies gouvernementales et une large partie de leur mission de secours repose donc sur les volontaires, qui composent 80 % du corps de métier – les 4 % restant étant les 12 500 pompiers militaires de Paris et de Marseille.
Bien souvent, les soldats du feu ont donc la sensation de devoir pallier le manque d’effectifs de leurs collègues policiers… qu’ils doivent pourtant appeler en renfort quand la situation est dangereuse. « Quatre-vingt-dix pour cent du temps, les policiers arrivent après nous… Quand ils arrivent », lâche André Goretti. Un constat que partage Quentin de Veylder, qui dénonce le manque d’effectifs policiers dans sa ville de près de 100 000 habitants : « A Roubaix, la nuit, les policiers ne sont parfois que quatre, soit une patrouille seulement ! »
« Chacun son métier, je suis pompier, pas policier ou judoka. Pendant qu’on doit se battre avec des gens, on ne remplit pas notre mission principale »
A cause du manque d’effectifs policiers, les sapeurs-pompiers se retrouvent régulièrement à devoir gérer des cas d’ivresse sur la voie publique, de rixe, de patient psychologiquement instable ou encore de violences conjugales. Des situations explosives et difficiles à appréhender, surtout qu’en cas de déplacement en ambulance, leurs tenues – polo et pantalon – ne les protègent pas des violences. André Goretti se souvient d’une intervention où ils étaient venus secourir une femme battue : « Le mari n’a pas apprécié et un de mes collègues s’est pris une châtaigne. »Une situation similaire avait été médiatisée en 2017 quand quatre frères ont attaqué avec des barres en fer et des marteaux une équipe qui tentait de secourir une jeune femme, étranglée par son ex-compagnon. Les pompiers ne sont pas toujours correctement formés à ces missions, qui ne sont, originellement, pas dans leurs prérogatives.
Manque de respect quotidien
Pour tenter d’éviter des accidents dramatiques, les casernes s’organisent. Dans le Val-d’Oise, neuf d’entre elles vont doter leurs équipes de caméras piétons pour une expérimentation dès septembre et, dans d’autres départements, les soldats du feu prennent des cours de self-défense. Des mesures qui ne font pas l’unanimité. « Chacun son métier, je suis pompier, pas policier ou judoka. Pendant qu’on doit se battre avec des gens, on ne remplit pas notre mission principale », s’agace Quentin De Delveyre, qui préconise plus de moyens pour sa profession mais aussi pour le milieu médical.
« Avec la désertification médicale, quand quelqu’un appelle le 15, le SAMU ne trouve pas de médecin de nuit. Alors au bout d’une heure, une heure trente, le SAMU nous sollicite. Le temps qu’on arrive, les gens sont épuisés par le délai. Souvent, les violences verbales viennent de là », explique André Goretti. Arrivés aux urgences – autre service public en grève –, le problème continue à cause du manque de lits, éreintant des patients déjà à bout de nerfs.
Les incivilités se multiplient à leur égard alors qu’eux se voient justement comme « le dernier rempart face à la détresse »
Outre les dysfonctionnements, « les pompiers ont la sensation de ne jamais être respectés », affirme Sébastien Delavoux. Les incivilités se multiplient à leur égard alors qu’eux se voient justement comme « le dernier rempart face à la détresse ». « On ne nous laisse plus passer avec le camion quand on intervient, les gens nous font des doigts d’honneur », dit en soupirant Jérôme Cailleau, qui admet ne plus « écrire la plaque pour porter plainte », trop habitué à ces comportements.
Dans un rire jaune, il relate le dernier épisode en date : « Il y a trois jours, on est intervenus pour une crise cardiaque dans un magasin. Une dame nous a engueulés parce qu’elle voulait des citrons et qu’on était dans le passage en train de faire un massage cardiaque. » Pour l’adjudant-chef, « la violence des gens est inversement proportionnelle à leur exigence » et plus les pompiers se démènent pour être à la disposition de la population, plus la population semble croire qu’ils sont « corvéables à merci ». Un dévouement qui risque de se raréfier, car, pour la première fois en 2018, le concours de professionnalisation des pompiers proposait plus de places que de candidats.
Les pompiers en grève, une souffrance invisible
85 % des 40 500 pompiers professionnels de France étaient signataires du préavis de grève envoyé le 25 juin au ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. Ils demandent notamment un « recrutement massif » pour combler les besoins et « une revalorisation de la prime de feu à 28 % », comme la prime de risque des gardiens de la paix. Aujourd’hui, la prime de feu, qui n’a pas été revalorisée depuis 1990, représente 19 % de leur rémunération brute, hors indemnités. Epuisés, ils voudraient aussi que leurs gardes soient de douze heures au lieu de vingt-quatre heures (payées dix-sept).
