« Travailler moins ne suffit pas » : un plaidoyer pour changer la nature du travail

C’est une idée qui a sensiblement « gagné en popularité dans les dernières années ». La réduction du temps de travail trouve aujourd’hui de plus en plus de défenseurs dans les pays occidentaux.

La semaine de quatre jours séduit des voix à gauche comme à droite de l’échiquier politique. « Elle apparaît comme un levier pour l’amélioration de la qualité de vie », relève Julia Posca, sociologue et chercheuse canadienne à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, dans son ouvrage Travailler moins ne suffit pas (Ecosociété). Elle a même, parmi ses adeptes, des employeurs désireux de renforcer leur attractivité, poursuit l’autrice, constatant que « le vent semble être en train de tourner ».

Au fil de son ouvrage, la sociologue constate cet engouement croissant, relève les multiples expérimentations menées sur le sujet, tout en rappelant que ce mouvement va dans le sens de l’histoire, le temps de travail poursuivant un mouvement baissier depuis plus d’un siècle. On consacre aujourd’hui en moyenne 67 000 heures de notre existence au travail, contre environ 200 000 heures au début du XXe siècle, précise-t-elle, s’appuyant sur les calculs de son homologue Jean Viard.

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L’autrice souligne qu’une nouvelle étape – une « diminution généralisée des heures travaillées sans perte de salaire », qui pourrait s’incarner par le passage à la semaine de quatre jours – « constituerait une avancée sociale importante ». Cela étant, et c’est tout le sens de son propos, elle estime que se focaliser sur le temps de travail risque de nous détourner d’autres problématiques qui sont à la source des souffrances et de la perte de sens de nombre de salariés.

Des modèles alternatifs, telles les coopératives

Elle appelle donc à dépasser la question du temps passé au bureau ou à l’usine – « travailler moins ne suffit pas » – pour s’intéresser au travail de façon beaucoup plus systémique. Conditions et organisation du travail, répartition du pouvoir, finalité des tâches accomplies… Mme Posca estime que c’est la nature du travail elle-même qui doit changer, afin qu’il ne soit plus « une expérience intrinsèquement aliénante ».

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La chercheuse oppose donc au modèle actuel une utopie du travail « démarchandisé, démocratisé et dépollué », à même, à ses yeux, de redonner du sens à ses acteurs. Elle appelle ainsi, en écho à la sociologue Dominique Méda, à redonner sa place à la « délibération collective », afin que les travailleurs se « réapproprie[nt] la capacité de prendre des décisions économiques ». Cela passe par la mise en avant de modèles alternatifs, telles les coopératives.

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France Travail prévoit moins d’embauches et moins de CDI en 2024

Dans une agence France Travail, à Nantes, le 26 mars 2024.

C’est une baisse. La deuxième consécutive, et cette fois elle est franche. Les intentions d’embauche ont reculé de 8,5 % en 2024 (2,8 millions) par rapport à 2023 (3,04 millions), selon les résultats de l’enquête annuelle de France Travail, sur les « Besoins en main-d’œuvre des entreprises ». Cette étude annuelle de l’ex-Pôle Emploi, présentée mercredi 24 avril et réalisée avec le concours du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) entre octobre et décembre 2023, est un baromètre annuel de l’emploi très attendu et très approfondi. Il porte sur 24 secteurs d’activité et 2,4 millions d’établissements, dont 426 000 ont répondu.

Après le tout petit effritement du volume d’intention d’embauche des sociétés françaises constaté pour 2023, France Travail a donc enregistré 257 000 projets de recrutements de moins que l’année précédente. Voilà qui commence à représenter un volume conséquent de non-embauches qui laisse craindre, sur fond de croissance morose et d’entreprises en difficulté (Casino, Duralex), le début d’une série négative. D’autant plus que cette donnée fait écho aux chiffres de l’Urssaf qui, ce même jour, affichent une autre baisse, celle des embauches de plus d’un mois réalisées au premier trimestre. Un recul dès le début de l’année principalement causé par un fléchissement de l’emploi stable (CDI) dans les grandes entreprises et dans les secteurs de l’industrie et de la construction.

