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Plaidoyer pour le short au bureau

S’il est entendu que l’on peut venir au bureau avec les cheveux bleus, un « yoga pant » ou un tee-shirt de Black Sabbath sans susciter un haussement de sourcils, il demeure un tabou stylistique ultime : le short. A vrai dire, en la matière, tout dépend de là où vous travaillez. « Chez nous, c’est très, très mal vu. A part pour les afterworks pétanque. La seule fois où quelqu’un est venu en short, il a failli se faire virer », confie ce cadre de la finance.

Pourtant, le port du short n’est pas interdit par la loi, juste proscrit dans certains secteurs pour des raisons de sécurité ou d’hygiène (des éboueurs de Niort sont mobilisés depuis le 12 juin pour avoir le droit d’en mettre lors des fortes chaleurs). Si le règlement intérieur de votre entreprise n’apporte pas de restriction, vous pouvez donc venir vêtu comme bon vous semble, tant que les tenues sont appropriées et décentes. Si je suis codeur à Barcelone (Espagne), le port du short sera sans doute jugé plus « approprié » que si je travaille à l’accueil d’une entreprise de pompes funèbres à Niort.

Histoire de tremper ma plume dans la plaie vestimentaire, je décide à mon tour de tenter l’expérience. De manière un peu irrationnelle, j’ai l’impression que je m’apprête à faire quelque chose d’extrêmement transgressif, comme si j’avais décidé d’aller travailler tout nu. Exhiber ses mollets poilus dans un environnement où ils n’ont historiquement aucun droit de cité peut revêtir un caractère potentiellement malaisant, pour celui qui les expose comme pour ceux qui les croisent dans leur champ de vision.

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« L’Entreprise robuste » : s’inspirer du vivant pour affronter les crises qui s’annoncent

C’est, pour reprendre l’expression des agronomes Gauthier Chapelle et Pablo Servigne, « l’autre loi de la jungle ». Lorsque les ressources deviennent rares, les êtres vivants s’adaptent en passant de la compétition à la coopération. Sur la banquise, les manchots vont ainsi mettre en place une « thermorégulation sociale, en prenant à tour de rôle la fonction de protection thermique à la périphérie du groupe ». Autre exemple : les champignons symbiotiques échangent, « via les mycorhizes en interaction avec les racines des arbres, (…) vitamines, eau et nutriments, contre des sucres obtenus des arbres grâce à leur photosynthèse ».

Au fil de leur ouvrage L’Entreprise robuste (Odile Jacob, 256 pages, 24,90 euros), Olivier Hamant, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, Olivier Charbonnier, directeur général du cabinet Interface, et Sandra Enlart, directrice de recherche à l’université Paris-Nanterre, explorent les capacités du vivant à affronter des situations de crise – ou plus largement à y être préparé – en faisant preuve de « robustesse ». Ils mettent en lumière, comme nous l’avons vu, son aptitude à coopérer, mais aussi à multiplier les interactions et à donner la « priorité à la circularité ».

Pourquoi, au cœur d’un essai consacré à l’entreprise, s’intéresser ainsi aux péripéties du vivant, animaux et végétaux mêlés ? Parce que, expliquent les auteurs, leurs modes opératoires peuvent être une source d’inspiration précieuse pour les organisations et permettre d’« envisager autrement l’entreprise et le travail ». Une entreprise et un monde vivant qui ont en commun de faire face à un futur incertain, caractérisé par un épuisement des ressources, et qui sera marqué par des « fluctuations socio-écologiques violentes » impliquant « toutes les facettes de notre civilisation – économique, financière, sociale, géopolitique ».

