La médecine du travail face caméra : les limites de la téléconsultation

« C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. »
« C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. » Hervé de Gueltzl / Photononstop

C’est une petite révolution pour la médecine du travail du Loiret. D’ici quelques semaines, certains rendez-vous médicaux se feront par téléconsultation. Aux côtés d’une infirmière, les salariés concernés échangeront par écrans interposés avec un médecin situé à une soixantaine de kilomètres de distance. Chargée de cette expérimentation au sein du Comité interentreprise d’hygiène du Loiret (CIHL), la médecin du travail Isabelle Lepetit assurera ces consultations depuis Orléans.

« A l’origine de ce dispositif, il y a bien sûr le déficit important de temps médical dans certaines zones rurales du département », explique-t-elle. Un déficit qui découle de la diminution continue des effectifs en médecine du travail, tout particulièrement dans les territoires les moins peuplés. Dans de nombreuses régions à travers la France, on manque de professionnels de santé et la présence de quelques médecins retraités reprenant du service ne change guère la donne. Quant aux professionnels étrangers, qui représentent parfois la majorité des recrutements, « ils n’ont souvent pas d’expérience de la médecine du travail et doivent donc être formés avant de pouvoir intervenir et encadrer des équipes pluridisciplinaires », poursuit Mme Lepetit.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Face au malaise des enseignants, les médecins du travail se font rares

C’est donc pour tenter de lutter contre cette pénurie de médecins que des réflexions se multiplient, dans le Loiret comme ailleurs, sur la mise en place de téléconsultations médicales. « Nous n’en sommes qu’aux balbutiements mais le potentiel de développement est considérable au vu des problématiques de démographie médicale », reconnaît Catherine Pinchaut, chargée des questions de santé au travail à la CFDT. Un développement que le rapport Lecocq sur la santé au travail (« Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », août 2018) a justement appelé de ses vœux, afin de « répondre aux disparités territoriales ».

De nombreuses interrogations

La médecine du travail devant la caméra : c’est déjà une réalité dans l’Oise. Micro-casque sur les oreilles, Muriel Legent mène régulièrement des consultations via ses deux écrans. Depuis 2019, son service de santé au travail, Médisis, propose des visites à distance aux caristes intérimaires qui ont l’obligation de passer devant le médecin avant la prise de poste. « S’ils n’ont pas de visite, ils n’ont pas d’emploi », résume-t-elle.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Assurances : comment alléger la facture

Or, comme dans le Loiret, les centres médicaux en zone rurale ont, dans l’Oise, des difficultés à répondre à toutes les demandes. Certains intérimaires doivent donc se déplacer à Beauvais pour effectuer leur visite. « Mais l’expérience montre que lorsqu’on annonce qu’il faudra faire deux heures de route pour rencontrer un médecin, certains d’entre eux ne viennent pas », explique Olivier Hardouin, directeur général de Médisis.

Le harcèlement managérial mieux cerné

« Rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité. »
« Rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité. » Ingram / Photononstop

Avis d’expert « Droit social ». Le harcèlement managérial étant hiérarchiquement transmissible, il n’est pas étonnant qu’un juge pénal soit appelé à se prononcer sur la responsabilité personnelle des véritables décideurs. Et rien de nouveau dans le constat qu’un acte managérial banal puisse constituer un délit pénal : ainsi d’une discrimination sur le sexe, ou l’appartenance syndicale lors d’une mobilité.

Plus délicat : dans le western qu’est devenue la vie des grandes entreprises soumises à une féroce concurrence, comment séparer, particulièrement en cas d’urgence, les actes managériaux indispensables à la survie de l’entreprise et « l’infraction pénale de harcèlement moral, constituée par une politique d’entreprise et d’organisation du travail », pour reprendre les termes de la procureure de la République ?