Pour aller encore un peu plus dans le sens d’un marché de l’emploi qui commence à se dégrader, l’enquête Besoins en main-d’œuvre prévoit sur l’ensemble de l’année un fort recul des CDI (38,2 % des intentions de recrutement contre 54,3 % en 2023 et 45,2 % en 2019). 61 % de projets de recrutement seraient en emploi durable (CDI et CDD de six mois et plus) au lieu de 72 % en 2023 et la part d’employeurs recruteurs est réduite à 28 % contre 31 %. Les deux tiers des CDI prévus visent à remplacer des salariés partis définitivement ou à répondre aux besoins d’une nouvelle activité. France Travail explique la diminution des emplois stables envisagés par un volume moindre des nouvelles activités. En 2024, le premier motif de recrutement est le surcroît d’activité ponctuel.

« Mouvement de recul général »

« Le mouvement de recul général touche toutes les tailles d’entreprises », précise Stéphane Ducatez, directeur général adjoint chargé du réseau de France Travail. La baisse du nombre de projets varie de 6,7 % à 9,6 % dans les établissements de moins de 200 salariés selon leur effectif et dépasse les 10 % dans les plus grandes entreprises. Hormis les activités financières et d’assurance qui sont les seules à augmenter leur volume d’embauches de 6,4 %, quasiment tous les secteurs envisagent d’embaucher moins. Le recul le plus marqué étant dans la construction (– 18,1 %) et le commerce (– 12,7 %).

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Requiem pour le vendredi, épicentre du télétravail

Dans le roman Robinson Crusoé, de Daniel Defoe, Vendredi, ainsi nommé en raison du jour de la semaine où il est apparu, incarne le bonheur de l’altérité, venant briser la solitude du naufragé sur son île. En entreprise, depuis quelque temps, la réalité est totalement inverse : vendredi, sans « V » majuscule cette fois, c’est un peu le moment où vous ne croisez plus personne, ou tout au moins pas grand monde. Ce qui n’a pas que des inconvénients. A la cantine, habituellement bondée, le vendredi, vous pouvez virevolter paisiblement d’un œuf mayo à une crème pâtissière en faisant votre choix en toute tranquillité, sans la pression angoissante de la foule affamée.

Vous pouvez aussi vous imaginer à loisir dans un remake à petit budget du film Je suis une légende, où Will Smith erre dans les rues dépeuplées d’un New York postapocalyptique. Si un virus a infecté vos collègues, c’est bien celui des évolutions du travail, l’après-Covid ayant débouché sur une saine relativisation des figures imposées de la vie salariale.

Pourquoi le labeur devrait-il être forcément organisé pour ressembler à une punition, avec ses journées à rallonge qui s’enchaînent inlassablement et ses week-ends riquiqui ? Le vendredi, journée plébiscitée pour le télétravail, se trouve à l’épicentre de ce réaménagement radical des rythmes professionnels, avec des effets domino manifestes.

Tectonique des foules

Récemment, mon collègue Philippe Escande évoquait la crise de l’immobilier de bureau américain, qui serait en grande partie due à cette reconfiguration. D’après le baromètre de la société Kastle, en moyenne, dans les dix plus grandes villes des Etats-Unis, 60 % des employés sont présents dans les locaux les quatre premiers jours de la semaine, contre 30 % le cinquième. Faites un tour dans le quartier d’affaires de la Défense, à l’ouest de Paris, et vous constaterez, au doigt mouillé, que la tectonique des foules y est sensiblement la même.

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Une enquête menée par le magazine Challenges confirme, à l’aide de multiples facteurs, ce phénomène de désaffection pour le vendredi in situ. Ainsi, le nombre de passagers de la RATP aurait diminué le vendredi plus que les autres jours de la semaine par rapport à son niveau d’avant-Covid-19, quand, d’après la plate-forme de location de voitures entre particuliers Getaround, les réservations de véhicules pour les week-ends XXL démarrant dès le jeudi seraient passées de 17 % des réservations totales avant la pandémie à 25 % aujourd’hui. Tendances corroborées par l’index de trafic TomTom : c’est désormais le jeudi entre 17 et 18 heures que Paris connaîtrait ses pires bouchons, signe de grands départs.

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Duralex, affaibli par la crise de l’énergie et l’inflation, a été placé en redressement judiciaire

Le site du verrier Duralex à La Chapelle-Saint-Mesmin, dans l’agglomération d’Orléans (Loiret), le 7 septembre 2022.