« Terra incognita »

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« Je suis devenue obsolète » : ces seniors contraints de se muer en indépendants

Aude, 47 ans, cumule une maîtrise, trois masters, un doctorat et vingt ans de métier dans l’édition et la traduction. Pourtant, elle est au chômage depuis trois ans, confrontée au « silence » des entreprises. Ayant réalisé la majorité de sa carrière au Canada, c’est en rentrant en France, en 2019, qu’elle entame une « traversée du désert » : 150 candidatures, 20 réponses automatiques, aucun entretien. « On m’a dit que j’étais surqualifiée », lâche la Bretonne, qui n’a pas souhaité donner son nom. Elle a supprimé son compte LinkedIn pour éviter que « le monde entier voie qu’[elle est] au chômage ». « La seule réponse que j’ai eue, c’est pour être professeure d’anglais, raconte-t-elle. J’ai l’impression d’avoir raté ma vie professionnelle. »

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Pour Virginie Rescourio, 48 ans, le choc a été rude aussi. « Je suis devenue obsolète », explique d’emblée cette ancienne directrice marketing chez Dyson – pendant dix-neuf ans –, licenciée en 2020. Il y a trois ans, après un bref contrat dans une société de panneaux solaires, elle décide de se former au numérique pendant quinze mois pour multiplier ses chances d’embauche. Sans succès. « On ne s’entendait pas financièrement, raconte-t-elle. Avec mon expérience, j’espérais un salaire de 100 000 euros par an et, pour une PME, ce n’était pas possible. »

« Un gros coup de jeune »

Les exemples tels que ceux dAude et de Virginie sont légion. Car, en France, dans le monde du travail, les plus de 45 ans sont considérés comme des « seniors ». Un qualificatif qui, pour les entreprises, n’est pas synonyme d’expérience, mais « vu comme un poids », explique Adnan Maâlaoui, professeur au Prince Mohammed Bin Salman College of Business and Entrepreneurship (Arabie saoudite) et auteur de plusieurs études sur l’entrepreneuriat des seniors en France : « Pour les sociétés qui ont comme perspective l’allègement de leur masse salariale, les seniors sont coûteux. » A ce jour, la probabilité d’embauche des personnes de plus de 50 ans est deux fois inférieure à celle des 30-49 ans, et un tiers seulement des demandeurs d’emploi de cette catégorie retrouvent un poste, selon le baromètre du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail publié en décembre 2024.

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Les agents IA, « vos futurs collègues » capables d’accomplir des tâches rébarbatives, se dévoilent

Des étoiles sont projetées sur le mur et le tube Happy, de Pharrell Williams, retentit à plein volume, tandis que les visiteurs, badge pendu au cou, commencent à prendre place dans la vaste salle. Au centre, deux mascottes, dont l’une à l’effigie d’Albert Einstein, sans doute annonciatrice d’idées géniales, se dandinent sous les flashs pour chauffer la salle. En ce 22 mai, au Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris, le groupe Salesforce, en tournée mondiale, fait son show à l’américaine. Les dirigeants du géant du logiciel de la relation client dévoilent, devant un parterre de clients et de partenaires, une plateforme d’« agents IA » que le groupe commercialise déjà.

Ces agents sont des superlogiciels, qui semblent tout droit sortis de vieux classiques de science-fiction. Contrairement aux chatbots (agents conversationnels), où l’humain est toujours « à la barre » – on pose une question et le chatbot répond –, les agents IA (intelligence artificielle) sont, eux, en mesure de réaliser une série de tâches, de plus en plus complexes, de façon autonome, avec peu ou pas de surveillance humaine. Dans le domaine du recrutement, ils peuvent, par exemple, publier des offres d’emploi, compiler des CV, envoyer des relances personnalisées aux candidats, planifier des rendez-vous. De quoi ringardiser, en quelques instants, les ChatGPT et consorts, à peine adoptés par les salariés pour rédiger leurs e-mails ou préparer leurs réunions.