Le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 20 décembre 2019 condamnant pour harcèlement moral les trois plus hauts dirigeants de France Télécom (PDG, DG, DRH), un groupe de plus de 100 000 personnes, à une peine de prison de douze mois (dont huit avec sursis) fera donc date ; même si ce contentieux se terminera véritablement dans trois ans devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le harcèlement managérial mis en exergue par le procès France Télécom relève d’une stratégie globale »

D’abord, car le procès ne s’est pas tenu devant un conseil de prud’hommes, où la preuve du harcèlement est légalement facilitée, la chambre sociale de la Cour de cassation ayant, dès le 10 novembre 2009, créé le harcèlement managérial « mis en œuvre par un supérieur hiérarchique », mais devant une juridiction pénale, où, quel que soit le tohu-bohu médiatique, doivent régner l’interprétation stricte des textes et la constitutionnelle présomption d’innocence. Le choix de ce terrain, efficace en termes médiatiques, était donc risqué.

Le jugement fera également date par sa créativité : sortir d’une logique individuelle (dans toute entreprise existent des manageurs toxiques et des salariés fragilisés) pour constater la mise en place d’une nouvelle organisation collective « ayant pour objet ou pour effet d’altérer la santé physique ou mentale » (article 222-33-2 du code pénal).

Prévenir, sensibiliser, former

Au-delà du contexte très spécifique rappelé par le jugement (« dualité des statuts, ouverture à la concurrence, poids de la dette »), le décalage essentiel réside dans la gestion du temps. Dans une entreprise en difficulté, les dirigeants veulent aller vite, sans toujours penser à l’indispensable accompagnement de ces très rudes changements sur le plan collectif mais aussi individuel, a fortiori lorsqu’il s’agit de collaborateurs à forte identité professionnelle. Avec les conséquences humaines dramatiques que l’on connaît et des effets de réputation dévastateurs.

« Le chômage des seniors, grand absent du débat sur les retraites »

Tribune. Le recul de l’âge de la retraite est une constante des réformes engagées depuis le début des années 2010, une tendance à l’œuvre dans la plupart des pays européens. Mais la France se singularise par la difficulté à maintenir les seniors sur le marché du travail. Certes, le taux d’emploi des plus de 50 ans s’est accru sensiblement sur la période récente, mais la situation des seniors de plus de 60 ans exige de tirer la sonnette d’alarme.

Pour beaucoup, le report de l’âge de la retraite s’est traduit par une éviction pure et simple du marché du travail. Chez les 60-64 ans, le taux d’emploi plafonne à 31 % en 2018 ; 7,5 % d’entre eux sont au chômage, le plus souvent depuis plus d’un an, quand d’autres ont basculé dans l’inactivité et les minima sociaux. Aujourd’hui, près de 900 000 actifs de plus de 55 ans sont inscrits comme demandeurs d’emploi en catégories A, B, C. Sur dix ans, leur nombre n’a fait que croître : les plus de 60 ans sont aujourd’hui 300 000 à être inscrits à Pôle emploi, contre 50 000 en 2012.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les seniors, appelés à travailler plus longtemps, et pourtant mal-aimés des entreprises et des recruteurs

Dans le débat actuel sur les retraites, on aborde l’emploi des seniors sous l’angle de l’allongement des carrières, du maintien en emploi, de la santé au travail. Mais comment le chômage des seniors est-il pris en compte ?

En juillet, la Cour des comptes regrettait « le délaissement des politiques en faveur de l’emploi des seniors » et « l’absence de stratégie nationale du service public de l’emploi » sur ce sujet. Durant plus de trente ans, les politiques publiques ont fait du traitement social du chômage et des mécanismes de cessation anticipée d’activité l’essentiel de la politique de l’emploi en direction des seniors. A partir du milieu des années 2000, les pouvoirs publics changent de cap. Pour relancer l’emploi des seniors, ils décident de mettre un terme à la logique des préretraites et aux dispositifs qui lui étaient associés : fin des garanties de ressources, de la dispense de recherche d’emploi, etc.

« Sans état des lieux, comment faire pour déconstruire les stéréotypes attachés à la figure du chômeur senior ? »

Malheureusement, aucune politique active de l’emploi n’a pris le relais de ces mesures dites passives pour favoriser le retour à l’emploi des seniors au chômage. Les « plans seniors » et le « contrat de génération » de 2012 ont fait long feu, et les quelques contrats aidés qui subsistent aujourd’hui ne ciblent pas le public des seniors, très faiblement représenté dans ces dispositifs. Sur les 140 000 contrats aidés signés en 2018 par les entreprises, seuls 47 000 concernent les actifs de plus de 50 ans. Seulement 16 % des chômeurs de plus de 50 ans ont pu bénéficier des parcours mis en place par les structures d’insertion par l’activité économique. Du côté de la formation professionnelle, même constat, puisque seulement 3 % des chômeurs de plus de 55 ans accèdent chaque année à des actions de formation.