Trois ans après son dernier sauvetage, Duralex vient à nouveau d’être placé en redressement judiciaire. Le tribunal de commerce d’Orléans a rendu sa décision, mercredi 24 avril, assortie d’une période d’observation de six mois. L’objectif est de tenter de trouver un repreneur, avec un prochain rendez-vous, fixé dès le 5 juin 2024. En vingt ans, c’est la quatrième fois que l’avenir de Duralex et de ses 230 salariés est en suspens et, à chaque épisode, l’équation se complique davantage.

Célèbre pour ses verres de cantine ultra-solides, la société, implantée à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), dans l’agglomération d’Orléans, était, depuis 2021, aux mains de La Maison française du verre, qui exploite aussi Pyrex à Châteauroux. Adossée au fonds d’investissement européen Kartesia, elle avait repris Duralex à la barre du tribunal, et son projet, jugé solide, avait, à l’époque, suscité un vif espoir.

« On était fiers d’être repris par un autre verrier, on y croyait, et l’on se disait que l’on allait enfin s’en sortir, résume un salarié (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont requis l’anonymat). Pour nous, c’est un coup de massue, et l’on est d’autant plus déçus. »

Un redressement impossible en 2022

Le nouveau patron s’était engagé à investir 17 millions d’euros sur trois ans pour relancer l’activité, le tout, sans casse sociale. Mais l’entreprise a vite été rattrapée par la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie. En 2022, la verrerie, très consommatrice d’électricité et de gaz, a vu ses factures s’envoler. Assommée par un contrat d’approvisionnement aux conditions très défavorables, elle a fini par appeler l’Etat au secours.

Bercy lui a accordé un prêt de 15 millions d’euros, et Duralex a fait le dos rond en mettant son four en veille durant cinq mois pour limiter la casse. L’entreprise espérait ensuite repartir sur de meilleures bases, mais, là encore, rien ne s’est déroulé comme prévu. L’inflation et la baisse de la consommation sont venues freiner les ventes. Le chiffre d’affaires de 2023 a plafonné à moins de 26 millions d’euros, en baisse par rapport aux 29,4 millions atteints en 2022.

Dans ce contexte chahuté, le pari de redresser Duralex s’est révélé impossible à tenir. La direction a préféré jeter l’éponge, « afin de préserver les intérêts de l’entreprise ». « Malgré les efforts opérationnels et les investissements continus, les pertes n’ont pu être endiguées », a déclaré l’entreprise dans un communiqué, sans exposer l’ampleur du déficit.

Une succession de crises

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Transport aérien : vague d’annulations de vols, malgré la levée du préavis de grève

A l’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle, le 16 septembre 2022.

Ce n’est pas au bout de la nuit, mais, plus tard, dans la matinée, que les laborieuses négociations sur la réforme du contrôle aérien ont finalement abouti entre la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) et les organisations d’aiguilleurs du ciel. Le très majoritaire Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA) a sifflé, mercredi 24 avril, la fin de la partie, en levant le préavis de grève prévue pour jeudi 25 avril. Pour éviter un mouvement qui s’annonçait massif et des annulations de vols en proportion, le gouvernement a cédé sur la principale revendication du SNCTA, qui réclamait l’accès pour les contrôleurs en fin de carrière aux indices salariaux les plus élevés de l’administration.

La loi, qui oblige depuis le début de l’année les aiguilleurs du ciel à se déclarer en grève quarante-huit heures avant le début du mouvement, a eu un effet boomerang inattendu. Les autorités et la DGAC ont pu cette fois mesurer la très forte mobilisation des contrôleurs aériens à l’appel de leurs organisations, et notamment du SNCTA. Outre la grève de jeudi, les concessions acceptées par le gouvernement permettent aussi de lever le préavis de grève qui planait pour le week-end de l’Ascension, les 9, 10 et 11 mai.

Toutefois, l’accord très tardif intervenu mercredi ne permet pas totalement d’éviter les perturbations du trafic, même si le SNCTA appelle les aiguilleurs à « annuler [leur] déclaration préalable » de grève. Jeudi, la DGAC prévoit toujours l’annulation de centaines de vols. Elle demande aux compagnies aériennes de réduire leur programme de vols à hauteur de 75 % à Orly et de 55 % à Roissy – Charles-de-Gaulle. La DGAC appelait d’ailleurs « les passagers qui le peuvent à reporter leur voyage et à s’informer auprès de leur compagnie aérienne pour connaître l’état de leur vol ».

