« La directive européenne sur le devoir de vigilance va bousculer certaines grandes entreprises françaises »

Après bien des péripéties, la directive sur le « devoir de vigilance » des entreprises a été adoptée par le Parlement européen mercredi 24 avril : les firmes ayant plus de cinq mille salariés ou un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros seront considérées, à partir de 2027, comme responsables du respect de l’environnement et des droits sociaux chez l’ensemble de leurs sous-traitants réguliers, suivies, à partir de 2029, par celles ayant plus de mille salariés.

Cette directive constitue une extension de la loi française du 27 mars 2017 (loi n° 2017-399). A part l’Allemagne, aucun autre pays de l’Union européenne (UE) ne disposait jusqu’à présent d’un cadre juridique analogue. Cela pourrait a priori donner une longueur d’avance aux grandes entreprises françaises déjà engagées dans cette démarche de vigilance, et qui apprécient que leurs concurrentes européennes soient désormais soumises à des obligations approchantes. Mais l’affaire est plus complexe.

Le gouvernement français, qui s’enorgueillissait que la France ait été pionnière sur la question, a milité en réalité pour réduire la portée de cette directive. Ces réticences s’expliquent par son aspect plus contraignant que la loi française, contrairement à ce qui a souvent été dit. Les décrets d’application qui devaient préciser les conditions de mise en œuvre de la loi française n’ont en effet jamais été publiés, malgré plusieurs rapports appelant à des clarifications.

Bousculer de grandes entreprises françaises

La liste des entreprises concernées n’avait pas non plus été affichée. Plus grave encore, aucune sanction n’avait été prévue en cas de non-respect des obligations de reporting. Une sanction proposée par la justice avait même été retoquée par le Conseil constitutionnel… en raison des imprécisions de la loi !

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De fait, sept ans après le vote de cette loi, certaines grandes entreprises françaises, comme le groupe de BTP Altrad, les boucheries industrielles Bigard ou McDonald’s France, n’ont toujours pas publié les rapports prévus par le législateur pour expliquer comment elles mettaient en action leur devoir de vigilance, avec une cartographie des risques, l’identification de leurs fournisseurs problématiques et les mesures prévues pour améliorer la situation.

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L’autorité judiciaire compétente vient juste d’être désignée. Seul un procès à ce jour a abouti à un verdict. Autant dire que la jurisprudence ne permet pas encore de préciser le cadre et l’envergure des obligations légales. La nouvelle directive européenne va par conséquent bousculer certaines grandes entreprises françaises.

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Emploi des seniors : accord entre partenaires sociaux sans le Medef

Ils voulaient prouver que la démocratie sociale fonctionne, même en l’absence des poids lourds du patronat. Mardi 23 avril, deux projets d’accords ont été bouclés à l’issue d’une réunion entre les syndicats et l’Union des entreprises de proximité (U2P), la plus petite organisation d’employeurs. L’un des textes jette les bases d’un compte épargne-temps universel (CETU) tandis que l’autre a trait aux reconversions professionnelles. Les protagonistes sont parvenus à ce résultat, qu’ils doivent soumettre à leurs instances, sans le Medef ni la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), ces deux mouvements n’ayant pas voulu se joindre aux discussions.

Les compromis trouvés mardi concernent des thèmes que les partenaires sociaux avaient abordés lors de la négociation, infructueuse, « pour un nouveau pacte de la vie au travail ». Après l’échec de ce cycle de pourparlers, dans la nuit du 9 au 10 avril, l’U2P avait proposé d’en rouvrir un autre très vite. Ce que les syndicats ont accepté. Les dirigeants du Medef et de la CPME ont décliné l’invitation, notamment parce qu’elle avait pour objet de parvenir à un terrain d’entente sur le CETU – dispositif auquel ils sont hostiles.

Ce mécanisme, qui fait donc aujourd’hui l’objet d’un projet d’accord, a pour vocation de permettre aux travailleurs de suspendre momentanément leur activité, par exemple pour acquérir des compétences supplémentaires ou pour accompagner un proche. Alimenté par plusieurs canaux (jours de congé non pris, primes…), le compte peut être utilisé à tout moment, même si son titulaire change d’entreprise.