Allocations, pensions, smic : quelles revalorisations en 2020 ?

Les retraites de base sont revalorisées au 1er janvier de 0,3 % ou de 1 %, selon les cas.
Les retraites de base sont revalorisées au 1er janvier de 0,3 % ou de 1 %, selon les cas. GERARD JULIEN / AFP

Qui dit 1er janvier dit revalorisation du smic. Le montant horaire du salaire minimum passe ainsi de 10,03 à 10,15 euros brut. Gain mensuel pour 35 heures par semaine : 18,20 euros. Cette hausse de 1,2 % correspond à l’application stricte de la formule réglementaire, qui prend en compte l’évolution des prix pour les ménages les plus modestes et des salaires des ouvriers et employés. Toujours pas de coup de pouce, donc, cette année.

De combien les prestations sociales augmenteront-elles, de leur côté, en 2020 ? C’est compliqué… Certaines seront indexées sur l’inflation. D’autres gagneront seulement 0,3 %, soit moins que la hausse des prix. Le gouvernement parle d’« une revalorisation maîtrisée ». Seront ainsi concernées par le taux de 0,3 % l’allocation adulte handicapé (AAH), la prime d’activité et les prestations familiales. Elles seront indexées, comme de coutume, le 1er avril. Même taux pour les aides au logement, dont les montants évoluent traditionnellement le 1er octobre.

Lire aussi Allocation adulte handicapé : une revalorisation au goût amer pour les couples

Parmi les prestations qui grimperont en revanche autant que les prix cette année (taux non encore connu), citons le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) et l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui s’adresse aux demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits au chômage. Date : 1er avril 2020.

Plusieurs taux pour les retraites

Quelles règles s’appliqueront aux retraites de base ? Tout dépend du montant total des pensions de la personne, de base et complémentaires, réversions comprises. Si celles-ci ne dépassent pas, additionnées, 2 000 euros bruts mensuels, la hausse, calée sur l’inflation, est de 1 % ce 1er janvier. Sinon, c’est 0,3 %, le gouvernement ayant opté pour une « revalorisation différenciée ». Subtilité : à des fins de lissage, le taux variera toutefois entre 0,4 et 0,8 % pour les retraites comprises entre 2 001 et 2 014 euros inclus. Une seule exception à ce schéma concerne les avocats, qui verront tous leurs pensions de base augmenter de 1 %.

Notez que les pensions d’invalidité seront revalorisées comme les retraites de base (0,3 % ou 1 %, selon les montants de pensions totales), au 1er avril. Quid des autres régimes complémentaires ? Les retraites Agirc-Arrco des salariés doivent évoluer le 1er novembre 2020 en fonction de l’inflation. Pour la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), l’augmentation doit être connue en février 2020, pour une application rétroactive au 1er janvier. La hausse, au 1er janvier 2020 également, sera de 1 % pour les agents non titulaires de la fonction publique (Ircantec) ainsi que les commerçants et artisans, et de 0,3 % chez les avocats. Pour les autres libéraux, les taux varient selon les sections d’affiliation.

Budget des ménages : ce qui change le 1er janvier 2020

SEVERIN MILLET

C’est aussi une tradition du 1er janvier, de nombreuses nouveautés affectant le pouvoir d’achat à la hausse comme à la baisse entrent en vigueur. Prélèvement à la source, crédit d’impôt pour les rénovations énergétiques, timbres, médicaments génériques, « prime Macron » : tour d’horizon des principales règles qui évoluent en matière de finances personnelles et de démarches.