« Plus de sécurité, moins de retards »

Mercredi, Patrice Vergriete, le ministre délégué aux transports, s’est félicité d’un accord « gagnant-gagnant », sans toutefois donner de détails sur son contenu. Selon lui, « l’usager va y trouver plus de sécurité, moins de retards ». Contrairement aux autres syndicats, qui plaidaient pour une modification substantielle de la réforme en négociation, le SNCTA réclamait surtout des hausses de rémunérations.

Le syndicat majoritaire plaidait aussi pour une remise à plat du temps de travail des aiguilleurs, qui prendrait en compte « la saisonnalité, les heures de pointe, en semaine, le week-end et la journée ». « Il y a eu des mesures statutaires qui ont été données, mais pas la totalité de ce que souhaitaient les syndicats », a signalé le ministre.

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Duralex, en difficulté financière depuis la crise énergétique, placé en redressement judiciaire

Des produits Duralex exposés dans un magasin, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), le 26 novembre 2012.

En difficulté depuis la crise énergétique de 2022, le tribunal de commerce d’Orléans a décidé, mercredi 24 avril, de placer le verrier français Duralex en redressement judiciaire, avec une période d’observation de six mois, a appris l’Agence France-Presse (AFP), auprès du tribunal.

Au cours d’une audience qui a duré un peu plus d’une heure, le tribunal a nommé deux mandataires judiciaires, et a renvoyé l’affaire au 5 juin. « Le tribunal espère trouver un repreneur » pour la société française en difficulté, a expliqué à la presse un magistrat à l’issue de l’audience.

Duralex avait subi de plein fouet la flambée des prix du gaz consécutive à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, et avait été sauvé temporairement par un prêt de l’Etat de 15 millions d’euros, qui lui avait permis de rouvrir son four verrier et de relancer sa production, après cinq mois de fermeture.

Cependant, au cours de l’exercice 2023, « de nouvelles difficultés ont émergé », attribuables à l’inflation, à un environnement de consommation « en fort retrait » et à une « concurrence exacerbée », précise la société, ajoutant que, « malgré les efforts opérationnels et les investissements continus, les pertes n’ont pu être endiguées ».

Le Monde avec AFP

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Travailleurs des plates-formes : les eurodéputés valident la loi pour renforcer leurs droits

Un livreur avec un sac à dos Uber Eats se joint à des dizaines de livreurs de repas qui manifestent contre leurs conditions de travail et contre un arrêté municipal interdisant les scooters thermiques dans le centre de la ville de Nantes, le 12 mars 2021.

Après plusieurs années de tractations européennes pour trouver un accord, le Parlement européen a approuvé, mercredi 24 avril, la législation qui renforce les droits des travailleurs des plates-formes numériques comme Uber ou Deliveroo. La loi a été validée à une très large majorité (554 voix pour, 56 contre, 24 abstentions).

Le texte prévoit de requalifier comme salariés de nombreuses personnes travaillant aujourd’hui sous le statut d’indépendant comme chauffeur de véhicule ou livreur. Mais les modalités de ces requalifications restent floues et dépendantes des réglementations nationales alors que le texte était censé mettre en place un cadre européen harmonisé garantissant une sécurité juridique.

Un accord politique entre négociateurs des Etats membres et du Parlement avait été trouvé dans la douleur début mars, sans la France et l’Allemagne, sur ce texte qui a fait l’objet d’un lobbying intense de la part des entreprises concernées.

Grande autonomie des Etats dans l’application du texte

La Commission européenne estime à « au moins 5,5 millions », sur un total de près de 30 millions, le nombre de travailleurs des plates-formes enregistrés à tort comme indépendant et donc injustement privés des avantages sociaux du salariat.

Initialement, le texte proposé fin 2021 par la Commission créait une présomption de salariat sur la base de critères objectifs unifiés à l’échelle de l’Union européenne (UE) : le fait qu’une plate-forme fixe les niveaux de rémunération, supervise à distance les prestations, ne permette pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions, impose le port d’uniforme, ou encore interdise de travailler pour d’autres entreprises… Mais le compromis finalement retenu renonce à cette liste, laissant une grande autonomie aux Etats membres.