« Droit nouveau »

C’est la CFDT qui est la plus allante sur ce dossier car le CETU correspond à une de ses vieilles revendications. Le texte ficelé mardi « est une vraie satisfaction », a commenté Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la centrale cédétiste. « Ce n’est peut-être pas révolutionnaire », a déclaré, pour sa part, Eric Courpotin, secrétaire confédéral de la CFTC. Cependant, il s’agit d’un « droit nouveau », qu’il convient de saluer, à ses yeux. Force ouvrière, elle, n’est pas demandeuse, mais pourrait avaliser la mesure. En revanche, la CFE-CGC et la CGT sont très réservées, voire défavorables, et ne devraient donc pas donner leur imprimatur.

Quant à l’U2P, elle considère que le dispositif est de nature à améliorer l’attractivité des sociétés de petite taille. Sa position obéit aussi à un souci de pragmatisme : le CETU étant un engagement de campagne d’Emmanuel Macron qui verra forcément le jour, il vaut mieux, selon elle, que les partenaires sociaux soient forces de proposition plutôt que subir les oukases du législateur.

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Plan social chez Casino, un tiers des effectifs du siège historique supprimés

Dans un hypermarché Casino Hyperfrais, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), en avril 2023.

Un premier suspense a pris fin pour les salariés du groupe Casino. Sans information depuis plusieurs semaines sur l’ampleur de la restructuration, consécutive à la cession de l’ensemble de ses supermarchés et de ses hypermarchés, et à son changement de propriétaire, la nouvelle est tombée, mercredi 24 avril au matin.

La mise en œuvre d’un « large plan de transformation devenu indispensable pour assurer la pérennité du groupe et le redresser (…) impliquerait la suppression nette de 1 293 à 3 267 postes au maximum », a fait savoir Casino dans un communiqué. « Il est vital pour le groupe d’adapter la taille de ses fonctions support dans ses différents sièges ainsi que son réseau logistique », compte tenu de « sa situation financière et de son recentrage sur les magasins de proximité », a précisé la nouvelle direction, et son directeur général, Philippe Palazzi.

Depuis le 27 mars, l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, associé à Marc Ladreit de Lacharrière, le fondateur de la holding Fimalac, et au fonds de dette britannique Attestor, a pris le contrôle du groupe plus que centenaire, au terme d’une restructuration massive de sa dette qui a mis un terme au règne de Jean-Charles Naouri.

« Mise en commun de fonctions support transverses »

Dans le détail, 1 293 postes seraient supprimés dans les différents sièges du groupe, dont 554 à Saint-Etienne, qui emploie actuellement 1 564 personnes. Les repreneurs s’étaient engagés à préserver un maximum d’emplois au siège historique du distributeur. Ils prévoient de mettre en place « une organisation plus intégrée grâce à la mise en commun de fonctions support transverses » de manière à « mutualiser un certain nombre de fonctions qui ne sont pas en contact direct avec les clients dans les magasins », sans en donner les détails.

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Mais ce chiffre pourrait s’alourdir. Notamment si Casino ne trouve pas d’acquéreur pour les supermarchés et hypermarchés qui n’ont pas encore été cédés. Fin février, 26 points de vente n’étaient pas encore fixés sur leur sort. « A défaut de trouver des repreneurs », Casino prévoit « la fermeture de magasins hypermarchés et supermarchés et de certaines plates-formes logistiques, soit la suppression de 1 974 postes au maximum », a expliqué la direction. Les quelque 300 hypermarchés et les supermarchés qui ont été cédés fin janvier principalement à Intermarché et Auchan, mais aussi à Carrefour, seront progressivement transférés dans les semaines qui viennent. Certains changeront d’enseigne dès le 1er mai.

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La RATP redéfinit le calendrier pour mettre en place la semaine de quatre jours

Au guichet des services voyageurs de la gare RER de Massy-Palaiseau (Essonne), le 7 mars 2024.

A la gare de Massy-Palaiseau (Essonne), au pied de la passerelle qui voit passer quelque 40 000 voyageurs par jour dans les RER, les trains, ou les bus, Peggy Prunier et Christelle Brigot reçoivent les clients plus tranquillement qu’elles ne l’étaient il y a encore quelques semaines derrière leur guichet « Services ».  C’était avant qu’elles ne rejoignent les 180 volontaires de la semaine de quatre jours.

La RATP a en effet amorcé, le 28 janvier, la première phase d’une vaste expérimentation de nouveaux rythmes de travail pour améliorer l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle de ses agents, et renforcer l’attractivité des métiers. Le RER B et les lignes de métro 5, 7 et 9 se sont associés à l’opération lancée dans trois directions : les services, la maintenance et les ressources humaines.