Le nombre s’affichant sur la balance a gonflé avec les fêtes ? Connectez-vous au site des impôts pour vous remonter le moral ! Beaucoup devraient constater que leur taux de prélèvement à la source a, lui, quelque peu fondu grâce au nouveau barème de l’impôt sur le revenu. Economie moyenne attendue, selon le gouvernement : environ 300 euros pour 16,9 millions de foyers. Vous en bénéficierez si vous êtes taxé à la deuxième tranche marginale d’imposition (son taux passe de 14 % à 11 %), ou à la troisième (30 %).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Budget 2020 : le pari des baisses d’impôts

Appliqué pour l’essentiel des contribuables depuis un an, le prélèvement à la source touchera aussi, désormais, les employés à domicile. Leur impôt sur le revenu sera directement déduit de leur salaire par les particuliers employeurs, qui devront suivre cette procédure : fin janvier, lorsqu’ils déclareront leur salarié sur les sites du CESU (chèque emploi-service universel) ou de Pajemploi, on leur indiquera le montant net à lui verser, impôt déduit. Celui-ci sera prélevé sur leur compte avec les cotisations sociales. S’ils ont opté pour les services tout-en-un « CESU + » ou « Pajemploi + », le salaire sera directement ponctionné sur leur compte.

Autre nouveauté fiscale : jusqu’ici exonérées d’impôt sur le revenu, les vieilles assurances vie, souscrites avant 1983, seront désormais taxées comme les autres en cas de retrait total ou partiel. Seuls les revenus associés aux versements effectués à partir de janvier sont visés. L’année 2020 voit aussi disparaître la possibilité d’étaler certains revenus sur plusieurs années fiscales, notamment les indemnités de départ à la retraite. Bonne nouvelle toutefois pour les aidants : les dédommagements touchés dans le cadre de la prestation de compensation du handicap échapperont désormais à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.

Clap de fin pour le régime social des indépendants : ce 1er janvier 2020 marque la dernière étape de la suppression du fameux RSI et de l’intégration progressive de ses affiliés au régime général de sécurité sociale. Dès ce 1er janvier, tous les artisans et commerçants ont pour interlocutrices les caisses de l’assurance retraite pour leurs pensions (les libéraux conservent leurs régimes). Et tous les indépendants, libéraux compris, dépendront de l’assurance-maladie pour leur santé à partir de janvier ou février (date de rattachement transmise individuellement). Aucune démarche à réaliser. Quant aux indépendantes, elles bénéficieront, dans le cadre d’une expérimentation de trois ans, d’un congé maternité plus souple, avec possibilité de reprendre leur activité à temps partiel.

Retraites : Une « promesse de pension minimale » qui « anticipe la réduction massive des droits à pension »

« Qu’est-ce que cette promesse de 1 000 euros quand le minimum vieillesse au 1er janvier 2020 est déjà de 903 euros et qu’il ne sera pas loin de quatre chiffres en 2022 ? »
« Qu’est-ce que cette promesse de 1 000 euros quand le minimum vieillesse au 1er janvier 2020 est déjà de 903 euros et qu’il ne sera pas loin de quatre chiffres en 2022 ? » Roman Märzinger/Westend61 / Photononstop

Tribune. L’ex-haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a proposé dans son rapport paru en juillet (« Pour un système universel de retraite », voir PDF) d’intégrer dans un système universel en points un dispositif unique de minimum de retraite par annuités (600 smic horaire permettant de valider une année civile, comme dans les régimes général et alignés).

A compter du 1er janvier 2025, les assurés ayant eu de faibles revenus pourraient disposer d’un niveau de retraite égal à 85 % du smic net pour une carrière complète de quarante-trois ans et plus par la suite. D’ici là, dès 2022 annonce le gouvernement, le minimum contributif – c’est-à-dire la garantie d’un minimum de pension dès lors que l’assuré a une pension de retraite de base au taux plein – sera porté à 1 000 euros.

M. Delevoye promet là ce qu’il avait promis en mai 2003 lorsqu’il était ministre de la fonction publique et qu’avec François Fillon, alors ministre du travail et des affaires sociales, ils avaient su donner à la Nation cet objectif de 85 % du smic net pour 2008. Tout en n’engageant rien – et surtout pas les gestionnaires des régimes complémentaires –, cela permit d’acheter le soutien à la réforme des retraites de 2003 du secrétaire général de la CFDT de l’époque, François Chérèque.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La réforme des retraites pénalisera encore plus les femmes »

Conscient qu’environ un retraité sur cinq ayant une carrière complète ne bénéficie pas d’une retraite supérieure à 1 000 euros, c’est-à-dire 85 % du smic net de 2018, le premier ministre, Edouard Philippe a, le 11 décembre lors de son intervention au Conseil économique, social et environnemental (CESE), réitéré cette promesse non tenue de 2003, n’hésitant pas à qualifier cette pension minimale de « révolution sociale ».