Une « présomption légale » d’emploi devra être introduite dans chacun des vingt-sept systèmes juridiques des pays membres. Elle sera déclenchée lorsque des faits témoigneront d’un « contrôle » des travailleurs par l’entreprise. Mais ces faits seront établis « selon le droit national et les conventions collectives nationales, eu égard à la jurisprudence de l’UE ».

Le texte permettra malgré tout aux travailleurs des plates-formes de contester leur statut en invoquant cette « présomption légale » et la charge de la preuve incombera aux employeurs. La législation doit encore faire l’objet d’une validation formelle par le Conseil de l’UE qui regroupe les 27 Etats membres.

Le Monde avec AFP

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« La directive européenne sur le devoir de vigilance va bousculer certaines grandes entreprises françaises »

Après bien des péripéties, la directive sur le « devoir de vigilance » des entreprises a été adoptée par le Parlement européen mercredi 24 avril : les firmes ayant plus de cinq mille salariés ou un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros seront considérées, à partir de 2027, comme responsables du respect de l’environnement et des droits sociaux chez l’ensemble de leurs sous-traitants réguliers, suivies, à partir de 2029, par celles ayant plus de mille salariés.

Cette directive constitue une extension de la loi française du 27 mars 2017 (loi n° 2017-399). A part l’Allemagne, aucun autre pays de l’Union européenne (UE) ne disposait jusqu’à présent d’un cadre juridique analogue. Cela pourrait a priori donner une longueur d’avance aux grandes entreprises françaises déjà engagées dans cette démarche de vigilance, et qui apprécient que leurs concurrentes européennes soient désormais soumises à des obligations approchantes. Mais l’affaire est plus complexe.

Le gouvernement français, qui s’enorgueillissait que la France ait été pionnière sur la question, a milité en réalité pour réduire la portée de cette directive. Ces réticences s’expliquent par son aspect plus contraignant que la loi française, contrairement à ce qui a souvent été dit. Les décrets d’application qui devaient préciser les conditions de mise en œuvre de la loi française n’ont en effet jamais été publiés, malgré plusieurs rapports appelant à des clarifications.

Bousculer de grandes entreprises françaises

La liste des entreprises concernées n’avait pas non plus été affichée. Plus grave encore, aucune sanction n’avait été prévue en cas de non-respect des obligations de reporting. Une sanction proposée par la justice avait même été retoquée par le Conseil constitutionnel… en raison des imprécisions de la loi !

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De fait, sept ans après le vote de cette loi, certaines grandes entreprises françaises, comme le groupe de BTP Altrad, les boucheries industrielles Bigard ou McDonald’s France, n’ont toujours pas publié les rapports prévus par le législateur pour expliquer comment elles mettaient en action leur devoir de vigilance, avec une cartographie des risques, l’identification de leurs fournisseurs problématiques et les mesures prévues pour améliorer la situation.

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L’autorité judiciaire compétente vient juste d’être désignée. Seul un procès à ce jour a abouti à un verdict. Autant dire que la jurisprudence ne permet pas encore de préciser le cadre et l’envergure des obligations légales. La nouvelle directive européenne va par conséquent bousculer certaines grandes entreprises françaises.

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Emploi des seniors : accord entre partenaires sociaux sans le Medef

Ils voulaient prouver que la démocratie sociale fonctionne, même en l’absence des poids lourds du patronat. Mardi 23 avril, deux projets d’accords ont été bouclés à l’issue d’une réunion entre les syndicats et l’Union des entreprises de proximité (U2P), la plus petite organisation d’employeurs. L’un des textes jette les bases d’un compte épargne-temps universel (CETU) tandis que l’autre a trait aux reconversions professionnelles. Les protagonistes sont parvenus à ce résultat, qu’ils doivent soumettre à leurs instances, sans le Medef ni la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), ces deux mouvements n’ayant pas voulu se joindre aux discussions.

Les compromis trouvés mardi concernent des thèmes que les partenaires sociaux avaient abordés lors de la négociation, infructueuse, « pour un nouveau pacte de la vie au travail ». Après l’échec de ce cycle de pourparlers, dans la nuit du 9 au 10 avril, l’U2P avait proposé d’en rouvrir un autre très vite. Ce que les syndicats ont accepté. Les dirigeants du Medef et de la CPME ont décliné l’invitation, notamment parce qu’elle avait pour objet de parvenir à un terrain d’entente sur le CETU – dispositif auquel ils sont hostiles.