La semaine « de » ou « en » quatre jours se diffuse doucement dans les entreprises en France. Malgré les retours d’expérience positifs des Etats-Unis et du Royaume-Uni, où les employeurs ont constaté en moyenne une hausse de 15 % de leurs chiffres d’affaires après ce changement d’organisation, seules 5 % des entreprises françaises avaient adopté la semaine de quatre jours, fin 2023, selon l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Ces pionniers, principalement des PME, ont majoritairement fait le choix d’une hausse de l’amplitude horaire du travail sur quatre jours, suivis d’un week-end de trois jours.

« Je suis moins fatiguée »

L’originalité de l’expérience RATP est de redéfinir le calendrier pour mettre en place la semaine de quatre jours à durée de travail inchangée : quatre jours travaillés, suivis d’un classique « week-end » de deux jours (pas forcément le samedi et le dimanche), et l’on recommence sur un cycle de sept semaines dont quatorze jours de repos. Seuls les contrôleurs et les manageurs travaillent vingt minutes de plus par jour, compensées par un repos supplémentaire par cycle.

« Pour les agents postés, la direction s’est attachée à ne pas augmenter leur durée de travail journalière », explique Mireille Majerczyk, responsable de la direction opérationnelle des services et espaces multimodaux (SEM). Des études techniques ont été réalisées à l’été 2023 pour concevoir ces nouveaux roulements. Puis des échanges ont été menés avec les représentants du personnel, qui se sont poursuivis jusqu’en décembre 2023 pour aboutir à un accord, signé le 21 février, pour trois ans, par les syndicats (FO, CFE-CGC et UNSA), mais pas par la CGT. « Notre revendication, c’est la semaine de quatre jours à 32 heures. Et cet accord plus général sur la qualité de vie et les conditions de travail contenait d’autres dispositions sur la déconnexion ou l’exposition à la pollution dans le métro qui ne nous convenaient pas », justifie Bertrand Hammache, le secrétaire général CGT-RATP.

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Sportifs de haut niveau : pas de reconversion sans double projet professionnel

Elle fait partie de ceux qui ont bien su négocier le virage de leur reconversion. Sophie Domenech, ancienne championne d’athlétisme, spécialiste du 400 m, est aujourd’hui consultante en ressources humaines (RH) à l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). « Quand j’ai commencé le sport, mes parents m’ont fort heureusement donné leur feu vert, mais à la condition que je mène des études en parallèle », raconte la jeune femme, qui, la trentaine passée, a repris des études en RH. « A l’époque, mon master portait déjà sur la place à accorder à l’accompagnement professionnel des sportifs de haut niveau (SHN), qui ont le nez dans le guidon et sont concentrés sur la performance. »

Ce sujet est au cœur d’une étude qualitative publiée mercredi 24 avril par l’APEC et réalisée fin 2023 auprès de vingt et un sportifs de haut niveau ayant réussi une reconversion dans un métier de cadre, huit recruteurs de ce type de profil et quatre spécialistes de l’accompagnement professionnel. Elle évoque les difficultés persistantes pour les sportifs de haut niveau à se forger une nouvelle identité professionnelle une fois leur carrière sportive terminée.

Un des moments particulièrement critiques est celui de l’entrée sur le marché du travail, « globalement plus tardive, autour de 30 ans », note Sophie Domenech, ce qui entraîne « un manque d’expériences professionnelles, de stages. » Même si le candidat a voyagé à l’étranger et parle d’autres langues, « cela ne reste pas perçu par les entreprises comme une expérience professionnelle », ajoute-t-elle.

Renforcer les synergies entre les acteurs de la conversion

Nombre des sportifs interrogés par l’APEC font ressortir la difficulté à mener de front un « double projet », et ce, en raison d’une « double charge de travail » et « des formations peu adaptées au rythme d’entraînement et de compétitions ». Ainsi que les résistances de la part des entraîneurs, des clubs et des fédérations, dès lors qu’ils veulent poursuivre des études au-delà du niveau bac + 2. « Ce choix relève du “parcours du combattant” », insistent-ils, évoquant, pour la plupart, une expérience au cours de laquelle ils se sont sentis « isolés » et ont dû « faire face à l’adversité ».

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Afin d’y remédier, l’APEC relève la nécessité de sensibiliser systématiquement les sportifs à leur futur projet professionnel dès la fin du lycée. « C’est possible, à condition que cela soit très bien aménagé, plus personnalisé et adapté, avec du temps en distanciel », note Bertrand Hozé, directeur de l’Union nationale des sportifs de haut niveau.