Qu’est-ce que cette promesse ?

Il va sans dire que pour une carrière complète au smic, un semblant de justice sociale ou, disons-le plus prosaïquement, le minimum syndical, eût été de proposer une pension au moins égale au smic net comme cela fut majoritairement le cas pour toutes les générations nées entre 1920 et 1930, c’est-à-dire celles pas ou peu impactées par la réforme Veil-Balladur de 1993.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dominique Méda : « Ce qui s’exprime dans la rue est désormais le ras-le-bol et la peur »

Avec cette promesse de pension minimale, le gouvernement anticipe la réduction massive des droits à pension que la mise en place d’un système universel en points va immanquablement entraîner. Par ailleurs, ces 1 000 euros pour 2022 en attente des 85 % de 2025 sont un engagement qu’il n’aura aucun mal à tenir et que M. Macron pourra opportunément mettre à son bilan en vue des prochaines présidentielles. En effet, qu’est-ce que cette promesse de 1 000 euros quand le minimum vieillesse au 1er janvier 2020 est déjà de 903 euros et qu’il ne sera pas loin de quatre chiffres en 2022 ?

Un podcast pour une reconversion heureuse

Élodie Contino chez elle, à Strasbourg, le 19 décembre.
Élodie Contino chez elle, à Strasbourg, le 19 décembre. GUILLAUME CHAUVIN / HANS LUCAS

Prendre sa vie en main, changer de boulot, lancer sa boîte, faire le tour du monde… La fin d’année est le rendez-vous incontournable des bonnes résolutions. Confrontée à la liquidation de la société familiale dans laquelle elle avait trouvé sa place, Élodie Contino a cherché le courage et l’inspiration auprès de personnes ayant osé changer de vie, ou qui n’ont pas peur d’en mener plusieurs à la fois.

Le résultat : un podcast décontracté, en guise de carnet de bord d’une reconversion heureuse, sur le dépassement de soi et de ses peurs, qui dédramatise l’échec et donne à ses auditeurs l’audace de se lancer dans une nouvelle vie professionnelle.

Un long cheminement

Des changements de parcours, la jeune femme de 28 ans en a déjà connu. Si elle lance aujourd’hui sa propre marque de mobilier, Roses et aléas – des meubles fabriqués à partir de matériaux recyclés –, c’est à la suite d’un long cheminement, qui a nourri son podcast et s’est aussi enrichi des rencontres réalisées grâce à lui. Elle rêvait, à la sortie de ses études, de créer une maison de retraite participative, où les pensionnaires pourraient eux-mêmes décider des modalités de leur prise en charge.

« Je ne pouvais pas parler de mon ressenti à mes proches, et je n’avais pas de réseau. Alors je me suis raccrochée à cette idée de podcast. » Élodie Contino

Mais un stage dans ce domaine l’a fait redescendre sur terre. « J’ai compris que ce milieu n’était pas fait pour moi », se souvient-elle. Contre toute attente, Élodie Contino rejoint la société de confection rachetée par son père une douzaine d’années auparavant, dans les Vosges, et spécialisée dans la fabrication de fauteuils de maintien à domicile. Elle se prend au jeu, en diversifie l’activité, avec le lancement d’une marque de jeans. Mais alors que la société ouvre sa première boutique, fin 2017, la décision tombe : la Sécurité sociale ne prend plus en charge les fauteuils de maintien à domicile. La production de la société dégringole et, en quelques mois, la liquidation est prononcée.