Cette grève est passée relativement inaperçue au cœur de l’été car, comme le personnel hospitalier, les pompiers sont tenus à une obligation de service minimum. Comme aux urgences, les grévistes ont dû se contenter de brassards « En grève » et d’actions surtout symboliques comme des inscriptions sur les camions et les murs des casernes.
Interrogé à ce sujet à l’occasion du G7, le ministre de l’intérieur s’est défaussé sur les collectivités locales. Ce sont les services départementaux d’incendie et de secours « qui les payent, ce sont les départements et les communes qui les payent, donc il n’est pas question pour moi de décider pour le compte d’autres qui sont parfaitement légitimes », a tranché le ministre. Les syndicats dénoncent cette rhétorique et accusent les départements et le ministère de se renvoyer la balle depuis des années.
BP2S va perdre 20 % de ses effectifs dans l’Hexagone d’ici à 2021. Le groupe empresse les transferts de postes vers des pays à moindres coûts salariaux, surtout en Portugal.
La chasse aux économies, à l’œuvre dans toutes banques européennes, ne va pas consommer les salariés de BNP Paribas. La banque avait d’ailleurs envoyé des signaux en ce sens en début d’année, à l’occasion de la présentation de ses comptes annuels. Après avoir annoncé, le 6 février, des résultats en repli et l’exigence de revoir à la baisse une partie des objectifs financiers de son plan stratégique à l’horizon 2020, BNP Paribas avait promis un programme de diminution de coûts de plusieurs centaines de millions d’euros.
C’est dans cette situation que le groupe a prévenu, au niveau interne, une importante diminution des effectifs implantés en France de sa filiale BP2S (BNP Paribas Securities Services). Cette entité joue le rôle de banque des investisseurs institutionnels – gestionnaires de fonds, assureurs, fonds souverains, fonds de pension, banques et entreprises. Le métier demeure amplement inconnu du grand public, mais il sous-tend les investissements de ces mastodontes, en assurant la gestion de leurs comptes titres, en conservant leurs actifs et en traitant leurs opérations, après la négociation de leurs transactions sur les marchés.
Questionnée, la banque relate vouloir avertir la compétitivité de BP2S, « confrontée à une pression concurrentielle mondiale accrue et à un contexte de taux bas »
Sur ce créneau, BNP Paribas prétend le rang de cinquième acteur mondial, et de « premier non américain », avec près de 13 000 milliards d’euros d’actifs en prestance et sous administration. Le groupe a pourtant décidé de remodeler cette activité dans l’Hexagone. Le programme « Diamond » (« diamant ») pressent de passer de 2 531 postes fin 2018, à une fourchette comprise entre 1 985 et 2 085 collaborateurs en 2021, soit une réduction de 446 à 546 postes en trois ans, et donc une baisse d’environ 20 % des effectifs, selon un document dont Le Monde a obtenu copie. Les salariés ont été prévenus à l’issue d’un comité d’entreprise qui s’est tenu le 5 juin.
Dans un message qui leur a été envoyé, la direction affection que « cette évolution des effectifs en France est rendue essentiel par la forte pression sur notre accordeur d’exploitation [cet indicateur mesure la part des gains réalisés par l’établissement absorbée par les coûts fixes] et le durcissement des conditions de marché ». Consultée, la banque exprime vouloir préserver la compétitivité de BP2S, « confrontée à une pression concurrentielle mondiale accrue et à un contexte de taux bas ».
Professeure titulaire de la chaire de gestion Joseph C. Wilson à la Harvard Business School et de la chaire d’innovation sociale Alan L. Gleitsman à la Harvard Kennedy School
La professeure Joseph C. Wilson de Harvard salue le « changement de discours » des patrons américains après la tribune publiée le 19 août dans le « New York Times » déclrant l’abandon de la priorité donnée aux actionnaires, mais compte les conditions d’une mise en pratique de ce discours dans la réalité.
Il aura donc fallu espérer plus de dix ans après la crise de 2007 pour que les chefs d’entreprises américains remettent en cause le principe de la poursuite de la maximisation de la valeur pour les seuls actionnaires, et saisissent emplacement en faveur d’une transformation de paradigme.
Les responsables membres de la puissante Business Roundtable, qui rassemble 193 des plus grandes entreprises américaines, utilisant à elles seules plus de 15 millions de personnes, ont cosigné un nouveau texte sur le rôle et la mission des entreprises, publié dans le New York Times du 19 août, témoignant que ces dernières doivent servir non uniquement les intérêts de leurs actionnaires sur le long terme, mais aussi ceux de leurs employés, de leurs fournisseurs, et plus entièrement de la société (« Statement on the Purpose of a Corporation », voir lien PDF). Les 181 PDG signataires déclarent partager un « engagement fort auprès de toutes les parties prenantes de leurs entreprises », assurant ainsi la rupture par rapport au système jusqu’ici dominant.