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A la Banque de France, la « résonance » douloureuse de suicides de salariés

Des drames humains individuels et un malaise collectif. C’est dans un climat tendu que s’est déroulée la réunion du comité social et économique central (CSEC) de la Banque de France, mardi 23 avril. A l’ordre du jour, le rapport d’expertise du cabinet spécialisé Technologia, mandaté en octobre 2023 à la demande des représentants du personnel après trois cas de suicides de salariés de l’institution, dont l’un avait laissé une lettre mettant en cause son employeur.

Cet agent de maîtrise travaillait au sein d’un service de contrôle interne au Centre fiduciaire de Paris-La Courneuve, centre de stockage, de tri et de distribution des billets de banque pour le nord de la France, ouvert en 2019 après la fermeture d’un centre situé dans Paris. La quatrième fermeture de site vécue par cet agent au cours de sa carrière.

Une enquête interne, distincte de l’expertise, a conclu – sans convaincre la direction – à un lien entre le suicide de cet agent et son métier, en évoquant notamment « un contexte de travail hostile ».

Le rapport de Technologia, dont l’objet premier n’était pas de se prononcer sur ce cas, évoque une forte « résonance institutionnelle » des suicides de 2023, confirmée par la médecine du travail. Celle-ci met plus largement en cause l’impact, sur le travail des agents et le climat social, des multiples transformations au sein de l’institution ces dix dernières années.

« La plus grande vigilance » est suggérée

Ces restructurations, que la direction a justifiées par la nécessité d’adapter la banque à l’évolution de ses missions et de remplir celles-ci « au meilleur coût », se sont soldées par une réduction de 26,5 % des effectifs entre 2015 et 2023, à moins de 9 000 personnes. Pour Technologia, cette transformation « a eu des conséquences fortes sur le travail des agents, dans toutes ses dimensions », au point que ces conséquences nécessitent aujourd’hui « la plus grande vigilance ». D’autant que pour le cabinet, le « pacte social » de la Banque mêlant des missions de service public, la « fierté » de travailler dans une grande institution, la sécurité de l’emploi et un modèle social favorable « commence à être remis en cause ».

En toile de fond, une importante évolution de la « sociologie » de la Banque, puisque les effectifs non-cadres ont diminué de 17 % entre 2019 et 2022 pendant que ceux des cadres augmentaient de 10 %, un recours accru aux contractuels, dont le nombre a augmenté de 26,8 % en trois ans, et une politique salariale limitant la progression du point d’indice au profit de « compléments de rémunération » variables.

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L’enseigne Habitat renaît de ses cendres, relancée par la Cafom

Devant un magasin Habitat, à Paris, en 2013.

« Les marques iconiques ne meurent jamais, les affaires non plus, et une marque comme Habitat s’inscrit dans le marbre. » Hervé Giaoui, président de la Centrale d’achat française pour l’outre-mer (Cafom), acteur majeur de la distribution d’équipement de la maison en outre-mer et propriétaire de l’enseigne Habitat jusqu’en 2020, ne manquait pas d’enthousiasme, pour présenter, mardi 23 avril, son plan de relance de la marque.

Et ce, moins de quatre mois après la liquidation par le tribunal de Bobigny d’Habitat Design International et sa filiale Habitat France, le 28 décembre 2023, détenues par le repreneur en série Thierry Le Guénic, dont l’empire est en train de s’effondrer (Burton of London, San Marina, Maison Lejaby…). Le distributeur de meubles et de décoration – 440 emplois et 25 boutiques en France – avait été balayé par le retournement du marché de l’ameublement de milieu de gamme et un manque d’investissement structurel.

« Très rapidement, Habitat reprendra sa place internationale », a promis M. Giaoui, devenant une « marque de luxe abordable », uniquement vendue par Internet sur son propre site, qui « redeviendra marchand avant l’été », et sur la place de marché Vente-unique.com – une société de vente de mobilier en ligne détenue à 67 % par Cafom –, qui pilotera cette opération de renaissance.

« Un bon d’achat »

Cette relance de la marque fondée, en 1964, par le Britannique Terence Conran (1931-2020) était prévisible. Car la Cafom n’avait cédé que l’exploitation du réseau de magasins à Thierry Le Guénic en 2020, en conservant la propriété de la marque dans le monde (hors Royaume-Uni), et concluant avec lui un contrat de prestation logistique à partir de ses entrepôts. Elle a été rendue possible par la reprise, autorisée par le juge, du stock, « évalué à 12 millions d’euros de chiffre d’affaires » pour effacer divers impayés (logistique, royalties…) des sociétés de M. Le Guénic. Et par le rachat des actifs numériques, comme les images des produits, et du site Internet d’Habitat.