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Les plus de 50 ans laissés à la porte des entreprises

« Désolé, vous ne correspondez pas au profil recherché. » Fabrice Duplat ne compte plus les fois où il a reçu cette réponse. A 56 ans, ce Haut-Garonnais a travaillé en usine comme agent de production dans la grande distribution la majeure partie de sa vie. Il postule à deux offres par jour au moins mais, en dépit de son expérience, aucun employeur ne lui répond positivement. « Passé la cinquantaine, c’est très compliqué, constate-t-il. Le pire est que vous voyez parfois les mêmes offres pendant des semaines. Le magasin à côté de chez moi recherche des employés depuis plus de deux mois et me dit aussi que je n’ai pas le bon profil. Il faut dire que 90 % du personnel a moins de 30 ans. »

A 48 ans, Gérôme Bourdezeau, manageur de projet dans l’événementiel dans la Charente, ne reçoit, quant à lui, que « des réponses copiées-collées, automatisées, de “profil inadapté” », depuis six mois déjà. Et pourtant, ses « exigences aujourd’hui sont beaucoup plus humbles que par le passé », confie-t-il.

Les entreprises françaises ont un problème avec les seniors. Alors que ceux-ci cumulent déjà deux ou trois décennies d’expériences professionnelles précieuses, elles s’en détournent lorsqu’il s’agit d’embaucher. « Les dirigeants d’entreprise nous demandent d’écarter les candidatures à partir de 50 ans – pas directement, bien sûr, c’est plutôt insidieux », témoigne un responsable de ressources humaines (RH), sous le couvert de l’anonymat. Selon les chiffres de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), 25 % des recruteurs redoutent ainsi d’embaucher un candidat de plus de 50 ans.

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Le refus d’être chef est un phénomène plus marqué en France qu’ailleurs

Lancé dans dix pays d’Europe, d’Amérique latine et d’Asie, le baromètre international de Cegos, publié jeudi 12 juin et intitulé « Primo-managers : comprendre et accompagner une population clé pour la performance et la transformation des organisations », porte un double regard sur le sujet. Pour cette étude, l’organisme de formation a sondé 4 271 salariés accédant pour la première fois à des responsabilités managériales et 441 directeurs ou responsables ressources humaines (RH/formation).

Les résultats révèlent notamment que les directions qui proposent à leurs collaborateurs de devenir manageur se voient souvent opposer des refus, et en France plus qu’ailleurs. Dans l’Hexagone, 56 % des responsables RH sondés estiment que les collaborateurs identifiés ne souhaitent pas accéder à un poste managérial, contre 36 % pour les RH de l’ensemble des pays interrogés. Les Britanniques et Américains qualifient ce phénomène de refus de « conscious unbossing ».

Reste à savoir pourquoi ce refus est plus prononcé en France qu’ailleurs. Cela tient-il à l’image peu valorisante du manageur de premier niveau ? Tant dans les sketchs et séries que sur les réseaux sociaux, on se gausse volontiers des « petits chefs », dont beaucoup se trouvent pris entre le marteau de la direction et l’enclume de la base.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les salariés ne veulent plus devenir manageurs à n’importe quel prix

Les spécificités du management à la française y sont aussi pour quelque chose, estime Laurence Ballereaud, directrice de projets chez Cegos : « Nos pratiques apparaissent plus verticales et hiérarchiques que chez nos voisins européens, selon une récente étude de l’IGAS [Inspection générale des affaires sociales]. On peut émettre l’hypothèse que ce chiffre de 56 % n’est pas un rejet de la fonction managériale en tant que telle, mais plutôt une critique du modèle actuel de nos organisations. » D’où la nécessité pour les employeurs d’évoluer plus vite vers un modèle horizontal et participatif qui donnerait envie de postuler à ces fonctions.

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En cas de fortes chaleurs, quid du « confort thermique » pour les salariés au bureau ?

Les métiers de la sidérurgie ou de la verrerie, dans lesquels le salarié est, malgré une automatisation accrue, le plus exposé à la chaleur, sont soumis à de nombreuses règles d’hygiène spécifiques, tel un bilan thermique, une surveillance accrue par la médecine du travail ou encore la mise à disposition d’équipements de protection individuelle contre la chaleur extrême. Autre exemple, il doit être mis à disposition de chaque travailleur, sur un chantier extérieur, au moins trois litres d’eau par jour, tout comme un local ou des aménagements de chantier permettant la protection de la santé.