Voilà en effet actuellement près d’un demi-siècle que le monde des affaires américain est arrangé autour du principe de maximisation de la valeur pour les actionnaires. L’un des nombreux porte-drapeaux de cette approche, l’économiste Milton Friedman, avait participé à justifier l’inéluctabilité de cette logique en clamant que la responsabilité sociale des entreprises était de maximiser leurs profits. Mais les économistes adeptes de Friedman sont loin d’être les seuls à avoir favorisé l’avènement de ce principe : les membres de la Business Roundtable ont eux aussi par le passé joué un rôle important dans son maintien.
L’annonce a eu l’effet d’un coup de tonnerre et suscité deux types de réactions très opposées.
Les uns fêtent déjà l’avènement d’un nouveau système économique plus juste, humain, et respectueux de l’environnement, tandis que d’autres fustigent une nouvelle tentative de perfectionnement de l’image des grandes entreprises, qui aspirent vouloir changer leur approche, mais continuent de poursuivre au quotidien leur quête effrénée du profit.
Pas de plan d’action tangible
Un tel dualisme est stérile au moment où se joue l’avenir de notre système économique et social. S’il faut se réjouir de ce transformation de discours, qui ouvre la porte à une possible refonte du modèle capitaliste et du rôle des entreprises dans la société, deux questions doivent néanmoins être posées : pourquoi une telle transformation maintenant ? Et sera-t-il suivi d’actions ?
« C’est bon, tu l’as ! » Lorsqu’elle saisit ces mots, Anaïs de la Pallière n’en croit pas ses oreilles. Elle fait quelques pas de danse puis pleure de joie : elle est perçue à l’école du barreau. « Je ne me doutais pas que la partie était encore loin d’être gagnée et que le désenchantement n’allait pas tarder », écrit-elle dans La Face cachée de la robe. Dans son livre, l’avocate du barreau de Paris décrit les pièges, les déceptions et les mensonges auxquels les jeunes avocats et les jeunes avocates sont comparés. « Harcèlement moral, sexuel, violence verbale, pression du chiffre, humiliation, intimidation, temps de travail à rallonge, salaire dérisoire au regard du niveau d’études, du travail fourni et de la valeur directement créée, rien ne fait défaut dans une profession où la vocation première devrait être la défense de l’autre. »
Selon le rapport sur l’avenir de la profession effectué par Me Kami Haeri, le nombre d’avocats en Hexagone a plus que doublé en vingt-trois ans. La rivalité est rude. Un tiers des nouvelles recrues quittent la robe durant les cinq premières années d’exercice. Les données du rapport « mettent en relief certains éléments développés dans cet ouvrage et notamment le fort décalage entre la vision de la profession telle qu’on l’imagine et la réalité de son exercice découvert tardivement, dans la souffrance », déclare Anaïs de la Pallière, qui déplore néanmoins que le rapport « n’évoque que très peu la véritable situation des avocats collaborateurs, le cœur même du sujet qui a motivé ce récit. »
Besoin de trouver sans cesse de nouveaux clients pour retenir le chiffre d’affaires et la survie de l’activité du cabinet, inégalité entre le travail véritablement fourni et le retour sur investissement : l’ouvrage décrit la vie d’un collaborateur de cabinet. « Etre avocat, c’est faire de lourds sacrifices. On passe ses journées voire ses nuits au cabinet, on n’a plus de temps à consacrer à sa vie personnelle, car on essaie de construire sa carrière, mais l’édifice est très bancal, les bases ont été viciées. Puis on se heurte à des attitudes inadmissibles qui ajoutent une pression insoutenable. On a l’impression que l’on vit dans un monde au-dessus des lois, parce que nos protections sont quasi nulles. (…) Il n’y a pas de prud’hommes pour régler les litiges, il n’y a pas de chômage en back-up. Il n’y a que la justice de l’Ordre, celle du bâtonnier et de ses pairs. Dès lors, certains se croient au-dessus de tout. On ose nous dire dans certains cabinets ce que l’on n’oserait jamais dire à un salarié. »
La Business Roundtable, qui réunit 188 PDG, a approuvé, lundi, une récente définition de l’objet de l’entreprise, qui ne se défini plus au profit et aux actionnaires. Stratégie politique ou transformation culturel ?