Reste à en redorer l’image auprès des clients, dont 8 842, selon les chiffres de M. Giaoui, n’ont pas été livrés de leurs achats et sont devenus créanciers, auxquels il veut « redonner le sourire », grâce à… « un bon d’achat », après étude de leur déclaration à remplir sur le site d’habitat. Le tribunal de Bobigny avait évalué à 9 millions d’euros « l’encours des clients non livrés, qui ont payé un acompte ».

« C’est honteux », déclare Catherine de Rieux, 75 ans, qui avait déboursé 2 400 euros en septembre 2023 dans le centre commercial Westfield Parly 2, dans les Yvelines, pour s’offrir deux canapés, et qui n’envisage « sûrement pas d’y racheter quoi que ce soit ». Désemparée par plusieurs mois de démarches « et de stress » pour finir avec une « déclaration de créance sur Internet », cette retraitée de la presse médicale, « peu informatisée », craint surtout que cela court-circuite l’ensemble de ses demandes d’indemnisation.

Compte épargne-temps universel : un accord entre négociateurs, mais sans le Medef

Plusieurs syndicats sont parvenus, mardi 23 avril, à s’accorder avec une organisation patronale, l’Union des entreprises de proximité (U2P), sur la création d’un compte épargne-temps universel (CETU) et le sujet des reconversions professionnelles, sans les deux autres organisations patronales, le Mouvement des entreprises de France (Medef) et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Le CETU doit permettre aux salariés d’épargner des congés, des RTT et des primes, pour s’en servir plus tard au cours de leur carrière.

Au nom de l’U2P, qui représente les artisans, les commerçants et les professions libérales, Pierre Burban a salué un « très bel accord » sur le CETU et souligné « un certain consensus » sur les reconversions, tandis que le négociateur de la CFDT, Yvan Ricordeau, a fait part d’un avis « positif bien sûr sur le CETU, mais aussi sur les reconversions ».

« Un pari »

L’U2P, organisation patronale minoritaire, a pris l’initiative d’engager une nouvelle négociation sur le CETU et les reconversions professionnelles après l’échec, le 10 avril, des discussions sur le « pacte de la vie au travail ». Après deux séances, les négociateurs sont parvenus à deux textes distincts.

Le premier sur le CETU, devrait avoir l’aval de la CFDT, de la CFTC et peut-être de FO, sous réserve de l’approbation par les instances de ces organisations. La CGT a dit clairement qu’elle ne signerait pas, la CFE-CGC y voyant un système « trop incertain ». Le second, sur les reconversions, a reçu un avis positif de la CFDT, de la CFTC, et de la CFE-CGC, FO reconnaissant « quelques avancées », tandis que la CGT y a vu « un pari ».

Le Medef et la CPME, très hostiles au CETU, n’ont pas assisté aux négociations, jugeant la démarche de l’U2P « déloyale ».

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Le Monde avec AFP

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Assurance-chômage : le gouvernement garde la main face aux partenaires sociaux

Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités de la France, à l’Élysée, à Paris, le 17 avril 2024.

Le gouvernement reste seul maître à bord de l’assurance-chômage. Lundi 22 avril, le ministère du travail a annoncé qu’il prendra, dans quelques semaines, un décret pour déterminer les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi applicables « à partir du 1er juillet prochain ». Cette décision, prévisible, a été justifiée par l’échec récent de la négociation que les partenaires sociaux avaient engagée « pour un nouveau pacte de la vie au travail » – les protagonistes s’étant séparés sur un constat de désaccord dans la nuit du 9 au 10 avril. Le contenu des mesures à venir demeure inconnu à ce stade, mais l’exécutif a très clairement expliqué à plusieurs reprises que les conditions d’octroi d’une allocation seront durcies.

Le choix du pouvoir en place de passer par un texte réglementaire a pour effet de jeter aux oubliettes l’accord que le patronat et plusieurs syndicats avaient conclu, à l’automne 2023, pour refondre les paramètres du régime d’aide aux chômeurs. Cet épisode conforte un peu plus l’emprise de l’Etat sur un organisme de protection sociale qui est théoriquement piloté, de façon paritaire, par les représentants des chefs d’entreprise et des travailleurs, à travers l’association Unédic.