Élodie Contino rentre auprès de sa famille en Alsace, en laissant son réseau professionnel derrière elle : « N’avoir que deux mois pour fermer, c’était difficile à accepter. Entre colère et déception, cela a été très compliqué. Je ne pouvais pas parler de mon ressenti à mes proches, et je n’avais pas de réseau. Alors je me suis raccrochée à cette idée de podcast. »

L’intérêt de s’ouvrir aux expériences des autres

La rencontre avec une chroniqueuse radio également coach de développement personnel rend la création de son podcast évidente, de même que son nom : « Le rebond ». La consultante ouvrira le bal des témoignages qui, depuis le printemps 2019, se succèdent pratiquement toutes les semaines. Très vite, elle perçoit le pouvoir curatif de la parole et l’intérêt de s’ouvrir aux expériences des autres.

« Aujourd’hui encore, le podcast me permet d’échanger sur des sujets que je n’imaginais pas. Cette liberté d’esprit m’a incitée à faire appel à d’autres métiers, comme m’inspirer du théâtre pour la conception de mes meubles. » Élodie Contino

On y parle de bienveillance avec Caroline Jund, directrice de clinique et fondatrice du site de vente en ligne FrenchOui ; de liberté, avec Manon Vergé, professeure de SVT et championne de bodybuilding ; ou encore de capacité à se fixer des objectifs, avec Gauthier Klauss, médaillé olympique de canoë biplace, contraint à une « retraite » anticipée lorsque la discipline a été retirée des Jeux olympiques. Trente et un épisodes au total (sans compter ceux en préparation), faits de discussions à bâtons rompus, d’analyses personnelles et de contributions extérieures.

Le dernier en date : le récit de la blogueuse environnementaliste Kel Dechet, venue parler, le 16 décembre, de sa timidité maladive et de la façon de la dépasser. « Au départ, ma seule ambition était de me faire du bien, en rencontrant des gens qui, à un moment de leur vie, ont pris une décision qui a tout changé dans leur parcours, et en partageant cette expérience avec des personnes se trouvant dans la même situation que moi », indique Élodie Contino.

« J’ai compris que pour mener son projet à bien, il faut toujours se remettre en question. Aujourd’hui encore, le podcast me permet d’échanger sur des sujets que je n’imaginais pas. Cette liberté d’esprit m’a incitée à faire appel à d’autres métiers que le mien, comme de m’inspirer du théâtre pour la conception de mes meubles. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Changer de métier : l’envers du décor

« Le rebond » est aujourd’hui hébergé sur Ausha et diffusé gratuitement sur de nombreuses plates-formes et réseaux sociaux. Le ton dédramatisé employé au fil des entretiens procède de son petit succès. Le site enregistre entre 400 et 800 écoutes chaque semaine, une audience qu’Élodie Contino songe à démultiplier en diffusant son podcast sur YouTube ou sur une chaîne radio. Pas question pour autant d’en faire son métier ni d’en tirer des revenus. Son projet professionnel reste le lancement de cette marque de mobilier recyclable qui lui tient à cœur, et dont la première déclinaison devrait sortir en mars 2020. « Le rebond » a vocation à vivre comme elle, en se laissant porter par les circonstances.

Uber France porte plainte contre des chauffeurs VTC pour des opérations de blocage de ses locaux

Manifestation de chauffeurs VTC en décembre 2016 à Paris.
Manifestation de chauffeurs VTC en décembre 2016 à Paris. LIONEL BONAVENTURE / AFP

Uber France a déposé plainte pour des actes d’intimidation et de vandalisme contre des chauffeurs VTC, at-on appris dimanche 29 décembre par l’Agence-France Presse. Ces dernières semaines, plusieurs centres logistiques de la plateforme avaient été bloqués par des conducteurs pour exprimer leur mécontentement à la suite de modifications opérées dans leurs conditions de travail.

« Nous menons des discussions en continu avec les chauffeurs qui utilisent l’application afin de toujours mieux prendre en compte leurs attentes. Notre démarche est celle de la concertation et du dialogue et nous ne pouvons tolérer les actes de violence répétés à l’encontre de nos équipes et de nos locaux », a commenté dimanche un porte-parole d’Uber.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Enquêtes au cœur du capitalisme des plates-formes

25 % de commission

A l’origine de ce conflit, on trouve un changement des procédures qui suspend un chauffeur en cas de refus répétés d’une course, le privant de travail. Les chauffeurs dénoncent également le niveau de commission prélevé par Uber (25 %) et la présence de « faux chauffeurs », qui utilisent des cartes VTC usurpées et leur font concurrence.