Les PDG américains ont « tué le père », lundi 19 août. Ou plutôt Milton Friedman (1912-2006), lauréat Nobel d’économie 1976, patron de l’école économique de Chicago, qui avait établi, dès 1970, le cap de la révolution reaganienne à venir. « La responsabilité d’une entreprise, c’est d’augmenter ses profits », avait mentionné Milton Friedman dans un article célèbre édité le 13 septembre 1970, en une période inflationniste où les manageurs avaient oublié d’avoir des affaires avantageux et spécifiaient leurs vastes bureaux à la rémunération de l’actionnaire. Fin de partie, un demi-siècle plus tard, sifflée sous l’égide du patron de JP Morgan, Jamie Dimon, patron de la Business Roundtable (BRT), qui rassemble 188 PDG américains. La définition de l’objet de l’entreprise a été fortement modifiée par la BRT.
« Nous nous engageons à : apporter de la valeur à nos clients (…) ; investir dans nos salariés. Cela commence avec une rétribution équitable et des prestations importantes [par exemple, de santé ou de formation] ; traiter de manière appropriée et éthique nos fournisseurs (…) ; soutenir les communautés dans lesquelles nous travaillons. Nous estimons les gens de nos communautés et protégeons l’environnement en choisissant des pratiques durables ; générer de la valeur à long terme pour nos actionnaires, qui fournissent le capital qui permet aux entreprises d’investir, de croître et d’innover », détaille le communiqué publié lundi, qui conclut : « Chacune de nos parties prenantes [stakeholders] est décisive. »
Rupture majeure
La séparation est majeure. La dernière version de la « bible patronale » avait été consignée en 1997 sous Bill Clinton, en plein triomphe des actionnaires, des introductions en Bourse et de l’universalisation heureuse. « Selon la BRT, le devoir suprême du management et du conseil d’administration est envers les actionnaires de l’entreprise. L’intérêt des autres parties prenantes est pertinent, mais elle découle du devoir envers les actionnaires. L’idée que le conseil doit équilibrer le rôle des autres parties prenantes est une exposition essentiellement fausse du rôle du conseil d’administration. Il s’agit, d’ailleurs, d’un concept inabordable car il laisserait le conseil sans outil pour régler les conflits d’intérêts entre les différentes parties prenantes », écrivait alors le patronat.
Devant à une crise sans antécédent et aux transformations des habitudes des clients, plus sensibles aux bonnes affaires, le groupe Carrefour s’apprête à importer en France son enseigne discount Supeco, née en Espagne.
Mesurés aux changements des habitudes de consommation, les groupes de distribution alimentaires sont à la requête d’un nouveau modèle. Un an à peine après avoir entouré tout le réseau des anciens magasins de hard-discount Dia, Carrefour s’apprête ainsi à réessayer, en septembre, l’aventure du commerce à prix bas.
Il va introduire en France Supeco – contraction de « supermercado economico », supermarché économique –, son enseigne de supermarché discount originaire d’Espagne, avec ses façades jaunes et ses écritures noires. « Ce sera un concept adapté au marché français, avec un modèle hybride, entre le supermarché traditionnel et le cash & carry [point de vente en gros ] qui associe des prix bas avec des bons produits », témoigne un porte-parole de Carrefour au Monde, confirmant une information d’Olivier Dauvers, observateur spécialiste de la grande distribution.
Initié en Espagne en 2012, Supeco s’est emporté d’Atacadao, l’enseigne brésilienne de cash & carry rachetée en 2007 et devenue l’une des pépites du groupe en Amérique latine. Supeco s’est graduellement implanté en Europe : en Roumanie en 2014, puis en Pologne (2016) et en Italie (2017)… pour atteindre 41 magasins (23 en Espagne, 15 en Roumanie, 1 en Italie et 2 en Pologne). En Afrique, Carrefour a lié un contrat de franchise avec CFAO, leader local de la distribution, qui l’exploite sous forme de plus petits magasins.
Dans de nombreux pays, Supeco doit son succès à un aménagement minimaliste avec des produits présentés sur palette comme dans un entrepôt – symbole de prix bas –, mais aussi à un modèle de double affichage des prix de vente – prix unitaire et prix spécifique pour des achats en grande quantité – pour éprouver les consommateurs en quête de bons plans.
« Des prix imbattables »
En France, le magasin correspondra davantage à Lidl ou Aldi qu’à un véritable entrepôt : un document interne montre un agencement minimaliste et aéré, des « tables d’arrivages » exposant chaque semaine des stocks de bonnes affaires, des produits de marque Carrefour et des marques nationales issues de circuits de déstockage… Le tout complété d’innovations technologiques simplifiant la phase de levée. « Une perception de qualité et des prix imbattables », pour toucher trois types de consommateurs selon ce document : la clientèle à budget serré en quête du meilleur prix et de chasses aux trésors, celle qui recherche un meilleur rapport qualité-prix et un gain de temps, et enfin les « promovores », éprouvés par les arrivages de bonnes affaires sur les produits de marques nationales.