Pour comprendre la genèse de l’annonce de lundi, il faut remonter presque neuf mois en arrière. Le 1er août 2023, Matignon envoie aux partenaires sociaux un « document de cadrage » pour qu’ils négocient sur de nouveaux critères encadrant le versement d’une prestation aux demandeurs d’emploi. C’est un petit événement, car, au cours des quatre années écoulées, l’exécutif avait fait la pluie et le beau temps sur le régime en fixant lui-même les règles. La démarche du gouvernement redonne donc des marges de manœuvre aux syndicats et au patronat, même si elles sont strictement balisées dans la feuille de route transmise par les services d’Elisabeth Borne, alors première ministre.

Un avenant non élaboré

Le 10 novembre 2023, un compromis est trouvé par les trois organisations d’employeurs – le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l’Union des entreprises de proximité (U2P) – et par trois syndicats (CFDT, CFTC, FO), tandis que la CFE-CGC et la CGT décident, elles, de ne pas s’y associer. Le protocole d’accord améliore notamment les droits pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, tout en diminuant la cotisation patronale à l’assurance-chômage.

Il prévoit également d’être complété ultérieurement par un « avenant » qui modifiera les paramètres d’indemnisation spécifiques pour les demandeurs d’emploi ayant au moins 53 ans : les partenaires sociaux veulent statuer sur ce volet, après avoir bouclé une autre négociation – celle « pour un nouveau pacte de la vie au travail », qui traite le sujet du maintien en activité des seniors. Le pouvoir en place accepte ce séquençage un peu alambiqué. Il précise aussi qu’il ne donnera, éventuellement, son feu vert au « deal » du 10 novembre 2023 que lorsque l’avenant en question sera mis au point.

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Boeing : « La notion malavisée de valeur actionnariale peut détruire ce que les entreprises font de mieux »

Depuis un demi-siècle, la maximisation de la valeur pour les actionnaires constitue l’objectif primordial de la gouvernance d’entreprise, en particulier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le vent pourrait néanmoins tourner pour Boeing… Les crashs du modèle 737 MAX de Boeing en 2018 et 2019, qui ont coûté la vie à 350 personnes, auraient dû sonner l’alarme.

Or, c’est seulement après l’explosion d’une porte latérale lors d’un récent vol aux Etats-Unis qu’est devenu évident pour tous un problème fondamental dans la manière dont Boeing est dirigé. Depuis, AerCap – plus grande société de location d’avions au monde et client majeur de Boeing – exige que les objectifs financiers « passent au second plan », afin que l’entreprise puisse se concentrer à 100 % « sur la qualité et les critères de sécurité ».

Egalement cliente, Emirates demande que le prochain PDG de la société soit un ingénieur. Enfin, le plus grand syndicat de Boeing, l’International Association of Machinists District 751, réclame un siège au conseil d’administration afin de « sauver cette entreprise d’elle-même ».

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Depuis de nombreuses années, tribunaux comme économistes considèrent la valeur actionnariale comme le chemin vers une gestion efficace, comme si le fait de se concentrer sur cet objectif unique et de soumettre une entreprise à la discipline du marché garantissait systématiquement les meilleures performances.

Une tâche beaucoup trop complexe

Or, la gestion d’entreprise est une tâche beaucoup trop complexe pour être seulement guidée par le cours de l’action. Chaque jour, les dirigeants d’entreprise doivent prendre des décisions difficiles concernant la manière d’équilibrer judicieusement les objectifs financiers avec la qualité et la sécurité des produits, les conditions de travail, l’impact environnemental, etc.

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La priorité donnée à la valeur actionnariale transforme les entreprises en distributeurs automatiques de billets. Si leurs dirigeants ont adopté ce concept, c’est pour prendre part à des festins lucratifs pour les actionnaires, au travers de stock-options et autres bonus. Et ces canaux de liquidités sont souvent mal alignés avec les performances réelles de l’entreprise. S’ils l’étaient, comment le PDG de Boeing [Dave Calhoun] aurait-il pu partir avec une augmentation de salaire de 45 % après avoir causé autant de dommages à l’entreprise ?

Cette situation n’a pas toujours existé dans l’histoire du capitalisme, au contraire. Au début du XVIIe siècle, une innovation juridique, le « verrouillage du capital » (capital lock-in), a créé une base permettant aux entreprises de mobiliser des capitaux pour des investissements à grande échelle, en privant les investisseurs de la possibilité de retirer leur argent. Grâce à cette base plus stable, les entreprises ont pu emprunter davantage, et le marché des actions est devenu plus liquide, car les nouveaux investisseurs n’avaient pas à craindre le retrait des anciens.

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