Avec des températures qui atteignent des records, les employés de bureau peuvent également être concernés. L’augmentation des températures peut provoquer fatigue accrue et déshydratation, et affecter l’activité du salarié (baisse de la vigilance, augmentation des temps de réaction). Elle peut également, notamment dans les locaux organisés en open spaces, être un sujet de conflit récurrent ou être vécu comme une dégradation des conditions de travail, voire possiblement favoriser certains facteurs de risques psychosociaux (augmentation des exigences psychologiques, sentiment de manque de reconnaissance, dégradation des rapports sociaux…). Mais le code du travail ne définit aucune limite de température maximale dans un bureau.

Pour autant, manifestation de l’obligation générale de sécurité qui incombe aux entreprises, une évaluation des risques professionnels liés à la chaleur doit s’inscrire dans la démarche globale de prévention à l’initiative de l’employeur. L’article R. 4121-1 du code du travail impose ainsi à l’employeur de mentionner dans un plan d’évaluation des risques, dénommé « document unique d’évaluation des risques », un inventaire de ces derniers identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise.

L’employeur doit prendre en considération, notamment, les conditions thermiques du lieu de travail afin de mettre en place les mesures de prévention et de protection nécessaires. Le code du travail prévoit que « l’air est renouvelé (…) de façon à éviter les élévations exagérées de température ». L’employeur doit, par exemple, indiquer, dans une consigne d’utilisation, les dispositions prises pour la ventilation et fixer les mesures à prendre en cas de panne des installations.

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La hausse des salaires est-elle une réponse à la pénurie de compétences ?

La publication récente par le ministère du travail de la liste des métiers en tension rappelle que les DRH y sont toujours confrontés, en 2025, alors qu’ils sont en pleine réflexion sur les politiques salariales, avant la mise en œuvre de la transparence des salaires d’ici à juin 2026.

Les DRH réunis le 3 juin à Paris pour les Rencontres RH, le rendez-vous de l’actualité du management créé par Le Monde en partenariat avec l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), ont échangé sur leurs pratiques pour identifier les liens potentiels entre pénurie d’emploi et rémunération.

En préambule, l’économiste et chercheur de l’Institut de recherches économiques et sociales, François-Xavier Devetter, après avoir indiqué que le sujet était difficile à objectiver, en a présenté trois dimensions : « La première, ce sont les emplois vacants, passés de 200 000 en 2013 à 450 000 en 2025 (la moitié dans l’hôtellerie-restauration et le commerce de détail) ; la deuxième concerne les métiers en tension [le nombre d’offres d’emploi est plus élevé que celui des candidats], soit 68 % des métiers (BTP, secteur de la santé). Avec deux situations : d’une part, le manque de formation adéquate pour l’ingénieur informatique ou le médecin, et d’autre part la faiblesse des rémunérations qui expliquent l’insuffisance d’aides à domicile, d’agents d’entretien, d’assistantes maternelles et d’aides-soignantes. » En quantité, l’essentiel de ces métiers est perçu comme non qualifiés.

La troisième dimension, ce sont les difficultés de recrutement : des métiers désignés en 2020 comme « très détendus » par le ministère du travail ne le sont plus aujourd’hui. C’est le cas, par exemple, des agents d’entretien ou des aides à domicile. A chaque fois, à cause des salaires.

« D’abord l’intérêt du poste »

Pour ces métiers, les liens avec les rémunérations sont de trois ordres, selon l’économiste : ce sont tous des métiers à bas salaire horaire, car il y a un problème de reconnaissance des compétences, mais surtout de bas salaire mensuel, car ces métiers sont majoritairement à temps partiel. Enfin, il s’agit de métiers pour lesquels la concurrence entre employeurs ne passe pas par les salaires. C’est la branche professionnelle qui fixe les salaires. Le lien est ainsi établi entre rémunération et pénurie de main-d’œuvre.

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