En réation, plusieurs centaines de chauffeurs français d’Uber ont mené depuis la mi-novembre des opérations de blocage de centres logistiques de la plateforme, dont celui d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis et le siège d’Uber France à Paris. L’un des leaders du mouvement, Brahim Ben Ali, a récemment vu son contrat de prestation de service résilié par Uber. La plateforme accuse notamment ce chauffeur de menaces, d’injures et de dégradation de locaux. De son côté, M. Ben Ali voit dans sa « déconnexion » de la plateforme une « vengeance personnelle » et estime que « le droit à la manifestation a été bafoué ».

« Nous menons des discussions en continu avec les chauffeurs qui utilisent l’application afin de toujours mieux prendre en compte leurs attentes. Notre démarche est celle de la concertation et du dialogue et nous ne pouvons tolérer les actes de violence répétés à l’encontre de nos équipes et de nos locaux », a commenté dimanche un porte-parole d’Uber.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Uber touché au cœur de son modèle économique »

Le paradoxe de l’amélioration de l’emploi

Editorial du « Monde ». Deux bons chiffres, émanant de l’Insee, témoignent de la bonne résistance de l’économie française : les créations d’emplois ont sensiblement augmenté, passant de 188 000 en 2018 à plus de 260 000 cette année. La cuvée 2019 est en outre marquée par un record historique de créations d’entreprises. Leur nombre a atteint 750 000 sur les onze premiers mois, loin du précédent record enregistré un an plus tôt (691 000).

Le chômage, qui était devenu le boulet du précédent quinquennat, recule de trimestre en trimestre, atténuant le sentiment d’un pays enkysté. Avec un taux de chômage de 8,5 %, la France reste, certes, au-dessus de la moyenne européenne, mais de grande malade elle est passée au stade de convalescente.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En 2019, l’emploi en France a connu une belle embellie

Cette amélioration est d’abord due à la croissance, qui résiste mieux dans l’Hexagone que dans le reste de la zone euro. Elle résulte aussi des effets de la politique de l’offre. François Hollande s’y était rallié dans la douleur fin 2012. Emmanuel Macron l’a amplifiée depuis sans états d’âme. Il en récolte les fruits : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), transformé cette année en baisse de cotisations sociales, serait à l’origine de 30 000 créations d’emplois, selon Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Le volume n’est pas négligeable. Il apparaîtra cependant encore faible à ceux qui, contestant le rapport coût/efficacité de l’allègement du coût du travail, dénoncent inlassablement le « cadeau » fait aux entreprises.

Lire aussi La croissance française résiste face à un contexte morose

Loin d’être vidée par l’élection d’Emmanuel Macron, la querelle reste en effet vive autour du modèle social à promouvoir. Si le marché du travail reprend peu à peu des couleurs, il ne ressemble en rien à celui qui avait marqué les « trente glorieuses » et qui entretient, en France, une indéfectible nostalgie.

Le nombre de contrats à durée indéterminée a beau légèrement progresser, les CDD restent la règle. Tandis que la probabilité de conduire sa carrière dans la même entreprise diminue, la prise de risque augmente. En témoigne l’engouement pour la création d’entreprise, qui se paie d’une proportion importante d’échecs : trois ans après leur naissance, un tiers seulement des microentreprises sont encore en activité. Après cinq ans, près de la moitié des entreprises créées ont fait faillite. A côté de quelques spectaculaires réussites, les revenus tirés de l’autoentrepreneuriat restent souvent dérisoires.

Un marché de plus en plus polarisé

Transformer le risque en opportunité est le pari d’Emmanuel Macron. Depuis qu’il est à l’Elysée, l’ancien banquier d’affaires a assoupli le marché du travail, réajusté les droits des chômeurs, renforcé la formation dans le but de favoriser le retour à l’emploi. La réforme des retraites, qu’il mène au forceps, participe de la même philosophie : sécuriser le parcours des plus mobiles, à commencer par les jeunes. Libéral convaincu, le président de la République a la particularité d’être plus constant, plus déterminé et plus anticipateur que ses prédécesseurs.