Ce mécanisme, qui fait donc aujourd’hui l’objet d’un projet d’accord, a pour vocation de permettre aux travailleurs de suspendre momentanément leur activité, par exemple pour acquérir des compétences supplémentaires ou pour accompagner un proche. Alimenté par plusieurs canaux (jours de congé non pris, primes…), le compte peut être utilisé à tout moment, même si son titulaire change d’entreprise.

« Droit nouveau »

C’est la CFDT qui est la plus allante sur ce dossier car le CETU correspond à une de ses vieilles revendications. Le texte ficelé mardi « est une vraie satisfaction », a commenté Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la centrale cédétiste. « Ce n’est peut-être pas révolutionnaire », a déclaré, pour sa part, Eric Courpotin, secrétaire confédéral de la CFTC. Cependant, il s’agit d’un « droit nouveau », qu’il convient de saluer, à ses yeux. Force ouvrière, elle, n’est pas demandeuse, mais pourrait avaliser la mesure. En revanche, la CFE-CGC et la CGT sont très réservées, voire défavorables, et ne devraient donc pas donner leur imprimatur.

Quant à l’U2P, elle considère que le dispositif est de nature à améliorer l’attractivité des sociétés de petite taille. Sa position obéit aussi à un souci de pragmatisme : le CETU étant un engagement de campagne d’Emmanuel Macron qui verra forcément le jour, il vaut mieux, selon elle, que les partenaires sociaux soient forces de proposition plutôt que subir les oukases du législateur.

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Plan social chez Casino, un tiers des effectifs du siège historique supprimés

Dans un hypermarché Casino Hyperfrais, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), en avril 2023.

Un premier suspense a pris fin pour les salariés du groupe Casino. Sans information depuis plusieurs semaines sur l’ampleur de la restructuration, consécutive à la cession de l’ensemble de ses supermarchés et de ses hypermarchés, et à son changement de propriétaire, la nouvelle est tombée, mercredi 24 avril au matin.

La mise en œuvre d’un « large plan de transformation devenu indispensable pour assurer la pérennité du groupe et le redresser (…) impliquerait la suppression nette de 1 293 à 3 267 postes au maximum », a fait savoir Casino dans un communiqué. « Il est vital pour le groupe d’adapter la taille de ses fonctions support dans ses différents sièges ainsi que son réseau logistique », compte tenu de « sa situation financière et de son recentrage sur les magasins de proximité », a précisé la nouvelle direction, et son directeur général, Philippe Palazzi.

Depuis le 27 mars, l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, associé à Marc Ladreit de Lacharrière, le fondateur de la holding Fimalac, et au fonds de dette britannique Attestor, a pris le contrôle du groupe plus que centenaire, au terme d’une restructuration massive de sa dette qui a mis un terme au règne de Jean-Charles Naouri.

« Mise en commun de fonctions support transverses »

Dans le détail, 1 293 postes seraient supprimés dans les différents sièges du groupe, dont 554 à Saint-Etienne, qui emploie actuellement 1 564 personnes. Les repreneurs s’étaient engagés à préserver un maximum d’emplois au siège historique du distributeur. Ils prévoient de mettre en place « une organisation plus intégrée grâce à la mise en commun de fonctions support transverses » de manière à « mutualiser un certain nombre de fonctions qui ne sont pas en contact direct avec les clients dans les magasins », sans en donner les détails.

Lire le récit | Article réservé à nos abonnés Casino : le récit d’une faillite collective

Mais ce chiffre pourrait s’alourdir. Notamment si Casino ne trouve pas d’acquéreur pour les supermarchés et hypermarchés qui n’ont pas encore été cédés. Fin février, 26 points de vente n’étaient pas encore fixés sur leur sort. « A défaut de trouver des repreneurs », Casino prévoit « la fermeture de magasins hypermarchés et supermarchés et de certaines plates-formes logistiques, soit la suppression de 1 974 postes au maximum », a expliqué la direction. Les quelque 300 hypermarchés et les supermarchés qui ont été cédés fin janvier principalement à Intermarché et Auchan, mais aussi à Carrefour, seront progressivement transférés dans les semaines qui viennent. Certains changeront d’enseigne dès le 1er mai.

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