Là où le bât blesse, c’est que le modèle qu’il défend ne fait pas rêver. Une partie des salariés en place craint de perdre les avantages obtenus avec le temps. Une autre redoute de ne pas être géographiquement ou socialement armée pour trouver la bonne place sur le marché du travail. Or celui-ci devient de plus en plus polarisé, avec d’un côté des emplois hautement qualifiés, de l’autre des postes de travail très peu qualifiés. En sous-estimant ces deux peurs, Emmanuel Macron a contribué à accroître le niveau de la défiance, alors même que le recul du chômage aurait dû le faire baisser.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le taux de chômage en France à son niveau le plus faible depuis dix ans

Le Monde

Le théâtre a mal à ses ressources humaines

BORIS SÉMÉNIAKO

Cela vient comme un cri du cœur : « On a été et on est toujours naïfs et romantiques. On pensait qu’une direction du théâtre devait être une direction artistique. » Marie-José Malis, nommée en 2014 à la tête du Théâtre La Commune, à Aubervilliers, déchante. Le combat qui l’oppose depuis plus d’un an à la chef de la billetterie, déléguée syndicale, et une partie de l’équipe nommée par son prédécesseur, Didier Bezace, n’en finit pas de plomber l’ambiance. « Là-dessus, il faut le dire, on n’a pas été très bons. On vient des compagnies. Habitués au bricolage, on s’est pris un effet de réel », convient la metteuse en scène.

De Béthune à Dijon, metteurs en scène remarqués, ils ont débarqué dans les Centres dramatiques nationaux – consacrés à la création théâtrale –, en pensant toucher le Graal : un lieu et des moyens pour faire exister leur travail à grande échelle au service du plus grand nombre ! Ils ont découvert des entreprises lourdes à manœuvrer, à l’outil souvent obsolète ou à rénover, et aux subventions en berne. Après Rodrigo Garcia à Montpellier, c’est Philippe Quesne qui a jeté l’éponge, annonçant en juillet son départ de Nanterre pour la fin de l’an prochain.

Lire l’enquête : Nouvelle donne dans le théâtre privé à Paris

Résultat, à Aubervilliers comme partout, les avocats en droit du travail, les consultants en ressources humaines et les maisons d’audit (Technologia, La Belle Ouvrage, PK Consultants) sont désormais sur le devant de la scène… Un marché qu’on n’imaginait pas hier. Psychologues, médiateurs, cursus et plates-formes de formation font désormais partie du paysage. « En bout de chaîne, c’est autant d’argent que les artistes n’auront pas », soupire la directrice de théâtre épuisée. La formule est dans l’air du temps : « souffrance au travail » à tous les étages.

Micha Ferrier-Barbut est consultante en management. Présidente de l’association Le Pacifique, le centre de développement chorégraphique national de Grenoble, elle a codirigé en 2017 un petit opus qui a fait débat dans le milieu, La Gestion des ressources humaines dans le secteur culturel (Territorial éditions). « C’est un secteur pour qui le capital humain est longtemps resté un impensé, explique-t-elle. Ces structures se sont construites sur une sorte de militance – laquelle est de moins en moins vraie –, avec des formes d’organisation très hiérarchisées. Pas toujours nommées d’ailleurs, mais des hiérarchies symboliques très élevées. »

Lire le focus : Micmac autour du fonds de soutien aux théâtres privés

Se livre ainsi en coulisse un combat à couteaux tirés entre la liberté de création et le droit du travail. D’un côté, des artistes patrons défendant la révolution permanente sur le plateau, apanage de l’art, dont la mission est de faire bouger les lignes et d’interroger les marges. De l’autre, des salariés, politisés, cultivés – plus que la moyenne des actifs –, aspirant à une forme de réalisation personnelle, où l’attachement à ces structures implique « une gestion particulière, comme le suggère un consultant. Au risque de voir l’émotivité transformer le conflit social en des clivages de personnes ». Et, pour couronner le tout, derrière l’ensemble, les fantômes très actifs des « hiérarchies symboliques » antérieures – qui, aux temps bénis des vaches grasses, ont pu acheter la paix sociale facilement.